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qu'avec la participation du peuple. « Un moment de faiblesse pourrait « avoir les suites les plus funestes; il n'y a pas un moment à perdre pour " vous faire reconnaître par l'armée. - Et ma mère, qu'est-elle devenue? répliqua l'empereur. — Sire, répon« dit Pahlen, je vais me rendre auprès « de Sa Majesté. » En effet, il ne tarda pas à se présenter chez l'impératrice; il pria la grande maîtresse de la cour, la comtesse de Lieven, d'instruire Sa Majesté de ce qui venait de se passer. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que les scènes d'horreur qui venaient d'avoir lieu si près de cette princesse n'avaient point interrompu son sommeil. Éveillée par la comtesse de Lieven, elle crut d'abord qu'on venait pour la préparer à la nouvelle de la mort de sa fille, la princesse palatine de Hongrie. « Non, madame, lui dit la « comtesse, Votre Majesté doit sur<< vivre à un plus grand malheur; l'empereur vient de mourir d'une attaque d'apoplexie. Non, non, s'écrie « l'impératrice, il a été assassiné. « Il faut donc vous l'avouer,» répliqua la comtesse de Lieven. Alors l'impératrice, s'étant habillée à la hâte, se précipita dans la chambre de Paul. Elle trouva dans le salon qui séparait ses appartements de ceux de l'empereur, le lieutenant des gardes Poltaratski, qui contmandait les trente hommes que le général Dépréradovitch y avait postés.

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« Poltaratski déclara à l'impératrice qu'elle ne pouvait passer outre. La princesse insista, en demandant s'il ne la reconnaissait pas, et de qui il tenait ces ordres. L'officier répondit qu'il avait l'honneur de la connaître, et que ces ordres lui avaient été donnés par son colonel. Néanmoins l'impératrice voulut avancer malgré les gardes : ceux-ci croisèrent la baïonnette. Alors la princesse s'étant retournée vers Poltaratski lui donna un soufflet, et tomba évanouie dans un fauteuil.

« Les deux grandes-duchesses, Marie et Catherine, avaient suivi leur mère : elles essayèrent vainement de la tranquilliser. L'impératrice ayant demandé

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« Enfin l'impératrice rentra dans ses appartements. Pahlen vint la chercher pour la conduire chez son fils : à peine avait-elle eu le temps de reprendre ses esprits; cependant elle eut assez de force pour élever une contestation sur ses droits. Elle prétendit qu'en vertu de son couronnement elle était impératrice régnante, et qu'en cette qualité on devait lui prêter serment de fidélité. L'empereur avait déjà perdu un temps précieux à attendre sa mère; en la trouvant dans cette résolution, il se tourna vers Pahlen, et lui dit : « Voilà «< un nouvel embarras auquel nous ne << nous attendions pas. » Pählen, ne se laissant arrêter par aucune considération, obligea l'empereur à partir surle-champ. La même voiture qui était préparée pour transporter Paul à la forteresse, servit à conduire Alexandre du palais Michel au palais d'hiver, où il devait recevoir le serment de fidélité des grands dignitaires de l'empire. Pahlen et Zoubof montèrent derrière la voiture les bataillons de la garde suivirent. Beningsen resta auprès de l'impératrice mère, afin de la détourner des idées qui l'occupaient. Ce ne fut pas sans peine que l'on amena Marie Féodorovna à renoncer à ses prétentions; et tels sont les charmes de l'autorité suprême, qu'au milieu de cette nuit d'horreur ils avaient assez d'empire pour faire oublier à une femme douce et vertueuse les dangers du pouvoir, la fin affreuse d'un époux, les sentiments d'une mère, les conseils de la prudence et de la raison.

« Enfin l'on fit consentir l'impératrice à prêter serment à l'empereur son fils. Dès ce moment, tout se passa comme si Paul eût succombé à une mort naturelle.

« Un médecin et un chirurgien firent l'ouverture du corps de Paul, et indi

querent, en termes de l'art, les causes. qui avaient occasionné la mort de l'em pereur. Il fut embaumé, exposé pendant quinze jours sur un lit de parade, et enfin inhumé dans le caveau de ses pères avec toute la pompe accoutumée.

« On eut lieu de remarquer que toutes les fois que les cérémonies d'usage obligeaient Alexandre d'approcher des mânes de son père, la douleur et le saisissement se peignaient sur tous ses traits.

« Quant aux assassins de Paul, ils furent tous éloignés; plusieurs d'entre eux furent exilés dans les régiments de Sibérie; M. de Pahlen même fut forcé de quitter Pétersbourg.

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En examinant cette notice, on serait porté à croire qu'elle a été rédigée par un des chefs de la conspiration, tant à cause des détails qu'on y trouve, que par le ménagement extrême qui s'y fait voir partout en ce qui regarde la moralité des chefs de cette audacieuse entreprise; on y retrouve même, à l'égard d'Alexandre, un blâme qui fait d'autant plus d'effet, qu'il se déguise sous des formes respectueuses: il en est de même pour l'impératrice Marie: en un mot, il règne dans tout le récit un caractère qui accuse un conspirateur dont l'exil ou la disgrâce a pavé le crime. D'un autre côté, l'orthographe des noms propres, que nous avons souvent rectifiée, annonce une plume étrangère; mais peut-être n'était-ce qu'un artifice pour détourner les soupçons du véritable auteur de l'article. L'opinion de Napoléon sur la mort de Paul, et qu'il a consignée dans les Mémoires de Sainte-Hélène, ne présente rien de nouveau, si ce n'est qu'elle paraît trop sévère en ce qui concerne l'acquiescement d'Alexandre au dénouement tragique de cette catastrophe. On ne saura jamais tout sur la mort de Paul; mais on en sait assez sur les faits principaux pour s'en former une conviction à peu près aussi complete que pour d'autres événements de la même nature: nous nous bornerions donc à ces deux récits, si nous ne croyions pas devoir mettre sous les yeux de nos lecteurs une notice qui a

paru dans le Temps (3 février 1833), et qui a été rédigée sur des renseignements authentiques. Cette pièce donne sur la vie privée de Paul, et sur quelques personnages de sa cour, des détails qui expliquent bien des choses, et révèlent plusieurs circonstances importantes de la vie privée de cet infortuné monarque.

« Pour quiconque n'a pas suivi l'empereur Paul dans sa vie privée, tout est mystère et contradiction dans sa conduite. Ses vertus et ses vices paraissent également inexplicables, lorsqu'on ne les envisage que sous un seul point de vue; aussi les écrivains ont porté sur ce prince des jugements si divers et si opposés, que l'on serait tenté de regarder les uns comme des détracteurs passionnés, et les autres comine des panégyristes à gages. Cependant, dans leur inexactitude même, ils ont pu errer de bonne foi; car, soit en bien, soit en mal, je ne sache rien dont Paul n'ait été capable.

« Dans une sphère moins élevée, son originalité n'eût été que piquante; le théâtre où l'appelait sa naissance le transforma en mauvais empereur; et les circonstances contribuèrent singulièrement à mettre en saillie les traits de ce caractère où les contrastes luttaient sans cesse pour dominer tour à

tour.

«Sa taille ramassée, sa démarche brusque, ses manières heurtées et la difformité de ses traits, étaient comme un reproche à Catherine II, et lui rappelaient peut-être un de ces écarts qui déparent la gloire de son règne. Comme elle ne faisait point un mystère de son éloignement pour le tsarévitch, ses favoris, et surtout le prince Potemkin, ne lui ménageaient ni l'humiliation, ni même les outrages.

« L'éducation de Paul, confiée au comte Panin (Nicétas Ivanovitch), avait eu une double direction, l'une ostensible et convenable à son rang, l'autre secrète, et dont l'effet tendait à étouffer ses bonnes dispositions et à l'énerver par les voluptés. Ses mœurs ne sortirent point intactes de cette épreuve, et on lui reproche les fai

blesses de Frédéric II, dont il imitait jusqu'au costume. Cependant il était naturellement porté la galanterie, et son penchant pour les femmes avait quelque chose de chevaleresque qui contrastait d'une manière bizarre avec les mœurs de l'époque, aussi bien qu'avec son propre extérieur.

« Catherine, entourée de favoris puissants et ambitieux, avait marié son fils à une princesse de Wurtemberg, dont la fécondité assurait le trône à sa famille. Si une fin prématurée n'eût point déjoué les intentions attribuées à l'impératrice, il est probable que la couronne eût passé à Alexandre, au préjudice de l'héritier direct. Cependant Paul, relégué à Gatchina, y couvait son ressentiment, et semblait uniquement occupé de faire manœuvrer son régiment, qu'il se plaisait à former à la discipline prussienne.

« Le voyage qu'il fit depuis en Europe sous le nom de comte du Nord, et les honneurs dont il se vit entouré lui apprirent à s'observer en public, et c'est surtout depuis cette époque qu'il affecta de négliger ce à quoi il sentait ne pouvoir atteindre.

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Ce prince, malgré ses défauts, gagnait beaucoup à être connu; il avait la repartie facile, l'esprit enjoué et la mémoire heureuse. Il parlait avec élégance le français et l'allemand, et il séduisait souvent par l'aménité de son entretien ceux mêmes qu'il venait d'intimider par l'étrangeté de ses formes et le jeu expressif de sa physionomie. Un jour, pour ne citer qu'un exemple, Kotzebue, qui avait été exilé par ses ordres, fut mandé au palais; il s'y rendit en tremblant, et sortit de cette entrevue aussi dévoué à l'empereur que ses serviteurs les plus intimes.

<< Naturellement généreux, il donnait avec une grâce parfaite, surtout lorsqu'il s'agissait de réparer un tort. En butte, depuis son enfance, à des persécutions de tout genre, il était extrêmement méfiant; et ceux qui l'entouraient prenaient à tâche de l'entretenir dans ces dispositions, autant pour se rendre nécessaires que pour

éloigner ou perare quiconque leur portait ombrage. Frappé de l'idée qu'on en voulait à ses jours, il prenait habituellement du contre-poison, et couchait rarement deux nuits de suite dans la même chambre. L'événement n'a que trop bien justifié ses prévisions; les recoins, les cachettes, les corridors et les souterrains qu'il avait fait pratiquer dans son palais, ne purent le soustraire au ressentiment de ses favoris.

« Les écrivains, qui attribuent presque toujours des causes extraordinaires aux catastrophes des têtes couronnées, ont essayé d'expliquer cet assassinat par des influences diplomatiques, et le soupçon tomba particulièrement sur l'Angleterre. A les entendre, cette puissance, redoutant une alliance entre la France républicaine et la Russie, se hâta de frapper Paul au milieu de ses nouveaux projets. Je n'hésite point à reléguer cette opinion parmi les calom nies gratuites des faiseurs de mémoires, qui, en général, connaissent mieux les livres que les cours. De tels moyens sont rarement employés, parce qu'ils provoqueraient des représailles, et les princes aiment mieux jouer le sort de leurs peuples que de compromettre leur sûreté personnelle.

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« Il est plus rationnel de supposer que le caractère soupçonneux de Paul, dont l'emportement se manifestait par des coups terribles, inspira à ceux mêmes qui jouissaient de sa confiance le dessein de le perdre pour se mettre à l'abri d'une disgrâce éventuelle.

<< On sait d'ailleurs que des renseignements officieux sur ce complot étaient parvenus au grand veneur Koutaïtzof. Des circonstances moins connues l'empêchèrent de s'en ouvrir à l'empereur.

Quoique je ne cite qu'à regret des hommes que j'ai connus, la vérité historique me fait un devoir d'entrer ici dans quelques développements nécessaires. Koutaïtzof devait tout aux bon tés de Paul. Il avait été donné enfant à ce prince, dont il devint le barbier et le valet de chambre. Plus tard, il sut tellement s'insinuer dans les bonnes

grâces de son maître, qu'il parvint aux premières charges. Cet homme, qui trafiquait bassement de sa faveur, avait assez d'empire sur Paul pour détourner quelques-uns des oukases qu'il fulminait dans les premiers accès de sa colere. Peu de temps avant la catastrophe, il était parvenu à faire révoquer l'ordre relatif à l'ex-favori Zoubof, qui avait été relégué dans l'intérieur de la Russie quelques mois après la mort de Catherine. L'empereur avait résisté longtemps pour plus d'un motif; mais il avait enfin cédé dans un de ces moments d'abandon que les courtisans savent si bien saisir; et une somme considérable fut, dit-on, le prix de ce service.

Un jour, Koutaïtzof trouva sur son secrétaire un paquet cacheté qui renfermait des détails précis sur la conspiration. En tête de la liste des conjurés, il lut, non sans terreur, le nom de ce même Zoubof dont il avait négocié le rappel. Prévoyant bien que le fougueux autocrate l'envelopperait dans sa vengeance, il jeta le paquet au feu. Il est permis de croire qu'intéressé comme il l'était, il tira de grands avantages de ceux dont il tenait la vie entre ses mains, et que ces ménagements l'enlacèrent dans le complot. Parmi les conjurés, on remarquait le comte Zoubof, le prince Jaschwell, l'aide de camp général Ouvarof, Talésin, Orlof, et le comte Pahlen, gouverneur militaire de Saint-Pétersbourg.

« Je suis porté à croire, sans pouvoir toutefois l'affirmer, que la révélation avait été faite par Ouvarof, qui devait son élévation rapide au crédit dont jouissait auprès de Paul la famille Lapoukhin, dont j'aurai bientôt à parler. N'ayant aucun ressentiment particulier contre l'empereur qui l'avait comblé de faveurs, cet attentat ne pouvait que nuire à sa fortune. Toutefois l'avis anonyme donné à Koutaïtzof étant comme non avenu, Ouvarof dut faire bonne contenance, et même éloigner par sa participation active les soupçons qui pouvaient planer sur lui. «Quoi qu'il en soit, l'empereur recut bientôt après un message sem

blable. Sa grandeur d'âme se révéla tout entière; car c'est une chose signaler, que les contrariétés et les tracasseries le trouvaient pusillanime et irritable, tandis que les occasions solennelles et décisives le rendaient pour ainsi dire à sa générosité native, en lui offrant un théâtre digne de lui.

« Il fait venir Pahlen, lui remet l'écrit, et, fixant sur lui ses regards vifs et pénétrants, il lui demande tranquillement ce que cela signifie. Celui-ci, profondément dissimulé et préparé à tout, affecte une contenance ferme. « Je le savais, dit-il à l'empereur, et, << pour mieux connaître tous vos enne«mis, j'ai dû jouer moi-même le rôle « de conspirateur. » Là-dessus, il s'étendit longuement sur le plan et les moyens des conjurés, et dénonça même l'impératrice et les grands-ducs Alexandre et Constantin. Paul, stupéfait, dressa une liste de proscription, et remit à l'audacieux imposteur l'ordre qui le mettait en mesure d'agir contre les membres de la famille impériale. Pahlen n'eut rien de plus pressé que de communiquer secrètement ces pièces aux coupables et à ceux que sa calomnie venait de compromettre. Dès lors, il ne fut plus question que de hâter le coup. Les circonstances odieuses de la mort de Paul sont assez connues; pour moi, lorsque je mets dans la balance ses vertus et ses écarts, je ne trouve plus de voix que pour le plaindre.

« Alexandre n'avait done point conspiré, comme on l'a faussement prétendu, mais, croyant sa perte certaine, il laissa faire. L'histoire lui reprochera d'avoir amnistié sur le trône les assassins de son père. Sa jeunesse et la puissance des conjurés expliquent sa conduite, sans toutefois la justifier. Quant à Constantin, il s'éleva avec énergie contre les auteurs de cet attentat, et la noblesse ne lui a jamais pardonné cette manifestation honorable. Depuis, il a été exclu du trône.

« Nous avons dit que les mauvais traitements avaient aigri le caractère de Paul; il nous reste à indiquer sommairement quelques circonstances d'intérieur qui pourront, jusqu'à un cer

tain point, expliquer les bizarreries de sa conduite et de ses actes administratifs.

« Une fois empereur, il sembla prendre à tâche d'insulter, par l'éclat des cérémonies publiques, les seigneurs qui avaient joui de sa disgrâce sous Catherine. Le premier acte saillant de son règne fut l'exhumation de PierreIHI, auquel il rendit solennellement les honneurs funèbres, comme pour protester hautement contre le passé. Il résolut ensuite d'entourer son couronnement de tout le faste d'une cour riche et somptueuse. Les costumes des dames de la cour furent officiellement prescrits d'après les modèles usités à la cour des derniers rois de France.

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Séduite par ces nouveautés, la noblesse de Pétersbourg et celle des villes les plus considérables de l'empire accourut en foule à Moscou. Le jour de la cérémonie, Paul sortit à cheval du palais de Pétrovski, et se rendit au Kremlin, escorté de ses fils, des grands dignitaires, et suivi d'un cortége im

mense.

Ce fut dans les fêtes nombreuses qui se succédèrent qu'il remarqua la jeune Anna Pétrovna, fille du sénateur Lapoukhin, ex-gouverneur général d'Iaroslavl. C'est dans cette famille qu'un siècle auparavant Pierre le Grand avait choisi sa première épouse, mère de l'infortuné Alexis.

« Les charmes d'Anna, ses grâces, sa modestie firent sur Paul une impression extraordinaire. Cependant ce goût, qui devint une passion violente, ne fut point remarqué d'abord, et il se contenta d'engager en termes assez vagues le sénateur Lapoukhin à venir s'établir à Pétersbourg.

« Soit qu'il voulût lutter contre ce penchant, soit qu'il fût distrait par les soins et les devoirs nouveaux que lui imposait la couronne, il quitta Moscou, et pour le moment cette proposition n'eut pas de suite. Une eirconstance fortuite vint bientôt après réveiller en lui le souvenir d'Anna Pétrovna. Le gentilhomme de la chambre, Demidof (Grégoire Alexandrovith), rechercha Catherine Pétrovna,

sœur d'Anna, et demanda, selon l'usage, l'autorisation de l'empereur. Paul crut qu'il s'agissait d'Anna, et, dans un premier mouvement de dépit, il interdit à Démidof la ville de Pétersbourg, et l'exclut du service actif, sans toutefois s'opposer à ce mariage.

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Un an après, il fit un voyage à Casan, et revint à Moscou, où it revit Anna, et apprit d'elle le mariage de sa sœur. Alors il fit promettre à son père de se rendre à Pétersbourg, où il le combla d'honneurs et de dignités. La position du sénateur Lapoukhin était des plus délicates; il n'ignorait pas le motif de sa nouvelle faveur, ni le danger de heurter de front un maître impérieux et passionné. De son côté, Anna se désolait d'un choix qui contrariait son inclination secrète. Elle avait été fiancée au prince Gagarin (Paul Gavrilévitch), et les obstacles que rencontrait leur union donnaient une nouvelle vivacité à leur mutuel attachement.

<< Paul ne pouvait se dissimuler qu'il n'avait aucun des avantages physiques capables de toucher une jeune personne. Il essaya inutilement d'exciter son ambition; il alla même jusqu'à lui proposer de répudier l'impératrice pour mettre la couronne sur sa tête. Des offres si brillantes épouvantèrent Anna Pétrovna, et il tenta désormais de vaincre une résistance dont il ignorait le motif, à force de prévenances et de générosité.

« Dans ce but, il éleva le sénateur Lapoukhin à la dignité sérénissime, et voyant qu'Anna ne tenait point à la cour le rang que lui assignait sa préférence exclusive, il lui conféra les insignes de l'ordre de Malte, ainsi qu'à la comtesse Litta, ce qui leur assurait le pas sur les autres dames d'honneur. L'impératrice Marie Féodorovna ne pouvait être jalouse d'une rivale qui gémissait la première de sa faveur, et elle lui témoigna constamment l'intérêt le plus affectueux.

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« Paul essayait aussi d'éblouir Anna par des innovations dispendieuses qui ne le rendaient pas plus aimable. Dans un caprice de prodigalité, il fit

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