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Ce sera une prime accordée à l'adoption sur le testament et à l'homme utile qui aura élevé un citoyen, sur celui qui, au terme de son inutile carrière, voudrait disposer sans réserve.

ART. 351. L'on vient de parler de la sucsessibilité de l'adopté, une autre disposition s'y attache.

Comme cette successibilité sort du droit commun, elle a lieu sans réciprocité; mais le projet consacre le droit qui appartient à l'adoptant, de reprendre les choses par lui données à l'adopté, dans le cas où celui-ci mourrait sans enfants.

Rien de plus juste que ce retour; car si les parents de l'adopté succèdent à celui-ci par le principe qu'il est resté dans la famille, leurs droits ne peuvent raisonnablement s'étendre aux choses données par l'adoptant, quand elles existent en nature, et qu'il se présente pour les reprendre.

ART. 353. Législateurs, vous connaissez maintenant les conditions, les causes et les effets de l'adoption; il reste à vous donner une idée des formes dans lesquelles elle devra être prononcée.

S'il ne s'agissait ici que d'un acte de l'état civil consistant dans un fait simple, tel qu'une naissance, un décès ou même un mariage, il suffirait sans doute de s'adresser directement à l'officier de l'état civil pour le constater; (Art. 336) mais d'assez nombreuses conditions en forment l'essence, pour que leur examen soit la matière d'un jugement préalable.

ART. 354. Ainsi, après une demande d'adoption reçue par le juge de paix, le tribunal de première instance, et ensuite celui d'appel (sur le renvoi officiel et nécessaire qui lui sera fait de la procédure et du premier jugement), vérifieront si toutes les conditions de la loi sont remplies.

Mais leur mission ne se bornera point à ce simple examen ; ils auront aussi à examiner la moralité de l'adoptant et la réputation dont il jouit.

Le besoin de cette disposition s'est fait surtout sentir quand la question a été traitée sous le rapport des mœurs domestiques.

L'adoption pourrait devenir un présent funeste, si l'adoptant était sans mœurs ; qu'il soit donc examiné sous ce rapport important.

Et remarquez combien notre institution va, par ce moyen, s'ennoblir encore.

Tout individu qui craindrait les regards de la justice ne se présentera point pour adopter, ou du moins il sera repoussé par les tribunaux; mais celui qui sera adinis par eux, obtiendra, par ce seul fait, un éclatant témoignage de sa bonne conduite, an titre d'autant plus honorable, que, donné et confirmé à la suite d'un examen judiciaire par des hommes à qui la loi recommande une juste sévérité, il ne pourra être confondu dans la foule de ces vagues témoignages accordés par la faiblesse à l'importunité; et quand le nom d'un adoptant sera prononcé, l'on pourra ajouter : C'est un honnête

homme.

Ce qui vient d'être dit indique assez que la procédure doit être secrète et les jugements rendus sans énonciation de motifs; car, si les tribunaux sont appelés à rejeter quelquefois en cette matière des demandes imprudentes faites par des hommes sans mœurs, il serait sans utilité de les mulcter par une facheuse publicité.

Cette publicité commencera, quand le tribunal d'appel aura admis l'adoption. C'est alors aussi que l'adoption devra être portée sur les registres de l'état civil, et qu'elle sera véritablement accomplie.

Notre tâche finirait ici, législateurs, si elle n'eût consisté qu'à vous entretenir de l'adoption; mais à côté de cette institution principale, il en a été placé une secondaire, la Tutèle officieuse, dont il me reste à vous rendre brièvement compte.

LIVRE I, TITRE VIII. De la Tutèle officieuse.

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Mais il peut arriver, et sans doute il arrivera souvent, que la famille de l'enfant ne se décidera à le remettre, qu'en obtenant pour lui une assurance de secours pendant le temps ditficile de la minorité; assurance sans laquelle l'enfant pourrait être gardé ou renvoyé, selon la volonté ou le caprice de la personne qui l'aurait recueilli, et se trouverait dans la situation la plus précaire.

D'un autre côté, le désir que l'on vient de supposer à la famille de l'enfant, pourra bien être partagé par la personne même qui l'aura reçue; ce désir naîtra souvent de la prévoyance d'un décès qui laisserait l'enfant sans secours et sans titre pour en obtenir.

Dans l'une et l'autre de ces hypothèses, qu'y a-t-il de plus favorable qu'un contrat qui aura pour objet d'assurer des secours à un mineur et de le mettre en état de gagner sa vie?

Faciliter de telles conventions, et même y inviter, tel est le but de la tutèle officieuse; ce n'est point une promesse d'adopter, ni un moyen préliminaire de l'adoption, puisque les soins sans tutèle suffisent pour y parvenir.

C'est un contrat renfermé dans le strict objet des secours qu'on promet au mineur; c'est un acte qui complette notre systême de bienfaisance, et qui, sans attribuer aucun des effets de l'adoption, ni en être la voie nécessairement préparatoire, en est plus exactement l'auxiliaire.

Néanmoins, comme cet acte indique le désir d'adopter, et que, s'il était permis de suivre cette première impulsion avant l'âge de cinquante ans, elle pourrait, dès ce moment, étouffer toutes dispositions au mariage comme la loi ne doit point affaiblir ces dispositions, tant qu'elles sont dans l'ordre de la nature et dans l'intérêt social, l'on a pensé

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et

qu'il convenait, même quant à l'âge, d'imposer au tuteur officieux les mêmes conditions qu'à l'adoptant.

Au surplus, la tutèle officieuse n'offre, dans son organisation, qu'un bien petit nombre de points qui aient besoin d'explications; car on n'a point à s'occuper de tout ce qui peut entrer dans un tel contrat par la seule volonté de l'homme.

Si cette volonté s'est expliquée sur la quotité des secours, ainsi que sur leur nature, il faudra l'exécuter.

La loi ne posera elle-même des règles générales sur ce point, qu'autant que nulle stipulation spéciale n'accompagnerait la tutèle officieuse.

ART. 364. Dans le silence de l'homme, secourir et non enrichir le pupille, tel est le principe qui a paru devoir être suivi, et dont on a développé les résultats dans quelques articles du projet, applicables, dans certains cas, aux héritiers même du tuteur officieux.

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ART. 366. Il reste, législateurs, à vous parler d'un acte dont l'objet a paru assez favorable pour faire exception à la règle qui n'admet d'adoption qu'à la majorité de l'adopté.

Dans le cas où il se serait écoulé plus de cinq ans depuis la tutèle officieuse, l'on vous propose d'admettre l'adoption testamentaire, et de lui donner tous les effets de l'adoption ordinaire.

Tel homme, souvent sexagénaire, aura recueilli un enfant de six ans, à qui il aura pendant huit ou dix ans, prodigué les soins les plus tendres.

Celui-ci y aura répondu par de justes égards et par un naïf attachement, orné de tout ce que l'enfance a d'aimable.

Le vieillard sent sa fin approcher, et voudrait consommer son ouvrage : le pupille est parvenu à son adolescence; mais il n'est point majeur

encore.

Placés l'un et l'autre dans le vestibule du temple, ils n'avaient plus que quelques mois. quelques jours peut-être à passer, pour qu'il s'ouvrit entièrement à leurs vœux.

Qu'un testament puisse, en ce cas, effacer les obtacles de la nature, et remplacer l'acte bienfaisant qui allait s'accomplir.

Législateurs, tout le plan du projet relatif à l'adoption et à la tutèle officieuse vient de vous être développé. Nulle matière n'a été plus approfondie; elle était neuve, et elle a été

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Décrété le 3 germinal an x1 (24 mars 1803); -Promulgué le 13 du même mois (3 avril 1803). [ARTICLES 371 à 387.]

EXPOSÉ DES MOTIFS par M. le Conseiller-d'État REAL.

Séance du 23 ventóse an XI (14 mars 1803).

LÉGISLATEURS,

Le projet de loi sur le mariage constitue la famille; celui relatif à la paternité et à la filiation désigne les individus qui la composent le projet que j'ai l'honneur de vous présenter, relatif à la puissance paternelle établit les lois qui doivent y maintenir l'ordre, préscrit les principaux devoirs, reconnaît les droits principaux qui obligent et qui lient plus étroitement entre eux les membres de toutes ces petites sociétés naturelles, dont l'agrégation civile forme la grande famille. Ce projet institue, pour veiller à l'observation de ces devoirs, à la conservation de ces droits, la plus sacrée de toutes les magistratures, la magistrature paternelle, magistrature indépendante de toutes les conventions, et qui les a toutes précédées.

le

Nous naissons faibles, assiégés par les maladies et les besoins; la nature veut que, dans ce premier âge, celui de l'enfance, père et la mère aient sur leurs enfants une puissance entière, qui est toute de défense et de protection.

Dans le second âge, vers l'époque de la puberté, l'enfant a déjà observé, réfléchi.

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Mais c'est à ce moment même, où l'esprit commence à exercer ses forces, où l'imagination commence à déployer ses ailes, où nulle expérience n'a formé le jugement; c'est à ce moment où, faisant les premiers pas dans la vie, livré sans défense à toutes les passions qui s'emparent de son cœur, vivant de désirs, exagérant ses espérances, s'aveuglant sur les obstacles, qu'il a surtout besoin qu'une main ferme le protège contre ces nou veaux ennemis, le dirige à travers ces écueils, dompte ou modère à leur naissance ces passions, tourment ou bonheur de la vie, selon qu'une main habile ou maladroite leur aura donné une bonne ou une mauvaise direction. C'est à cette époque qu'il a besoin d'un conseil, d'un ami qui puisse défendre sa raison naissante contre les séductions de toute espèce qui l'environneront, qui puisse seconder la nature dans ses opérations, hâter, féconder, agrandir ses heureux développements. La puissance paternelle, qui est alors toute d'administration domestique et de direction pourra seule procurer avantages; ajouter la vie morale à l'existence

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tous ces

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physique, et, dans l'homme naissant, préparer le citoyen.

son cœur,

| vouer, il n'est pas entièrement semblable à celui que nous trouvons dans nos livres; et le dernier état de notre législation, en provoquant quelques-uns des résultats que je viens de vous offrir, n'y arrive pas par les mêmes moyens. Dans son code l'homme a substitué l'intérêt au sentiment; il a méconnu, étouffé la voix de la nature; et, au lieu de reconnaître la puissance, il a créé le des

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Sur cette importante partie de la législation, comme sur beaucoup d'autres, les Français étaient et sont encore gouvernés par des principes différents, opposés; et les principes sont plus ou moins rigoureux, plus ou moins relâchés, selon que la partie du sol français où ils sont professés est régie par le droit écrit ou par le droit coutumier.

La législation des Romains, si conforme en beaucoup de points à la nature, si fidèle interprête de la raison, s'écarte de l'une et de l'autre d'une manière bien étrange lorsqu'elle s'occupe de la puissance paternelle: elle méconnaît alors et le droit naturel et le droit des gens, et prend pour règle unique ses institutions civiles.

Enfin, arrive l'âge où l'homme est déclaré par la loi, ou reconnu par son père en état de marcher seul dans la route de la vie. A cet âge, ordinairement il entre dans la grande famille, devient lui-même le chef d'une famille nouvelle, et va rendre à d'autres les soins qui lui ont été prodigués: mais c'est au moment même où la nature et la loi repotisme paternel. lâchent pour lui les liens de la puissance paternelle, que la raison vient en resserrer les nœuds. C'est à ce moment que, jetant les regards en arrière, il retrouve dans des souvenirs qui ne s'effacent jamais, dans l'éducation dont il recueille les fruits, dans cette existence dont seulement alors il apprécie bien la valeur, de nouveaux liens formés par la reconnaissance; c'est surtout dans les soins qu'exigent de lui ses propres enfants, dans les dangers qui assiégent leur berceau, dans les inquiétudes qui déchirent dans cet amour ineffable, quelquefois aveugle, toujours sacré, toujours invincible, qui attache pour la vie le père à l'enfant qui vient de naître, que retrouvant les soins, les inquiétudes, l'amour dont il a été l'objet, il puise les motifs de ce respect sacré qui le saisit à la vue des auteurs de ses jours. En vain la loi civile l'affranchirait alors de toute espèce d'autorité paternelle, la nature, plus forte que la loi, le maintiendrait éternellement sous cette autorité. Désormais libre possesseur de ses biens, libre dans la disposition qu'il peut en faire, libre dans toute sa conduite et dans les soins qu'il donne à ses propres enfants, il sent qu'il n'est pas libre de se soustraire à la bienfaisante autorité qui ne se fait plus maintenant sentir que par des conseils, des vœux, des bénédictions. La nature et la reconnaissance lui présentent alors les auteurs de ses jours sous l'aspect d'une divinité domestique et tutélaire. Ce n'est plus un devoir dont il s'acquitte envers eux, c'est un culte qu'il leur Cette législation peint avec une rare fidérend toute sa vie ; et le sentiment qui l'at-lité, et le législateur qui l'a créée, et les tache à eux ne peut plus être exprimé par les mots de respect, de reconnaissance ou d'amour; c'est désormais la piété filiale adorant la piete paternelle.

Voilà, législateurs, les vérités que la nature a gravées dans nos cœurs; voilà son code sur la puissance paternelle. Il faut l'a

Aussi Justinien reconnaît-il que la puissance paternelle, telle qu'elle était exercée chez les Romains, était toute particulière à ce peuple.

Sous l'empire de cette législation, et par le droit ancien, le père de famille avait une puissance égale à celle du maître sur l'esclave. Relativement au père de famille, le fils de famille n'était pas même considéré comme une personne, mais comme une chose dont le père de famille avait l'absolue propriété; il pouvait en user, en abuser. Le père pouvait, sous cette législation, charger de fers son fils; il pouvait le vendre, il pouvait le tuer.

Cette puissance durait pendant toute la vie du père de famille, et embrassait alors tous. ses biens.

féroces compagnons de ses brigandages, et la barbarie du siècle et des lieux auxquels elle a pu convenir.

Mais en même temps que Romulus márquait ainsi cette législation d'une ineffaçable empreinte, il lui conférait ce principe de vie, ce caractère de durée, on dirait presque

Relativement aux biens qui appartiennent au fils de famille, la loi conserve toute sa

d'éternité, que cet homme extraordinaire a
imprimé à toutes ses ins itutions.
Elle conserva toute sa sévérité aussi long-première injustice.
temps que les mœurs des Romains conser-
vèrent toute leur âpreté; elle ne fléchit qu'avec
elles.

Ainsi Numa décida que le père ne pourrait vendre le fils qui se serait marié de son consentement; et par la suite ce droit de vendre ne fut permis que dans le cas d'extrême misère des parents, pour des enfants qui viendraient de naître, et sous la condition de pouvoir toujours les racheter.

Ainsi, mais après une longue succession de siècles, le droit de vie et de mort fut restreint à celui d'une correction modérée.

Enfin, le droit accordé au père de famille de s'emparer de tous les biens de son fils, éprouva des restrictions considérables, par les lois qui enlevèrent au père de famille la jouissance de divers pécules.

Mais, telle qu'elle est modifiée suivant le dernier état du droit romain admis en France, la puissance paternelle rappelle encore, par les principes sur lesquels elle repose, par les distinctions qu'elle établit, et par quelques-uns de ses résultats, sa sauvage origine et son farouche auteur.

En effet, dans le dernier état des choses, la puissance paternelle n'est fondée que sur les principes du droit civil; elle est étrangère à toutes les affections que le droit naturel commande.

Le père seul est investi de cette puissance, et malgré les droits donnés par la nature mais, sans doute, en conséquence de cette antique législation qui plaçait jadis l'épouse sous la puissance paternelle, la mère n'a aucune participation à cette puissance.

A l'exception des pécules, tout appartient au père; le père a la propriété des biens d'une certaine nature, et la jouissance de tous les autres pendant tout le temps que subsistera la puissance paternelle, c'est-à-dire, pendant toute sa vie.

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Pendant la vie de son père, le fils de famille, même majeur, ne peut s'obliger pour cause de prêt.

Il ne peut tester, même avec le consentement de son père.

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Voilà, sauf quelques exceptions de détails les principes fondamentaux qui gouvernent encore aujourd'hui les départements de la république soumis au régime du droit écrit.

Il suffit de les énoncer pour prouver qu'ils sont contraires à toute idée de liberté, d'industrie, de commerce; qu'ils contrarient, dénaturent et anéantissent dans son principe la puissance paternelle elle-même; qu'ils flétrissent la vie et nuisent à la prospérité générale.

L'on observera peut-être que ces principes ne sont jamais suivis à la rigueur; que l'émancipation antérieure au mariage, ou par mariage, obvie à tous les abus: l'on prouvera alors qu'il est jugé depuis long-temps que cette législation est incompatible avec nos mours, et que son abrogation a été nécessaire.

Quelques-uns des principes du droit écrit sur cette matière ont été adoptés par quelques coutumes. Ils y paraissent en d'autant plus grand nombre, ils y dominent avec d'autant plus de force, que les départements gouvernés par ces coutumes sont p'us voisins de ceux qui sont régis par le droit écrit.

Dans le dernier état de cette législation, le fils de famille reste de droit sous la puissance Mais ces coutumes si différentes, si oppopaternelle pendant toute la vie de son père. Il sées entre elles sur tous les autres points de y est maintenu quand même il aurait soixante législation, ont été aussi divisées, aussi oppoans, à moins qu'il ne plaise au père de l'éman-sées, soit dans le choix qu'elles ont fait de ciper..

Comme sous l'empire de l'ancienne législation, le fils de famille marié, non émancipé, n'a point sur ses enfants cette puissance que son père exerce sur lui, ils sont encore sous la puissance de son père; conséquence révoltante, mais nécessaire et exacte, du principe sur lequel toute la théorie de cette législation est établie.

diverses parties du systême de la puissance paternelle, soit dans les modifications plus ou moins prononcées qu'elles ont fait éprouver aux dispositions qu'elles empruutaient dans ce systéme au droit romain.

Ainsi, à l'inconvénient résultant de l'admission d'un systême peu moral dans son principe et dans ses conséquences, cette fusion a ajouté l'inconvénient aussi grave résultant

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