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et consacrer de grands résultats quand ils offrent beaucoup plus d'avantages que d'incon

vénients.

C'est dans cette conviction que je présenterai les motifs du projet de loi sur le divorce, et, sans en discuter chaque article en particulier, je m'attacherai aux grandes bases. Leur sagesse une fois prouvée, tout le reste en deviendra la conséquence nécessaire.

Faut-il admettre le divorce? pour quelles causes? dans quelles formes? quelles seront ses effets?

Faut-il admettre le divorce?

Vous n'attendez pas que, cherchant à résoudre cette grande question par les autorités, je fasse ici l'énumération des peuples qui ont admis ou rejeté le divorce, que je recherche péniblement s'il a été pratiqué en France dans les premiers âges de la monarchie, et à quelle époque l'usage en a été interdit : je ne dirais rien qui fût nouveau pour vous, et tout le monde doit sentir qu'une question de cette nature ne peut pas se résoudre par des exemples.

L'autorisation du divorce serait inutile, déplacée, dangereuse, chez un peuple naissant, dont les mœurs pures, les goûts simples assureraient la stabilité des mariages, parce qu'elles garantiraient le bonheur des époux.

Elle serait utile, nécessaire, si l'activité des passions et le déréglement des mœurs pouvaient entraîner la violation de la foi promise et les désordres incalculables qui en sont la

suite.

Elle serait inconséquente chez un peuple qui n'admettrait qu'un seul culte, s'il pensait que ce culte établit d'une manière absolue l'indissolubilité du mariage.

Ainsi, la question doit recevoir une solution différente, suivant le génie et les mœurs des peuples, l'esprit des siècles, et l'influence des idées religieuses sur l'ordre politique.

C'est pour nous, dans la position où nous sommes, que la question s'agite; pour un peuple dont le pacte social garantit à chaque individu la liberté du culte qu'il professe, et dont le code civil ne peut par conséquent recevoir l'influence d'une croyance particulière. Déjà vous voyez que la question doit être envisagée sous un point de vue purement politique. Les croyances religieuses peuvent différer sur beaucoup de points; il suffit pour le legislateur qu'elles s'accordent sur un article Londamental, sur l'obéissance due à l'autorité

légitime: du reste, personne n'a le droit de s'interposer entre la conscience d'un autre et la divinité, et le plus sage est celui qui respecte le plus tous les cultes.

La question du divorce doit donc être discutée, abstraction faite de toute idée religieuse, et elle doit cependant être décidée de manière à ne gêner aucune conscience, à n'enchaîner aucune liberté; il serait injuste de forcer le citoyen dont la croyance repousse le divorce, à user de ce remède; il ne le serait pas moins d'en refuser l'usage, quand il serait compatible avec la croyance de l'époux qui le sollicite.

Nous n'avons donc qu'une question à examiner; dans l'état actuel du peuple français, le divorce doit-il être permis?

Nous ne connaissons pas d'acte plus solennel que celui du mariage. C'est par le mariage que les familles se forment et que la société se perpétue: voilà une première vérité sur laquelle je pense que tout le monde est d'accord, de quelque opinion qu'on puisse être d'ailleurs sur la question du divorce.

C'est encore un point également incontestable, que de tous les contrats, il n'en est pas un seul dans lequel on doive plus désirer l'intention et le vœu de la perpétuité de la part de ceux qui contractent.

Il n'est pas, et il ne doit pas être moins universellement reconnu, que la légéreté des esprits, la perversité du cœur, la violence des passions, la corruption des mœurs ont trop souvent produit dans l'intérieur des familles des excès tels que l'on s'est vu forcé de permettre de faire la rupture d'unions qu'on regardait cependant comme indissolubles de droit; les monuments de la jurisprudence qui sont aussi le dépôt des faiblesses humaines, n'attestent que trop cette triste vérité.

Telle est notre position; je demande actuellement si l'on peut raisonnablement espérer, par quelque institution que ce puisse être, de remédier si efficacement et si promptement au désordre, que l'on n'ait plus besoin du remède; si l'on peut trouver le moyen d'assortir si parfaitement les unions conjugales, d'inspirer si fortement aux époux le sentiment et l'amour de leurs devoirs respectifs, qu'on doive se flatter qu'ils ne s'en écarteront plus dans la suite, et qu'ils ne nous rendront plus les témoins de ces scènes atroces, de ces scandales révoltants, qui durent forcer si impérieusement la séparation de deux époux. Ah! sans doute,

si l'on peut, par quelque loi salutaire, épurer | peuvent se dissoudre par une volonté contraire tout-à-coup l'espèce humaine, on ne saurait à celle qui les a formés. trop se bâter de donner ce bienfait au monde. Mais s'il nous est défendu de concevoir de semblables espérances, si elles ne peuvent naître même dans l'esprit de ceux qui jugent l'humanité avec la prévention la plus indulgente, il ne nous reste plus que le choix du remède à appliquer au mal que nous ne saurions extirper.

Voilà la question réduite à son vrai point: faut-il préférer au divorce l'usage ancien de la séparation de corps? faut-il préférer à l'usage de la séparation celui du divorce? ne convient-il pas de laisser aux citoyens la liberté d'user de l'une ou de l'autre voie?

Ecartons, avant tout et avec le même soin, les déclamations que se sont permises des esprits exaltés dans l'un et l'autre parti: la vérité et la sagesse se trouvent rarement dans les extrêmes.

Les uns ont parlé du divorce comme d'une institution presque céleste et qui allait tout purifier; les autres en ont parlé comme d'une institution infernale et qui acheverait de tout corrompre; ici le divorce est le triomphe, là c'est la honte de la raison. Si nous croyons ceux-ci, l'admission du divorce déshonorera le code; ceux-là prétendent que son rejet laissera ce même code dans un état honteux d'imperfection: le législateur ne se laisse pas surprendre par de pareilles exagérations.

Le divorce en lui-même ne peut pas être un bien; c'est le remède d'un mal. Le divorce ne doit pas être signalé comme un mal, s'il peut être un remède quelquetois nécessaire.

Doit-il être politiquement préféré à la séparation? C'est la véritable et la seule question, puisqu'il est reconnu que la loi doit offrir à des époux outragés, maltraités, en périls de leurs jours, des moyens de mettre à couvert leur honneur et leur vie.

Le mariage, comme tous les autres contrats, ne peut se former sans le consentement des parties: ce consentement en est la première condition, la condition la plus impérieusement exigée; sans ce consentement il n'y a pas de mariage.

On ne doit cependant pas confondre le contrat de mariage avec une foule d'autres actes quí tirent aussi leur existence du consentement des parties, mais qui, n'intéressant qu'elles,

Le mariage n'intéresse pas seulement les époux qui contractent; il forme un lien entre deux familles, et il crée dans la société une famille nouvelle qui peut elle-même devenir la tige de plusieurs autres familles : le citoyen qui se marie devient époux, il deviendra père ; ainsi s'établissent de nouveaux rapports que les époux ne sont plus libres de rompre par leur seule volonté : la question du divorce doit donc être examinée dans les rapports des époux entre eux, dans leurs rapports avec les enfants, dans leurs rapports avec la société.

Le divorce rompt le lien conjugal; la séparation laisse encore subsister ce lien; à cela près, les effets de l'un et de l'autre sont peu différents cette union de personnes, cette communauté de la vie qui forment si essentiellement le mariage, n'existent plus. Les jugements de séparation prononçaient toujours des défenses expresses au mari de hanter et fréquenter sa femine. Quel est donc l'effet de cette conservation apparente du lien conjugal dans les séparations, et pourquoi retenir encore le non avec tant de soin, lorsqu'il est évident que la chose n'existe plus? Le vœu principal du mariage n'est-il pas trompé? N'est-il pas vrai que l'époux n'a réellement plus de femme, que la femme n'a plus de mari? Quel est donc encore une fois l'effet de la conservation du lien?

On interdit à deux époux, devenus célibataires de fait, tout espoir d'un lien légitime, et on laisse subsister entre eux une communauté de nom qui fait encore rejaillir sur l'un le déshonneur dont l'autre peut se couvrir. Nous n'avons que trop vu les funestes conséquences de cet état, et le passé nous annonce ce que nous devrions en attendre pour l'avenir.

Cependant l'un des époux était du moins sans reproche; il avait été séparé comme une victime de la brutalité ou de la débauche: fallaitil l'offrir une seconde fois en sacrifice par l'interdiction des sentiments les plus doux et les plus légitimes? L'époux méme dont les excès avaient forcé la séparation, ne pouvait-il pas mériter quelque intérêt? Etaitil impossible que, mûri par l'âge et par la réflexion, it pût trouver une compagne qui obtiendrait de lui cette affection si constaminent refusée à la première?

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Certes, si nous ne considérons que la personne des deux époux, il est bien démontré que le divorce est pour eux préférable à la séparation.

Je ne connais qu'une objection; on la tire de la possibilité d'une réunion: mais, je le demande, combien de séparations a vu le siècle dernier, et combieu peu de rapprochements! Comment pourraient-ils s'effectuer, ces rapprochements?

La demande en séparation suppose déjà des esprits extraordinairement ulcérés; la discussion, par sa nature, augmente encore la malignité du poison. Le réglement des intérêts pécuniaires, après la séparation, lui fournit un nouvel aliment.

Enfin, chacun des deux époux, isolé, en proie aux regrets, quelquefois aux remords, éprouvant le désir bien naturel de remplir le vide affreux qui l'environne, et cependant sans espoir de former une union qu'il pourra avouer, forcé en quelque manière de courir après les distractions par le besoin pressant de se fuir lui-même, se trouve insensiblement entraîné dans la dissipation, et dans tous les désordres qu'elle mène à sa suite.

A Dieu ne plaise que je prétende que ce tableau soit celui de tous les époux séparés ! Je dis seulement que l'impossibilité de former un nouveau lien, les espose à toutes les espèces de séductions; qu'il faut, pour résister à des dangers si pressants, un effort peu commun, et dont peu de personnes sont capables, et que Pinterdiction d'un lien légitime a souvent plongé, sans retour, nombre de victimes dans les mauvaises mœurs.

J'ajoute qu'il n'y a presque pas d'exemples de réunion entre deux époux séparés, et que ees réunions furent quelquefois plus scandaleuses que la séparation même l'on a vu au contraire plusieurs fois, dans les lieux où le divorce était admis, deux êtres infortunés, victimes l'un et l'autre, tant qu'ils furent unis, de la violence des passions, former après leur divorce des mariages qui, s'ils ne furent pas toujours parfaitement heureux, du moins ne furent suivis d'aucun éclat, ni d'aucun signe extérieur de repentir.

J'en tire cette conséquence que, pour les époux, le divorce est sans contredit préférable à la séparation.

- Mais les enfants, les enfants ! que deviendront-ils après le divorce? Je demanderai à

mon tour, que deviennent-ils après les séparations?

Sans doute le divorce ou la séparation des pères, forment dans la vie des enfants une époque bien funeste; mais ce n'est pas l'acte de divorce ou de séparation qui fait le mal, c'est le tableau hideux de la guerre intestine qui a rendu ces actes nécessaires.

Au moins les époux divorcés auront encore le droit d'inspirer pour leur personne un respect et des sentiments qu'un nouveau noud pourra légitimer; ils ne perdront pas l'espoir d'effacer par le tableau d'une union plus heureuse, les fatales impressions de leur union première; et n'étant pas forcés de renoncer au titre honorable d'époux, ils se préserveront avec soin de tout écart qui pourrait les en rendre indignes.

C'est peut-être ce qui peut arriver de plus heureux pour les enfants. L'affection des pères se soutiendra bien plus sûrement dans la sain-teté d'un nœud légitime, que dans les désordres d'une liaison illicite, auxquels il est si difficile d'échapper quand on n'a plus droit de prétendre aux honneurs du mariage.

Mais, dit-on, les lois ont toujours regardé d'un œil défavorable les secondes noces; je n'examinerai pas si cette défaveur est fondée sur des raisons sans replique, ou si au contraire, dans une foule d'occasions, un second mariage ne fut pas pour les enfants un grand acte de tendresse ; j'observe seulement qu'il ne s'agit point ici d'une épouse à qui la mort a ravi son protecteur et son ami, et dont le cœur, plein de ses premiers sentiments, repousse avec amertume toute idée d'une affection nouvelle.

Il s'agit d'époux dont les discordes ont éclaté, dont tous les souvenirs sont amera, qui éprouvant le besoin de fuir, pour ainsi dire, leur vie passée, et de se créer une nouvelle existence, se précipiteront trop souvent dans le vice, si les affections légitimes leur sont interdites.

Le véritable intérêt des enfants est de voir les auteurs de leurs jours, heureux, dignes d'estime et de respect, et non pas de les trouver isolés, tristes, éprouvant un vide, insupportable, ou comblant ce vide par des jouissances qui ne sont jamais sans amertumes, parce qu'elles ne sont jamais sans remords..

Quant à la société, il est hors de doute que son intérêt réclame le divorce, parce que

les époux pourront contracter dans la suite de nouvelles unions. Pourquoi frapperait-elle d'une fatale interdiction, des êtres que la nature avait formés pour éprouver les plus doux sentiments de la paternité? Cette interdiction serait également funeste et aux individus et à la société : aux individus, qu'elle condamne à des privations qui peuvent être méritoires quand elles sont volontaires, mais qui sont trop amères quand elles sont forcées; à la société, qui se trouve ainsi appauvrie de nombre de familles dont elle eût pu s'enrichir. Les formes, les épreuves dont le divorce sera environné pourront en prévenir l'abus: espérons que le nombre des époux divorcés ne sera pas grand; mais enfin, quelque peu considérable qu'il soit, ne serait-il pas également injuste et impolitique de les laisser toujours victimes, de changer seulement l'espèce du sacrifice? et lorsque l'Etat peut légitimement attendre d'eux des citoyens qui le défendront, qui l'honoreront peut-être, faut-il étouffer un espoir si consolant?

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Toute personne sans passion et sans intérêt, sera donc forcée de convenir que le divorce qui, brisant le lien, laisse la possibilité d'en contracter un nouveau, est préférable à la séparation qui, ne conservant du lien que le nom, livre deux époux à des combats perpétuels, et dont il est si difficile de sortir toujours avec avantage.

la voie de la séparation, dût maintenir pour toujours l'autre époux dont la croyance peut n'être pas la même, dans une interdiction absolue de contracter un second mariage. Cette liberté, que la constitution garantit à tous, se trouverait alors violée dans la personne de l'un des deux époux ; il a donc fallu autoriser celui-ci après un certain intervalle, à demander que la séparation soit convertie en divorce, si l'époux qui a fait prononcer cette séparation ne consent pas à la faire cesser; et c'est ainsi que se trouvent conciliés, autant qu'il est possible, deux intérêts également sacrés; la sûreté des époux d'un côté, et la liberté religieuse de l'autre.

Après avoir établi la nécessité d'admettre le divorce, je dois parler des causes qui peuvent le motiver.

Le projet de loi en indique quatre: 1.0 l'adultère; 2.0 les excès, sévices ou injures graves; 3.0 la condamnation à une peine infamante; 4. le consentement mutuel et persévérant des époux, exprimé de la manière prescrite sous les conditions et après les épreuves requises.

En admettant le divorce, il fallait éviter également deux excès opposés : celui d'en restreindre tellement les causes, que le recours fût fermé à des époux pour qui cependant le joug serait absolument insupportable, et celui de les étendre au point que le divorce pût favoriser la légèreté, l'inconstance, de fausses Il faut donc admettre le divorce. délicatesses ou une sensibilité déréglée; nous Mais le pacte social garantit à tous les croyons avoir évité les deux excès avec le Français la liberté de leur croyance des même soin. consciences délicates peuvent regarder comme L'adultère brise le lien un précepte impérieux l'indissolubilité du en attaquant l'époux dans la partie la plus senmariage. Si le divorce était le seul remède sible ses effets sont cependant bien difféoffert aux époux malheureux, ne placerait-rents chez la femme ou chez le mari; c'est on pas des citoyens dans la cruelle alternative de fausser leur croyance, ou de succomber sous un joug qu'ils ne pourraient plus supporter? Ne les mettrait-on pas dans la dure nécessité 'd'opter entre une lâcheté ou le malheur de toute leur vie?

ART. 229, 230,

par ce motif, que l'adultère du mari ne donne lieu au divorce que lorsqu'il est accompagné d'un caractère particulier de mépris, par l'éta blissement de la concubine dans la maison commune, outrage si sensible surtout aux femmes vertueuses.

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Nous aurions bien mal rempli notre tâche, ART. 231. Les excès, les sévices, les insi nous n'avions pas prévu cet inconvénient: jures graves sont aussi des causes de divorce: en permettant le divorce, la loi laissera l'usage il serait superflu d'observer qu'il ne s'agit pas de la séparation; l'époux qui aura le droit de de simples mouvements de vivacité, de quelques se plaindre, pourra former à son choix l'une ou paroles dures échappées dans des instants d'hul'autre demande : ainsi nulle gêne dans l'opi-meur ou de mécontentement, de quelques renion, et toute liberté à cet égard est maintenue.

Cependant, il ne serait pas juste que l'époux quia choisi, comme plus conforme à sa croyance,

fus, même déplacés, de la part d'un des époux, mais de véritables excès, de mauvais traitements personnels, de sévices dans la rigou

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ART. 233. La quatrième cause, celle du consentement mutuel, n'est pas susceptible d'une preuve de cette nature; mais on s'en formerait une bien fausse idée, et l'on calomnierait d'une étrange manière les intentions du gouvernement, si l'on pouvait penser qu'il a voulu que le contrat de mariage fût détruit par le seul consentement contraire de deux époux. La simple lecture de Particle proposé en annonce l'esprit et la véritable intention.

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«Le consentement mutuel et persévérant « des époux, exprimé de la manière prescrite « par la loi, sous les conditions et après les épreuves qu'elle détermine, prouvera suffi << samment que la vie commune leur est insupportable, et qu'il existe, par rapport à « eux, une cause péremptoire de divorce. » Ainsi les conditions et les formés imposées doivent garantir l'existence d'une cause péremptoire le consentement dont il est question ne consiste pas dans l'expression d'une volonté passagère; il doit être le résultat d'une position insupportable. Les épreuves garantiront la constance de cette volonté; la présence des pères en garantira la nécessité; les sacrifices auxquels les époux sont forcés, donneront enfin de nouveaux gages de l'existence d'une cause absolue de divorce.

ART. 275. Législateurs, parmi les causes déterminées de divorce, il en est quelques-unes d'une telle gravité, qui peuvent entrainer de si funestes conséquences pour l'époux défendeur (telles, par exemple, que les attentats à la vie), que des êtres doués d'une excessive délicatesse préféreraient les tourments les plus cruels, la mort même, au malheur de faire éclater ces causes par des plaintes judiciaires. Ne convenait-il pas, pour la sûreté des époux, pour l'honneur des familles toujours compromis, quoiqu'on puisse dire, dans ces fatales

occasions, pour l'intérêt même de toute la société, de ne pas forcer une publicité non moins amère pour l'innocent que pour le coupable?

L'honnêteté publique n'empêcherait-elle pas une femme de traîner à l'échafaud son mari quoique criminel? Faudrait-il aussi toujours, et nécessairement, pour terminer le supplice d'un mari infortuné, le contraindre à exposer au grand jour des torts qui l'ont blessé cruellement dans ses plus douces affections, et dont la publicité le vouera cependant encore à la malignité du public; l'injustice sans doute est ici du côté du public, mais se trouve-t-il beaucoup d'hommes assez forts, assez courageux pour la braver? est-on maître de détruire touta-coup ce préjugé? et ne faut-il pas aussi ménager un peu l'empire de cette opinion, quelquefois injuste, j'en conviens, mais qui peut aussi, sur beaucoup de points, atteindre et flétrir, quand elle est bien dirigée, des vices qui échappent aux poursuites des lois?

Si le divorce pouvait avoir lieu, dans des cas semblables, sans éclat et sans scandale, ce serait un bien; on sera forcé d'en convenir.

Que faudrait-il donc faire pour obtenir ce résultat? tracer un mode de consentement, prescrire des conditions, attacher des privations, vendre enfin, s'il est permis de le dire, vendre si chèrement le divorce, qu'il ne puisse y avoir que ceux à qui il est absolument nécessaire, qui soient tentés de l'acheter.

Alors la conscience du législateur est tranquille; il a fait pour les individus, il a fait pour la société, tout ce que l'on peut attendre de la prudence humaine; et, s'il ne peut pas s'assurer qu'on n'abusera jamais de cette institution, du moins il se rend le témoignage suffisant pour lui, que l'abus sera infiniment rare, et qu'il a atteint la seule espèce de perfection dont les établissements humains soient susceptibles,

Quelques personnes ont paru préférer le divorce pour incompatibilité d'humeurs, au divorce par cousentement mutuel: une réflexion bien simple suffira pour les ramener à notre projet.

Si l'allégation d'incompatibilité d'humeurs avait été permise à un seul des époux, on se serait exposé au reproche fondé d'attacher la dissolution d'un contrat formé par le consentement de deux personnes, au seul repentir de l'un des deux contractants; et, sous ce

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