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CODE PENAL.

LIVRE III, TITRE I, CHAP. III.

ou non armées, il convenait de bien fixer le | grave, mais dont la solution pourtant a été
caractère de celles qui, au premier aspect,
semblent mixtes, et où les rebelles sont en
partie armés et en partie sans armes.

ART. 214. Ces cas sont fréquents, et le projet de loi règle que la réunion armée sera celle où trois personnes au moins porteront des armes ostensibles.

Cette règle est juste, et les individus non armés ont au moins à s'imputer de s'être placés sous la protection ou la bannière de ceux qui avaient des armes.

ART. 213.-Il convient, au surplus, de remarquer que si la rebellion dont on traite en ce moment, dirigée contre les agents de la force publique en fonctions, a un objet différent de celui des bandes et attroupements séditieux dout je vous ai entretenu dans votre dernière séance, une telle rebellion pourra néanmoins, comme dans les cas de séditions, n'être suivie d'aucune peine envers ceux des rebelles avec attroupement qui se seraient retirés au premier avertissement de l'autorité : c'est le même motif, c'est la même alliance de l'indulgence avec la politique.

ART. 216.-Pareillement, dans l'espèce présente comme on l'a déjà observé dans l'autre, les crimes individuels commis dans le cours de la rebellion seront distingués du crime même de rebellion, et pourront donner lieu à de plus fortes peines contre ceux qui s'en seraient personnellement rendus coupables, mais ces peines spéciales ne s'étendront pas aux autres rebelles, car si, dans le tumulte qui accompagne ordinairement de telles scènes, il s'est commis sur l'un des points un crime plus grave que celui de la rebellion même, ne serait-ce pas une rigueur poussée jusqu'à l'injustice que d'en appliquer sans distinction la peine à tous les

rebelles.

Sans doute ils doivent tous être punis, mais le crime de rebellion est le seul qui soit commun à tous ; et ceux qui n'ont pas pris part à d'autres crimes spéciaux, n'en sauraient être considérés comme complices.

Après le crime de rebellion, le projet de loi s'occupe des outrages et violences envers les dépositaires de l'autorité et de la force publiques.

Outrages et violences envers l'autorité.
Ici s'est offert un sujet de discussion assez

facile convenait-il de punir les outrages commis, même hors tout exercice de fonctions, de peines de différents ordres, graduées d'après la société ? la simple considération du rang plus ou moins élevé que les personnes outragées tiennent dans

d'une telle idée serait impraticable; qu'en ART. 222. En agitant cette question l'on tarifant les peines selon le rang de l'offensé n'a pas tardé à reconnaître que l'application l'on a reconnu que cela était moins utile que cela irait à l'infini; qu'il faudrait aussi prendre jamais dans un systême qui, assignant à chaque en considération le rang de l'offenseur; enfin, classe de peines temporaires un maximum et privés, d'après la considération due aux perun minimum, laissait à la justice une suffisante latitude pour varier la punition des outrages

sonnes.

outrages qui compromettent la paix publique, Il ne sera donc ici question que des seuls c'est-à-dire, de ceux dirigés contre les foncdans ce cas, ce n'est plus seulement un partionnaires ou agents publics, dans l'exercice ticulier, c'est l'ordre public qui est blessé ; et, ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions; changer de classe et de nature, parce que le délit en, a changé lui-même, et que l'outrage dans un grand intérêt, les peines peuvent dirigé contre l'homme de la loi, dans l'exercice de ses fonctions ou de son ministère, quoique gestes, est beaucoup plus grave que s'il était conçu dans les mêmes paroles ou les mêmes dirigé contre un simple citoyen.

La hiérarchie politique sera, dans ce cas, ministériel, est coupable, sans doute, mais il prise en considération; celui qui se permet des outrages ou violences envers un officier commet un moindre scandale que lorsqu'il outrage un magistrat.

d'intensité, selon qu'elle est commise dans le L'offense envers celui-ci peut même varier sanctuaire même de la justice, ou ailleurs mais toujours à l'occasion de ses fonctions. ART. 223. Dans la classification de ces outrages, on a placé au moindre degré de Péchelle ceux qui sont commis par gestes ou par menaces.

ART. 224, 225, 226. Les paroles outrageantes qui ont ordinairement un sens plus précis et mieux déterminé que, de simples gestes

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Evasion de détenus, recélement de criminels.

Mais parmi les actes de désobéissance à l'autorité publique, l'on peut classer aussi l'évasion des détenus et le recélement des criminels.

ART. 248. Le délit de recélement ne s'appliquera po nt aux proches parents, qui trouvent dans les affections naturelles une excuse que la loi sait apprécier et admettre, mais nulles autres personnes ne pourront, sous prétexte d'humanité, soustraire le coupable à sa punition, ou le prévenu aux recherches de la justice.

ART. 245. L'évasion constitue un délit d'une autre espèce: Considérée dans la personne des détenus eux-mêmes, elle ne saurait être traitée avec rigueur. Le désir de la liberté est si naturel à l'homme, que l'on ne saurait prononcer que celui-là devient coupable, Tome II.

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ART. 238, 239, 240, 241, 242, 243, 244, 246. 246. Ce délit sera plus ou moins grave, selon qu'il résultera de connivence, ou simplement de négligence. La gravité sera aussi mesurée d'après celle du crime ou du délit pour lequel la détention avait eu lieu, car si la peine doit être proportionnée au préjudice que reçoit la société, il est certain que l'évasion d'un homme détenu pour une rixe ne répand point le même degré d'alarme que l'évasion d'un incendiaire ou d'un assassin.

Bris de scellés, dégradation de monuments, usurpations de titres.

ART. 249, 250, 251, 252, 253, 254, 255, 256, 257, 258, 259. Je n'arrêterai point votre attention, messieurs, sur les bris de scellés, dégradation de monuments, et usurpations de titres.

Les dispositions qui regardent ces diverses espèces d'attentats contre la paix publique, se justifient d'elles-mêmes.

J'observerai seulement que la peine du bris de scellés est graduée elle-même sur l'importance des objets qui étaient sous le scellé, et d'après les caractères auxquels la loi attache plus ou moins d'importance.

C'est sans doute une chose utile et juste, que d'appliquer cette gradation toutes les fois qu'elle est praticable, et les dispositions dont je vous ai déjà donné connaissance, ont pu vous convaincre que nulle occasion tendant à ce but n'a été négligée.

Entraves au libre exercice des cultes.

Je vais maintenant vous entretenir des peines que l'on propose d'appliquer aux entraves mises au libre exercice des cultes.

Ce libre exercice est l'une des propriétés les plus sacrées de l'homme en société, et les atteintes qui y seraient portées ne sauraient que troubler la paix publique.

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ART. 260.Nulle religion, nulle secte n'a donc le droit de prescrire à une autre le travail ou le repos, l'observance ou l'inobservance d'une fête religieuse, car nulle d'entre elle n'est dépositaire de l'autorité, et tout acte qui tend à faire ouvrir ou fermer les ateliers, s'il n'émane du magistrat même, est une voie de fait punissable.

ART. 261. Les désordres causés dans l'intérieur d'un temple, ou dans des lieux actuellement servant aux exercices d'un culte, sont aussi un délit qu'il importe de réprimer; l'auteur du trouble est également coupable, soit qu'il appartienne au culte dont les cérémonies ont été troublées, soit qu'il lui soit étranger, car respect est dû à tous les cultes qui existent sous la protection de la loi.

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ART. 262. Le perturbateur sera donc puni, et la peine s'aggravera si le trouble a dégénéré en outrages contre des objets du culte, et si ces outrages ont été commis dans les lieux destinés ou servant actuellement à l'exercice ou au service d'un culte.

Mais ces expressions même indiquent la limite dans laquelle le législateur a cru devoir se renfermer la juste protection due aux différents cultes pourrait perdre cet imposant caractère, et dégénérer même en vexation, ou tyrannie, si de prétendus outrages faits à des signes placés hors de l'enceinte consacrée pouvaient devenir l'objet de recherches juridiques; chacun de nous se rappelle la condamnation prononcée dans le siecle dernier, contre le jeune et malheureux Delabarre, et nul ne voudra que le jet imprudent d'une pierre lancée au milieu des rues et des champs, puisse fournir matière à une accusation de sacrilége.

ART. 263.-Renfermée dans ses vraies limites, la loi n'en sera que plus respectée; elle prononcera une peine sévère et prise dans l'ordre des peines infamantes contre quiconque oserait porter une main téméraire sur le ministre du culte en fonction; mais à moins qu'il n'y ait des circonstances aggravantes, elle ne punira les autres troubles que de peines correctionnelles graduées d'après le scandale qui aura pu en résulter; ce ne sont pas, surtout en matière de trouble de cette espèce, les peines les plus sévères qui seraient les plus efficaces. Après avoir retracé les crimes et délits qui compromettent la paix publique sous le rapport d'une résistance plus ou moins directe à l'action de l'autorité, le projet qui vous est

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ART. 269, 270. Mais ces bandes sont ordinairement recrutées par les vagabonds, et tout ce qui touche au vagabondage trouve naturellement ici sa place. Le projet de loi définit le vagabondage, il l'érige en délit, et lui inflige une peine correctionnelle : toutefois il ne s'arrête point là. Que serait-ce, en effet, qu'un emprisonnement de quelques mois, si le vagabond était ensuite purement et simplement replacé dans la société à laquelle il n'offrirait aucune garantie.

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ART. 271, 272, 273. Celui qui n'a ni domicile, ni moyens de subsistance, ni profession ou métier, n'est point en effet membre de la cité; elle peut le rejeter et le laisser à la disposition du gouvernement, qui pourra, dans sa prudence, ou l'admettre à caution si un citoyen honnête et solvable veut bien en répondre, ou le placer dans une maison de travail, jusqu'à ce qu'il ait appris à subvenir à ses besoins, ou enfin le détenir comme un être nuisible ou dangereux, s'il n'y a nul amendement à en espérer.

Mendicité.

Les mendiants ne sont pas dignes de beaucoup plus de faveur, aujourd'hui surtout que la bienfaisante activité du gouvernement réalise le vœu philantropique de tant d'écrivains distingués, et ouvre, sous le nom de dépôts de mendicité, des asyles où les pauvres infirmes sont nourris aux frais de l'Etat, qui ne leur demandera d'ailleurs que le travail dont ils seront capables.

Quand de tels établissements existeront partout, il ne restera plus de prétexte ni d'excuse à la mendicité; mais jusque-là la crainte de frapper le malheur et l'indigence, exigera quelques ménagements en faveur des mendiants in valides.

ART. 274. D'après ces idées, le projet de loi assujétit sans distinction, à des peines correctionnelles, toutes personnes qui mendient dans des lieux pour lesquels il y a des dépôts de mendicité.

ART. 275, 276.-Dans les autres lieux, on distinguera; et la mendicité, toujours punissable à l'égard des individus valides, ne deviendra un délit à l'égard des autres, qu'autant qu'ils feindraient des plaies, qu'ils mendiraient en réunion, ou qu'ils seraient entrés dans une maison sans permission des personnes qui y

demeurent.

Dans sa prévoyance, le projet de loi a posé aussi quelques règles communes aux vagabonds et aux mendiants.

Dispositions communes aux vagabonds et aux mendiants.

ART. 277, 278, 279. Tout individu de cette qualité appelle une repression plus spéciale, s'il a été saisi travesti ou muni d'armes, de limes ou de crochets ; s'il a été trouvé porteur d'effets d'une certaine valeur, ou s'il a exercé des violences, quelque légères qu'elles soient.

De la part des hommes dont on s'occupe en ce moment, il n'est aucun des signes indiqués qui ne soit propre à porter l'alarme et n'atteste un délit consommé ou prêt à l'être.

ART. 280, 282.-L'ordre public doit s'armer plus fortement contre ceux qui le menacent davantage; et c'est aussi dans ces vues que la marque sera infligée à tout vagabond ou mendiant qui aura encouru la peine des travaux

forcés à temps, et qu'après toute espèce de condamnation à des peines afflictives, ou même simplement correctionnelles, les vagabonds et mendiants seront mis à la disposition de la haute police.

Réflexions générales sur les mises à la disposition de la haute police.

Cette attribution à la haute police est d'une grande importance: restreinte, par les dispositions générales du projet, aux gens sans aveu, et aux individus condamnés à des peines afflictives où au bannissement, ne s'exerçant audelà qu'en vertu de condamnations spéciales et pour des cas bien déterminés, c'est une véritable institution dont le nom, quelque sévère qu'il puisse paraître au premier aspect, doit rassurer et non alarmer les bons citoyens.

La société n'a-t-elle donc en effet aucunes précautions à prendre, lorsque les hommes qui l'ont grièvement troublée rentrent dans son sein; et s'ils ne peuvent trouver sur toute la surface de l'empire un seul citoyen solvable qui veuille cautionner leur conduite future, n'est-ce pas un nouveau degré de suspicion qui s'élève contre eux et autorise, soit à les éloigner d'un lieu désigné, soit à leur prescrire l'habitation d'un autre, soit enfin à les arrêter et détenir s'ils désobéissent?

Eh! quand cette restriction des droits individuels du condamné pourrait être considérée comme une aggravation de la peine principale, elle serait juste encore, puisqu'elle complète la garantie sociale.

Chez un peuple voisin dont la législation, en matière criminelle surtout, a été peut-être trop vantée, quoique souvent digne d'éloges, l'obligation de fournir cette caution a sans doute été portée trop loin, quand la loi a permis de l'imposer, selon les circonstances, à tout partisur l'affirmation assermentée d'un autre citoyen, culier, même domicilié et non repris de justice, touchant le péril auquel celui-ci se prétendrait exposé (1) par suite de paroles ou démarches menaçantes.

Mais s'il y a de graves inconvénients à armer ainsi les citoyens les uns contre les autres, et si une telle législation semble plus propre à répandre du trouble et des inquiétudes qu'à

(1) Des Lois de police et criminelles de l'Angleterre, ouvrage traduit de l'anglais de Blackstone, par Ludot, chap. 1.

les calmer, la scène change lorsque la surveillance légale, spécialement dirigée contre des gens sans aveu, ou repris de justice, a été remise par l'autorité judiciaire, qui a déjà usé du droit de punir, à l'autorité administrative chargée du soin de prévenir de nouveaux crimes.

Dans ce systême, tout se trouve en harmonie, et si cette heureuse innovation n'arrête pas toutes les récidives, elle en préviendra beaucoup, et assurera du moins, par le cautionnement même, une indemnité aux parties qui seraient lésées par un nouveau délit.

Distribution d'écrits, images ou gravures sans

noms d'auteur, imprimeur ou graveur.

Parmi les innovations heureuses du projet de loi, nous espérons que l'on pourra compter aussi les dispositions qu'il a adoptées dans l'intérêt de la paix publique, contre les distributions d'écrits, images ou gravures que l'on ferait paraître sans nom, soit de l'auteur, soit de l'imprimeur ou graveur.

Sans rien préjuger sur les mesures d'un autre ordre que l'on pourrait prendre contre certains ouvrages dont la circulation serait dangereuse, il est dès ce moment, et il a toujours été reconnu, que l'émission d'un ouvrage entraîne une juste responsabilité, toutes les fois qu'il nuit, soit à l'ordre public, soit à des intérêts privés.

Mais l'on n'a pas jusqu'à présent tiré de ce principe toutes les conséquences qui en dérivaient naturellement; la première sans doute est que celui qui imprime ou fait imprimer, doit se faire connaître; car que deviendrait, sans cela, la responsabilité, dans tous les cas où il pourrait écheoir de l'appliquer.

Dans tout systême qui ne dégénérera point en licence, l'on ne saurait se plaindre d'une telle obligation: si l'ouvrage est bon, ce n'est point une gêne sensible; s'il est dangereux ou nuisible, cette obligation devient un frein utile.

Disons donc que la société a de justes et grandes raisons pour connaître celui qui est responsable; si l'auteur timide et modeste n'a pas voulu se nommer, le même motif n'existe pas pour l'imprimeur. L'alternative laissée sur ce point, répond à toutes les objections que l'on pourrait élever dans l'intérêt des lettres.

Ce qu'il importe surtout ici, c'est qu'il y ait

au moins une personne responsable, qu'elle soit connue, et que, par ce moyen, l'on puisse, le cas échéant, exercer toutes les actions ou poursuites que réclamerait l'ordre public.

Ainsi, puisqu'il est utile que tout ouvrage littéraire porte le nom de son auteur ou de l'imprimeur, la loi peut l'ordonner; et, par une juste et immédiate conséquence de cette première disposition, elle pourra prohiber la distribution de tous ouvrages qui ne seraient point revêtus de ce caractère.

ART. 283, 284. -Si donc on colporte un ouvrage sans nom d'auteur ni d'imprimeur, le colporteur pourra être immédiatement saisi et, pour cette seule contravention, puni de peines correctionnelles réductibles toutefois à des peines de simple police, s'il révèle les personnes qui l'ont chargé de la distribution.

ART. 289. Par cette voie, l'on remontera ordinairement jusqu'à l'imprimeur, et de celuici même jusqu'à l'auteur, sur lequel pesera toujours la plus forte peine, lorsqu'il sera décou

vert.

ART. 285. Cette peine cependant variera selon la nature de l'ouvrage distribué en contravention aux lois; ordinairement correctionnelle, elle pourra devenir afflictive, si l'écrit anonyme contient provocation à des crimes.

ART. 287, 288. Dans ce dernier cas, la peine de complicité restera irrévocablement applicable à l'imprimeur justement considéré comme ayant connu les caractères pernicieux de l'ouvrage auquel sa criminelle complaisance aura donné cours, et l'atténuation de la peine, simples distributeurs ; ceux-ci, aveugles instrupour cause de révélation, se bornera aux ments d'écrivains pervers, ont paru susceptibles de cette modération de peines qui d'ailleurs profitera même à l'ordre public, en intéressant les colporteurs à révéler ce qu'ils savent, pour n'être pas traités comme complices.

Dans la combinaison des mesures que je viens de vous exposer, messieurs, il n'y a rien (vous vous en convaincrez facilement ) qui soit dirigé contre le sage emploi des lettres, mais seulement contre les productions clandestines; or, fout auteur qui veut porter ses coups dans l'ombre mérite bien qu'on le suive à la trace; et si, comme nous l'espérons, le projet de loi atteint ce but, il aura beaucoup fait pour le maintien du bon ordre.

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