Page images
PDF
EPUB

431

CHAPITRE V.

De la géométrie souterraine, ou de l'art de lever les plans de mine.

S. 1.er Des instrumens.

S. 2. Manière d'opérer dans les travaux.

5. 3. Manière de rapporter les opérations sur le papier et de dessiner les plans.

S. 4. Résolution des triangles par les tables trigonométriques.
S. 5. Observations sur quelques circonstances particulières.
S. 6. Remarques sur la construction de la boussole des mineurs.
S. 7. De la manière de tracer une méridienne et d'apprécier
la déclinaison de l'aiguille aimantée.

S. 8. De la réduction des plans.
Tables des sinus.

La géométrie souterraine n'est point une branche particulière de la science, ce n'est qu'une de ses nombreuses applications; elle ne diffère en rien de la géométrie ordinaire, et c'est absolument la même que celle du cadastre, des topographes et des arpenteurs. Si l'on est obligé d'employer quelques moyens particuliers à l'art de lever les plans de mine et d'en dessiner les coupes, ces légères modifications ne sont motivées que par l'obscurité des travaux, leur sinuosité, leur peu de hauteur et l'impossibilité où l'on est d'apercevoir plusieurs points à la fois; et ces changemens, bien loin de porter sur les principes, ne touchent qu'aux moyens mécaniques que l'on emploie pour en faire l'application. On se

trouve dans l'intérieur d'une mine dont on veut lever le plan, dans la position où l'on serait placé, si, par une circonstance particulière, on était forcé de lever celui d'une ville dans l'obscurité; car l'on serait obligé de se servir des mêmes moyens et des mêmes instrumens pour obtenir la direction, les coudes et les embranchemens des rues, des places et des impasses, que ceux dont on fait usage pour relever les galeries, les traverses et les tailles d'une mine: ce que l'on appelle les îles dans une ville représente ce que l'on nomme massifs dans une exploitation. La dénomination de géométrie souterraine n'est donc ni juste ni claire, puisqu'elle a souvent induit en erreur les personnes étrangères à l'art des mines, en leur persuadant que c'était une science distincte, qui avait ses règles et ses principes particuliers, et cependant il n'en est rien, et je ne me sers de cette expression que parce qu'elle est abréviative et déjà connue au reste, quelle que soit cette dénomination, il n'en est pas moins constant que l'application de la géométrie et de la trigonométrie à l'exploitation des mines est absolument indispensable, puisque ce n'est qu'à l'aide de cette science universelle que l'on peut obtenir l'image ou la représentation fidèle de tous les travaux souterrains, dont l'ensemble constitue ce que l'on appelle une mine. Ce n'est qu'au moyen du lever des plans que l'on peut savoir d'avance la profondeur à la

quelle un puits recoupera une couche ou un filon dont on connaît l'inclinaison; quelle est la distance qu'il faut parcourir à travers la roche pour aller d'un point à un autre; quelle est la situation de tel ou tel travail souterrain par rapport à un édifice, à une fontaine, à un ruisseau, à une route ou à tout autre objet existant à la surface, et à quelle profondeur verticale on se trouve audessous de ces différens points; de combien une galerie d'écoulement doit monter en allant du dehors au dedans pour arriver à la partie la plus basse des travaux que l'on veut assécher; que l'on peut calculer par le cubage la valeur vénale d'un massif de houille ou de minerai, la durée d'un champ d'exploitation; savoir d'avance dans quel sens on devra marcher pour aller porter de l'air ou des secours en cas d'événement'. Or, on ne peut parvenir à la solution de toutes ces questions et de beaucoup d'autres encore, qu'à l'aide de la géométrie et de la trigonométrie; car l'expérience prouve que le séjour habituel d'une mine et la connaissance parfaite des travaux ne suffisent point pour donner une

1 Lors de la catastrophe de Beaujonc, les ingénieurs se servirent des plans d'une mine voisine pour diriger le percement précipité par lequel on sauva les malheureux qui auraient infailliblement péri, si l'on n'eût pas pu se diriger à l'aide d'un plan exactement dressé. Ce seul exemple ne devrait-il pas suffire pour engager tous les exploitans à faire lever les plans de leurs travaux ?

idée exacte de leur situation respective ou de leur rapport avec la surface; j'en ai fait souvent l'épreuve avec de bons mineurs, et je me suis convaincu que, lorsque l'on se détourne sous terre plus de trois fois de la direction primitive, l'homme le plus exercé perd entièrement la carte et se trompe du tout au tout. L'usage de la boussole est le seul moyen de se reconnaître, et il arrive souvent qu'elle donne un démenti si formel à l'idée qu'on s'était faite de sa propre position, qu'on a peine à se détromper, et que l'on recommence plusieurs fois la même opération avant d'adopter les résultats obtenus par l'instrument. On ne doit donc rien négliger pour se procurer la représentation la plus complète et la plus fidèle des travaux que l'on a dirigés soi-même; car la plus légère erreur, la plus petite négligence, pourrait avoir de si grands résultats, qu'on ne saurait apporter trop de soins et recommencer trop souvent le même travail. Pour atteindre ce but essentiel, le moyen le plus sûr et le plus économique, comme le dit fort bien M. de Villefosse, c'est de commencer les plans et coupes d'une mine dès l'origine, de les vérifier constamment et de les augmenter à mesure que l'exploitation s'étend. A combien de dépenses et de dangers ne s'exposent-ils pas, sans parler du tort qu'ils font à la chose publique, ces exploitans, comme il y en a trop en France, qui entreprennent

[ocr errors]
[ocr errors]

«

donc

ou poursuivent de vastes excavations et « souvent à une profondeur considérable, sans savoir où l'on est allé avant eux, sans prévoir où l'on pourra se porter dans quel«<ques années1,» et tout cela pour n'avoir pas pris la peine de se servir d'une simple boussole et de tracer sur le papier la direction, la longueur et les sinuosités des travaux au fur et à mesure qu'on les a exécutés, et c'est pourtant à quoi se reduit l'art de lever les plans de mine. Que l'on cesse donc de s'effrayer de cette géometrie souterraine, dont le nom seul est imposant et qui est cependant à la portée de tout homme qui sait lire et écrire; car les circonstances difficiles sont rares, et pour l'ordinaire l'usage de la boussole et le rapport sur le papier suffisent pour empêcher toute erreur notable et tout résultat facheux.

[blocks in formation]

Les ingénieurs des mines et certains directeurs apportent une espèce de luxe dans le choix et le nombre des instrumens qui composent ce que l'on appelle la poche de mineur, sorte de coffre qui se fixe autour du corps au moyen d'un ceinturon de cuir, et dans lequel on trouve deux ou trois instru

1 Richesse minérale, tom. II, pag..91.

« PreviousContinue »