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gées par un recteur assisté de plusieurs maîtres. Le recteur, qui est ordinairement l'archimandrite ou le supérieur du couvent le plus voisin, doit joindre à cette qualité un grade théologique.

Les élèves des séminaires, suivant leurs progrès, passent les uns aux académies, les autres comme curés dans les paroisses de second ordre, comme maîtres dans des écoles inférieures, comme étudiants dans les académies de médecine, ou enfin comme employés au service civil. Ces établissements ont six classes où l'on enseigne la théologie, la rhétorique, la philosophie, l'histoire de l'Eglise, l'histoire universelle, et celle de la Russie en particulier, l'hébreu, le grec, le latin et l'allemand.

Les académies ecclésiastiques ont une triple destination: 1° celle de former des jeunes gens pous les fonctions supérieures de l'Eglise; 2o celle d'étendre les limites des connaissances théologiques, comme corps scientifique, et 3o celie enfin d'administrer les écoles qui leur sont, soumises.

Le cours d'études se compose de deux classes, l'une de théologie et l'autre de philosophie.

L'étude des sciences qui forment le cours d'études des académies est ou obligatoire pour tous les élèves ou facultative. Aux premières appartiennent: 1° un cours complet de théologie, 2o un cours de philosophie théorétique et de morale, 3° un cours de littérature, 4° l'histoire sainte et l'histoire de l'Église, 5° le latin, le grec et l'hé breu.

Les objets dont l'étude est abandonnée au choix des élèves sont la physique, les hautes mathématiques, les langues française et allemande, les antiquités grecques et romaines, etc. Le nombre des élèves des écoles ecclésiastiques était, en 1836, de 58,580, celui des établissements pour les cultes étrangers de 8,803. Cette différence répond à celle qu'exprime le chiffre des populations russes qui ne professent pas la religion de l'Etat.

Parmi les écoles spéciales on distingue celles des mines, qui sont divisées

en subalternes, moyennes et supérieures. Les premieres ont 4,034 élèves. Les principales sont établies à Nertchinsk et à Barnaoul. Les écoles supérieures sont: 1° l'institut des ingénieurs des mines à Saint-Pétersbourg.

Cet établissement, fondé en 1773 par Catherine, sur la demande du Bachkir Ismail Nasimof, a reçu en 1834 son organisation actuelle. Il se divise en deux sections, l'une préparatoire, où le cours d'études est le même que celui des gymnases, l'autre spécial, qui répond à la destination des élèves. Le cours complet des études est fixé à neuf années.

Ce qui rend l'institut des ingénieurs des mines un des établissements les plus remarquables de l'Europe, c'est la richesse des musées et des collections qu'il renferme.

2o L'école technique des mines.

3o La section des médailles à l'hôtel de la monnaie de Saint-Pétersbourg.

4° La section pratique des mines et celle des usines de l'école de Barnaoul.

Le nombre des élèves qui suivent ces écoles, en y comprenant quelques établissements fondés par des particuliers, est d'environ 5,000. Nous citerons encore l'institut pratique de technologie, l'école de marine marchande

à

Saint-Pétersbourg et à Kherson, l'institut forestier, l'école des gardes forestiers, etc., etc. Les écoles de médecine, les écoles rurales, celles destinées aux fils des employés subalternes de bureaux, sont des institutions dont les règlements méritent d'être étudiés dans l'ouvrage de M. Krusenstern.

Les hospices d'orphelins et les écoles de pauvres renferment environ 10,500 élèves.

L'académie des beaux-arts, organisée par Catherine II, a subi plusieurs modifications; elle a formé plusieurs sujets distingués, mais, il faut le dire, ce sont d'assez rares exceptions.

Un des établissements qui honorent le plus la mémoire d'Alexandre, c'est l'institut des voies de communication; on y compte 265 jeunes gens; il a été fondé en 1810, sous la direction de

plusieurs élèves sortis de l'école polytechnique. Nous citerons encore l'école des ingénieurs civils, et celle des conducteurs des voies de communication, organisées sous le règne de l'empereur actuel la première renferme 100 élèves, et la seconde 300.

L'école de jurisprudence mérite aussi une mention particulière.

L'institut oriental du ministère des affaires étrangères forme une section du département asiatique de ce ministère; il doit son origine au vice-chancelier comte de Nesselrode, qui le fonda en 1823, dans le but d'établir une école de jeunes de langues, propres à servir l'Etat comme interprè tes diplomatiques dans les missions russes à Constantinople, en Perse, et dans les échelles de l'Orient.

Parmi les institutions de bienfaisance, il faut citer en première ligne les maisons des enfants trouvés de Moscou et de Saint-Pétersbourg. Elles furent placées sous la direction de l'impératrice Marie, qui ne négligea rien pour les faire prospérer. Aujourd'hui l'impératrice Alexandra s'en occupe avec une tendre sollicitude. Nul n'est refusé; tout enfant déposé ou né dans la maison est inscrit sous un numéro qui lui reste, et qui peut servir à constater son identité; il est baptisé suivant le rit grec, et remis à une nourrice, à sa mère, de préférence, si elle veut le garder jusqu'à l'âge de sept ans, moyennant une pension mensuelle. Tous les élèves des maisons des enfants trouvés sont divisés en trois catégories principales: ceux qui se trouvent dans les hospices mêmes; ceux que l'on met en nourrice dans des villages, enfin ceux dont l'éducation première est confiée à des habitants des villes. La destination des premiers se règle d'après les dispositions naturelles des enfants. Les élèves de la seconde catégorie restent dans la condition à laquelle appartiennent les familles qui ont pris soin d'eux; ceux de la troisième entrent, après avoir atteint l'âge de sept ans, soit aux hospices memes, soit aux établissements qui en dépendent.

Le gouvernement ne se borne pas à procurer à ces enfants les bienfaits de l'éducation; il veille à leur avenir; et ceux qui montrent l'aptitude nécessaire peuvent terminer leurs études soit dans les écoles supérieures, soit dans les académies.

Le défaut d'espace ne nous permet pas d'entrer dans les détails de ces fondations intéressantes, où le bienfait enrichit sans cesse et féconde sa source; nous nous bornerons à dire que les deux maisons des enfants trouvés, à Saint-Pétersbourg et à Moscou, renferment environ cinquante mille élèves de l'un et l'autre sexe.

Saint-Pétersbourg a en outre une école de commerce, un institut des sourds-muets. L'hospice des aveugles est situé à Gatchina. Moscou a aussi une école de commerce, fondée par les habitants de cette ville, et une maison de bienfaisance, qui porte le nom d'institut des orphelins d'Alexandre.

L'impératrice Marie a voué une sollicitude particulière à l'éducation des filles; les établissements fondés antérieurement ont été améliorés par ses soins, et un grand nombre d'autres lui doivent leur existence: il nous suffira de nommer l'institut des demoiselles nobles à Pétersbourg; celui de Sainte-Catherine dans la même ville, également destiné à la noblesse; la section pour les demoiselles près le corps de Paul, ouverte aux orphelines de militaires; l'institut de Sainte-Catherine à Moscou, pour la petite noblesse; et les écoles pour les filles de soldats et de matelots. Ces établissements et plusieurs autres sont aujourd'hui placés sous la protection de l'impératrice régnante, à laquelle la bienfaisante Marie les a légués en mourant.

Parmi les écoles allemandes, les principales sont celles de Saint-Pierre à Saint-Pétersbourg, celles de SainteAnne et de Sainte-Catherine, et l'école près l'Église réformée à Saint-Pétersbourg.

Il existe en outre un grand nombre d'écoles dans les colonies allemandes qui se trouvent particulièrement dans

L'UNIVERS.

les gouvernements de Kherson, de Iékatérinoslaf, de Tchernigof, de SaintPétersbourg, en Bessarabie et en Géorgie. Ces écoles, qui sont entretenues par les communes, répondent aux écoles de villages (Dorf-schulen) de l'Allemagne.

Les colonies étrangères en Russie sont au nombre de 410, y compris les colonies grecques, bulgares et juives, et renferment ensemble une population de 250,000 âmes, dont les quatre cinquièmes d'Allemands: or, comme le nombre d'élèves qui fréquentent les écoles des Allemands colonisés est de plus de 35,000, on verra, d'après le chiffre total des élèves de tout l'empire, que si l'on représente par l'unité la civilisation des Allemands colonisés, celle des Russes ne sera exprimée que par un vingtième. Mais les Allemands fixés en Russie sont moins avancés que leurs compatriotes nationaux ; c'est donc une mesure au moins intempestive que d'avoir mis obstacle à l'enseignement par des étrangers, au lieu de se contenter de prendre à leur égard de légitimes mesures de précaution.

Les Tatars, à l'exception de ceux qui existent encore à l'état nomade, savent presque tous lire et écrire. Il y a ordinairement une école près de chaque mosquée. Le mollah exerce en même temps les fonctions de maître d'école. Du reste, ces établissements ne ressemblent en rien aux autres écoles élémentaires. La maison est ordinairement achetée par un riche Tatar; un autre se charge de l'entretien soit pour un an, soit pour plus longtemps, selon sa fortune ou sa dévotion. La maison se compose d'un petit vestibule et d'une grande salle dont le plancher est disposé en pente. Sur cette élévation, chaque élève occupe un espace d'environ deux pas de long, où il place son matelas, ses effets, et même ses ustensiles de cuisine que chacun doit apporter avec soi. Cette salle sert en même temps de classe, de dortoir et de réfectoire pour les

élèves, et de logement pour le maître. Les enfants tatars sont envoyés à l'école à l'âge de sept à huit ans, et ils y restent pendant cinq années, à l'excep clésiastique, et dont les études durent tion de ceux qui se vouent à l'état ecd'enseignement sont les dogmes de beaucoup plus longtemps. Les objets l'écriture arabes, et quelquefois, selon la religion mahométane, la lecture et les besoins locaux, le persan et le boukhare. Les Tatars n'apprennent point aux écoles leur langue maternelle, attendu, disent-ils, qu'il serait superflu de faire des dépenses pour un enseiparents. Le maître n'est point rétribué gnement qu'on peut recevoir chez ses en argent, mais en nature, c'est-à-dire, en vêtements ou en denrées qu'on lui envoie en forme de présents.

s'élève, dans la Russie d'Europe, à La population professant l'islamisme 1,287,407 âmes, et habite particulièrement les gouvernements d'Orenbourg, Kasan, Viatka, Nijni-Novgorod, Astrakhan, Saratof, Penza, Perm et la Tauride.

Il existe dans ces divers gouvernefermant environ 14,000 élèves. ments 561 écoles mahométanes, ren

les provinces polonaises successiveLa population juive, groupée dans ment incorporées à l'empire, dépasse lites sont au nombre de 3,523, toutes un million d'âmes. Les écoles israéindépendantes de l'action du gouvernepourrait appeler mixtes ont été fonment; cependant plusieurs écoles qu'on dées dans le but de perfectionner l'éducation scientifique de quelques jeunes Israélites; le règlement de 1835 ne peut manquer d'exercer une heureuse influence sur l'état moral et la civilisation de cette classe industrieuse, si longtemps et si injustement oppri

mée.

Le total des écoles spéciales et diverses dans tout l'empire est de 1622, renfermant 127,864 élèves.

Le tableau suivant présente l'état de l'instruction publique en Russie.

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Sur ce nombre d'élèves, 44,000 environ reçoivent une instruction supérieure; les autres se contentent de connaissances élémentaires ou pratiques. Ainsi le nombre des élèves qui suivent les écoles est à la population totale de l'empire dans le rapport approximatif de un à cent quarante.

Le gouvernement poursuit avec persévérance la tâche d'éclairer le peuple russe; mais s'il peut décréter l'établis sement d'un collége ou d'une académie, il est impuissant à donner la vie scientifique et morale. En dépit de toutes les précautions, les moyens dont se sert la Russie pour distribuer les lumières dans les diverses classes de sa hiérarchie sociale, étant le produit d'une civilisation plus complète, conservent l'esprit de leur origine; et ils pousseront les intelligences à la liberté qui est inséparable de la science, ou au désespoir. Entre ces deux alternatives il ne peut y avoir qu'un état mixte et apathique, où tombent quelquefois les peuples qui ont passé par toutes les phases politiques, mais qui ne peut convenir longtemps à une nation qui est dans la période la plus active de son développement.

Les derniers voyages de l'empereur Nicolas, sa visite inattendue à Bernadotte, ses excursions en Allemagne, qui rappellent l'activité inquiète de Pierre le Grand, ont sans doute un but politique; mais le défaut de ren

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seignements positifs ne nous permet pas de caractériser ces démarches. Nous nous contenterons de répéter que le but du cabinet russe est de rompre, ou tout au moins de neutraliser l'alliance anglo- française : il manie habilement à cet effet tous les incidents qui naissent de la question hollando-belge, de celles d'Afrique et d'Espagne, et des embarras où s'est jetée la France en rompant ses relations amicales avec la Suisse et le Mexique. Pendant que la Russie embrouille tous ces fils, elle protége à sa manière la Porte ottomane, la Grèce et la Perse; et déjà les contrées limitrophes de l'Inde s'émeuvent sous son influence. Toutefois, plus elle approche du but, plus l'Angleterre s'inquiète; et le dernier pas sera plus difficile que tous les autres.

Les mœurs russes, sous le règne actuel, ont repris une allure plus nationale; encore un quart de siècle de cette séquestration de l'empire en Europe, et le caractère asiatique aura envahi les plus hautes classes de la société, qui, sous l'empereur Alexandre, se faisaient remarquer par une politesse et une élégance de langage dont s'étonnèrent souvent les cours étrangères. On peut dire que les sciences militaires ont été seules en progrès; les arts et les lettres, qui ont besoin pour fleurir du soleil de la liberté, se courbent sous le niveau des institu

tions. Depuis la mort du poëte Pouchkin, les écrivains russes ont quelquefois fait preuve de talent; mais le génie et la véritable inspiration ont disparu. Après tout, qu'importe? La civilisation, en Russie, n'a pour mission que de perfectionner l'obéissance; tout ce qui sortirait de cette limite, le pouvoir le regarderait moins comme un avantage que comme un obstacle.

Quant au caractère personnel de l'empereur Nicolas, il est écrit tout entier dans l'allocution qu'il a adressée à la députation de Varsovie en octobre 1835 nous le résumerons en deux mots: inflexibilité et persévérance. Ses actes les plus absolus ont une empreinte de grandeur; il possède l'art difficile d'associer son peuple aux mesures qui affermissent l'absolutisme; étrange spectacle que celui de tant de millions d'hommes qui applaudissent à leur propre assujettissement, parce que le reflet de la gloire militaire dore leurs chaînes!

Nicolas ne s'est point signalé personnellement par de hauts faits militaires; mais il sait donner l'impulsion, démêler et récompenser le mérite; dans une guerre européenne, il ferait marcher jusqu'au dernier homme, et dépenserait le dernier rouble, plutôt que de céder sur un point qui engagerait l'honneur de sa couronne. Il a montré un grand sang-froid dans des circonstances difficiles: son attitude, lors de la révolution militaire de Saint-Pétersbourg, en 1824, a donné la mesure de sa fermeté. Quand le choléra éclata dans sa capitale, on l'a vu s'avancer, le front sévère, au milieu d'une populace furieuse, lui reprocher en termes brefs et incisifs son égarement, et la faire tomber à genoux d'un geste.

En 1828, les Russes reprirent, à Varna, plusieurs canons conquis sur les Polonais en 1444, lorsque Ladislas Jagellon périt au siége de cette ville. Nicolas, à la vue de ce trophée, ordonna de transporter ces pièces à Varsovie pour en faire un monument national.

C'est par l'autorité de l'exemple, non moins que par ses avertissements su

prêmes, qu'il exerce une influence irrésistible sur les masses; il a le droit de recommander l'ordre, l'économie et les vertus de la famille, lui dont les mœurs sont rigides, et qui ne déploie de magnificence que pour récompenser d'éclatants services, ou pour l'établissement de fondations utiles. Certes, sa sévérité a fréquemment dépassé les bornes; mais, pour bien juger un prince, il faut lui tenir compte de certaines exigences de position : la plus impérieuse, peut-être, a été cette sorte de réaction qui, dans les États despotiques, imprime souvent à la politique du nouveau souverain une marche contraire à celle de son prédécesseur; soit que les abus du règne qui vient de finir, s'attribuent aux traits caractéristiques les plus saillants du dernier autocrate, soit que le nouveau maître, pressé de faire acte de puissance, entre instinctivement dans le despotisme en s'éloignant des limites où, comme les autres, il a dû marcher le front courbé. Or, nous avons vu que les qualités dominantes d'Alexandre étaient la clémence, et une douceur de formes qui n'excluait point une grande finesse de vues: c'en était assez pour préparer la Russie et le monde au gouvernement dur, franc et entier de l'empereur Nicolas : d'ailleurs, quand un homme d'un caractère fort est maître absolu de soixante millions d'âmes, comment ne serait-il pas tenté de briser violemment les résistances; et, quand son agrandissement personnel n'est que l'expression de la puissance collective de tout un peuple, peut-on nier que ses efforts revêtent un caractère imposant? Ce prince peut quelquefois errer dans les moyens; mais, aux yeux de son peuple, le but l'absout; l'autocrate fait son devoir, pourquoi l'Europe ne fait-elle pas le sien?

Les ancêtres de Nicolas ont dit aux Russes Abjurez vos coutumes, vos mœurs, pour adopter les mœurs et les coutumes étrangères : Nicolas, prématurément, selon nous, a dit aux Russes: Votre civilisation mûrira d'ellemême; désormais vous marcherez seuls...

FIN DE LA RUSSIE.

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