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nouvelle, parce que cette mesure s'accorde avec la volonté présumée de l'adoptant.

Ce serait aller au-delà du but qu'on s'est proposé; car si, pour assurer la condition respective de l'adoptant et de l'adopté, l'on a voulu, avec raison, que le premier ne pût donner

Cette présomption de droit ne cessera point si l'adoptant se trouve encore vivant; cependant, et dans ce cas, l'on a cru devoir l'ad-moins, ni le second exiger plus que ce qui mettre à en écarter l'application par une affirmation contraire, faite dans un bref délai. Une considération majeure a dicté cette modification; car quelque juste que soit la présomption légale, et l'on ne saurait envisager sans effroi la situation fâcheuse dans laquelle se trouverait un homme dont la loi viendrait étendre les bienfaits au-delà de sa volonté.

Toutes les passions malheureuses que peut déchaîner un faux calcul ne viendraient elles pas empoisonner sa vie, altérer toutes les douces affections sur lesquelles l'adoption doit reposer, et rendre l'adopté un objet de haine pour l'adoptant?

ART. 5. Quelque petit que doivent être le nombre des adoptants qui useront de l'affirmation permise, cette modification évitera quelques malheurs, sans anéantir, lors même qu'elle aura lieu, tous les droits de l'adopté, qui conservera au moins le tiers de ceux qu'aurait un enfant légitime.

Il y a lieu d'espérer, au surplus, que des hommes qui ne se sont montrés que comme des bienfaiteurs ne deviendront point parjures; et quand la société aurait sur ce point quelques abus à craindre, elle avait à prévenir des inconvénients plus graves et plus nombreux

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pourrait avoir été réglé par conventious antérieures au Code civil, rien ne s'oppose à ce qu'il intervienne entre eux un nouveau contrat plus favorable à l'adopté, une nouvelle adoption accompagnée de tous ses effets, et pour l'accomplissement de laquelle il convient même de dispenser d'une partie des conditions imposées par la loi nouvelle; car dans cette espèce il ne s'agit point de créer, mais de resserrer des nœuds préexistants.

ART. 7. Quelques règles tirées de la loi nouvelle terminent le projet qui vous est

soumis.

Ainsi le droit accordé à l'adopté de porter le nom de l'adoptant, additionnellement à celui de sa propre famille;

L'obligation réciproque entre l'adoptant et l'adopté de se fournir des aliments dans le besoin; Les prohibitions de mariage aux degrés exprimés dans la loi du 2 germinal;

Le droit accordé à l'adoptant de succéder aux choses par lui données à l'adopté, quand celuici meurt sans postérité :

Voilà plusieurs points qui, étant de l'essence du contrat, s'appliquent sans difficulté aux anciennes adoptions comme aux adoptions futures, et n'offrent d'ailleurs aucun embarras dans leur exécution.

Je viens, législateurs, de vous expliquer tout le plan de la loi transitoire qui vous est proposée.

Dans le passage d'un simple principe à des applications précises et à des résultats positifs, il fallait n'établir les présomptions de la loi qu'après avoir respecté la volonté de l'homme et épuisé tous les documents qu'elle pouvait offrir; il fallait même, en l'absence de ces documents, et lorsque la présomption s'élève à l'autorité de la loi, l'accompagner de modifications propres à éviter des froissements fu

nestes.

Guidé par ces idées principales, le projet qui vous est soumis aura atteint son but, si, juste dans ses moyens, il termine sans crise des difficultés dont la solution, depuis long-temps attendue, va fixer enfin le sort de plusieurs milliers d'individus dignes de toute votre solli citude.

EXPOSÉ DES MOTIFS DE LA LOI relative aux Divorces prononcés ou demandés avant la publication du titre VI du Code civil, par M. le Conseiller-d'Etat REAL.

LÉGISLATEURs,

Séance du 18 germinal an x1 (18 avril 1803),

Avant la révolution, la législation française n'offrait aux époux à qui la vie commune était insupportable d'autre ressource que la séparation de corps.

Tous les bons esprits reconnaissaient dès lors l'insuffisance et les abus de cette incomplète institution, mais la législation qui admettait comme dominante et unique une religion dont le dogme consacre l'absolue indissolubilité du mariage ne pouvait accorder davantage.

Un des premiers bienfaits de la révolution a été la liberté des cultes; et l'admission du divorce a été une des premières conséquences de cette liberté. Mais une législation trop facile ouvrit la porte à de nouveaux abus; et cette institution, demandée par la philosophie, ne fut que trop souvent, surtout à sa naissance, un instrument de l'immoralité et un moyen de dépravation.

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Il sait que le législateur qui veut assurer aux lois qu'il propose un respect religieux doit luimême prêcher l'exemple, en maintenant, pour le passé, les effets des lois qu'il réforme pour l'avenir. Donner aux lois réformatrices un effet rétroactif, sous prétexte que les lois réformées consacraient de grands abus, ce serait proclamer que chaque individu ne doit exécuter la loi que quand il aura prononcé lui-même sur sa bonté, ce serait ébranler toutes les transactions, rendre toutes les propriétés incertaines, tous les droits douteux.

suffirait-il pas de consulter les fastes de notre révolution pour la professer, et reconnaître que l'époque où l'effet rétroactif a été introduit daus notre législation civile et criminelle, est une époque de trouble et de désolation, où la fortune, la liberté, la vie de chacun de nous étaient à la merci du plus obscur dénonciateur?

Instruits par l'expérience plus que séculaire Quand tous les jurisconsultes et tous les pude la révolution; méprisant les clameurs et les blicistes ne proclameraient pas avec un admiexagérations opposées de tous les partis; pou-rable ensemble cette consolante vérité, ne vant, dans le silence de tous les préjugés, apprécier l'institution en elle-même, ce que la justice exige, ce que la morale conseille, ce que permettent les mœurs et les habitudes de cette grande nation, vous avez, dans votre séance du 30 ventôse dernier, admis le nouveau projet de loi sur le divorce; et désormais cette institution sagement restreinte et modifiée, environnée de formes sévères, n'aura plus qu'une salutaire influence, et ne se présentera plus que dégagée de tous ses abus.

ART. 1. Il était bien évident qu'en proposant ainsi des restrictions, des modifications nouvelles, qu'en créant de nouvelles formes, le législateur ne disposait que pour l'avenir, et que son intention ne pouvait être d'appliquer au passé la nouvelle loi.

Et certes, pour peu que l'on eût suivi la marche du gouvernement et étudié le caractère de ces institutions, on devait avoir reconnu

C'est sans doute parce que dans ces temps de trouble dont nous sortons à peine, cette vérité, aujourd'hui si religieusement respectée, a été plus audacieusement foulée aux pieds, que vous retrouverez à la tête du Code civil, sous l'article 2, du titre préliminaire, la déclaration suivante, que son évidence devait, ce motif, dispenser de toute publication:

«La loi ne dispose que pour l'avenir; elle « n'a point d'effet rétroactif ».

Et peut-être que cette solennelle profession de foi, peut-être que cette règle de conduite, placée en tête du Code dont la loi sur le

divorce fait partie, pouvait amener à regarder comme inutile la loi transitoire dont le projet vous est soumis. Mais le gouvernement a été instruit que des doutes s'élevaient; que plusieurs bons esprits, en respectant le principe de la non-rétroactivité lorsqu'il s'agissait des autres dispositions du Code, croyaient cependant que ce principe ne devait pas recevoir d'application lorsqu'il s'agissait de la loi du divorce, dont ils s'exagéraient les abus; que d'autres croyaient qu'appliquer la loi nouvelle aux instances introduites n'était pas rétroagir, parce qu'ils pensaient que le droit n'était pas acquis par la demande formée : enfin le gouvernement n'a pu se dissimuler que lorsqu'il s'agit d'une loi sur le divorce, l'intérêt, les passions, les préjugés, les habitudes, des motifs encore d'un autre ordre, toujours respectables par la source même dont ils émanent, présentent, s'il est permis de le dire, à chaque pas des ennemis à combattre (1); que ces mêmes ennemis peuvent reparaître et égarer l'homme faible lorsqu'il s'agirait d'appliquer la loi promulguée; et il a pensé qu'une loi transitoire et spéciale à la question du divorce pouvait seule faire taire tous les intérêts, dissiper toutes les incertitudes, calmer tous les scrupules et enlever tout refuge à la mauvaise foi.

Dans sa disposition générale, le projet de loi que nous vous présentons, appliquant le principe proclamé par l'articles du Code, prononce que le droit résultant de la loi ancienne est acquis à celui qui a usé de ce droit antérieurement à la publication de la loi nouvelle, et qu'il n'est acquis qu'à lui.

Et d'abord il est évident que ce droit, qui ne peut naître que par la demande d'un des époux, n'est, dans l'espèce, acquis qu'à celui qui, par une demande formée, a déclaré qu'il en voulait faire usage. Le silence des autres équivaut à une renonciation formelle; et ils sont soumis à l'empire de la nouvelle ĺoi.

Ce droit est acquis à celui qui a formé la demande, comme tous les droits qui naissent de la disposition des lois, par l'effet de la loi elle-même, qui, on thèse générale, saisit du droit qu'elle donne l'individu qui ignore son existence, et l'en saisit malgré lui.

Dirait-on que, lorsqu'il s'agit de divorce, le droit n'est acquis que par le jugement qui le

(1) Discours du conseiller-d'état Treilhard. Voy.page 57 de ce volume,

prononce, et qu'après que les formalités exigées par la loi ont été remplies? On énoncerait une grande erreur; car enfin ces formalités, ces délais exigés, ce jugement, sont pour le divorce ce que sont les délais, les formalités, le jugement pour les autres actions. Dans l'un et l'autre cas, le jugement ne donne pas le droit, il ne fait que déclarer son existence. Dans l'un et l'autre cas, les délais, les formalités qui précèdent le jugement, et le jugement luimême, tiennent à la police judiciaire, et sont étrangers à la substance du droit qui dérive de la loi.

Et cette comparaison est toute à l'avantage de l'action en divorce, parce que le jugement à intervenir sur toutes les autres actions est toujours problématique, toujours indépendant de la volonté de celui qui a dirigé l'action, et très-souvent contraire à cette volonté, au lieu que dans l'action en divorce, au moins dans celle qui avait pour motif l'incompatibilité, la volonté du demandeur était la règle unique de l'acte qui terminait la procédure: les délais, les formalités les formalités, les assemblées de parents, n'étaient que des moyens tendant à conciliation; ils ne pouvaient rien contre la volonté continuellement manifestée, qui recevait à la fin son exécution: de telle manière que l'acte qui couronnait toute cette procédure n'était pas même un jugement prononcé par un tribunal, mais une déclaration admise par un

officier de l'état civil.

Qui oserait nier que dans une pareille espèce, l'application de la loi nouvelle à la procédure introduite d'après le droit ancien, ne fut un effet rétroactif évident?

Et quel en serait le résultat? la réunion forcée de deux êtres dont l'un a déclaré solennellement une haine, une guerre éternelle à l'autre; qui n'a fait ceite solennelle et irrévocable déclaration que sous la foi qu'elle serait admise; qu'elle ne pourrait en aucune manière être rejetée ou éludée. Certes, celui des deux époux qui, par l'effet rétroactif donné à la loi nouvelle, rentrerait sous le joug de l'époux qu'il aurait aussi grièvement offensé, ne pourrait-il pas avec raison reprocher au législateur de lui avoir tendu un piége affreux? Sans votre loi, pourrait-il dire, sans l'assurance que ma volonté une fois manifestée serait admise, je me serais bien gardé de former une demande en divorce, j'aurais supporté mes peines sans me plaindre, et je n'aurais pas ajouté à tous

les chagrins qui empoisonnaient ma vie, ce tort irréparable, irrémissible, résultant de la demande que j'ai formée.

bus graves; mais cette disposition était peutêtre nécessaire pour corriger d'autant la funeste facilité avec laquelle la loi permettait le divorce. La loi nouvelle qui a réformé tous les abus, la loi nouvelle qui a rejeté le motif d'in

divorce de barrières que le caprice et la légèreté ne pourront plus franchir; cette loi qui ne veut pas qu'on se joue du divorce parce qu'elle ne veut pas qu'on se joue du mariage, a prononcé que les époux une fois divorcés ne pourraient plus se réunir.

Observez, législateurs, que si l'effet rétroactif pouvait ainsi anéantir l'effet des demandes introduites et qui ne sont pas jugées, il pour-compatibilité d'humeur, et qui a environné le rait, par une conséquence nécessaire, anéantir l'effet de tous les jugements qui ne sont point passés en force de chose jugée; tous les jugements par défaut, si les délais pour former opposition ne sont point expirés; tous les jugements contradictoires si l'on est encore dans les délais pour l'appel. Calculez tout ce que d'une part la vengeance et de l'autre la crainte pourraient alors enfanter de procès, de troubles, de désolation.

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La loi nouvelle et la loi ancienne placent l'adultère au nombre des causes déterminées de divorce: mais la loi nouvelle inflige une peine de détention dont ne parlait pas la loi ancienne. Si donc une demande en divorce fondée sur ce motif, introduite avant la publication de la loi nouvelle, était aujourd'hui pendante devant les tribunaux, et si l'on appliquait â la contestation la loi nouvelle, le jugement infligerait à un délit commis antérieurement à la loi la peine prononcée par cette loi, c'est-à-dire introduirait l'effet rétroactif dans l'application des peines.

La loi ancienne permettait aux époux divorcés de se réunir par les liens d'un nouveau mariage. Cette disposition était la source d'a

Régler par la loi nouvelle les droits résultant des jugements qui, sous l'empire de l'ancienne loi, ont prononcé le divorce, serait consacrer une grande injustice.

On ne peut nier d'abord que l'on donnerait à la loi nouvelle un effet rétroactif évident; il faut reconnaître ensuite qu'on appliquerait à une loi trop facile des dispositions qui ne conviennent qu'à la loi devenue plus sévère: ce serait ne conserver de la loi ancienne que les abus, et la priver du seul moyen qui reste d'en diminuer le nombre.

A ces motifs tirés du droit et de la nature des choses, il faut en ajouter un autre non moins important, puisé dans les circonstances et les événements de la révolution. Le gouvernement n'a pu se dissimuler que sous la foi d'une réunion permise par la loi, quelques époux, séparés par la tempête révolutionnaire, n'ont eu recours au divorce que pour arracher leur fortune à la dévastation; plusieurs d'entre eux se trouvent encore momentanément dans

l'impossibilité de renouer des liens que la prudence seule avait brisés : la morale publique repousse l'idée d'éterniser une pareille séparation, et la loi conservera les noms et les droits d'époux à ceux que le gouvernement juge dignes de recouvrer enfin les titres et les droits de citoyens.

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EXPOSÉ DES MOTIFS DE LA LOI relative au mode de réglement de l'Etat et des Droits des enfants naturels dont les pères et mères sont morts depuis la loi du 12 brumaire an 2, jusqu'à la promulgation des titres du Code civil sur la Paternité et la Filiation, et sur les Successions, par M. le Conseiller-d'Etat TREilhard.

LÉGISLATEURS,

Séance du 9 floréal an x1 (29 avril 1803).

Le projet dont vous venez d'entendre la lecture ne présente que trois articles: le premier seul exige une explication.

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ART. I. « L'état et les droits des enfants • naturels dont les pères et mères sont morts « depuis la promulgation de la loi du 12 bru« maire an 2, jusqu'à la promulgation des « titres du Code civil sur la paternité et la 'filiation, et sur les successions, seront réglés de la manière prescrite par ces titres. » La première question qui se présente est celle de savoir si les lois antérieures avaient déjà prononcé sur cet objet. S'il existe en effet sur ce point quelque disposition légale, nous n'avons plus à nous en occuper; si au contraire nous ne connaissons pas de règle qui ait fixé l'état et les droits des enfants naturels dont les pères et mères seraient morts depuis le 12 brumaire de l'an 2, on ne peut trop se hâter d'en faire une. Celle que nous proposons est sans contredit la plus juste, la plus naturelle, la seule même qu'on puisse raisonnablement présenter. Si, comme on ne saurait en douter, vous avez réglé avec sagesse les droits des enfants naturels sur les successions à venir, pourquoi feriez-vous un réglement contraire pour les droits encore indécis sur les successions ouvertes par le passé?

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Nous n'avons donc ici qu'un fait à vérifier: existe-t-il ou non une disposition sur l'état et les droits des enfants naturels dont les pères et mères sont morts depuis la loi du 12 brumaire an et antérieurement à la publication du Code? Ceux qui supposent l'existence d'une loi sur cette matière la trouvent, ou, pour parler plus juste, la cherchent dans un décret de la convention du 4 juin 1793, et dans la loi même du 12 brumaire.

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Examinons actuellement les dispositions de la loi du 12 brumaire.

L'article premier est ainsi conçu :

<< Les enfants actuellement existants, nés «hors mariage, seront admis aux successions « de leurs pères et mères ouvertes depuis le « 14 juillet 1789.

« Ils le seront également à celles qui s'ouvriront à l'avenir sous la réserve portée par l'article 10 ci-après. »

Ainsi l'article distingue très - expressément les enfants actuellement existants, et les successions ouvertes depuis le 14 juillet 1789, des enfants qui pourront naître, et des successions qui s'ouvriront à l'avenir.

Les enfants naturels actuellement existants sont admis par le premier paragraphe aux successions déjà ouvertes; ils ne sont admis aux successions qui s'ouvriront à l'avenir, que sous les réserves portées en l'article 10 ci-après: il faut donc pour connaître leurs droits recourir à l'article 10.

Les articles 2 et suivants règlent le mode de successibilité des enfants naturels dans les successions déjà ouvertes, ainsi que la manière dont ils pourront constater leur état, et leurs droits dans ces successions.

Vient enfin l'article 10, qui doit prononcer sur les successions non encore ouvertes, et sur

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