Page images
PDF
EPUB

d'ailleurs, même avec quelque modification favorable, dans la théorie générale qui règle les obligations de tout mandataire salarié.

En arrivant aux matelots, vous remarquerez sûrement, messieurs, avec intérêt, que par l'article 252 leur sort est amélioré dans le cas

où, étant loués au mois pour un voyage déterminé, le voyage déjà commencé est rompu par le fait des propriétaires ou du capitaine.

L'article 252 du titre de l'engagement de l'ordonnance, contenait, à cet égard, des dispositions discordantes, et telles que le matelot loué au mois pouvait se trouver exposé à recevoir de moindres loyers si la rupture arrivait après le voyage commencé, que dans le cas où elle aurait eu lieu avant le voyage. Le quatrième paragraphe de l'article 252 du projet, fait disparaître cette contradiction et redresse le tort qui était fait aux matelots; il leur est alloué la moitié de leurs gages pour le reste de la durée présumée du voyage, et des moyens de retour chez eux. Cette disposition parait concilier ce que prescrivent en leur faveur l'humanité et la justice, avec les justes ménagements dus aux intérêts des propriétaires de navires, qui ne peuvent en pareil cas se séparer de l'intérêt même de la navigation.

L'addition portée à l'article 298 du projet est susceptible de quelque examen.

[ocr errors]

Cet article suppose que le capitaine ait été obligé de vendre des marchandises pour subvenir aux besoins pressants du navire et prescrit que, si le navire se perd, le capitaine tiendra compte de ces marchandises sur le pied qu'il les aura vendues, en retenant le fret porté aux connaissements.

L'ordonnance n'avait rien statué, à cet égard, dans le cas de la perte du navire. Les commentateurs professaient une doctrine contradictoire les uns considéraient les marchandises vendues avant la perte, et pour subvenir aux besoins du navire, comme le sujet forcé d'un contrat à la grosse, et en refusaient le paiement; les autres accordaient ce paiement, en les regardant comme sauvées, puisqu'on en avait disposé avant que le navire eût éprouvé aucun événement sinistre. Il a fallu se fixer sur ce point. Il a paru équitable de penser que les marchandises vendues pour subvenir aux besoins du navire, 'constituaient un titre de créance en faveur de leur propriétaire ; que dès-lors elles avaient

cessé d'être en risque; que le capitaine et les propriétaires du navire, qui étaient chargés de pourvoir à ses besoins, avaient contracté une dette individuelle en appliquant ces marchandises à l'accomplissement de leur devoir personnel; qu'en pareille circonstance, un contrat à la grosse ne saurait, par sa spécialité, être présumé ni supposé; qu'il serait étrange de vouloir considérer comme perdues les marchandises vendues avant la perte du navire, tandis qu'elles auraient pu être sauvées dans la circonstance même du naufrage; qu'enfin, le propriétaire de ces marchandises vendues, si elles ne lui étaient pas payées par le capitaine, se trouverait dépouillé sans pouvoir exercer aucun recours contre ses as◄ sureurs, qui ne seraient pas tenus au remboursement, puisqu'il n'y aurait pas eu d'objet de risques à bord lors du naufrage, Ces réflexions ont conduit à la disposition exprimée au second paragraphe de l'article 298. En substituant dans les articles 306, 307 et 308, un dépôt en mains tierces, et le privilége du capitaine pour son fret sur les marchandises déposées, à la faculté d'arrêter et de saisir ces mêmes marchandises, que lui donnait l'ordonnance, nous avons adopté une mesure qui paraît mieux assortie aux formes conciliatrices du commerce.

Cette mesure conserve les intérêts du capitaine qui a le droit d'être payé de son fret, avant de livrer irrévocablement son gage, en même temps qu'elle pourvoit aussi à la sûreté du consignataire, qui, avant de payer le fret, a le droit à son tour de reconnaître l'état des marchandises qui doivent lui être délivrées.

Tels sont, messieurs, les principaux changements faits à l'ordonnance de 1681; dans les buit premiers titres de la loi que nous vous présentons.

Des modifications plus légères, des transpositions, des différences de simple rédaction se justifient par elles-mêmes, et leur utilité, quoique tout à fait secondaire, n'échappera pas à votre sagesse.

En adoptant ce projet, vous seconderez, messieurs, les vues paternelles et les intentions bienfaisantes du héros qui se plait à entrelacer à l'olivier de la paix les lauriers qu'il a cueillis, qui ne régénère toute la législation commerciale, et ne veut la liberté des mers que pour la prospérité de ses peuples et pour celle du commerce.

TITRES IX ET X.

Des Contrats à la grosse.

Des Assurances.

Décrétés le 15 septembre 1807; -Promulgués le 25 du même mois.

[ARTICLES 311 à 396.]

EXPOSÉ DES MOTIFS par M. le Conseiller-d'État CORVETTO. Séance du 8 septembre 1807.

MESSIEURS,

Les contrats à la grosse aventure et les assurances forment le sujet des titres IX et X du livre qui vous est présenté.

Ces contrats se ressemblent sous bien des rapports.

Dans l'un, dit un écrivain éclairé, le donneur est chargé des risques maritimes, et dans l'autre, c'est l'assureur.

Dans l'un, le change nautique est le prix du péril, et dans l'autre, la prime est le prix des risques maritimes.

Le taux de cette charge ou de cette prime est plus ou moins haut, suivant la durée et la nature des risques.

Cette analogie influe sur leur essence. Ils sont régis dans leurs effets par les mêmes principes: ils ne sauraient être, ni l'un ni l'autre, des moyens d'acquérir: ils ont pour base un risque réel ils n'ont pour but que de relever le preneur de la restitution de la somme empruntée et d'indemniser l'assuré d'une perte intrinsèque et réelle, en cas d'accident malheureux : ils contribuent par-là, quoique dans une proportion bien différente, à la prospérité du commerce maritime.

C'est en suivant ces principes que vous apprécierez, messieurs, le projet qui concerne ces contrats. Ici encore l'ordonnance de 1681 a éclairé nos travaux, et nous nous bornerons à vous indiquer avec soin les cas, extrêmement rares, dans lesquels il nous a paru nécessaire d'en suppléer ou d'en changer les dispositions. Je vais parcourir rapidement une matière dont tant d'habiles jurisconsultes, tant de commerçants instruits ont développé les principes:

heureux si, en tâchant d'être court, je ne deviens pas obscur !

L'article 312 règle les formalités auxquelles les contrats à la grosse doivent être assujétis tant en France qu'à l'étranger : il était important de suppléer ici l'ordonnance.

Un contrat à la grosse emportant privilége, l'existence et l'époque de ce contrat doivent être constatées d'une manière à ne pas exposer les créanciers ordinaires à devenir les victimes d'une supposition collusoire; l'enregistrement au greffe du tribunal de commerce, en France, et l'intervention du magistrat, à l'étranger, nous ont paru remplir un objet si juste et si salutaire.

C'est encore un supplément à l'ordonnance que l'article 313 qui rend tout acte de prêt à la grosse négociable par la voie de l'endossement. L'usage avait prévenu la disposition de la loi; l'intérêt du commerce demandait que cet usage fût adopté; c'était le vœu des écrivains les plus éclairés.

Mais il faut, à cet effet, que le billet à la grosse soit à ordre, sans cela, l'acquéreur ne serait qu'un simple cessionnaire; il serait passible de toutes les exceptions que l'on pourrait opposer à son cédant.

Ici une question assez importante s'est élevée. L'endossement produit une action en gerantie. L'endosseur, qui cautionne le billet à la grosse, répondra-t-il du profit maritime? Son obligation est indéfinie : le profit maritime ne forme que l'accessoire de la somme prêtée; la garantie doit porter sur l'une et sur l'autre. Nous n'avons point partagé cet avis.

Ce n'est pas que l'on puisse contester que

l'endossement constitue un cautionnement, et qu'il donne lieu à une action en garantie; mais il s'agit de voir jusqu'à quel point cette garantie doit s'étendre: elle doit avoir pour limite la somme que l'on reçoit. Le prêteur à la grosse a endossé son billet; c'est-à-dire, il en a fait le transport pour une somme égale à celle qu'il a donnée lui-même, et qui se trouve exprimée par le texte du billet. Il est juste, il est dans l'ordre et dans la nature des choses qu'il cautionne jusqu'à cette somme; mais pourquoi cautionnerait-il pour une somme plus forte? Quel dédommagement recevrait-il pour cette nouvelle garantie? Garant pour la somme qu'il reçoit, il le serait encore, sans motif, de 25 ou 30 pour 100 de profit maritime, qu'il ne reçoit pas et l'équité et la justice semblent repousser cette idée.

la différence des cas, la totalité, ou la partie du navire ou des marchandises. Le contrat étant déclaré nul n'a pu produire aucun effet, ni par conséquent aucun profit maritime. L'option accordée au prêteur n'est qu'une suite naturelle des principes que l'on doit appliquer à cette espèce, et une nouvelle garantie de ses véritables intérêts. En effet, il s'agit de fraude. Ce n'est pas celui-là même qui est en fraude qui pourrait l'alléguer, ce serait le prêteur, à la charge de la prouver. Et si le prêteur préfère de ne point intenter cette action, dont l'instruction pourrait être difficile et le résultat incertain, comment lui en contester la faculté? ce serait, dans la supposition contraire, le condamner, sans exception, aux chances d'un procès qui pourrait tourner à son préjudice; il se trouverait quelquefois compromis ou ruiné par la faveur apparente de la loi.

Il est bien vrai que le prêteur, ne réclamant pas la nullité d'un contrat fait en fraude, pourrait, dans le cas de l'arrivée du navire ou des marchandises, exiger la somme prêtée et le

Mais, tout en adoptant cette opinion, nous avons pensé qu'il était convenable de laisser aux parties la liberté d'une convention contraire; car il est bien à croire que l'endosseur, en courant un risque plus étendu, ne manquerait pas de stipuler en sa faveur une in-profit maritime, quoiqu'il n'eût point couru demnité proportionnée à l'extension conventionnelle de sa garantie.

L'article 3 de l'ordonnance défendait de prendre deniers à la grosse sur le corps et quille du navire, ou sur les marchandises de son chargement au-delà de leur valeur, à peine d'être contraint, en cas de fraude, au montant des sommes entières, nonobstant la perte ou prise du vaisseau.

La rédaction de cet article paraissait incomplète, parce qu'il n'y avait pas de raison pour que l'on n'appliquât pas la disposition relative à la perte ou prise du vaisseau au cas de la perte ou prise des marchandises. Elle paraissait équivoque, parce qu'on ne savait, que d'après l'opinion des commentateurs, si les sommes entières comprenaient ou ne comprenaient pas les profits maritimes. Elle n'était pas assez dans les intérêts du prêteur, parce que, en cas de fraude, on aurait pu penser qu'elle prononçait toujours la nullité du contrat.

Ces considérations nous ont amenés à une rédaction que nous avons cru plus exacte. L'article 316 du projet porte la nullité du contrat, quel que soit l'objet sur lequel le prêt est af fecté; mais cette nullité ne doit être déclarée que sur la demande du prêteur.

L'expression générique des objets sur lesquels le prêt est affecté, comprend, suivant

un risque proportionné; mais cette faveur lui est due d'un côté, d'après ce que nous venons de dire; et cette punition est due, de l'autre, à l'emprunteur qui est en fraude. Celui-ci gagne même à cette espèce de transaction: il rachète, par ce paiement, la honte d'un procès, et le risque d'une condamnation criminelle.

Le développement que je viens de donner à l'article 316 m'impose le devoir de justifier les dispositions de l'article 318, qui rétablit la peine de nullité, sans aucun égard à la demande du prêteur, toutes les fois que le prêt est affecté sur quelqu'un des objets prohibés par la loi.

La différence des deux cas est sensible: l'emprunteur est le seul coupable dans les cas de l'article 316. Ici le prêteur est son complice; car ils connaissaient l'un et l'autre la disposition prohibitive de la loi.

Le prêteur, à la vérité, est le seul puni dans ce cas; car il ne reçoit aucun intérêt de la somme prêtée; et l'emprunteur en a joui, en attendant mais aussi le plus sûr moyen de prévenir les prêts prohibés, est précisément de punir les prêteurs. On ne trouvera point à emprunter toutes les fois qu'il n'y aura qu'à perdre en prêtant.

L'article 319 généralise la défense que l'ordonnance avait rendu partielle, de prêter à la grosse sur les loyers des gens de mer.

Qu'il me soit permis d'entrer ici dans quel ques détails.

On conçoit, disaient les commentateurs de l'ordonnance, de quelle dangereuse influence il serait de permettre aux matelots d'emprunter sur leurs loyers, puisque le gain de leurs loyers les attache autant que la crainte de la mort à la conservation du navire. Et d'abord, n'y aurait-il pas peut-être de l'inconséquence à affaiblir ce motif, en diminuant presque de la moitié, comme le permettait l'ordonnance, l'intérêt du matelot à la conservation du navire?

Mais il faut consulter l'expérience; il faut remonter à des principes.

Les contrats à la grosse sont saus doute nécessaires; mais, en général, ils sont onéreux. Le profit maritime que l'on y stipule est audessus, non-seulement de tout intérêt ordinaire, mais de toute prime d'assurance; et quoique cet intérêt puisse être juste, il n'en écrase pas moins le preneur, toutes les fois que celui-ci n'a pas en vue une spéculation assez lucrative et assez grande pour lui faire espérer un bénéfice extraordinaire. Or, il faut avouer qu'un simple matelot ne se trouve guère dans ce cas : et quand même ce cas se présenterait en effet, quelle somme le matelot pourrait-il tirer d'un emprunt à la grosse, qui n'aurait pour base que quelque chose de moins que la moitié de ses minces loyers? Il essuyerait tous les inconvénients d'un prêt onéreux, sans pouvoir jamais espérer d'en atteindre les avantages.

Mais il y a plus : l'article 4 de l'ordonnance défend les emprunts à la grosse, sur le frêt à faire; et, en consultant l'esprit général de ce bel ouvrage, nous voyons que ses rédacteurs ont exigé partout un risque réellement existant, pour base d'un contrat à la grosse ou d'une assurance. De là, la réduction des contrats, ou même leur annullation en cas de fraude, toutes les fois que le risque est évalué au-dessus de sa réalité. De là, la défense de prêter sur des profits espérés. De là, l'obligation imposée à l'emprunteur et à l'assuré de prouver l'existence d'un risque proportionné à l'emprunt ou à l'assurance. Il s'ensuit que tout prêt ou toute assurance qui n'auraient point pour objet un risque véritable, ne seraient dans le fond qu'une gageure. L'assureur et le prêteur pariraient que le bâtiment arriverait à bon port: l'assuré et le preneur pariraient le contraire. Par ce systême, tout se trouverait renversé. Au lieu d'in

[ocr errors]

téresser tout le monde à la navigation heureuse
d'un navire, ou établirait des intérês contra-
gagner à la
dictoires. L'assuré aurait tout à
perte du navire: en payant une faible prime,
il exigerait le montant de l'assurance: le pre-
neur à la grosse n'aurait, en cas de perte, pas
même de prime à payer. Il est facile de sentir
si
les inconvénients d'un pareil systême; et,
l'on citait en sa faveur quelques exemples, nous
n'hésiterions pas à répondre que ce ne sera cer-
tainement pas en France, et dans une matière
de tant d'importance, que la législation na-
turalisera la fureur du jeu et l'immoralité des
paris.

Il n'y a qu'à faire l'application de ces principes à l'objet qui nous occupe. Le loyer du matelot dépend de l'arrivée du navire, de la durée du service: il n'est par conséquent qu'espéré; il n'existe pas; il n'a pas existé; il ne constitue pas un véritable risque au moment du contrat; il est même impossible de prévoir jusqu'à quel point il existera dans la suite.

Nulle différence dans ce cas entre le frêt à faire par le navire, et le loyer à gagner par le matelot, et si l'ordonnance prescrivait ellemême que le frêt à faire ne pourrait fournir le sujet d'un emprunt à la grosse, comment se refuser à la déduction exacte d'un principe reconnu, quand il s'agit de l'appliquer à bien plus forte raison, aux loyers des gens, dont l'intérêt ne saurait être trop lié à la couservation du navire.

Une observation importante se présente encore sur l'article 331 du projet, et le dernier du titre qui concerne les contrats à la grosse.

S'il y a contrat à la grosse et assurance sur le même navire ou sur le même chargement, l'article 142 (331) établit une concurrence entre le donneur à la grosse et l'assureur sur le produit des effets sauvés du naufrage: il accorde même quelque avantage à ce dernier ; pendant que l'ordonnance accordait au contraire un privilége au donneur à la grosse.

Il est à observer que le contrat à la grosse était, à l'époque de l'ordonnance, bien plus répandu et plus utile qu'il ne l'est de nos jours. Le systême des assurances s'étant amélioré depuis cette époque, les rapports ont entièrement changé. Il serait actuellement impossible qu'un grand commerce subsistât sans assurances, et il serait impossible qu'il subsistat grosse. La long-temps avec les contrats à la raison de la préférence accordée. à cette der

nière espèce de contrat, a donc cessé, et il a fallu rentrer, par une route presque opposée, dans ce même systême d'équité que l'ordonnance avait établi sous des rapports différents.

Nous arrivons, messieurs, au contrat d'assurance, et je touche presque à la fin des observations que je devais vous soumettre.

Il est agréable de reposer un instant l'attention fatiguée sur ce beau contrat, noble produit du génie, et premier garant du commerce maritime.

Les chances de la navigation entravaient ce commerce. Le systême des assurances a paru; il a consulté les saisons; il a porté ses regards sur la mer; il a interrogé ce terrible élément; il en a jugé l'inconstance; il en a pressenti les orages; il a épié la politique; il a reconnu les ports et les côtes des deux mondes; il a tout soumis à des calculs savants, à des théories approximatives; et il a dit au commerçant habile au navigateur intrépide: Certes, il y a des désastres sur lesquels l'humanité ne peut que gémir; mais quant à votre fortune, allez, franchissez les mers, déployez votre activité et votre industrie : je me charge de vos risques. Alors, messieurs, s'il est permis de le dire, les quatre parties du monde se sont rappro

chées.

Tel est le contrat d'assurance. En traçant les dispositions qui le concernent, avec combien de plaisir nous nous sommes renfermés dans le beau systême de l'ordonnance! Elle forme presque, sous ce rapport, le droit commun des nations. Peu de modifications nous ont paru nécessaires; je n'en indiquerai que les plus impor

tanies.

Nous avons exigé, dans l'article 332, l'indication du jour où le contrat d'assurance est souscrit : nous avons même voulu qu'il y fût énoncé si la souscription a lieu avant ou après midi ces dispositions sont nouvelles, et elles n'en sont pas moins nécessaires.

Il est généralement senti combien il est utile de dater le contrat. Les assurances, qui, en couvrant tout le risque, se trouvent antérieures à d'autres qu'on aurait faites sur le même risque dans la suite, annullent ces dernières. L'époque du contrat, le point fixe, l'heure même de cette époque, seraient d'ailleurs nécessaires à établir pour régler les cas où il pourrait y avoir présomption de la nouvelle de l'arrivée ou de la perte du navire au temps de l'assurance; et,

en général, pour régler les droits de tous les créanciers qui pourraient avoir intérêt dans le bâtiment ou dans l'objet assuré.

Il faut convenir que ce raisonnement nous conduisait à imposer le devoir de l'indication de l'heure précise où le contrat serait souscrit. Mais ici, la stricte sévérité des principes a dû s'accommoder aux formes larges et faciles du commerce. On ne saurait, dans la pratique exiger sans beaucoup d'inconvénients une précision plus grande que celle que nous avons demandée.

Nous avons dit à l'article 334 que toutes les valeurs estimables à prix d'argent et sujètes aux risques de la navigation, peuvent former un sujet d'assurance.

Cette rédaction nous a paru répondre avec une plus grande exactitude à l'esprit des articles 9 et 1o de l'ordonnance, qui permettent d'assurer la liberté des hommes, et qui défendent de faire des assurances sur leur vie. La liberté est estimable à prix d'argent; la vie de l'homme ne l'est pas. Cependant il y a une exception à ce second principe; la vie des esclaves de la Guinée est estimable à prix d'argeut, quoique ce soient des hommes; car l'application qu'on leur a faite de la jurisprudence romaine n'est pas allée jusqu'à leur refuser cette qualité. L'ordonnance, en défendant en gé◄ néral l'assurance sur la vie des hommes, paraissait, ou supposer que les nègres ne l'étaient pas, ou prescrire l'assurance sur leur vie. La rédaction du projet écarte toute équivoque.

L'article 348 peut encore, messieurs, fixer votre attention: toute réticence, y est-il dit, toute fausse déclaration de la part de l'assuré, toute différence entre le contrat d'assurance et le connaissement, qui diminueraient l'opinion du risque, ou en risque, ou en changeraient le sujet, annulle l'assurance.

L'assurance est nulle même dans le cas où la reticence, la fausse déclaration ou la différence n'auraient pas influé sur le dommage ou la perte de l'objet assuré.

Quoique cet article soit nouveau, il est moins une addition à l'ordonnance qu'un som maire des principes qu'elle avait consacrés. L'expérience a prouvé, cependant, que cet article, par la disposition surtout de son second paragraphe, pouvait prévenir des discussions spécieuses, qui ont quelquefois retenti dans les tribunaux de commerce.

L'assureur a le droit de connaître toute l'é

« PreviousContinue »