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dans ce lieu, et à la consécration qu'en fit, pour ainsi dire, la présence de saint Grégoire l'Illuminateur.

Quoi qu'il en soit, la suprématie du siége d'Eczmiazin ne peut être contestée, et nous pouvons regarder ses patriarches comme les seuls vrais successeurs de saint Grégoire. Le Catholicos est nommé par tous les évêques et prélats dépendants de sa juridiction, et, s'ils ne peuvent venir à la réunion où il est choisi, ils envoient leurs légats. Ce mode d'élection a varié dans les temps modernes, et la nomination est actuellement réservée à un nombre déterminé des premiers pasteurs de l'Église. C'est lui qui a le pouvoir exclusif de consacrer le saint chrême pour toutes les Églises dépendantes de sa puissance. Il est préposé à la garde de la foi, au maintien de la discipline et des institutions; en un mot, il est le pape de l'Arménie, et cette dénomination ne lui convient que trop, depuis qu'il s'est soustrait à l'autorité du seul chef visible établi par Jésus-Christ.

La conquête de Constantinople par les Turcs apporta un nouveau changement dans l'état de l'Église armé nienne. Mahomet II, pour repeupler la ville qu'il avait dévastée, donna l'ordre à Joachim, archevêque armé nien de Boursa, de se transporter avec un grand nombre de familles arméniennes dans la nouvelle capitale de son empire. Il leur concéda dans Galata un lieu vaste et commode pour habiter. Le chef de cette Église reçut le nom de patriarche, et il étendit sa juridiction sur tous les autres Arméniens établis dans la Grèce et dans l'Anatolie. Tel fut l'origine de ce nouveau patriarcat (*), qui a acquis une grande impor

(*) L'élection du patriarche de Constantinople est communément dans l'Église arménienne l'occasion d'un grand scandale. La cupidité des vizirs tire habilement profit des ambitions secrètes du clergé, en mettant à l'encan cette première dignité ecclésiastique. Le gouvernement prélève sur cette nomination un fort impôt nommé mukatta, véritable tribut annuel, qui doit être payé au sultan à des époques déterminées. On a

tance avec l'accroissement de la population arménienne. La tolérance musulmane lui a toujours laissé le plein exercice de ses droits, à condition seulement que lui et son troupeau spirituel respecteraient les lois du vainqueur. La liberté du clergé arménien de Constantinople repose sur un firman que lui octroya Mahomet II. Nous verrons comment, à certaines époques, la partie catholique du clergé eut à se plaindre de la violation de cette promesse solennelle.

L'institution du patriarcat de Constantinople signale la dernière ère de décadence de l'Église arménienne. Depuis la conquête des Turcs, le lien d'unité qui rattachait encore une certaine masse de fidèles à un symbole commun se brisa, et l'anarchie spirituelle n'a fait qu'augmenter. Ce n'est pas que le musulmanisme ait fait des prosélytes dans la nation; la loi de l'alcoran, plagiat incomplet du judaïsme et du christianisme, n'a jamais prévalu parmi tout un peuple déjà converti à l'Évangile, et il nous suffit, pour se convaincre de la justesse de cette remarque, de jeter les yeux sur les divers pays où pénétra la religion de Mahomet. Les Arabes, les Persans, les Tartares, étaient adonnés à l'idolâtrie, au magisme ou au fétichisme, et c'est pour cela qu'ils entrèrent comme naturellement dans les nouvelles voies

vu le gouvernement turc spéculer avidement sur le droit d'installation. Ainsi, durant la dernière moitié du dix-septième siècle, quatorze patriarches se succédèrent, et quelques-uns d'eux furent élus et déposés successivement neuf fois. Le siége était livré au plus offrant, et le mukatta s'éleva de 100,000 à 400,000 aktché ou aspres. Le droit que paye actuellement le patriarche est de 10,000 piastres, somme qu'il prélève sur les diverses Églises de sa juridiction. Angora fournit 1000 piastres; Isnikmid 1000, Césarié 800, Moush 500, Tekirdagh 500, Smyrne 500, Sivas 500, Sis 500, Adreneh 500, Erzeroum 450, Diarbekre 450, Orfah 400, Arabkir 400, Tokat 300, Kutaya 300, Baibourt 250, Amasia 200, Kara-Hisar 200, Trébizonde 150, Terdjan 150, Gumish-Khaneh roo, etc., etc.

religieuses ouvertes devant eux, et qui les conduisaient à un état social et intellectuel véritablement supérieur. Il n'en fut pas de même des peuples chrétiens qui conservèrent généralement leur foi, suivant cette loi première de l'humanité qui ne permet jamais de rétrograder. Sous ce rapport, les Grecs peuvent être assimilés aux Arméniens, et comme eux ils ont eu le courage de défendre et de conserver leur religion. Ainsi, tout en rendant hommage à la constance et à la générosité du peuple arménien, qui, depuis quatre siècles, soumis aux musulmans, préfère la croyance de ses pères à la liberté, et court joyeusement au-devant de la mort et des persécutions pour la maintenir, nous ne pouvons néanmoins nous empê cher de remarquer un fait commun à d'autres peuples, et qui a, en partie, son explication dans la nature de l'esprit humain. La domination musulmane, quelque tolérante qu'on la suppose, fut nuisible au christianisme, qu'elle tint dans une sujétion assez humiliante. Les Arméniens commencèrent à comprendre que les Grecs, avec leur esprit disputeur et jaloux, avaient du moins une foi commune sur les principaux dogmes, et en outre, la rivalité existante entre les deux Eglises, qui se trouvaient comme en présence, contribuait à entretenir une certaine activité religieuse. Si ces nombreux conciles et toutes ces discussions théologiques dont nous avons parlé n'amenaient pas d'heureux résultats, on voyait néanmoins en cela un signe de mouvement et de vie. Après la conquête, les Arméniens se rapprochèrent politiquement des Grecs sans se réunir; les trois patriarches d'Eczmiazin, de Sis et d'Aghtamar, se renfermèrent plus strictement dans le cercle de leur juridiction respective. Le patriarche de Constantinople, plus favorablement placé pour surprendre les faveurs du pouvoir, usa de son crédit, souvent dans le but unique d'empiéter sur les droits et les attributs de ses rivaux.

Les émigrations, les guerres, les persécutions et les malheurs de tout genre auxquels la nation arménienne a

été en butte, l'ont fait comparer plusieurs fois à la nation juive. En effet, nous retrouvons quelques-uns de ses enfants dispersés dans toutes les régions, comme ceux du peuple hébreu. Ils s'occupent également de banque, de trafic et d'industrie, et, s'ils ont l'habileté des juifs, ils ont de plus la réputation d'une loyauté parfaite. Ce trait de ressemblance, frappant au premier abord, s'explique historiquement, lorsqu'on considère les nombreuses colonies qui vinrent à diverses reprises de la Palestine s'établir en Arménie. A l'époque des deux transmigrations à Babylone, sous Alexandre le Grand et lors de la grande dispersion, après la ruine du temple de Jérusalem, des bandes de colons vinrent fonder des villages dans les provinces du sud et de l'est. Ce fait explique aussi la ressemblance qui existe dans le type de la physionomie entre les têtes juives et arméniennes, si ce n'est que celles-ci ont généralement plus de noblesse et de beauté. Ce mélange de sang israélite au sang de l'ancienne race de Thorgom nous fait comprendre comment, au sein de cette nation qui semble d'abord exclusivement attachée au sol de son pays par ses goûts agricoles et sédentaires, il se trouve une autre partie de la population entraînée par des goûts aventureux à aller chercher fortune dans des terres lointaines, et à se livrer aux opérations mercantiles et financières. Ainsi les Arméniens sont disséminés dans toutes les villes commerçantes de l'Asie, jusqu'au fond de l'Inde et près des frontières de la Chine; partout ils parviennent en peu de temps à tenir dans leurs mains tout l'argent des fortunes publiques. Comme les juifs, ils demeurent invariablement attachés à leur foi héréditaire, et, à Vienne comme à Madras, ils célèbrent l'office divin selon la liturgie primitive de leur Église.

En Perse, il existe une colonie importante d'Arméniens. Elle réside à Julfa, faubourg d'Ispahan, séparé de la ville par les jardins du roi, qui ont une lieue d'étendue. Elle y fut transférée par Abbas Ier, qui, lors des con

quêtes qu'il fit en Arménie, ramena avec lui vingt-trois mille familles arméniennes dans le Guilan. L'Église qu'ils ont formée est régie par un patriarche particulier. Étroitement attachés aux principes de leur Église nationale, ils rejettent le concile de Chalcédoine, la distinction des natures, et conservent pour les Grecs une antipathie insurmontable. Leur aversion pour les Latins n'est pas moins grande; les missionnaires envoyés par la Propagande ont presque toujours vu échouer leurs tentatives, à cause des intrigues du clergé arménien qui redoute leur présence. Chardin et Tavernier les accusent de simonie et d'avarice, et l'ignorance qu'ils leur reprochent serait encore plus grande que celle du clergé de l'Arménie même.

Au milieu des disputes théologiques, et malgré les efforts du parti national pour rompre entièrement avec l'Église romaine d'Occident, dont les anciens écrivains ont toujours reconnu plus ou moins expressément la suprématie spirituelle, il s'était conservé un autre parti plus faible à la vérité, mais non moins tenace à ses idées; et ce parti, proprement catholique, correspondrait assez bien à ce que nous appelons chez nous les ultramontains. Leur Église s'était perpétuée au sein de l'autre, ayant son clergé, ses théologiens qui se mettaient en rapport avec l'Église d'Occident aussi souvent qu'ils le pouvaient. On peut dire que cette portion des fidèles représentait la partie la plus intelligente et la plus avancée de la nation, puisqu'elle comprenait mieux le principe de charité et d'union, et qu'elle ne se séquestrait pas dans un froid et sec isolement. C'était ces catholiques qui recevaient les missionnaires latins (*), et qui travaillaient

(*) Depuis quelques années la société des Méthodistes américains s'est éprise d'une tendre sollicitude pour les Églises orientales d'Arménie, de Géorgie et de Perse, et elle a envoyé dans ces contrées des missionnaires. En 1820, MM. Fisk et Parsons firent un tour dans l'Asie Mineure; en 1827, M. Grindley pénétra dans la Cappadoce. Der

toujours à la réunion des Églises dissidentes. Il leur fallait du courage pour

nièrement MM. Smith, Dwight, Dittrich ont visité l'Arménie. Nous louons le but et les efforts de ces hommes, qui abandonnent courageusement leur patrie, et se dévouent aux fatigues et aux périls de ces lointaines excursions. Si leur propagande religieuse est complétement dénuée de succès, du moins ils nous fournissent d'excellentes oblocaux de mœurs et de coutumes propres servations géographiques, et des détails à compléter certaines parties des voyages de Chardin ou de Tavernier. Après avoir fait ainsi la part aux éloges qu'ils méritent, nous leurs soumettrons ici quelques respectueuses considérations. D'abord nous n'approuvons pas leur ton de suffisance à l'égard des Arméniens papistes (*), dont ils plaignent à chaque instant le servile attachement au siége romain, bien qu'ils reconnaissent dans certains passages de leur journal, que les catholiques sont la seule portion véritablement éclairée de ce peuple, et suition. Ils laissent même échapper à regret vant le mouvement progressif de la civilisacet aveu trop favorable à la cause qu'il attaquent partout ailleurs avec un zèle digne (Ibid., pag. 14). En second lieu, ce que des réformés contemporains d'Henri VIII. nous ne leur pardonnons pas, c'est leur complète ignorance des premiers dogmes de la religion chrétienne qu'ils prétendent aller prêcher aux Orientaux. Comment pouvaientils s'attendre à être accueillis favorablement par ces hommes dont ils plaignent l'ignorance, lorsque ceux-ci leur entendaient nier la divinité de J. C., l'établissement hierar chique de la primitive Église, et qu'ils les voyaient rester tout stupéfaits de ce que dans ce pays on baptisât encore les enfants, parce que la pratique de ce sacrement dénote, suivant eux, la superstitieuse croyance au péché originel. (Ibid., p. 222.)

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En quoi consistait donc leur mission? Ils nous le disent eux-mêmes. Arrivés dans une ville, ils allaient dans les bazars et sur les places publiques, mettre d'abord en vente, et ensuite, faute d'acheteurs, simplement y déposer quelques exemplaires des traductions des saints Évangiles, faites à grands frais par la société biblique. Ils s'imaginaient que des Turcs ou des Kurdes allaient se convertir à leur foi en em

(*) Missionary researches in Armenia, by F. Smith et G. O. Dwight. London, 1834.

s'élever au-dessus des jalousies et des haines des opposants qui leur reprochaient amèrement d'entretenir des intelligences avec un chef étranger, et de vouloir absorber leur Église dans une Eglise plus universelle. Ils faisaient d'inutiles efforts pour leur démontrer que l'indépendance de leur Église ne serait point détruite par sa réunion au centre de la catholicité; ceux-là trouvaient leur intérêt à ne pas les comprendre; et, comme les Gallicans, ils vantaient hautement leur soumission au pouvoir temporel dont ils éveillaient d'ailleurs injustement les soupçons sur la conduite des catholiques. Il était curieux de voir des Arméniens se constituant défenseurs de la puissance turque qui les écrasait, et la poussant à persécuter ces mêmes catholiques qui, dans leur généreux dévouement à l'Église latine, mettaient réellement plus de patriotisme que les

portant ces livres inspirateurs dont ils ne pourraient comprendre la traduction fautive et incorrecte, s'ils savaient lire. Mais quel était leur désappointement, lorsque le lendemain ils retrouvaient par les rues les lambeaux épars de l'Ancien et du Nouveau Testament. (Ibid., p. 73). Certes les missionnaires romains dont ils envient les travaux prospères, agissent autrement. Ils commencent par se naturaliser, pour ainsi dire, chez le peuple qu'ils veulent évangéliser, et cela en adoptant sa langue, ses usages. Ils cheminent à pied, portant le poids du jour, à travers les lieux sauvages et déserts, et non pas sur le dos des mules, et en traînant à leur suite un attirail de bagages, de tentes et de matelas, semblable à la caravane d'un pacha allant prendre possession de son gouvernement. Ils ne comptent point avec inquiétude les pulsations de leur pouls, pour connaitre l'influence variable de l'atmosphère sur leur tempérament. Ils ne prennent pas la peine, dans leurs relations, de nous dire l'heure à laquelle ils se sont levés ou couchés, les mets qu'ils ont trouvés chez leurs hôtes, et ils ne se plaignent pas que le thé ou le café leur aient manqué. (Ibid., p. 79, 82, 173). En un mot, avant d'oser attaquer les missions catholiques, il faudrait que ces messieurs missionnaires touristes et gentlemen reformassent leurs propres missions.

autres, puisqu'ils espéraient trouver, dans la réunion religieuse, un moyen de recouvrer leur indépendance politique, en se ralliant à la communion des peuples d'Occident. Ce qu'on peut reprocher au parti catholique, est un excès de zèle, et l'air de supériorité qu'il prenait naturellement pour deux raisons; la première, parce que ses communications avec l'Occident le faisaient participer davantage aux lumières de la civilisation; et la seconde, parce qu'il était fier de défendre contre un plus grand nombre des principes appuyés sur la tradition des âges passés et sur la science ecclésiastique. Ils affectaient aussi à tort de rejeter certaines pratiques de leur liturgie, pour adopter d'autres cérémonies de la liturgie romaine, préférence que les dissidents regardaient comme une insulte. De là l'éloignement qu'ils leur témoignèrent, et qui fut poussé jusqu'à la haine (*). Les deux partis étaient sans cesse en présence, comme deux camps ennemis observant leurs moindres mouvements, et toujours disposés à l'attaque. Nulle relation n'existait entre les deux Églises; jamais le membre d'une de ces deux sociétés n'eût consenti à s'allier par le mariage à l'autre; une ligne de démarcation infranchissable les divisait, et ils manifestaient moins d'antipathie pour un Turc ou un Grec, qu'ils savent être

:

(*) Au rapport d'un missionnaire, les dissidents de la Perse anathématisent solennellement le concile de Chalcédoine, saint Léon et l'Église romaine, quatre fois l'année, à savoir à la Quinquagésime, la veille de l'Assomption, la veille de la Transfigura, tion et la veille de Noël, Voici ce que Tournefort pensait de leur aversion pour les catholiques. « La réunion des religions, dit-il, est un miracle que le Seigneur opérera, lorsqu'il le jugera à propos. C'est du ciel qu'il faut attendre la véritable conversion des schismatiques, dont le nombre est infiniment plus grand que celui des Arméniens romains. Ces malheureux schismatiques, par leur crédit et leur argent, feraient déposer un patriarche qui donnerait les mains à la réunion. La haine qu'ils ont pour les Latins parait irréconciliable.

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leurs ennemis naturels, que contre un de leurs compatriotes d'une communion différente. Ajoutez à ces causes religieuses les rivalités naissantes de la concurrence et des intérêts commerciaux, vous aurez une idée à peu près complète des principaux motifs de guerre et de discorde existant parmi eux, et, de plus, vous trouverez là une des causes de la dernière crise de 1828, qui a été si fatale aux catholiques.

Parmi les églises catholiques qui ont persévéré avec le plus de constance, on peut citer les trois églises du rite arménien établies dans le Liban. Elles ne sont point autorisées par un firman du Grand Seigneur; la position inaccessible des montagnes qui les protégent leur en tiennent lieu. Elles ont été formées par les réfugiés qui, fuyant une patrie continuellement ravagée par les ennemis, et en proie à une anarchie religieuse et politique, vinrent chercher dans ces montagnes un asile assuré. La concorde et la charité règnent dans cette petite société. Dans le siècle dernier, la direction de l'Église a été confiée à un patriarche.

Une autre église indépendante, bien qu'elle soit renfermée dans une des provinces de l'empire, est celle de Merdin. Soumise à l'autorité d'un grand pacha, décoré du titre de vice-roi de Babylone, elle jouissait au dernier siècle d'une liberté complète, en vertu du privilége accordé par le sultan à ce préfet, lequel l'affranchit, sous le rapport religieux, de toute juridiction, en sorte que les fidèles arméniens ne relèvent pas du patriarche de Constantinople. Partisans des opinions erronées de l'Église arménienne, ils se sont convertis aux principes de la foi catholique au commencement du dixhuitième siècle.

A cette époque, il y eut, parmi les Arméniens, un mouvement visible vers l'unité catholique. Méchitar, ce célèbre fondateur de l'ordre savant de SaintLazare, dont nous nous proposons de parler, touché du déplorable état de sa nation, concevait le projet d'apporter un remède efficace à ses maux, en extirpant les germes de division. Les

missionnaires européens, envoyés par la Propagande, et qui étaient assez nombreux à Constantinople, secondèrent d'abord heureusement ses projets. Mais ensuite ils ne procédèrent point avec toute la prudence requise dans les moyens qu'ils employerent pour ramener les dissidents. Ils choquèrent ouvertement ce parti beaucoup plus nombreux, en interdisant aux catholiques l'entrée de leurs églises qu'ils représentaient comme le sanctuaire de Satan (*), et en attaquant la liturgie et les pratiques de l'ancienne Église arménienne. On refusa l'absolution à quiconque contrevenait à cet ordre. Les catholiques, trop disposés à s'éloigner de leurs frères, prirent tellement en horreur leurs églises, qu'en passant devant la porte, ils détournaient la tête par mépris, comme si c'eût été une pagode d'idolâtres. On renouvela toutes les disputes assoupies depuis plusieurs siècles, touchant le pape Léon et le concile de Chalcédoine. De leur côté, les partisans du patriarche intriguaient vivement contre les missionnaires, qu'ils dépeignirent à l'autorité civile comme des conspirateurs

(*) De leur côté, les dissidents mettaient une extrême passion à vexer les catholiques qui semblaient les fuir comme des êtres dont le contact était impur. A Julfa, ville dépendante d'Ispahan, leur jalousie contre les catholiques était grande au dernier siecle, et ils suscitèrent ouvertement une longue persécution, voulant les faire chasser de la ville. Ils étaient tous soulevés contre eux, femmes, enfants. C'est alors qu'un chef de famille à qui l'on disait que quand il n'y aurait plus de pères ni de missionnaires catholiques, il serait bien forcé d'aller à leur église, fit cette réponse remarquable : « Je ne connais qu'une Église, c'est l'Église romaine dans laquelle je suis né, et avec laquelle je suis en communion. S'il ne reste plus à Julfa de missionnaires et de prêtres catholiques, je suis veuf, par conséquent libre; j'irai me faire ordonner prêtre, afin de pouvoir satisfaire ma dévotion, et pour que mes enfants trouvent dans leur maison de quoi remplir les devoirs de chrétiens, sans être obligés d'aller aux églises schismatiques.

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