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la date du 9 avril, et inséré au Bulletin des Lois, enjoignait à toutes les autorités civiles et militaires d'arrêter le transport de ces fonds, et d'en effectuer sur-le-champ le dépôt dans une caisse publique. Or, si la mission avait eu pour but la recherche ou la saisie, soit de pareils deniers, soit des diamans de la couronne, les pouvoirs conférés à Maubreuil n'étaient plus, dans cette hypothèse, qu'une conséquence de l'arrêté, un moyen de parvenir à son exécution; ils n'auraient eu rien de mystérieux, et la mission n'y serait pas annoncée comme secrète dans l'ordre du commissaire au département de la police générale ;

"Que Maubreuil, dans son voyage à Fossard, envoya Colleville à Fontainebleau pour épier le moment du départ de l'empereur, et la marche des princes Joseph et Jérôme, qui étaient alors du côté de Blois ;

"Qu'en sortant de Fossard après le vol de l'argent et des bijoux de la reine de Westphalie, Maubreuil, sachant que l'empereur voyageait jusqu'à Lyon sous l'escorte de quinze cents hommes de la garde, prit la résolution d'aller le joindre au-dessus de cette ville, ce qui suppose nécessairement l'intention de l'assassiner, et non pas de le combattre ;

"Que, s'il préféra de revenir à Paris, ce fut non seulement pour accompagner les objets volés à la reine de Westphalie, mais encore pour s'associer trois ou quatre personnes sûres, se mettre à la tête d'un détachement de cavalerie qui lui fût dévoué, et avec la certitude d'avoir le temps de rejoindre l'empereur, qui ne voyageait qu'à petites journées;

"Qu'à Chailly, sur le chemin de Fossard à Paris, il donna l'ordre au lieutenant George, qui l'escortait avec quelques chasseurs de la garde, de se rendre au-dessus de Lyon, pour y attendre l'empereur ;

"Qu'en arrivant à Paris, il écrivit aux ministres de la guerre et de la police qu'il n'avait point encore rempli le grand

but de la mission, et qu'il avait pris seulement les caisses de la reine de Westphalie, dans lesquelles on trouverait sans doute les diamans qui manquaient à la couronne;

"Qu'il vit plusieurs fois Roux-Laborie; que celui-ci fit éclater le plus vif mécontentement, et se répandit en rèproches; que, le 25 avril, après une longue résistance de la part de Roux-Laborie, il fut arrêté entre eux que l'empereur aurait la vie sauve, mais qu'il serait enlevé et conduit en Espagne, d'où il résulte évidemment que, jusqu'au 25 avril, Roux-Laborie avait ordonné, et Maubreuil s'était proposé l'assassinat de Sa Majesté.

"Qu'enfin Maubreuil, de son aveu, a persévéré jusqu'à son arrestation dans le dessein d'exécuter au moins l'enlèvement de l'empereur, et qu'il se disposait à repartir pour l'accomplissement de cette nouvelle mission;

"Attendu, à l'égard de Dasies, qu'il a fait conjointement avec Maubreuil un grand nombre de visites à Roux-Laborie, qu'il a reçu des ministres du gouvernement provisoire des ordres absolument semblables à ceux donnés à Maubreuil, qu'il a suivi ce dernier dans son voyage, et ne l'a pas quitté un seul moment; qu'il était instruit, dès le 3 avril, du complot qui se formait contre la vie de l'empereur;

"Qu'il convient lui-même avoir exhorté Maubreuil à revenir de Fossard à Paris, pour associer quelques personnes à l'entreprise, et prendre un détachement plus nombreux de cavalerie, en lui faisant observer qu'ils auraient le temps de rejoindre l'empereur au-delà de Lyon ;

"Que sur l'observation de M. de Vitrolles, qu'il manquait encore deux caisses, dont l'une contenait de l'argent, M. Deventeaux fit prévenir Maubreuil par son domestique, Prosper Barbier, qu'il serait fusillé, s'il n'en faisait pas sur-lechamp la restitution;

"Que, le soir, Prosper apporta à M. Deventeaux le néces

saire du prince Jérôme, les planches de la caisse qui avait renfermé ces 84,000 francs en or et qui s'était brisée, enfin quatre sacs qui paraissaient pleins d'argent, et dont M. Deventeaux négligea de faire la vérification; que, le même soir, ou dans la nuit, M. Deventeaux, accompagné de Maubreuil, de Dasies et de Prosper, fit, à la secrétairie d'Etat, entre les mains de M. de Vitrolles, le dépôt du nécessaire, des débris de la caisse, et de quatre sacs; mais le contenu n'en fut point vérifié ;

"Attendu que des faits exposés ci-dessus il résulte, 1o que le prince de Talleyrand paraît avoir conçu ou accueilli l'idée de faire assassiner l'empereur, ses deux frères les princes Joseph et Jérôme, et de faire enlever le roi de Rome, au mois d'avril 1814; qu'il paraît également s'être servi de l'entremise de Laborie pour charger de l'exécution de ce complot Maubreuil et Dasies; néanmoins, comme il ne leur a fait lui-même aucune proposition directe, et qu'il ne s'est engagé personnellement dans aucune entrevue, dans aucun pourparler avec eux; qu'il n'existe contre lui que la déclaration de Maubreuil et la présomption que Roux-Laborie ne se serait pas permis de faire délivrer à Maubreuil et à Dasies, sans l'autorisation du prince, les ordres dont ils ont été porteurs ;

"Attendu qu'il est très vraisemblable que les trois agens signataires desdits pouvoirs, sous les dates des 16 et 17 avril 1814, connaissaient l'objet de la mission pour l'accomplissement de laquelle ces ordres étaient expédiés; que l'un d'eux, commissaire au département de la police générale, a donné à cette expédition l'épithète de secrète, sans doute à fin de masquer le but criminel de la mission qu'il n'osait avouer; cependant, comme aucunes déclarations ne viennent éclairer la justice à cet égard, et qu'enfin il serait possible que ces agens eussent reçu purement et simplement l'ordre de dé

livrer de tels pouvoirs, sans avoir été préalablement admis à la confidence du projet conçu contre l'existence de l'empereur et de sa famille ;

"Attendu que des mêmes faits ci-dessus exposés, il résulte ;

"1° Que Roux-Laborie est prévenu d'avoir, au mois d'avril 1814, proposé à Maubreuil une mission qui avait pour but l'assassinat de l'empereur, des princes Joseph et Jérôme, et l'enlèvement du roi de Rome;

"2° Que Maubreuil et Dasies sont prévenus d'avoir accepté la mission qui avait été offerte par Roux-Laborie ;

"Nous requerrons, etc."

La tentative de Maubreuil fut la seule qui fut faite contre l'empereur dans les premiers jours de son voyage: nulle part on ne lui manqua depuis Fontainebleau jusqu'à Avignon. En passant à Lyon, qui était occupé par les troupes autrichiennes, il laissa son valet de chambre pour attendre l'arrivée de la poste de Paris et lui apporter les feuilles publiques avec tout ce qu'il pourrait se procurer de ces ouvrages de circonstance dont on couvrait la France. Il continua son chemin, et ne tarda pas à rencontrer le maréchal Augereau. Celui-ci l'embrassa, lui témoigna les regrets qu'il éprouvait de son malheur, et lui parla avec le même respect qu'auparavant. Ils s'étaient à peine séparés, que l'empereur fut rejoint par son valet de chambre. Parmi les papiers publics que celui-ci lui apportait, se trouvait le Moniteur, dans lequel était la proclamation que ce même maréchal Augereau avait faite à son armée, en lui annonçant le retour de la maison de Bourbon: elle était remplie d'invectives contre l'empereur, qu'il osait accuser de lâcheté. Il était cependant venu l'embrasser, et cela se conçoit, car tous ceux qui ont connu le maréchal savent

qu'il n'était pas en état de faire un pareil écrit. Je tiens de celui qui rédigea la proclamation qu'il adressa aux troupes sous son commandement, lors du retour de l'île d'Elbe, que c'était Fouché qui lui avait fait la première.

CHAPITRE XIV.

Nouvelles tentatives contre la vie de l'empereur.-Ce prince est sur le point d'être assassiné.-Affaires d'Orgon.-La séduction s'étend jusqu'aux domestiques.—Ce que voulait Talleyrand.—Alexandre se prête au complot.—Sa visite à Rambouillet.-L'impératrice refuse obstinément de le recevoir.Elle ne se dissimule pas ce qu'il se propose.

LA tentative confiée à Maubreuil avait échoué; on en organisa une autre à Avignon. Des émissaires avaient été détachés dans cette ville, et étaient promptement parvenus à échauffer la populace. Elle accueillit l'empereur avec des cris de sang, et se portait déjà à sa voiture, lorsque le commandant de la garde nationale, M. de Saint-Paulen, depuis chef d'escadron de gendarmerie au service du roi, accourut avec un piquet, et arrêta ces malheureux, qui avaient déjà la main à la portière. Il contint les autres; l'empereur s'éloigna sans incidens fâcheux. Il n'en fut pas de même à Orgon, petite ville de Provence. Un officier, qui courait à franc-étrier devant les voitures pour faire préparer des chevaux, avait gagné assez d'avance pour reconnaître les intentions criminelles qui animaient le peuple de cette contrée. Il vit de l'attroupement et des excitateurs parmi la foule; il retourna sur ses pas jusqu'à ce qu'il eût rejoint l'empereur, à qui il rendit compte de ce qui se passait. Le danger était imminent; il n'était pas sûr que les commissaires étrangers

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