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Loiret, qui est de 50 mendiants, la dépense ne dépasserait pas 10,000 fr. par an. Si nous adoptions le chiffre de 100 mendiants par département que nous avons indiqué plus haut, ce serait une dépense de 20,000 fr. tout au plus. Il n'y a donc de difficulté que pour les frais de premier établissement, et, cette difliculté devient légère si quatre départements s'associent pour supporter ces frais.

On a objecté contre les dépôts de mendicité que, placés au centre du département, ils éloignent de leur domicile les indigents qui habitent les points extrêmes de sa circonférence. Dans notre opinion, plus le dépôt dépaysele mendiant, plus ille punit, plus il est efficace. On objecte le mélange dans le dépôt des vicieux avec de moins corrompus. La séquestration soustrait le mendiant à ses mauvaises habitudes, elle le moralise. Pour le vicieux l'isolement sera un des moyens de discipline. Le système pénitentiaire créé pour les prisons est tout aussi applicable au travail forcé.

Une des conditions d'un bon dépôt est d'être rural par sa position, agricole par sa destination. La construction des dépôts peut avoir lieu en partie par les mendiants eux-mêmes, en partie par les indigents libres, au besoin par l'armée. Les travaux agricoles peuvent être exécutés hors de l'enceinte du dépôt, comme le sont les travaux agricoles dans la plaine de Montrouge Jar les aliénés. Les dépôts doivent être soumis à un régime presque militaire. M. de Morogues propose d'admettre dans les dé pôts, si la place le permet, les condamnés à la prison qui y auraient mérité par leur bonne conduite, à titre de commutation de peine, leur transfèrement.

Les frais des dépôts de mendicité pourraient être à la rigueur des dépenses obligatoires sans dérogation au principe de l'assance facultative, par la raison qu'ils constituent un moyen de répression. L'Etat qui a pris à sa charge les maisons départethentales de répression pourrait supporter la dépense des dépôts sans qu'on puisse en induire qu'il y a en France une charité de l'Etat. L'assistance resterait facultative en matière d'organisation des secours. L'Etat he ferait que donner à cette organisation la force publique que représentent les dépôts Ge mendicité pour sanction. Le nom de déjot donné aux établissements qui renferent les mendiants prouve que cette interprétation n'est pas forcée. Les dépôts de hendicité participent de la nature des prisons.-Voy. SYSTÈMES PÉNITENTIAIRES.-La endicité figure dans le code pénal parmi les délits; les mendiants sont des malfaieurs comme les autres, et des détenus une nature spéciale.-Voy. § 5, Corrèze, Gironde, Loire Inférieure et Charente-Infé

Fleure.

§ VII. Faits de mendicité. A ceux qui Deseraient pas suffisamment édifiés sur les

dangers de la mendicité et l'utilité de sa répression, nous citerons quelques faits recueillis à diverses époques. Des habitants connus de Paris sont arrêtés dans le quartier Saint-Georges, rue Labruyère, à 6 beures 112 du soir, par un mendiant (5 mars 1813. Les injures et les voies de fait auxquels il se livrait envers les passants l'avaient déjà conduit devant la police correctionnelle. Il est condamné pour ce second délit à 15 jours de prison. La peine était trop faible, on le condamnait comme un mendiant, c'était un malfaiteur.

Nous lisions dans un numéro des Guêpes d'Alphonse Karr, vers le même temps:

«On prend une petite fille de 6 à 8 ans, on la met à moitié nue, le soir, par un temps bien froid, accroupie par terre au coin d'une borne, tenant sur ses genoux deux paquets d'allumettes ou de cure-dents; le père ou la mère se tiennent en observation à quelque distance. Les passants s'apitoient de voir cette malheureuse créature endormie ou plutôt engourdie par le froid qui bleuit ses pauvres petits membres et l'on jette sur ses genoux une pièce de monnaie. Quand la recette ne donne pas, on ôte aut martyr un fichu ou un schall ou ses souliers, on arrive à forcer l'humanité des passants dans ses derniers retranchements. Ceci est un infanticide d'un ordre particulièrement féroce. L'autorité qui tolère de pareilles choses se rend complice de ce crime qui déshonore une ville. Dans tous les quartiers de Paris, dit l'auteur des Guépes, «il arrive la même chose. Je cite ce que j'ai vu pour la dixième fois. »>

(Septembre 1846). On avait dénoncé à la police de Rennes un mendiant étranger qui sollicitait la charité publique comme privé d'un bras et qui feignait d'être ancien matelot. Arrêté par un agent de police, ce mendiant, âgé à peine de 25 ans, a été reconnu n'être point manchot; son bras gauche était ramené derrière lui et sur le sommet était un faux moignon formé d'étoupe entourée d'une toile.

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Une jeune mendiante poursuit un voyageur à son arrivée à Cologne où l'on ne mendie guère. Je n'ai pas mangé hier... je ne sais pas comment je mangerai aujourd'hui! répétait-elle. Qu'estce qui t'a appris à débiter ça? lui demande, en lui faisant l'aumône, celui qui servait de guide au voyageur.-C'est maman, répondit la pauvresse, elle me le répète tous les matins quand nous déjeunons.

jeunes aveugles de Paris la misérable condiOn a souvent reproché à l'institution des tion de quelques-uns de ses élèves que nous voyons à la fleur de l'âge, assis sur le pont de la Concorde et jouant de la flûte depuis 7 heures du matin jusqu'à 11 heures du soir. A travailler du métier qu'ils ont appris, ils ne gagneraient que 15 à 20 sous par jour, à exercer la mendicité ils récoltent en moyenne de 2 fr. 50 cent. à 3 francs.

On calculait à Bourges, en 1844, que cer

tains mendiants levaient en moyenne sur les passants un impôt de 40 à 50 sous par jour. Quelques uns pénètrent dans les maisons particulières pour y exercer leur industrie et font des recettes quotidiennes encore plus considérables.

(1844.) Il vient de mourir à l'hôpital de Saint-Chamans un mendiant ayant autour de son corps une ceinture contenant 600 fr., et dans une cachette des billets de banque et plusieurs milliers de francs en argent. (Journal du Pas-de-Calais.)

(Avril 1846.) Il existe dans la paroisse Sainte-Croix, à Orléans, une vieille pauvresse qui n'a vécu jusqu'ici que de la charité publique. Elle était inscrite comme indigente au bureau de bienfaisance, et chaque semaine elle recevait des secours en argent de plusieurs maisons de la ville. Elle fit naguère connaissance d'une épicière nouvellement établie rue de Bourgogne, et elle lui proposa de lui donner tout ce qu'elle possédait, moyennant le logement et la table, sa vie durant. L'offre fut vite acceptée, parce que des confidences préalables la faisaient juger très-avantageuse, et le déménagement de la pauvresse s'opéra le jour même de la donation. Ce que cette femme avait de pièces de monnaie entassées chez elle est incroyable. Les sous et les liards étaient enfermés dans des terrines de toute grandeur, et il n'a fallu rien moins que cinq voyages successifs pour transporter on hotte tout cet argent. Une énorme terrine, placée sur un camion avec les meubles, s'est défoncée au moment de la décharger, et il en est tombé sur le pavé une telle quantité de sous qu'on les a ramassés à la pelle. Cette mendiante s'était acquis, sou par sou, liard par liard, une somme qui dépasse 27.000 fr. Sa mère avait fait comme elle, et elle était morte en lui laissant 700 fr. de rentes viagères placées chez un notaire. Pour elle, la mendicité n'était plus un moyen d'existence, mais un travail, une profession. Aujourd'hui que sa position est connue et qu'elle ne peut plus demander, elle se regarde comme une commerçante retirée des affaires.

(Décembre 1852.) Une veuve G..., âgée d'environ soixante-dix ans, habitait deux salles basses et humides de la rue NeuveSaint-Etienne, derrière le Panthéon. Deux jours s'écoulent sans qu'elle fût rencontrée par les voisins, qui la voyaient aller et venir sans cesse. En regardant à travers la croisée, on aperçut comme un corps inanimé étendu à terre. Le commissaire de police, appelé, fit ouvrir la porte, et l'on trouva, en ellet, la veuve G... frappée d'apoplexie, mais respirant encore. Après qu'on lui eut donné les premiers secours, le commissaire, ayant procédé à l'examen des lieux, reconnut que ce misérable logement recélait une somme de quinze à seize cents francs en, écus, une cinquantaine de francs en monnaie blanche, quelques pains de munition dont se nourrissait la locataire, une quantité de fagots recus du bureau de bienfaisance, cin

quante à soixante paires de vieux sabots, et entin les reconnaissances de divers place ments s'élevant ensemble à plus de 80,0%) fr., non compris les intérêts non touchés de puis longues années. Un voisin déclara en outre que la veille on lui avait remis 3,000 fr. pour la veuve G., que l'on croyait absente. Pendant que l'on opérait une perquisition, la malade, qui avait repris ses sens, mais non l'usage de la parole, exprimait par ses regards tout le mécontentement que cette scène lui inspirait. Le fils unique de cette femme, ignorant sa situation réelle, s'était engagé comme remplaçant, pour ne point lui être à charge. En garnison à Joiguy, il a obtenu un congé, et est arrivé à Paris pour recevoir le dernier soupir de sa mère.

(1853.) A Clermont-Ferrand, toute la 10pulation s'est soulevée récemment au mariage d'une mendiante qui a épousé un com merçant. Elle lui apportait 10,000 fr. en dot.

Tout Paris a parlé d'un mendiant du che min de Versailles, dont la fille par lui riche ment dotée fit la fortune d'un garde du corps de son choix.

Une mendiante de profession vient de mourir à Troyes. Sa mise, comme son top, annonçaient une misère profonde, et la negbreuse clientèle de ses bienfaiteurs n'apprit pas sans surprise que l'inventaire de son avoir a constaté l'existence chez elle d'une ex cellente provision de linge de ménage en ben état; d'environ 2,000 fr. en espèces, pus d'une série d'obligations s'élevant ensemi-e à 10,000 fr. Tombée malade huit jours avant så mort, la veuve Garnier a été transportée à l'hospice à titre d'indigente. Elle eut bientôt conscience de son état et témoigna le désir d'avoir des funérailles en rapport ave” sa succession. Elle-même en régla le cere monial. Elle voulut un cercueil très-comtable; les plus beaux ornements derant être déployés pour la conduire à sa Gernière demeure, où elle voulait aller escor tée de tous les pauvres de la paroisse Saint-Remy, ses anciens confrères.

Nous avons trouvé sur la route de Besarçon à Pontarlier (Doubs), une preuve d désordres de tous genres dont la mend.c est la source. Une idiote de 25 à 30 ans f demandait l'aumône aux passants. Il nos paraissait à craindre que la débauche abusi de cette fille vagabondant jour et nuit, 8.2 surveillance et sans asile. Le directeur l'hospice de Bellevaux nous a fait connța que nos appréhensions étaient loin d chimériques. Il en avait en main la pore ve. A côté de l'idiote mendiait un ̧.* infirme et un jeune aveugle. L'int jeune encore, était dans le cas de se t à divers travaux; et, quant au jeune a gle, sa place était marquée dans une ma d'enseignement professionnel.

Il existe à Seurre (Côte-d'or), sur une pulation de 3,000 habitants, huit ou nesf pauvres. Le recensement de l'hiver de 18 a donné ce chiffre. On compte, tant dans à

vilie que dans les faubourgs, 16 mendiants dont 80 demandent l'aumône aux portes des maisons. Des enfants aisés, et établis et mariés, laissent mendier leurs pères et mères. La jeune fille se couvre la tête de rubans Four aller danser le dimanche, pendant que la misère est au foyer. Il est de notoriété que les mendiants se livrent au vol. Ils volent du bois qu'ils vendent. «Ils sont marchands de bois, dit-on dans le pays, sans avoir besoin d'en posséder ni d'en acheter.» Ces mendiants ne sont pas sans asile; et, quand ils ne sont pas voleurs, ils sont fainéants et s'adonnent à tous les vices. Ce

n'est pas seulement du bois qu'ils volent, c'est du foin, des pommes de terre, du raisin. On calcule qu'il est volé au moins 600 bottes de foin au temps de la fauchaison. Le vol passe sous le couvert de la mendicité. On demande la répression et l'interdiction de la mendicité dans le pays. On fait appel au gouvernement; il n'y a que lui, dit-on, qui puisse l'en délivrer, comme si l'extinction de la mendicité n'était pas un fait d'initiative départementale, comme si son interdiction n'exigeait pas la création préalable d'un dépôt. Pour éteindre la mendicité à Seurre, il suflirait de donner à une société de charité ce qu'on dépense en aumônes aux portes des maisons ou ailleurs. Il y a lei marchand de bois, nous a-t-on assuré, qui 'hésiterait pas à souscrire pour 500 fr., si Ton ouvrait une liste de cotisation; et l'on De doute pas qu'il y gagnerait beaucoup.

Les mendiants des provinces du centre de la France (du Nivernais notamment) usent de ce dicton: Une besace bien portée vaut teur qu'une charrue de 600 fr.; ou bien : In bon baton vaut 1,200 fr. de rentes. Joy. § 3, Corrèze; Tarn-et-Garonne, Montaulan; Tarn, Lavaur; Ariége, Pamiers, Saint-Lizier; Charente, Angoulême; HauteSasne; Nièvre; Deux-Sèvres, Saint-Maixent. CONCLUSION.-I. L'aumône aux portes ou Sur la voie publique est un mauvais mode de secours. Ce point est hors de doute. Les aumônes, dit M. Marbeau, « sont toujours destinées aux véritables pauvres; en Tet, celui qui donne se prive: il croit se priver en faveur de l'indigence; et s'il saVt qu'on le trompe, s'il savait que, sous livrée de l'indigence, est un paresseux torrigible, un avare qui thésaurise ou un ingit, il conserverait l'aumône pour une are occasion. La charité intelligente dit 2, pour assister convenablement un paure, il ne suffit pas de donner, il ne suffit

the pas de donner outre mesure: il faut auer à propos et suivant les besoins; wall faut en outre, car l'homme ne vit pas alement de pain, ajouter au secours maInel du corps le secours moral de l'âme, st-à-dire les consolations et les conseils qui aident à relever un malheureux et qui euvent même le préserver de rechute. Voilà e que recommande la vraie charité, la cha=té chrétienne. Or ce n'est pas dans les

s, ce n'est pas sur les routes, ni même a porte des églises qu'on peut véritier si

l'individu qui demande est pauvre ou non, valide ou non, s'il est honnête ou scélérat, qu'on peut connaître sa véritable position et ses besoins véritables; ce n'est pas là qu'on peut lui donner exactement les secours matériels et moraux qui lui sont nécessaires. >>

A combien peut-on évaluer les aumônes que les mendiants et les vagabonds reçoivent chaque année, en argent ou en nature, dans nos 38,000 communes ? Les uns disent à 200, les autres à 300 millions. Ces chiffres nous paraissent, au surplus, exagérés.

II. La société a-t-elle le droit d'interdire à l'impôt en argent, est un précédent social la mendicité? L'impôt en nature, substitué qui peut être opposé au mendiant. La société passe avec ses membres un contrat synallagmatique: Do ut des. Si le mendiant refuse le secours du travail, traitez-le comme le déserteur du service militaire. Le soldat paye l'impôt du sang. que l'indigent valide paye l'impôt du travail; qu'il soit traité aussi inipitoyablement que le soldat qui déserte, que le contribuable qui refuse de payer l'impôt. A sa seconde récidive d'abandon du travail, la société lui donnera encore le travail, mais à des conditions plus onéreuses pour lui, moins dangereuses pour elle.

III. On a distingué entre le mendiant des campagnes et celui des villes, qui, le plus souvent, est un être dégradé, rebut de la société. Le pauvre à la campagne, dit-on, ne diffère de l'ouvrier des champs que par les accidents qui ont détruit son épargne, par l'infirmité et par l'âge. On a tenté, dans plusieurs communes rurales, de le secourir à domicile, de concentrer des secours suffisants pour que les pauvres ne demandassent plus, et sauf les cas où les ressources abondaient, on n'a pas réussi. La certitude de secours devenait une tentation pour plusieurs qui, voisins de l'indigence, avaient jusqu'alors lutté contre elle par le travail. Demander, quêter est une peine prise recevoir sans déplacement ne donne pas de peine et ne laisse aucune incertitude dans l'esprit du pauvre, il connaît d'avance ce qu'il obtiendra. Le secours direct, sans déplacement, sans inquiétude, peut donc satisfaire la philanthropie de ceux qui donuent; mais c'est un piége tendu sous les pas de beaucoup d'hommes dont la conscience faible autant que l'énergie cèdent à l'appât d'un pain obienu sans travail. L'imitation fait le mendiant comme elle fail l'indigent. Ajoutons que beaucoup de mendiants des villes viennent des campagnes; on ne peut donc pas distinguer entre les mendiants de ces deux origines.

Mais dans la presque totalité des villages, dit-on, il est impossible de réunir suflisamment de secours. Il faut donner beaucoup, au pauvre condamné à ne plus franchir son domicile pour mendier, et ce qu'on lui donne, il le reçoit mécontent. Une multitude de riens recueillis dans la quête quotidienne formaient son aisance relative. Il tenait de l'un sa chaussure, de

l'autre son pain, de celui-ci son bois ou son vêtement. La vieille mendiante, ancienne servante de ferme, mangeait la soupe dans les métairies et portait les jupons de la maîtresse qu'elle avait visitée. Pense-t-on que ses rapports n'aient pas leur valeur et qu'il n'y ait pas d'action moralisatrice dans ces relations continuelles? Voyez dans les hospices des villes, dans ces asiles ouverts aux infortunes, ce qu'est le pauvre malgré sa misère recueillie et soignée toujours irrité, injuste, aigri, il méconnaît les efforts que la charité fait pour le soulager. Mais le pauvre mendiant de nos champs, avec quelle simplicité il vous aborde familier de tous ceux qu'il sollicite, quand son dénument n'est pas la suite du vice, il sait d'avance qu'il sera favorablement reçu. Comment veut-on qu'il n'en soit pas ainsi? il n'a pas le blasphème à la bouche, mais la prière; et il s'adresse, pour toucher le cœur, à Dieu qui bénit à la fois celui qui demande et celui qui donne. Le villageois partage de bon cœur son pain avec le pauvre qu'il connaît: il n'a pas d'argent pour le bureau de bienfaisance; ne lui demandez pas un calcul, il ne calcule pas. Le bureau de bienfaisance, à ses yeux, est un impôt, le pauvre est un homme! (Baron de MoNTREUIL.)

Il y a beaucoup d'idéal dans ce tableau, et, à ce qu'il peut avoir de vrai, nous répondons que chaque commune prend soin de ses pauvres à sa façon ; que les partisans de l'extinction de la mendicité tiennent surtout à une chose, au refoulement du mendiant dans sa commune. Si la commune trouve bon de secourir ses pauvres, comme l'indique M. le baron de Montreuil, nous n'y trouverons rien à reprendre. Nous avons écrit plus d'une fois que, dans certaines communes rurales, il n'est pas besoin d'organiser des secours.

IV. Nous allons résumer les opinions des partisans religieux de la mendicité en les réfutant une à une. Elles sont condensées dans un rapport de M. Georges Cadoudal, lu à la réunion internationale de charité le 26 juillet dernier (1855). L'auteur du rapport se place à ces trois points de vue : 1o la mesure ne rencontre-t-elle pas dans l'exécution des difficultés insurmontables? 2o le principe de l'abolition de la mendicité ne renferme-t-il pas, comme celui du droit à l'assistance, un danger social très-réel et trèssérieux? 3 enfin ce principe est-il bien con forme aux lois et aux traditions du christianisme? Ces trois questions eussent été mieux posées dans l'ordre inverse, puisque le christianisme est le suprême criterium. Les autres points examinés devaient être aux yeux du rapporteur de simples accessoires, dont l'étude n'était pour des Chrétiens qu'une concession faite au rationalisme.

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mône, le public la considère comme la forme la plus commode, les agents de l'autorite répugnent aux arrestations.

Nous retournons le premier argument: la législation de tous les temps a condamné les mendiants. L'interdiction de la mendi

cité a l'assentiment de tous les peuples et de tous les siècles; en toute matière cela passe diants préfèrent la mendicité au secours. dipour une preuve du premier ordre. Les mentes-vous : c'est comme si l'on disait que le voleur préfère le vol à la prison, ou l'enfant la récréation à l'étude. Passons. Le public trouve la forme de l'aumône dans les rues ou donnée aux portes plus commode que celle du secours porté à domicile. Depuis quand la commodité de l'exercice d'une vertu ajoutet-elle au prix de cette vertu? Les agents de la force publique n'aiment pas arrêter les mendiants, qu'importe si c'est une sévérte nécessaire? Statuez que le mendiant arrête maire, qui le dirigeront vers le bureau de sera conduit vers le juge de paix ou le bienfaisance, vers l'hospice ou vers la pri son, suivant les cas, et vous aurez concihe le sentiment d'humanité de l'agent de la force publique avec le sentiment de son devoir.

Deuxième objection. Les dépôts ne sort pas assez nombreux. Dans les pays de montagnes, les indigents dispersés errent d'une commune dans l'autre; on ne sait comment les saisir. Réponse: Les dépôts intimident d'autant plus qu'ils sont moins rapproches. La mendicité est d'autant plus répréhens ble qu'elle est plus vagabonde. L'indiger n'est recevable à solliciter une assistance

quelconque que dans sa commune. L'autent du Rapport le pose lui-même comme rege quand il formule son système.

Troisième objection. En Espagne, en Angleterre, en Suisse, on tente en vain se réprimer la mendicité. On l'essaye inate ment en France depuis plusieurs sièces. - Pour que l'objection fat grave, il fautr établir que les mesures prises n'ont obteng aucun résultat. Elles n'ont pas déracinė la mendicité, puisqu'elle vit encore; mais il se rait de toute fausseté de prétendre qu'ellesre l'ont pas atténuée dans de considérables pr portions. Quand on laisse faire la mencité, elle grandit; quand on travaille à e teindre, elle s'amoindrit. Il y a des départe ments où elle sévit, où elle existe à l'e de plaie hideuse, où les mendiants, dressert la tête, sont des hordes redoutables qui tent en péril les propriétés et la paix p que. Laissez faire les mendiants, ils dev::> dront le noyau des émeutes, ils seront plus bardis soldats: ils formeront son avarie garde d'abord et son arrière-garde plus comme ils marchent à la suite des gra guerres et des terribles fléaux. Ce n'est vivre seulement qu'ils prétendent, mais a souvir, à la faveur des malheurs puts P de la pitié qu'ils inspirent, les plus gnete convoitises. La charité trouée al leurs vices et multiplie la race de ces me

vais citoyens, encore plus mauvais chrétiens. A quoi ont abouti vos efforts? nous dit on. A créer dix-huit dépôts. Vous avez raison, nous sommes en retard: c'est ce qui fait que nous parlons de marcher plus vite. L'extinction de la mendicité demande un grand déploiement d'efforts et une persévérance infatigable. La charité chrétienne est née pour faire de belles et puissantes choses. Chaque siècle doit apporter sa pierre à leuvre du soulagement des misérables. Quatrième objection. L'abolition de la mendicité, impossible en pratique, renferme, au point de vue théorique, des conséquences d'une gravité extrême. Abolir la mendicité, c'est, de la part de l'Etat, s'engager à fournir la subsistance à quiconque manque de pain, à donner du travail à tous les ouvriers auxquels l'industrie n'en fournit pas. - Si Targumentation du rapporteur est solide, si la mendicité lui paraît le remède au inal que nous avons l'espoir de guérir autrement, il résulte de l'objection qu'il nous fait que quiconque allègue manquer de pain ou manque de travail a par cela même et forcément droit au secours et droit au travail ou droit à la mendicité; en telle sorte que, dans une société qui proscrit, comme la nôtre, le principe du droit au secours et le droit au travail, la mendicité est de droit commun. Vous tous done qui manquez de secours et de travail à l'entrée de l'hiver de 1856, toutes les écluses sont ouvertes; inondez les rues, les places, les routes impériales et les chemins vicinaux de mendiants.

n'y a que deux issues pour l'ouvrier: vivre en travaillant, ou vivre en mendiant.

La charité de l'Etat, des départements et des communes, la charité publique, la chaé religieuse, la charité privée, en se donnant la main, se proposent d'ôter tout prétexte à cette invasion. Elles déplorent que Tabsence des dépôts de mendicité ne soit pas là pour servir de sanction à ses œuvres, est-à-dire pour faire justice des mauvais

ivres.

La France a perdu trente-huit des dépôts fudés sous l'empire, mais les trois règnes qu ont suivi l'empire ne sont pas demeutes inféconds. Les œuvres de charité se sont multipliées dans toute la France avec le Concours et au milieu des bénédictions du Gergé et des plus éminents prélats. Elles ut grandi avec la foi dans tous les esprits st dans tous les cours. Qu'on ne dise pas que les dépôts y feront obstacle, car les dépits tendent à détruire la mendicité, et la Bendicité passe par-dessus les œuvres ou à ne d'elles. Non-seulement la caisse d'épargne et la pension de retraite sont pour e e de stériles créations, mais la crèche, la bine d'asile, l'école, l'ouvroir, la colonie agricole, le patronage, la visite à domicile des dames de la charité et de la société de Sint-Vincent de Paul sont pour la mendiché comme si elles n'étaient pas. La force Pblique y reconduira les récalcitrants. Lindigence aura à choisir non entre le droit

DICTIONN. D'ECONOMIE CHARITABLE. IV.

au secours et au travail et la mendicité, mais entre le travail enfermé du dépôt de mendicité et les bras ouverts de la charité et le travail libre.

Le législateur, dit M. Cadoudal, a si bien compris la corrélation entre l'abolition de la mendicité et un système complet de charité publique, que la promulgation des dispositions pénales contre les mendiants est immédiatement suivie de l'institution des dépôts de mendicité. On ne sait à quoi se rapporte cette objection, car le décret organisateur des dépôts est de 1808, et le Code pénal n'est promulgué qu'en 1810. Depuis l'ordonnance de Moulins jusqu'à nos jours, toutes les lois répressives de la mendicité sont précédées ou accompagnées de cette déclaration que les vrais pauvres seront recueillis à l'hospice ou secourus à domicile, et que ceux qui préféreront la mendicité au secours seront enfermés.

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Cinquième objection. Le rapporteur entre dans un nouvel ordre d'idées. Il affirme que l'interdiction de la mendicité est contraire à l'Evangile. Nous répondons, premièrement, que la Bible flétrit les mendiants; secondement, qu'il n'y avait pas de mendiants valides chez les Juifs; troisièmement, que si les aveugles ou les épreux mendiaient à Jérusalem, c'est que la miséricorde juive n'avait pas été aussi loin que la charité chrétienne, et qu'il n'y avait pas d'hospices d'incurables à Jérusalem. Le tronc dans lequel la veuve louée par JésusChrist dépose un denier prouve que les secours étaient organisés dans la ville sainte, et que c'était par la main des lévites et non dans la rue et aux portes des maisons que les secours étaient distribués. Le rapporteur cite les Pères de l'Eglise, et nous, nous citons saint Paul, recueillant des aumônes en Macédoine et à Corinthe pour les vrais pauvres, et prononçant contre les mendiants cette sentence impitoyable : Si quis non vult operari, non manducet. Interrogeons les premiers siècles chrétiens. Saint Basile avait fondé aux portes de Césarée une maison d'hospitalité qui portait son nom; écoutez son panégyriste, saint Grégoire de Nazianze, et vous apprendrez que les plaies des mendiants ne sont pas, aux yeux des Pères de l'Eglise, l'ornement nécessaire d'une ville chrétienne. « Nous ne voyons plus devant nos yeux,» dit saint Grégoire de Nazianze, « ce triste et misérable spectacle d'infortunés qui, avant leur mort, n'avaient plus l'usage de la vie, qui étaient morts de plusieurs membres de leur corps, qui étaient chassés des villes, des maisons, des fontaines publiques; qui, par l'horreur de leur mal, inspiraient plus de dégoût que de pitié; qui déploraient leur misère par un accent fatal et lugubre, quand il leur restait par hasard quelque débris d'une voix humaines. Ces miseres, » ajoute saint Grégoire de Nazianze, « n'avaient point trouvé jusque-là de soulagement ni de refuge. » (Histoire de la charité pendant les quatre premiers siècles de l'ère chrétienne, publiée chez Lecoffre;

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