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dée, dans toute l'Angleterre, par le sang qu'il a répandu, afin qu'il préparât et assurât le crime; et en effet, plusieurs assassins isolés ont tenté, à l'ile d'Elbe, de gagner, par le meurtre de Napoléon, le coupable et honteux salaire qui leur était promis.

22. III. Les duchés de Parme et de Plaisance étaient donnés en toute propriété à Marie-Louise, pour elle, son fils et ses descendans, et après de longs refus de les mettre en possession, on a consommé l'injustice par une spoliation absolue, sous le prétexte illusoire d'un échange sans évaluation, sans proportion, sans souveraineté, sans consentement, et les documens existant aux relations extérieures, que nous nous sommes fait représenter, prouvent que c'est sur les sollicitations, sur les instances du prince de Bénévent, que MarieLouise et son fils ont été dépouillés.

23. IV. Il devait être donné au prince Eugène, fils adoptif de Napoléon, qui a honoré la France qui le vit naître, et conquis l'affection de l'Italie qui l'adopta, un établissement convenable hors de France, et il n'a rien obtenu.

24. V. L'empereur avait (art. 9 du traité) stipulé, en faveur des braves de l'armée, la conservation de leur dotation sur le Monte-Napoleone; il avait réservé sur le domaine extraordinaire et sur les fonds restant de sa liste civile, des moyens de récompenser ses serviteurs, de payer les soldats qui s'attachaient à sa destinée: tout a été enlevé, réservé par les ministres des Bourbons. Un agent des militaires français, M. Bresson, est allé inutilement à Vienne, réclamer pour eux la plus sacrée des propriétés, le prix de leur courage et de leur sang.

25. VI. La conservation des biens meubles et immeubles de la famille de l'empereur est stipulée par le même traité (art. 6), et elle a été dépouillée des uns et des autres, savoir, à main armée, en France, par des brigands commissionnés; en Italie, par la violence des chefs militaires; dans les deux

pays, par des séquestres et des saisies solennellement ordonnées.

26. VII. L'empereur Napoléon devait recevoir deux millions, et sa famille deux cent cinquante mille francs par an, selon la répartition établie art. 6 du traité, et le gouvernement français a constamment refusé d'acquitter cet engagement; et Napoléon se serait vu bientôt réduit à licencier sa garde fidèle, faute de moyens pour assurer sa paie, s'il n'eût trouvé, dans les reconnaissans souvenirs des banquiers et négocians de Gênes et d'Italie, l'honorable ressource d'un prêt de douze millions qui lui fut offert.

27. VIII. Enfin, ce n'était pas sans motif qu'on voulait, par tous les moyens, éloigner de Napoléon ces compagnons de sa gloire, modèles de dévouement et de constance, garans inébranlables de sa sûreté et de sa vie. L'ile d'Elbe lui était assurée en toute propriété (art. 3 du traité), et la résolution de l'en dépouiller, désirée par les Bourbons, sollicitée par leurs agens, avait été prise au congrès.

28. Et, si la providence n'y eût pourvu dans sa justice, l'Europe aurait vu attenter à la personne, à la liberté de Napoléon, relégué désormais à la merci de ses ennemis, loin de sa famille et séparé de ses serviteurs, ou à Sainte-Lucie ou à Sainte-Hélène, qu'on lui assignait pour prison.

29. Et quand les puissances alliées, cédant aux vœux imprudens, aux instances cruelles de la maison de Bourbon, ont condescendu à la violation du contrat solennel sur la foi duquel Napoléon avait dégagé la nation française de ses sermens; quand lui-même et tous les membres de sa famille se sont vus menacés, atteints dans leurs personnes, dans leurs propriétés, dans leurs affections, dans tous les droits stipulés en leur faveur comme princes, dans ceux même assurés par les lois aux simples citoyens, que devait faire Napoléon ?

30. Devait-il, après avoir enduré tant d'offenses, supporté

tant d'injustices, consentir à la violation complète des engagemens pris avec lui, et, se résignant personnellement au sort qu'on lui préparait, abandonner encore son épouse, son fils, sa famille, ses serviteurs fidèles à leur affreuse destinée ?

31. Une telle résolution semble au-dessus des forces humaines, et pourtant Napoléon aurait pu la prendre, si la paix, le bonheur de la France, eût été le prix de ce nouveau sacrifice. Il se serait encore dévoué pour le peuple français, duquel, ainsi qu'il veut le déclarer à l'Europe, il se fait gloire de tout tenir, auquel il veut tout rapporter, à qui seul il veut répondre de ses actions et dévouer sa vie.

32. C'est pour la France seule et pour lui éviter les malheurs d'une guerre intestine, qu'il abdiqua la couronne en 1814. Il rendit au peuple français les droits qu'il tenait de lui, il le laissa libre de se choisir un nouveau monarque, et de fonder sa liberté et son bonheur sur des institutions protectrices de l'une et de l'autre.

33. Il espérait pour la nation la conservation de tout ce qu'il avait acquis par vingt-cinq années de combats et de gloire, l'exercice de sa souveraineté dans le choix d'une dynastie et dans la stipulation des conditions auxquelles elle serait appelée à régner.

34. Il attendait du nouveau gouvernement le respect pour la gloire des armées, les droits des braves, la garantie de tous les intérêts nouveaux ; de ces intérêts nés et maintenus depuis un quart de siècle, résultant de toutes les lois politiques et civiles, observées, révérées depuis ce temps, parce qu'elles sont identifiées avec les mœurs, les habitudes, les besoins de la nation.

35. Loin de là, toute idée de la souveraineté du peuple a été écartée.

36. Le principe sur lequel a reposé toute la législation politique et civile depuis la révolution a été écarté également,

37. La France a été traitée par les Bourbons comme un pays révolté, reconquis par les armes de ses anciens maîtres, et asservie de nouveau à une domination féodale.

38. Louis-Stanislas-Xavier a méconnu le traité qui seul avait rendu le trône de France vacant, et l'abdication qui seule lui permettait d'y monter.

39. Il a prétendu avoir régné dix-neuf ans, insultant ainsi et les gouvernemens établis depuis ce temps, et le peuple qui les a consacrés par ses suffrages, et l'armée qui les a défendus, et jusqu'aux souverains qui les ont reconnus dans leurs nombreux traités.

40. Une charte rédigée par le sénat, tout imparfaite qu'elle fût, a été mise en oubli.

41. On a imposé à la France une loi prétendue constitutionnelle, aussi facile à éluder qu'à révoquer, et dans la forme des simples ordonnances royales, sans consulter la nation, sans entendre même ces corps devenus illégaux, fantômes de représentation nationale.

42. Et comme les Bourbons ont ordonné sans droits et promis sans garantie, ils ont éludé sans bonne foi et exécuté sans fidélité.

43. La violation de cette prétendue charte n'a été restreinte que par la timidité du gouvernement; l'étendue des abus d'autorité n'a été bornée que par sa faiblesse.

44. La dislocation de l'armée, la dispersion de ses officiers, l'exil de plusieurs, l'avilissement des soldats, la suppression de leurs dotations, la privation de leur solde ou de leur retraite, la réduction des traitemens des légionnaires, lę dépouillement de leurs honneurs, la prééminence des décorations de la monarchie féodale, le mépris des citoyens, désignés de nouveau sous le nom de tiers-étát, le dépouillement préparé et déjà commencé des acquéreurs de biens nationaux, l'avilissement actuel de la valeur de ceux qu'on

était obligé de vendre, le retour de la féodalité dans ses titres, ses priviléges, ses droits utiles, le rétablissement des principes ultramontains, l'abolition des libertés de l'église gallicane, l'anéantissement du concordat, le rétablissement des dîmes, l'intolérance renaissante d'un culte exclusif, la domination d'une poignée de nobles sur un peuple accoutumé à l'égalité, voilà ce que les Bourbons ont fait et voulaient faire pour la France.

45. C'est dans de telles circonstances que Napoléon a quitté l'île d'Elbe. Tels sont les motifs de la détermination qu'il a prise, et non la considération de ses intérêts personnels, si faible près de lui, comparée aux intérêts de la nation à laquelle il a consacré son existence.

46. Il n'a pas apporté la guerre au sein de la France, il y a au contraire éteint la guerre que les propriétaires de biens nationaux, formant les quatre cinquièmes des propriétaires français, auraient été forcés de faire à leurs spoliateurs ; la guerre que les citoyens opprimés, abaissés, humiliés par les nobles, auraient été forcés de déclarer à leurs oppresseurs ; la guerre que les protestans, les juifs, les hommes des cultes divers auraient été forcés de soutenir contre leurs persécuteurs.

47. Il est venu délivrer la France, et c'est aussi comme libérateur qu'il a été reçu.

48. Il est arrivé presque seul, il a parcouru deux cent vingt lieues sans obstacle, sans combats, et a repris sans résistance, au milieu de la capitale et des acclamations de l'immense majorité des citoyens, le trône délaissé par les Bourbons, qui, dans l'armée, dans leur maison, dans les gardes nationales, dans le peuple, n'ont pu armer personne pour essayer de s'y maintenir.

49. Et cependant, replacé à la tête de la nation qui l'avait déjà choisi trois fois, qui vient de le désigner une quatrième

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