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mencer l'instruction du sourd-muet, le professeur doit employer les signes, les signes naturels maintenant faut-il proscrire tout signe méthodique? il ne le pense pas : il est des circonstances telles qu'on ne peut se passer de signes conventionnels. Mais il est acquis à la science qu'un emploi trop fréquent de ces signes serait funeste. Il conviendrait de donner au langage écrit plus d'extension cependant il est une catégorie de signes nécessaires dans chaque période du cours complet d'instruction; et ces signes ne sauraient être proscrits des établissements sans faire un tort réel aux élèves. Quels sont ces signes? ce sont spécialement ceux qui sont utiles pour expliquer le sens d'un mot nouveau. Citons un exemple : le mot le plus simple se présente à un jeune lecteur sourdmuet; ce mot, c'est l'arme de l'Indien un arc; et il ignore l'idée, la signification de ce mot, il ne sait de quel objet il est question, et il vous interroge. Comment vous y prendrez-vous pour lui révéler l'idée, pour lui faire comprendre la chose? Ou vous êtes partisan du langage écrit, ou vous êtes le défenseur des signes. Dans le premier cas, vous donnerez à votre élève la définition de l'arc arme servant à lancer des flèches, formé dune branche de bois ou d'une verge, soit d'autre matière courbée avec effort au moyen d'une corde qui s'attache aux deux extrémités: et après avoir employé beaucoup de temps à expliquer cette immense périphrase, il est probable que votre élève n'aura pas encore une idée claire et précise de la chose. Mais si vous êtes partisan des signes, vous n'avez pas un seul mot à écrire; avec la rapidité de l'éclair, vous posez dans l'attitude ue l'Indien décrochant sa flèche sur la biche du désert, vous montrez au sourd-muet que ce bois bandé avec ressorts'appelle un arc,et vous êtes parfaitement compris, etc. Le reste de la discussion offre moins d'intérêt. Cette Jutte transatlantique si animée est de nature à stimuler le zèle des nátions d'Europe.

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X. Italie. Rome. Institut des sourdsmuets de Rome. Il a été fondé en 1784, par l'abbé Silvestre, élève de l'abbé de l'Epée. Il est aujourd'hui placé sous la direction de don Francisco Moriani, situé près des Thermes de Dioclétien, dans une des plus belles positions de la ville; il fleurit, grâce à la généreuse protection de Pie IX et au dévouement de son président, Mgr le cardinal Malteis, évêque cardinal Malteis, évêque de Frascati. La distribution des prix de l'année 1854 a été présidée par le Souverain Pontife. Les exercices commencés le 23 mars et terminés le 30, out été honorés de la présence de cardinaux, d'archevêques, d'ambassadeurs.

Les élèves cat répondu par écrit et par signes à toutes les questions qui leur ont été aires-ées sur la doctrine chrétienne; l'Ancien et le Nouveau Testament, l'histoire romaine, l'histoire naturelle et la géographie. Is ont fait avec la plus surprenante rapidité des calculs compliqués d'arithmétique, et out rendu compte des questions les plus difiles de la grammaire italienne. Une char

mante exposition des travaux des élèves a témoigné aux spectateurs de leurs progrès dans les arts du dessin, de la sculpture, du moulage, et dans les arts mécaniques.

Sa Sainteté a distribué elle-même au directeur et aux maîtres des tabatières et des médailles d'or, et à tous les élèves couronnés de nombreux objets de piété pour être conservés à titre de souvenir. L'établissement renferme 44 garçons divisés en quatre classes.

L'établissement peut contenir 400 élèves. Le directeur reçoit dix dollars par mois, et les professeurs six. Les élèves payent quatre dollars chaque mois : ils sont cordonniers, tailleurs, charpentiers, dessinateurs, modeleurs, sculpteurs. Lorsque le directeur de New-York visita cette école, les sourdsmuets américains qui l'accompagnaient racontèrent la scène du Christ apaisant la tempête, et les sourds-muets romains, la scène de la condamnation et du crucifiement; tous se comprirent avec une surprise mêlée de plaisir. Le langage de New-York était plus. gracieux, plus élégant; le langage de Rome plus grave, plus expressif.

Milan.-L'institution de cette ville remonte au mois de septembre 1853. La première condition, pour être admis dans l'établissement, est d'appartenir à la province; la seconde, d'être âgé de 10 à 15 ans; la troisième, de verser à l'avance le premier semestre de la pension fixé à 50 c. par jour, ou de souscrire au nom de la commune ou de toute autre représentation publique, une obligation formelle. Les enfants dans la misère et ceux dont la conduite serait méritoire, peuvent obtenir des avantages exceptionnels.

Le 30 septembre, 76 demandes étaient déposées. 69 appartenaient à la province de Milan; 5 à celle de Côme; 1 à celle de Pavie; 1 à celle d'Udine. Parmi ces 76 sourdsmuets, 35 avaient moins de 10 ans ; 33 étaient âgés de 10 à 15 ans; 3 avaient dépassé leur 15 année, et 5 n'avaient pas donné d'indication; 35 résidaient sur les montagnes et 41 dans les plaines; 6 furent reconnus inep tes, 10 étaient susceptibles d'être reçus ultérieurement, 51 furent immédiatement admis. Ces derniers présentaient tous une aptitude suffisante, un bon caractère; plusieurs paraissaient doués d'une intelligence extraordinaire. Les garçons furent placés dans la maison spéciale, disposée à cet effet près l'établissement industriel de Saint-Vincent, mais tout à fait distinct et séparé. Là ils reçoivent aujourd'hui un traitement et des soins proportionnés à la différence de leurs conditions; ils sont instruits d'après la méthode suivie dans l'Institut impérial de Milan, réservé aux enfants des hautes classes; ils sont formés aux professions qui leur conviennent davantage. L'enseignement classique est donné par un maître et un professeur formés à l'institut impérial; plusieurs chefs d'ateliers sont employés à surveiller et à diriger l'éducation professionnelle.

Les jeunes sourdes-muettes furent placées dans l'établissement de Saint-Michel, où les

filles de la Charité les accueillirent avec la bonté et le dévouement qu'on leur connaît réunies à celles qui s'y trouvaient déjà, elles forment une communauté de 60 élèves de tout âge; c'est chose merveilleuse de voir et d admirer les grandes élèves occupées à instruire les plus jeunes arrivées. Pour l'enseignement intellectuel, la méthode est la même que celle des garçons; elles sont formées aux travaux de leur sexe. Au mois de février 1854, 29 élèves étaient entretenues sur le fonds commun, 11 par des bienfaiteurs privés, 3 par leurs parents et 4 partie sur la réserve et partie par les parents. Les frais de premier établissement ont absorbé presque tout le fonds de réserve; la retribution pour la pension alimentaire des petites filles est fixée à 80 c. par jour. Lorsque M. Sacchi publia ses recherches dans la gazette officielle (juillet 1853), il y avait dans la province de Milan, un sourdmuet sur 1414 habitants. D'après les notes recueillies par suite de la circulaire du 16 mai 1851, envoyée dans les provinces par la délégation impériale, il résulte que les sourds-muets de 8 à 15 ans, capables d'éducation et qui n'en recevaient aucune, s'élevaient à une centaine. A cette époque, 18 sourds-muets de la province étaient instruits dans l'institution de l'Etat, et 26 sourdesmuettes étaient élevées par les filles de la Charité. D'après un tel état de choses, il devenait évident pour tous qu'il était nécessaire de prendre des mesures pour procurer l'éducation aux enfants pauvres. L'organisation de ces mesures devait être généralisée sur une base plus large, puisque, nonobstant les efforts de l'institution impériale, nonobstant le dévouement des filles de la Charité et les sacrifices de la nouvelle commission, il subsiste de nombreux sujets privés de toute éducation. (Février 1854.)

Une troisième conclusion qu'il faut tirer de l'exposé qui précède, c'est que les ressources actuelles sont insuffisantes, et qu'il est urgent de garantir l'éducation à tous les sourds-muets de la province de Milan.

Naples. L'abbé de l'Epée, avant de mourir, dola toutes les capitales de l'Europe d'un instituteur de sourds-muets. Ce vœu avait toujours été cher à son cœur, et en descendant au tombeau, il put se rendre le consolant témoignage que partout la grande œuvre était commencée. La création de l'école de Naples remonte à l'année 1786, trois ans avant la mort de l'abbé de l'Epée. Le fondateur fut M. l'abbé Benedetto Cozzolino. Vers 1834, M. Benedetto Cozzolino fut remplacé dans la direction des sourds-muets par M. Vito-Antonio Cozzolino, son parent. A cette époque, le contingent des élèves ne dépassait guère le chiffre de cinquante; les aveugles étaient bien plus nombreux, et il s'en trouvait plus de deux cents. On sait quelle énergique impulsion le directeur Salvator Renzi sut imprimer à cette section intéressante de l'Albergo real. Cependant l'uvre des sourds-muets, sous la direction de M Antonio Cozzolino, fit de grands et

remarquables progrès. Au mois de février 1847, l'œuvre comptait 74 élèves, 22 filles et 52 garçons. Les deux sexes sont totalement séparés et habitent des quartiers différents.

Sienne. En 1816, la charité individuelle entretenait quelques sourds-muets à Leghorn; peu de temps après, le gouvernement toscan transférait cette école à Pise ;en 1818, M. Pendola, directeur de l'institut de Sienne, s'en allait frapper aux portes de la célèbre école de Gênes, et écouter les leçons de l'illustre Assarroti; à son retour, l'école de Sienne était fondée et devenait l'unique école de la Toscane. Ce pays renferme 700 sourdsmuets sur 1,000,000 et demi d'habitants. L'école reçoit 40 élèves ; elle en devrait recevoir 100, pour que tous participassent au bienfait de l'éducation. M. Pendola a été transféré par le gouvernement à la présidence du collège royal, réservé pour l'éducation de la jeune noblesse toscane; mais par reconnaissance, on lui a conservé la présidence honoraire de l'institut des sourds-muets, dont il était le fondateur.

Beaucoup d'étrangers visitent cette institution. « Nous quittâmes la splendide Florence, » dit M. Peet, « pour faire une promenade jusqu'à Sienne: Sienne, autrefois ville libre, Sienne, autrefois la puissante et orgueilleuse rivale de Florence, capable de faire sortir 100,000 hommes armés hors de ses portes, et abaissée depuis trois siècles au rang d'une ville inférieure de 18,000 âmes; reine détrônée, mais conservant encore au front la couronne du savoir et de la science. »><

Le fier directeur de New-York avoue que Sienne s'écartait beaucoup de son itinéraire, et qu'il y fut uniquement attiré par la reju tation de M. Pendola, dont il avait trouvé les Ouvrages sur toutes les tables de classes dei institutions italiennes. « Nous fumes 3cueillis, » dit-il, « avec la plus cordile po litesse par le P. Bianchi. C'était un jour de dimanche, et nous appréhendions de trouver les portes closes comme à Naples; n'en fut rien; le Père, esprit fin et briant, se mit parfaitement à notre discrétion.

La méthode de M. Pendola est un compose de Sicard, de Bébian, de Saint-Sernin, de Chazottes et d'Assarotti. C'est de l'éclectis me, on y reconnaît sans peine les nomen clatures de Massieu, les descriptions Toulouse, les dialogues de Gard, les se tences isolées de Nancy. L'auteur commence par observer combien il importe d'étudie de cultiver et de perfectionner la langue des signes qu'il emploie comme moyen de comunication entre l'instituteur et l'élère: introduit ensuite le dessin comme my d'étendre et de rectifier le langage des tes. Enfin il accepte la dactylologie co moyen de se rappeler les mots.

Une grave observation doit être faite l'alphabet italien, dit l'abbé Daras; il ne re semble ni à l'alphabet espano-français, l'alphabet anglo-américain. On se ser France d'une main; en Angleterre des de mains en Italie, des deux mains, de la p

trine et du visage. Or, si le premier est plus simple, adoptez-le donc, et placez l'amour de l'humanité au-dessus de l'amour national. Aujourd'hui, l'Angleterre suit cette voie et adopte l'alphabet originaire d'Espagne; nous conseillons à l'Italie d'en faire

sulant.

Le premier chapitre de la méthode de Sienne embrasse un vocabulaire d'environ mille mots. Cette nomenclature paraît un peu longue, surtout si on l'épuise avant de passer à la construction de la phrase. Elle se divise en classes générales, et les noms d'objets sont rangés par ordre alphabétique : les instruments et leurs parties, les mécaniques et leurs parties, les meubles et leurs parties, les bâtiments et leurs parties, les métaux, les végétaux, etc. On fait ici deux objections. Premièrement, cette classification alphabétique sépare ce qui doit être éloigné; elle ne saurait prétendre aux avantages inhérents à toute nomenclature idéologique qui doit être la reproduction écrite de la nature. Secondement, cette classification n'a pas la convenance pratique d'un choix heureux de substantifs représentant les objets familiers qui sont ordinairement la matière des premières leçons. Il est à craindre qu'avant d'arriver à la fin de l'année, l'élève sache beaucoup de noms inutiles et ignore ceux dont il aurait le plus grand besoin. Les exercices sur cette nomenclature sont trèsjudicieux le maître présente à l'élève un tablean, et l'élève fait les signes et écrit le nom des objets dessinés sur ce tableau, et vice versa. Les leçons suivantes s'occupent du genre et du nombre, qui présentent dans les langues de l'Europe de si grandes difficultés. Le chapitre v aborde le démonstratif ce, cet, et l'article le, la. Bébian place la démonstration de l'article à la dernière période du cours.

Le chapitre suivant traite des adjectifs relatifs aux organes de la vue, de l'ouïe, de l'odorat, du goût, du toucher: puis ceux qui rappellent les formes et les dimensions. On a fait sur les adjectif's la même observation que sur les noms; c'est qu'ils embrassent des mots que les élèves éprouvent de la difficulté à comprendre et à retenir, comme : visible, invisible, transparent, brillant, harmonieux, navigable, tempétueux, fertile, interne, salubre, insoluble, volumineux, conique, horizontal. Pour l'alliance de l'adjectif avec le nom, l'auteur emprunte le procédé de Sicard. (L'abbé DARAS.)

Il faut que l'élève tire une ligne qui parte du nom et qui aille chercher l'adjectif qui lui convient. Ce procédé exerce beaucoup le jugement, et chaque ligne est une affirmation qui appartient à l'élève enchanté de pouvoir écrire immédiatement.

Sans se rendre parfaitement compte de la différence qui existe entre les deux formes, des instituteurs pensent que le procédé qui appartient à Bébían est préférable.

Le procédé anglais de Doncaster paraît préférable à M. l'abbé Daras, supérieur aux formules italienne et française.

Dans la 8 leçon, M. Pendola introduit la célèbre théorie des chiffres, pour distinguer les éléments de la proposition. Dans la 9°, paraissent les conjonctions et, ni.

On fait passer l'intelligence du sourdmuet du connu à l'inconnu, du concret à l'abstrait.

La 13 leçon du cours italien enseigne à distinguer l'homme de la brute. Les qualités organiques et intellectuelles de l'homme, les instincts et les mœurs des animaux présentent à l'auteur une riche matière pour la construction de ses exercices. Dans la 14 leçon, notre auteur retourne à Bébian, et adopte son procédé pour l'explication des idées de temps. La 15 leçon traite des pronoms personnels, et sert d'introduction à l'étude de la conjugaison que l'on voit arriver dans la 16".

La 17 leçon développe la nomenclature. des verbes, et ici se présente encore une grave difficulté: Comment faut-il grouper les verbes et les présenter aux élèves? Convient-il de les ranger d'après la nature des objets auxquels ils ont rapport, comme verbes relatifs aux cinq sens, verbes relatifs à la nourriture, verbes relatifs aux professions, etc.? Ou bien, faut-il adopter l'ordre de la construction grammaticale verbes actifs, verbes passifs, verbes neutres, verbes pronominaux, etc. M. Pendola se prononce pour la première classification; M. Peet pour la seconde. Qui des deux a raison? Evidemment tous les deux; car les deux procédés sont nécessaires, puisqu'ils ont tous deux pour but de parvenir à la connaissance des notions qui font partie intégrante du langage.

:

Les leçons suivantes renferment les verbes qui expriment la propriété, la possession; on voit ici l'auteur introduire les prépositions d'après le procédé de Bébian.

La 20 leçon ramène la théorie des chiffres pour faire ressortir la distinction entre le sujet et l'attribut; la 21 leçon est consacrée à la déclinaison des pronoms; la 22 au principe du verbe passif; la 23° au principe du verbe pronominal.

La 24 ouvre un nouvel ordre de choses. On voit paraître de petits récits, des narrations pratiques, des descriptions usuelles. Ces imitations de l'école de Toulouse conservent leur grâce native dans la langue italienne. D'après le directeur de New-York, le sourd-inuet italien peut à peine atteindre cet endroit du cours, pendant la troisième et peut-être la quatrième année, tandis que le sourd-muet américain apprend à comprendre et à composer ces narrations après la fin de la première année. Ce fait est grave: aussi, M. Peet s'empresse-t-il d'ajouter: « Nous ne prétendons pas, par là, que nos élèves apprennent plus en un an, que les élèves italiens en trois; mais nous prétendons qu'ils marchent plus vite dans la connaissance de la langue, et dans la construction du style; il est possible que l'intelligence du sourd-muet de l'Italie soit meuBlée d'une plus grande somme de mots,

mais il est probable que l'intelligence de l'Américain est initiée à une plus grande quantité de formes grammaticales. » Les leçons 27 et 28 sont consacrées aux pronoms possessifs. Les noms abstraits paraissent dans la 30 leçon.

Ce qui manque le plus ordinairement dans les méthodes, ce sont des études sur la construction graduée de la phrase, selon le génie des langues. Admettez que la langue française présente mille tournures de phrase, depuis la phrase la plus simple jusqu'à la phrase la plus composée, cataloguez ces mille constructions selon le degré de difficulté qu'elles présentent au professeur et à l'élève, puis présentez des exercices parfaitement modelés sur chaque construction, et apprenez à vos élèves à construire de même, à l'aide de matériaux; de cette manière, l'apprentissage du style sera organisé en système, et on verra bien clair devant soi. Le sourd-muet emboîtera le pas, il n'aura jamais l'idée d'une phrase incorrecte, car il ne sera pas libre d'être barbare, et il ne devra construire que conformément aux éléments de la phrase-type qui sera l'objet de la leçon. Lorsqu'il possédera trente à quarante types, il saura tourner une phrase de trente à quarante manières différentes, et il cessera de chercher une heure son premier mot, lorsqu'il veut écrire.

La leçon 31 présente au professeur et à la maîtresse, une collection de verbes illustrés dans des sentences relatives aux actions intellectuelles et morales.

La leçon 32 introduit l'adverbe. Le directeur de Sienne, selon l'observation de M. Peet, réhabilite ici le procédé de Sicard expressément condamné par Bébian, et nous, nous croyons prudent dans l'état actuel de la science, de ne jurer ni par Bébian, ni par Sicard, ni par les autres, ni par soi-même. A New-York, on dérive l'adverbe de l'adjectif; à Sienne, du substantif; ailleurs, du verbe pourquoi ces préférences? les trois procédés sont légitimes, et c'est ici un nouvel exemple qui atteste que l'art est encore au berceau, puisque tous ses éléments essentiels ne sont pas encore connus.

La 33 leçon est consacrée aux finales de la langue italienne, aux augmentatifs, aux diminutifs, qui constituent une part spéciale du génie de cette langue. Les comparatifs, les pronoms relatifs, les définitions d'objets, la forme interrogative, le dialogue, la narration, la description, le style épistolaire, les conjonctions plus difficiles, prennent successivement place dans cette partie du cours. La leçon 45 ramène la conjugaison des verbes avec tous ses développements. Enfin, à partir de la 47 et dernière leçon, on explique la construction grammaticale, et les différences qui existent entre une phrase simple, une phrase composée et une phrase complète.

Telle est la méthode siennoise. Elle règne dans la plupart des établissements de la contrée. A l'époque où elle parut (1842), elle était à la hauteur du progrès général, ét ras

semblait dans un cadre heureux, tous les perfectionnements acquis à la science. OEuvre d'un penseur judicieux et d'un écrivain distingué, elle présenta la première, une coordination assez complète de tous les procédés découverts depuis l'abbé de l'Epée. Tous les instituteurs de sourds-muets doivent regretter que cet homme éminent ait été ravi aux sourds-muets. Outre son cours de leçons, il a publié l'Ange gardien des sourds-muets, des exercices de lecture pour les sourds-muets, un ouvrage statistique sur les sourds-muets de la Toscane, un Eloge de son collègue Fabriani, etc.

M. Peet demande à M. Pendola pourquoi il a adopté l'alphabet manuel de l'Italie, pré férablement à celui de l'abbé de l'Epée. Il répond: « Longtemps avant que l'Italie songeât aux sourds-muets, elle se servait d'un alphabet manuel populaire; je n'ai pas cru devoir enlever aux élèves un instrument qui les mettait en relation avec tous leurs concitoyens. »

Avant de nous retirer, conclut M. Peet, M. Pendola voulut nous donner un témoignage spécial de bienveillance et d'estime, et à la manière des Italiens en cette sorte de circonstance, il nous embrassa tous.

Brescia. Cet institut compte seize années d'existence. Quarante sourds-muets ont été formés aux vertus sociales et religieuses. Parmi eux il est juste de distinguer le jeune Antonio Renoldi, qui s'occupe, avec une infatigable ardeur, à instruire ses compagnons d'infortune. Par le simple mouvement des lèvres, il saisit la parole d'autru et lorsqu'on l'interroge, il répond de vive voix de manière à se faire parfaitement.comprendre; plusieurs jeunes élèves de l'institution de Brescia marchent sur ses traces. Antonio a pris l'habit religieux en 1849, et professe la règle de la congrégation.

Les jeunes sourdes-muettes sont contes aux Filles hospitalières de la Charité. Cette école a été fondée, en 1837, par une très-noble dame de Brescia, la signora Paolina de Rosa. Cette dame, pour perpétuer sa belie œuvre, a également fondé la congrégation religieuse, aujourd'hui chargée de l'éduca tion de ces jeunes filles. Quarante sour les muettes ont été instruites dans cette institution depuis son berceau jusqu'à nos jours.

Le 13 septembre 1854 fut un jour spleadide pour l'institut des sourds-muels de Brescia. La noblesse et l'élite de la cité s'etaient donné rendez-vous autour des jeunes

lauréats. Le petit Antonio et les jeunes Francesco Ronga, Giacomo Righettini deva er répondre à cinquante questions élénientres. Sous la dictée des signes et à la vac des objets, on les vit écrire avec la rapidite ce l'éclair et prononcer de vive voix les nos de ces mêmes objets; prononcer et écrire f lettres et en chiffres les nombres jusq mille. Distinguer le genre des noms, eployer les adjectifs dans des phrases énciatives, et conjuguer les temps princ des verbes.

Luigi Passeri, Battista Quetti, Giovanni Massardi, élèves de la seconde classe, accrurent singulièrement l'étonnement de l'assemblée, lorsqu'on les vit résoudre instantanément les difficultés des verbes irréguliers, réciter en signes et de vive voix les prières du matin, développer les mystères de la foi, les commandements de Dieu, les préceptes de l'Eglise, les sacrements, les moyens de salut, énumérer les vertus théologales, les conseils évangéliques, les dons du Saint-Esprit, les œuvres de miséricorde, les péchés capitaux. L'illusion était complète, et l'assistance ne se croyait plus en face d'enfants dont les organes étaient mutilés par le malheur de eur origine. Outre ces exercices d'articulations, les mêmes élèves avaient encore à répondre à 40 questions sur le déluge. Piétro Buratti, Antonio Signoroni, élèves de la troisième classe, avaient à résoudre 120 questions différentes sur la grammaire, l'histoire et la doctrine chrétienne. Ils le firent avec bonheur et aux applaudissements réitérés de la foule surprise. Les exercices d'analyse grammaticale captivèrent spécialement l'attention des spectateurs. Matteo Bianchini, Serafino Ferri, élèves de la quatrième classe, furent questionnés à leur tour sur le Nouveau Testament, le Décalogue et la syntaxe; ils exécutèrent les quatre opérations de l'arithmétique, et donnèrent un spécimen de leur talent calligraphique au tableau noir et sur le papier. L'examen fut couronné par un exercice d'articulations dans lequel on vit les élèves lire les paroles sur les lèvres, répondre de vive voix à leurs interlocuteurs et lire dans le premier livre à page ouverte. La surprise de la multitude fut à son comble pendant la démonstration du langage noctorne, à l'aide duquel les sourds-muets et aveugles communiquent ensemble par l'intermédiaire du tact seul. Enfin la séance fut terminée par un compliment prononcé d'une manière intelligible par le sourd-muet Signoroni.

Méthode. L'instituteur de Brescia partage ses élèves en quatre classes, et se borne à les initier à la grammaire, l'histoire sainte et la doctrine religieuse. L'articulation et le dessin marchent de pair avec la mimique, pour la démonstration des idées et les exercices pratiques de la syntaxe. Les objets usuels, la numération, la distinction du genre et du nombre, les principaux temps des verbes et la formation de la phrase énonciative, constituent seuls le programme de la première année. Les exercices dont il se sert pour le développement intellectuel nous paraissent bien combinés.

Etes-vous un homme ou une femme?
Etes-vous un être créé ou fabriqué?
Le bœuf est-il un animal ou un végétal?
Quel est le plus gros quadrupede?

Qui fait les vêtements?

Avec quoi fait-on les vêtements? Qui fait les tables?

Avec quoi fait-on des tables?

Quels instruments emploie le cordonnier? Quels instruments emploie le tailleur? Quels instruments emploie le maçon ? Quels instruments emploie le menuisier?

Où célèbre-t-on la sainte Messe?
Où ensevelit-on les morts?
Où enferme-t-on les malfaiteurs?
Où juge-t-on les criminels?

Avec quoi fait-on des clous? Avec quoi fait-on des bouteilles? Avec quoi fait-on les chapeaux Avec quoi fait-on les assiettes ?

Dans la seconde partie du cours, les élèves développent leurs connaissances acquises, et les appliquent avec énergie à l'aide du triple procédé de l'écriture, de la mimique et de l'articulation. Aujourd'hui les sourdsmuets écrivent et parlent sur les péchés capitaux, les œuvres de miséricorde, les conseils évangéliques, les dons du Saint-Esprit, les vertus théologales, le Décalogue, les sacrements, les préceptes de l'Eglise, les mystères de la foi, etc. Nous ne sachions pas qu'en France l'articulation ait nulle part élevé si haut ses résultats.

L'instituteur Brescian, au lieu de parcourir une longue période historique, concentre tous les efforts de ses élèves et tous les travaux d'une année sur un seul fait; par exemple, le déluge universel, les malheurs de Joseph, la naissance du Sauveur. I exploite ce fait très-habilement, il le fait envisager par ses élèves sous toutes les phases, il en épuise tous les points de vue, de sorte qu'à la fin de l'année les élèves ne possèdent qu'un seul événement de l'histoire, mais ils le possèdent véritablement à fond ils ont la clef de l'étude, et savent comment on apprend l'histoire. Dans la troisième classe, on presse les élèves dans l'enseignement grammatical et religieux, et toujours par le même système, en étudiant peu de chose, mais en l'étudiant à fond. La méthode emploie, de préférence, la forme interrogative pour développer l'intelligence du sourd-muet.

Jésus-Christ pouvait-il souffrir?

Quels tourments souffrit Jésus-Christ dans son áme?

Quels tourments souffrit Jésus-Christ dans son corps?

Pour qui Jésus-Christ endura-t-il ces souffrances?

Où naquit le Sauveur?
Où fut-il baptisé ?
Où fut-il crucifié?

Où fut-il enseveli?

Par qui fut-il adoré dans son berceau?
Par qui fut il porté en exil dans l'Egypte?
Par qui fut-il accusé dans le prétoire?
Par qui fut-il condamné à la mort ?

Les exercices du quatrième cours accusent plus d'élévation et d'étendue dans les idées. On suppose que les sourds-muets sont familiarisés avec les notions intellectuelles et morales. On habitue insensiblement leur

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