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tendue du risque dont on lui propose de se charger lui dissimuler quelque circonstance qui pourrait changer le sujet de ce risque, ou en diminuer l'opinion, ce serait lui faire supporter des chances dont il ne voulait peut-être se charger, ou dont il ne se chargerait, qu'a des conditions différentes : ce serait en un mot le tromper.

Dès lors, le consentement réciproque, qui seul peut animer un contrat, viendrait à manquer. Le consentement de l'assuré se porterait sur un objet, et celui de l'assureur sur un autre, les deux volontés, marchant dans un sens divergent, ne se rencontraient pas et il n'y a cependant que la réunion de ces volontés, qui puisse constituer le contrat.

La seconde partie de la disposition découle nécessairement de ces principes.

Le contrat n'ayant pas existé, aucune consé

quence, aucun effet n'en ont pu résulter. Dèslors il est indifférent, à l'égard de l'assureur, que le navire périsse, ou ne périsse pas, ou qu'il périsse par une chance, sur laquelle la réticence ou la fausse déclaration n'auraient pas influé : l'assureur serait toujours autorisé à répondre, qu'il a assuré un tel risque, et que ce risque n'a pas existé.

C'est ici, messieurs, que finissent les changements où les innovations importantes que nous avons portés à l'ordonnance: au reste, elle justifie assez notre projet, partout où il se trouve d'accord avec elle: ainsi les dispositions successives du projet ne pourraient présenter que le sujet d'une discussion stérile, et inutilement prolongée.

Nous espérons, messieurs, que vous jugerez digne de vos suffrages cette importante partie du code maritime.

TITRES XI, XII, XIII ET XIV.

Des Avaries, du Jet et de la Contribution, des Prescriptions, des Fins de non-recevoir.

Decrétés le 15 septembre 1807; -Promulgués le 25 du même mois.

[ARTICLES 397 à 436.]

EXPOSÉ DES MOTIFS par M. le Conseiller-d'Etat Maret.
Séance du 8 septembre 1807.

MESSIEURS,

Nous présentons à votre sanction les derniers titres du livre II du Code de commerce, des Transactions maritimes. Ces titres traitent des

avaries, du jet et de la contribution, des prescriptions, des fins de non-recevoir.

Vous y reconnaîtrez l'esprit, et le plus sonvent les termes de l'ordonnance de 1681. Elle est devenue la législation maritime de l'Europe; elle n'a dû éprouver, dans la loi que nous vous présentons, que de légers changements et quelques additions réclamées par l'expérience. C'est donc en quelque sorte plutôt une nouvelle rédaction de l'ordonnance de 1681, qu'une boi nouvelle.

Nous commençons par définir l'avarie en gé néral; nous distinguons ensuite et nous classons les diverses sortes d'avaries; nous appliquons à chaque espèce la disposition qui lui est propre; nous posons enfin les exceptions, et nous établissons les fins de non-recevoir.

Cet ordre, indiqué par l'analyse des idées, nous a paru devoir remplacer avec avantage celui de l'ordonnance, où les articles 1 et 2 sont des définitions, où l'article 3 dispose, où les articles 4, 5 et 6 contiennent des définitions; ce qui rend l'ordre du titre VII pénible et embarrassant.

Ainsi que nous vous l'avons déjà dit, quelques

changements et quelques additions nous ont paru devoir être faits à l'ordonnance.

Cette disposition de l'article 6: Les frais de la décharge pour entrer dans un havre ou dans une rivière, sont avaries grosses ou communes, nous a paru nécessiter une addition. Nous avons examiné s'il y avait avarie grosse ou commune dans tous les cas, et dans celui de la crainte d'un naufrage ou d'une prise, et dans celui où le navire, arrivé dans la rade du port de sa destination, ne peut entrer dans un havre, dans un port, dans une rivière, sans décharger, suivant l'usage, des marchandises dans des alléges. Nous sommes aussi convaincus que l'ordonnance laissait une incertitude qu'il fallait faire disparaître; et la loi dit que ces frais sont avaries communes, seulement quand le navire est contraint à entrer par tempête ou par la poursuite de l'ennemi. La raison en est que, dans ce cas, il s'agit du salut commun du navire et des marchandises qu'il porte; tandis que, dans l'autre, les frais ne regardent que ceux auxquels appartiennent les marchandises chargées dans les alléges.

L'article 8 de l'ordonnance porte : les lamanages, rouages, pilotages, pour entrer dans les havres ou rivières, ou pour en sortir, sont menues avaries. La loi a dû dire, (Art. 406) les lamanages, rouages et pilotages etc., ne sont point avaries, mais ils sont de simples frais à la charge du navire.

Les motifs sont, qu'il est évident, par la nature des choses, qu'il ne s'agit que des frais de navigation qu'on a pu prévoir et calculer à l'avance, et qui, par conséquent, ne sont point des avaries; que, s'il est question de frais extraordinaires, ils sont prévus au n.o 7 de l'art. 400; que, s'il s'agit de dépenses ordinaires, il est plus simple de les faire entrer dans le montant du fret; car c'est là qu'est leur place au surplus, en disposant ainsi, la loi ne fait que confirmer ce qui est établi par l'usage; et en effet, jamais on ne dresse des comptes d'avaries pour de pareils articles; mais, par le connaissement, on convient d'une somme fixe avec le capitaine.

Nous passons à l'article 407 de la loi, qui indique par qui le dommage est payé en cas d'aborda e. L'ordonnance avait statué sur deux cas (articles 10 et 11): l'un, quand l'abordage a été fait par la faute de l'un des capitaines; l'autre, quand il y a doute sur les causes de l'abordage. Il en est un troisième,

quand l'abordage est un effet du hasard qu'on ne peut imputer ni à l'intention, ni à la maladresse, ni à la négligence de personne ; alors c'est un événement dont quelqu'un peut souffrir, mais dont nul ne doit répondre. La loi ajoute en conséquence aux dispositions de l'ordonnance : " en cas d'abordage de na« vires, si l'événement a été purement fortuit, « le dommage est supporté, sans répétition, « par celui des navires qui l'a éprouvé..

Après avoir défini l'avarie en général, après avoir classé les différentes sortes d'avaries, après avoir appliqué à chaque espèce la disposition qui lui est propre, après avoir posé les exceptions, nous sommes arrivés à cette question : Une demande pour avarie sera-t-elle toujours recevable? Nous avons considéré que la demande ne devait point être admise, quand, pour jouir de son effet, il faudrait dépenser en frais autant ou plus que le dommage qu'on obtiendrait, parce qu'alors il n'y avait d'intérêt pour personne, soit à demander, soit à défendre. Cependant, nous n'établissons ce principe que dans les cas où le silence des parties n'aurait pas fait conuaître leurs volontés.

ART. 410, 435 et 430. Tels sont les motifs qui ont déterminé quelques changements et additions au titre des avaries de l'ordonnance. La loi n'en présente aucun d'essentiel au titre du jet et de la contribution et à celui des fins de non-recevoir. A l'égard de celui des prescriptions, nous y avons distingué l'action en délaissement de celle dérivant d'un contrat à la grosse, ou d'une police d'assurance.

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ART. 431. L'action en délaissement est prescrite dans le terme de six mois, à partir du jour de la réception de la nouvelle de la perte, suivant l'art. 373 dont l'un des orateurs qui nous a précédés à cette tribune vous a fait connaître les motifs.

ART. 432. En ce qui concerne l'action dérivant d'un contrat à la grosse et d'une police d'assurance, elle est prescrite après cinq ans, à compter de la date du contrat. Le commerce réclamait ce changement à l'article 48 de l'ordonnance, dont l'exécution a été accompagnée d'un grand nombre de procès, parce qu'il établissait une grande diversité de prescriptions.

Mais si des prescriptions doivent être établies contre les négociants qui négligent d'user

de leurs droits, il était aussi de la justice de dire qu'elles ne pourront avoir lieu que quand il y aura eu cédule, obligation, arrêté arrêté de comple, ou interpellation judiciaire, et c'est ce que veut l'article 434 de la loi.

Le livre dont nous venons de vous faire connaître les dispositions, complète le Code de commerce. Comme les ordonnances de Louis XIV qu'il va remplacer, c'est, environné des trophées de la victoire, qu'il prend sa place parmi les lois, quil vient régler les transactions commerciales d'un peuple dont les rapports de tout genre se trouvent étendus par les armes, par les négociations politiques, et plus encore par cette influence qu'un grand homme exerce sur les nations voisines de son Empire, surtout quand les unes l'ont voulu pour législateur, quand les autres l'ont proclamé leur protecteur.

Par suite de cette augmentation de rapports commerciaux entre le peuple français et les autres peuples de l'Europe, l'action du Code ne sera pas renfermée dans les limites de la France; il peut même devenir une loi commune aux peuples que leur intérêt place dans notre systême de fédération et d'alliance. Notre auguste Empereur l'avait ainsi prévu, quand il a demandé que les dispositions du Code de commerce fussent, le plus possible, en harmonie avec les autres législations commerciales de l'Europe; quand il a demandé qu'on interrogeât tous les intérêts; quand, après avoir confié une première rédaction du Code à des hommes habiles, il l'a fait discuter dans les cours de cassation et d'appel, dans les tribu naux, dans les chambres et dans les conseils de commerce. Nous devons le dire, cette discussion a été honorable pour ceux qui y ont pris part; ils ont été dirigés par le seul sentiment d'améliorer un travail déjà très-recommandable en lui-même.

Les résultats de cette discussion lumineuse

formaient une collection immense; recueillie par les ministres de la justice et de l'intérieur il fallait analyser toutes les observations qu'elle contenait; il fallait les comparer; il fallait profiter de ce faisceau de lumière pour faire à la première rédaction du Code tous les changements que réclamaient les besoins du commerce et l'intérêt national. La commission instituée en l'an IX, ayant rempli sa tâche, se regardait comme dissoute; trois des membres de cette commission, MM. Gorneau, Legras et Vital-Roux, jurisconsultes et négociants éclairés, pleins de zèle, mais surtout forts de leur dévoûment à l'Empereur, sollicitent, des ministres de Sa Majesté, la permission d'entreprendre, à leurs frais, la revision du Code; ces ministres les y autorisent; ils font plus ils les y encouragent. Bientôt, ils se livrent avec ardeur à ce nouveau travail; ils accroissent leurs lumières de celles de MM. Vignon et Boursier, de celles qu'ils trouvent dans les auteurs français, dans la législation des autres peup'es de l'Europe; ils s'établissent juges impartiaux d'on ouvrage auquel ils avaient pris tant de part; ils mettent ainsi Sa Majesté à même d'ordonner, en l'an XI, l'impression du Code de commerce, revisé, lequel a servi de base aux méditations du ministre de l'intérieur, aux discussions du Conseil d'état.

Si le sentiment de la reconnaissance nous a déterminés à vous désigner ceux qui nous ont plus particulièrement aidés à répondre au vœu de Sa Majesté et du commerce, qu'il nous soit permis d'exprimer le même sentiment à ceux d'entre vous, messieurs, qui ont éclairé de leurs lumières les cours, les tribunaux et la chambre de commerce dont ils sont membres.

C'est cette réunion de lumières qui a produit le Code de commerce; il n'est l'ouvrage de personne en particulier : c'est une sorte de monument national élevé par le concours de tous les hommes éclairés de l'Empire.

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CODE DE COMMERCE.

LIVRE III.

DES FAILLITES ET DES BANQUEROUTES.

Décrété le 15 septembre 1807; -Promulgué le 22 du même mois.

TITRES I A V.

[ARTICLES 437 à 614.]

EXPOSÉ DES MOTIFS par M. le Conseiller-d'État SEGUR. Séance du 3 septembre 1807.

MESSIEURS

L'EMPEREUR a établi et porté au plus haut degré la réputation de nos armes; il a fait renaître la justice dans nos lois, l'ordre dans notre administration; il veut plus encore, il veut ressusciter la morale publique, parce qu'il sait que sans elle les nations qui jettent le plus d'éclat n'ont point de grandeur réelle, de puissance solide, de prospérité durable: nous avons assez de gloire, il nous faut des

mœurs.

C'est dans cette vue qu'il nous charge de vous présenter une loi sévère: son titre suffit pour vous faire connaître son importance; c'est une loi sur les faillites et les banqueroutes. Malheureusement, cette loi répressive est devenue un besoin public; l'indignation générale l'appelle, le vœu universel l'attend, tout ce que la France renferme de négociants honnêtes la réclament; et peut-être, pour la première fois, on serait tenté de croire que la vigilance infatigable de notre souverain, qui, jusqu'à présent, a prévenu tous les vœux du peuple français, n'a fait aujourd'hui qu'y répondre.

Mais vous le sayez comme nous, messieurs,

celui qu'on noubliera jamais et qui jamais n'a rien oublié s'est occupé sans relâche, depuis plusieurs années, de cette partie importante de la législation.

Un projet de Code de Commerce, rédigé en l'an IX, par des hommes habiles, contenait déjà des remèdes salutaires pour les maux dont on se plaignait, et semblait offrir un frein suffisant pour arrêter le scandale public de ces banqueroutes audacieuses et répétées, qui laissaient tant de coupables sans honte, et tant de victimes sans ressources et sans vengeance; cependant la voix publique y demandait plus de sévérité.

Mais personne ne sait mieux que Sa Majesté, combien il faut de rapidité pour faire de grandes conquêtes et de lenteur pour faire de bonnes lois plus les maux sont grands, plus il faut que le législateur se méfie de l'indignation qu'ils lui inspirent. Un acte d'administration peut être rigoureux sans danger; cet acte n'est que pour un temps : la loi est pour toujours; elle doit s'appliquer non à une circonstance mais à toutes; non à une capitale où le luxe relâche la morale, mais

à l'étendue des provinces d'un immense Empire, où les bonnes mœurs sont encore respectées; cette loi doit encourager la probité, secourir le malheur, corriger l'inconduite et punir le crime; elle doit être indulgente pour les uns, inexorable pour les autres, juste pour

tous.

Pour mieux connaître la vérité, l'Empereur a voulu nous environner de lumières : le projet de Code a été envoyé à toutes les chambres, à tous les tribunaux de commerce, à toutes les cours, à tous les tribunaux de France; leurs observations sur ce projet ont été imprimées. Le Code a été modifié par les premiers rédacteurs, d'après ces observations; et, depuis plusieurs années, le conseil d'état s'est occupé, pour obéir aux ordres de Sa Majesté, à comparer ensemble ce projet de Code et ces observations avec les anciennes ordonnances et les lois des nations les plus commerçantes de l'Europe.

Nous vous offrons aujourd'hui le résultat de ce travail, avec d'autant plus de confiance, qu'il est le fruit de longues discussions éclairées par l'expérience de tout ce que notre pays renferme de négociants honnêtes et d'habiles magistrats.

Chargé particulièrement de vous présenter le troisième livre de ce Code, qui traite des Faillites et des Banqueroutes, je vais, le plus rapidement qu'il me sera possible, vous en développer le systême, et vous rendre compte des motifs qui nous l'ont fait adopter.

Pour remédier aux désordres qui depuis quelques années ont si scandaleusement flétri le commerce en France, il fallait d'abord en reconnaître les véritables causes. Il en existe deux principales. La première, c'est la révolution, qui, par son mouvement violent, bouleversant les hommes, les fortunes, les classes, offrant aux espérances comme aux craintes les plus déréglées des chances sans bornes et des abîmes sans fonds, mettant à la place de l'argent un papier dont le cours forcé et la chûte rapide ne laissait à rien de valeur fixe, et de crédit réel à personne, a ouvert un champ libre anx calculs de l'avidité et aux spéculations de la mauvaise foi.

Les faillites, loin d'être un sujet de honte, étaient devenues un moyen de fortune, dont on prenait à peine le soin de déguiser la source; et si ces nombreuses banqueroutes n'étaient pas toujours l'ouvrage de la fraude, elles étaient

au moins celui de l'ignorance, parce que tout le monde voulait faire le commerce, sans rien savoir de ce qu'exige cette profession.

Le remède au mal que je viens de décrire est dans le temps; déjà l'on en ressent les heureux effets: le retour de la tranquillité publique, la sage fermeté du gouvernement, la disparition du papier, le rétablissement du crédit, remettent peu à peu les choses dans leur cours ordinaire, et les hommes dans leur ordre naturel; le honteux agiotage disparaît; les professions se classent; les liens se resserrent, et l'honneur national achevera bientôt de dissiper tout ce qui peut rester encore de cette déplorable anarchie.

Ainsi, cette première cause des désordres de notre commerce, n'a dû influer que faiblement sur le travail dont nous étions chargés, puisque, pour ainsi dire, elle cesse d'elle-même d'agir.

La seconde cause plus durable du fléau des banqueroutes, vient de l'imperfection des lois.

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Nous ne prétendons pas ici atténuer la juste estime due aux ordonnances de Louis XIV, et aux travaux immortels de Colbert; l'ordonnance de 1673 était une loi sage et suffisante pour le temps où elle a été rendue: on commençait alors, en France, à s'occuper du commerce; il était, pour ainsi dire, à son berceau : tout ce qui vient de naître veut des règles simples. Üne très-faible partie de la population française se livrait au commerce; les mœurs des négociants étaient pures; la marche des affaires était lente; le cours des spéculations était borné. Depuis cette époque, le commerce, par des progrès rapides, a changé les mœurs des hommes et les destins des états, et, transportant le sceptre de la domination là où il établissait la puissance du crédit, il est devenu un des plus grands objets de l'étude des législateurs et l'ambition des peuples.

Cette étendue, cette importance, cette activité du commerce exigent à présent une législation plus prévoyante et qui offre plus de garantie: la réflexion suffit pour le faire sentir, et une triste expérience l'a démontré.

Nos anciennes lois s'étaient bornées à prescrire au débiteur failli des formes dont l'exécution était sans danger pour lui; la contrainte par corps était la seule garantie des créanciers.

Les transactions se faisaient sans aucune surveillance de l'autorité publique; elle ne se montrait que pour sanctionner des traités surg

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