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PARIS.

TYPOGRAPHIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES,

RUE JACOB, No 56.

MODERNE.

DICTIONNAIRE ABRÉGÉ

DES SCIENCES, DES LETTRES, DES ARTS,

DE L'INDUSTRIE. DE L'AGRICULTURE ET DU COMMERCE :

NOUVELLE ÉDITION,

BNTIÈREMENT REFondue ET AUGMENTÉE DE PRÈS DU Double,

PUBLIÉE PAR

MM. FIRMIN DIDOT FRÈRES,

SOUS LA DIRECTION

DE M. LÉON RENIER,

SECRÉTAIRE TRÉSORIER DE LA Bibliothèque de l'université,
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE,
CORRESPONDANT DE L'INSTITUT ARCHÉOLOGIQUE DE ROME.

Tome Cinquième.

PARIS,

FIRMIN DIDOT FRÈRES, ÉDITEURS,

IMPRIMEURS-LIBRAIRES DE L'INSTITUT DE FRANCE,

RUE JACOB, N° 56.

M DCCCLIII.

1873, Oct.13, Minot Fund.

MODERNE,

OU

DICTIONNAIRE ABRÉGÉ

DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES ARTS.

ATTAQUE DES PLACES. ( Art militaire.) Attaquer une place, c'est exécuter devant elle tous les travaux et toutes les opérations nécessaires pour s'en rendre maître. On donne aussi en particulier le nom d'attaque à l'ensemble des travaux exécutés devant une partie des fortifications d'une place assiégée.

On trouvera à l'article SIÉGE le détail des travaux qui s'exécutaient dans l'attaque des places avant l'invention de la poudre à canon.

De nos jours, il y a quatre manières d'attaquer une place: 1o par surprise (voyez SURPRISE), 2o par blocus (voyez BLOCUS ), 3° par canonnade ou bombardement (voyez BOMBARDEMENT), 4° dans les formes.

Attaque dans les formes. L'attaque dans les formes est celle où l'assiégeant commence ses travaux à partir du point où le feu des assiégés ne peut l'inquiéter; il les pousse ensuite peu à peu, jusqu'à ce qu'il soit arrivé à la dernière enceinte de la place.

La durée des attaques varie suivant la nature et la disposition des fortifications, et suivant le terrain sur lequel elles sont assises.

Les attaques s'exécutent au moyen de travaux de différentes espèces, dont les principaux sont les cheminements ou tranchées, les parallèles ou places d'armes, les demiplaces d'armes, les batteries, les cavaliers de tranchée, les logements, les descentes de fossés, les passages de fossés, enfin les mines. La sape est presque toujours employée pour la confection de ces travaux.

Avant d'entrer dans le détail de la marche des attaques, il est nécessaire, pour faire bien entendre la division que nous croyons devoir adopter, de détruire une opinion généralement admise, savoir, que l'attaque commence à éprouver des difficultés véritables à partir de la troisième parallèle, tandis qu'elle n'en ren.

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A

contre de bien réelles qu'après s'être avancée jusque sur la crête du glacis, ou jusqu'aux ouvrages qui peuvent en tenir lieu.

L'observation que nous allons développer résulte de l'examen réfléchi des relations de quelques siéges célèbres, et des ouvrages sur l'autorité desquels paraît être fondée l'opi nion que nous combattons.

Antérieurement au siége de Maëstricht, de 1673, il n'y avait point de système réglé pour les attaques; leur marche et leurs formes dépendaient toujours des idées et du génie de celui qui les dirigeait. En général, les assiégeants s'avançaient vers la place par des cheminements étranglés que ne pouvaient soutenir efficacement les redoutes et fortins que l'on élevait assez loin des ouvrages attaqués. « On allait, dit Louis XIV dans ses Mémoires, par des boyaux si étroits, qu'il était impossible de tenir dedans à la moindre sortie. » Les assiégés pouvaient toujours se porter en forces supérieures, même au delà des glacis, sur des cheminements qui n'étaient point capables de contenir des réserves, ni d'incommoder les sorties pendant qu'elles s'avançaient ou qu'elles se retiraient. Dans ce temps, les gouverneurs de places, habitués à se défendre en attaquant, et presque certains de voir leurs efforts couronnés de succès, n'étaient nullement découragés par le progrès des attaques; c'était souvent dans les fossés et sur les brèches que se livraient les plus furieux combats. Les assiégeants n'arrivaient ordinairement au terme de leurs travaux qu'après un très-long espace de temps, et après des sacritices de toute espèce. Les meilleures preuves qu'on en puisse donner sont les siéges de Metz, en 1552; de Sienne, en 1555; d'Ostende, 1603; de la Rochelle, en 1627; de SaintJean-de-Losne, en 1636; de Saint-Omer, en

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en

1638; de Lérida, en 1647, etc. En un mot, dans ces temps, les places se défendaient presque toujours aussi longtemps que leurs gouverneurs avaient des munitions et des bras pour combattre : aussi nos maîtres en l'art de la guerre recommandaient de mettre dans les places des garnisons suffisantes et des vivres pour un an ou huit mois au moins. (Voyez Deville, page 392; Montécuculli, pages 120, 160, et autres. )

La conséquence de ce qui vient d'être dit et des exemples cités, c'est qu'avant l'emploi des parallèles dans l'attaque des places, l'art de les défendre, supérieur à celui de les attaquer, était fondé sur l'usage des sorties comme moyen principal; l'artillerie et tout ce que l'industrie produisait étaient des moyens bien importants sans doute, mais cependant accessoires.

L'art des attaques ne fit des pas vers la perfection que lorsqu'il employa des moyens de gêner les sorties, et de les annuler, du moins pendant une partie du siége.

Sous Candie, en 1667, les Turcs, en exécutant des espèces de parallèles, commencèrent à accélérer la marche des attaques. Aussi, Montécuculli, changeant de langage lorsqu'il s'agit de la défense des places contre les Turcs (pages 309 et 311), recommande de ne mettre << dans ces places des vivres que pour six mois et de ne pas faire des sorties contre le Turc, extrêmement fort dans ses approches, qui se soutiennent les unes les autres. >>

Enfin en 1673, Vauban développa sous Maestricht ces parallèles qui éclairent le terrain de cheminements jusqu'à la crête du glacis, et rendent toute sortie impossible au delà des chemins couverts. C'est de cette époque que date la méthode suivie encore aujour d'hui dans les attaques; elle leur donna une si grande supériorité sur ce qu'elles avaient été jusqu'alors, que, sans examiner si la défense avait perdu autant que l'attaque avait gagné, il fut admis généralement que l'attaque était devenue bien supérieure à la défense; cette supériorité est encore regardée vulgairement comme incontestable. La méthode d'attaquer reçue consiste à faire marcher les cheminements avec peu de monde, mais toujours bien soutenus, à ne s'avancer que pied à pied, à cerner et envelopper toutes les défenses par des lignes bien liées les unes aux autres, et qui forment une espèce de grand réseau; il est certain que l'assiégé ne peut se montrer sur ce terrain sans courir à sa perte, car il doit être reçu de tous côtés, et combattu par des forces supérieures, et ne peut arriver ou se retirer qu'en essuyant des feux convergents très-meurtriers.

Cette manière d'amener l'assiégeant avec certitude jusque sur la crête des glacis, et de

a

lui faire traverser rapidement un terrain sur lequel les assiégés avaient autrefois l'habitude de livrer des combats avantageux, presque toujours effrayé les commandants des places assiégées. Ils imaginaient probablement que l'assiégeant, arrivé sur le chemin couvert, devait continuer à marcher aussi rapidement que sur les glacis, et qu'on pouvait fixer l'instant de la capitulation, en comparant l'espace que les cheminements avaient encore à franchir avec celui qu'ils avaient parcouru. C'est la seule manière d'expliquer le peu de durée des siéges soutenus depuis la fin du dix-septième siècle.

La supériorité que la méthode de Vauban a fait prendre subitement à l'attaque résultait donc évidemment de ce que cette méthode donna les moyens d'amener rapidement l'assiégeant sur la crête du chemin couvert, d'annuler pendant ce temps les sorties qui faisaient le principal moyen de défense, et de produire de l'effroi dans l'esprit des assiégés. Quelques belles défenses ont fait voir que cet effet moral n'était pas toujours produit, et qu'il n'est pas raisonnable d'y compter comme sur un moyen d'attaque positif; par conséquent, il était indispensable de chercher quels sont les moyens de défense que l'attaque peut avoir à redouter, et à partir de quel moment ils peuvent être mis en jeu. C'est précisément ce qu'a fait Vauban (Attaque des places, chap. Ix); il distingue deux espèces de sorties : sorties extérieures et sorties intérieures. Les premières sont celles qui se font au delà dé la crête du chemin couvert, et les secondes, celles qui se font en deçà. Les moyens de résister ne doivent pas être les mêmes contre ces deux espèces de sorties. Vauban explique comment, au moyen des parallèles, toute sortie extérieure ne peut avoir aucun succès; mais les moyens qu'il indique pour résister aux sorties intérieures sont si faibles et si peu impo sants, qu'on est forcé d'admettre que, si la méthode de Vauban donne les moyens d'an! nuler les sorties extérieures, elle n'en fournit pas d'aussi efficaces contre les sorties intérieures.

Il s'ensuit que dans une attaque bien conduite, les assiégeants ont encore à redouter l'effet des sorties, mais seulement lorsqu'ils sont au delà de la crête du chemin couvert.

On est amené à une conséquence toute sem blable, en réfléchissant sur les belles défenses de Maëstricht, en 1676; de Lille, en 1708; de Burgos, en 1812; et l'on y arrive encore en examinant simplement la forme qu'affecte la fortification qui se compose de chemins couverts, de fossés, etc. En effet, à l'aspect d'un front, il tombe sous le sens que l'attaque ne peut plus marcher suivant l'esprit de la méthode de Vauban, dès qu'elle a dépassé la

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