Page images
PDF
EPUB

vantes employées avec tant de zèle et de dévouement à l'institution des sourds-muets pour apprendre à ces malheureux enfants à articuler les sons, réussissent, il est vrai, mais d'une manière imparfaite on parvient à les faire parler, mais sans qu'ils aieut conscience des sons qu'ils émettent; il en résulte d'abord, que les élèves ont besoin de faire un grand effort d'attention et d'intelligence qui n'est pas à la portée de tous; il en résulte ensuite que, ne comprenant pas parfaitement ce qu'ils font, sortis de l'école et rentrés dans la famille, lorsqu'ils en auraient le plus besoin, ils s'en dégoûtent, ne s'exercent pas et oublient; il en résulte enfin que les sons qu'ils rendent sont souvent faux et discordants, sans qu'ils puissent même concevoir le vice de leur prononciation. Si je ne m'abuse pas sur la valeur du procédé que j'emploie, il pourrait, entre les mains des personnes exercées dans l'art si difficile d'instruire les sourds-muets, venir

en usage, et abréger considérablement le temps des études; mais, de plus, il peut être appliqué par les personnes les plus étrangères à l'éducation des sourds-muets, de sorte que la mère peut commencer ellemême l'éducation de son enfant, et l'instituteur primaire la continuer.

[ocr errors]

prendre, et sachant par expérience qu'ils peuvent presque tous entendre quelques sons, a cherché le moyen d'utiliser cette aptitude; il a profité de ce phénomène connu que le son est transmis d'une manière bien plus énergique par les corps solides que par les gaz, Le résultat, dit-il, a dépassé ses espérances. Voici le moyen que j'emploie. Je prends un porte-voix ordinaire, fait en zinc ou en fer-blanc; j'en fais saisir entre les dents, par le sourd-muet, l'extrémité à petit diamètre, et j'articule les sons distinctement, mais sans efforts, en plaçant ma bouche au centre du pavillon. L'auteur adresse son procédé à l'Académie des sciences (juillet 1854.) J'ai su, dit-il, qu'Itard, longtemps avant moi, avait eu la même idée et l'avait publiée dans son ouvrage; mais comme les résultats obtenus d'après les indications fournies par ce savant médecin paraissent avoir été peu importants, puisque sa méthode a été complétement abandonnée; que ceux qu'il m'a été donné d'obtenir sont, au contraire, très-unssamment en aide aux méthodes actuelmarqués, je crois pouvoir n'adresser à l'Académie pour lui soumettre le résultat de mes travaux. J'ai essayé ce procédé déjà sur un assez grand nombre d'enfants, plus de vingt, et presque tous ont immédiatement répété les sons qu'on leur faisait entendre; mais trois enfants pauvres ont été spécialement l'objet de mes efforts. Le premier, Aimée Rollet, jeune fille âgée de dix ans, sœur de trois autres sourds-muets, sourde de naissance, n'ayant reçu aucune espèce d'instruction et n'articulant aucun son, a été soumise à ce procédé au mois de février dernier; aujourd'hui elle épelle, écrit tous les mots qu'on lui dicte et prononce un bon nombre de mots usuels.L'intelligence de cet enfant s'est considérablement développée depuis le commencement de ces exercices; le sens de l'ouïe s'est tellement amélioré, qu'on peut aujourd'hui lui faire entendre tous les mots qu'on connaît sans l'aide du porte-voix, et qu'elle perçoit des sons tout à fait inattendus, tels que celui d'une sonnette éloignée. Le deuxième, Hérit, garçon de dix ans, également sourd de naissance, dans les mêmes conditions d'instruction que le premier, soumis au mois de mars dernier à ce procédé, m'a donné les mêmes résultats; il parle mieux que le précédent mais écrit moins bien, ce qui paraît tenir à ce qu'il a moins d'intelligence. Enfin le troisième, Eugène Rollet, âgé de huit ans et demi, frère du premier sujet, a commencé à suivre les exercices à la fin de mai; aujourd'hui, il lit l'alphabet et articule déjà un certain nombre de mots. Je ne crois pas, dit M. l'abbé Le Cot, parvenir ainsi à faire entendre des enfants absolument sourds, cette prétention serait ridicule; mais je crois qu'on peut ainsi considérablement developper le sens de l'ouïe, et qu'on parvient, après un certain temps, à faire entendre, sans le secours du porte-voix, des phrases entières à des enfants qui d'abord paraissent ne percevoir aucun son. Les méthodes sa

XVI. Système de M. Piroux (professeur à Nancy.) M. Piroux développe, chaque année, dans un discours, ses théories et sa pratique. Le système de M. Piroux comprend les systèmes de tous ses collègues, et sa méthode n'est autre chose que l'universalité des doctrines, dans une synthèse aussi vaste qu'il est possible de la concevoir. Cette doctrine est fort commode, en ce sens qu'elle permet d'adopter en théorie toutes les améfiorations et les perfectionnements apportés par le progrès; mais en pratique, elle doit être fatale, en ce sens qu'un principe qui embrasse tout s'expose à embrasser trop XVII. Méthode de M. Baker. 1. Introduction 2. Le corps humain.

3. La nourriture.
4. Les vêtements.
5. Les habitations.
6. La classe.

7. Les animaux.

3 leçons.

12 id.

12

id.

5

id.

6

id.

4

id.

18

id.

8. Les oiseaux.

9

id.

9. Les reptiles.

4

id.

10. Les insectes et les vers.

5 id.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

:

-

sur les objets sensibles. Révélez d'abord
au sens du sourd-muet le monde sensible:
voilà la première période.
· Révélez en-
suite à son intelligence le monde intellec-
tuel: voilà la seconde période. Puis ré-
vélez enfin à son âme ce qu'il y a de plus
difficile, les idées morales voilà la troi-
sième. Dans le système anglais, on parcourt
le cercle entier dès la première année, et on
le parcourt trois fois en six ans. Dans le sys-
tème de M. l'abbé Daras, les difficultés vont
croissant dans une gradation proportionnelle
jusqu'à la fin du cours, et l'élève marche du
connu à l'inconnu depuis la première leçon
jusqu'à la dernière.

Maintenant, comme instrument de communication avec les élèves, qu'on se serve de la dactylologie, de la mimique, de l'écri ture, de l'articulation, de la lecture sur les lèvres, du dessin des objets, des objets euxmêmes; que l'on prenne un seul de ces ins truments ou qu'on les manie tous ensemble, peu nons importe, dit l'abbé Daras, il n'y a pas là l'ombre d'une difficulté. Tout dépend évidemment des conditions du maître et de l'élève. Dans telle circonstance, la dactylologie est nécessaire; dans telle autre, la mimique a des avantages; tel élève a des dispositions considérables pour l'articulation, et tel autre fera plus de progrès par le moyen de l'écriture; à tel âge, le dessin développera heureusement l'imagination; à tel autre, le discernement de la parole sur les lèvres sera pour l'intelligence déjà formée un précieux exercice. Tout ici est donc relatif.

Le cours complet de M. Baker comprend, comme on le voit, deux cents leçons divisées en vingt-quatre chapitres. Dans la pensée de l'auteur, ce cours présente aux jeunes sourdsmuets un précis substantiel des connaissances humaines. Leur étude raisonnée doit suffire aux hommes qui ne sont pas appelés à parcourir une haute carrière dans les lettres ni dans les arts. Les leçons sont ainsi coordonnées le premier volume, comprenant deux cents leçons sur autant de sujets différents, est proportionné dans sa rédaction à l'intelligence des enfants de cinq ans. Le deuxième volume comprend aussi deux cents leçons sur les mêmes sujets et avec les mêmes titres de chapitre; mais le texte est plus développé, plus nourri; la phrase, qui était à peine contexturée, encore linéaire et écourtée dans le premier volume, se présente ici plus complète, plus grammaticale, plus correcte, plus nombreuse. Une plus grande somme d'idées intellectuelles s'incorporent dans chaque leçon : ce second volume est destiné aux enfants de dix ans. Enfin, le troisième volume du cours comprend également deux cents leçons, toujours sur les mêmes matières; mais ici ehaque thème se développe par le secours de l'amplification des faits additionnels; le langage est moins simple, les notions appartiennent à un ordre plus élevé et requièrent une application plus profonde et plus soutenne des facultés intellectuelles. Ce voFume est remis aux enfants de quinze ans. Le premier cours paraît principalement destiné à mettre en relief l'ordre des substantifs. Le second cours, l'ordre des ad- XVII. Une éducation improvisée. - Majectifs. Le troisième cours, l'ordre des demoiselle Drouville, maîtresse de pension verbes. Et de fait, les difficultés de la langue à Fontainebleau, raconte comment elle fut commencent à paraître dans le premier or- amenée à s'occuper de l'enseignement des dre, se multiplient dans le second et se sourdes-muettes. Un riche notaire de Foncompliquent dans le troisième. En voyant tainebleau possédait une fille sourde-muette, une leçon par jour, cinq par semaine et vingt dont l'enfantement pénible avait coûté la par mois, au bout de dix mois, c'est-à-dire vie à la mère; le père, homme de beaucoup de l'année scolaire, le cours se trouve ter- d'instruction et de cœur, ne voulut pas se miné. Les élèves du premier cours étu- séparer d'une enfant à laquelle se rattacha dient le premier volume pendant la pre- tout un passé précieux. Avide de renseigne mière et la seconde année; ils prennent le ments, de conseils, de méthodes, il rassem second volume pendant leur troisième et bla tout ce qu'il put trouver et se mit à Jeur quatrième année, et terminent leur ins- 'oeuvre. Mais il était maladif. I place s truction par le troisième volume, pendant fille dans un pensionnat de jeunes parlanles deux dernières années. tes; grand fut l'embarras de la maîtresse et des élèves, et de la sourde-muette aussi, pour se faire comprendre. Je voulais occuper au milieu de nous cette enfant, dit n demoiselle Drouville; alors j'appris aver elle l'alphabet manuel, puis je lui en fis tracer toutes les lettres, ce qu'elle fit incom parablement mieux que toutes les autres pe tites filles de son âge. Fière de mon succés, je fis avec elle l'inventaire de son costume et de sa toilette; elle apprit volontiers je nom de sa robe, de son bracelet, de son col la distinction de sa main droite et de sa main gauche, de tous les objets de la classe, du mobilier de la maison et des établissements de la ville. Ce résultat exaltait na cœur, et je m'ingéniais chaque jour à troš ver de nouveaux moyens. Dans cette nat sal

L'instituteur anglais pense que le sourdmuet peut recevoir, dès la première année, une connaissance initiale des trois grands ordres d'idées: 1° les idées des objets matériels; 2° les idées des objets intellectuels ; 3° les idées des objets moraux. Et dans cette conviction, il promène son élève de la première année dans tout le vaste cercle des connaissances humaines. Dans le premier trimestre, il lui fait voir le monde matériel; dans le second, le monde intellectuel; dans le troisième, le monde moral. M. l'abbé Daras croit l'intelligence du jeune sourd-muet incapable d'atteindre du premier bond à cette hauteur. Ce sera beaucoup, dit-il, d'obtenir de lui qu'il réponde la première année à toutes les questions

brute, je découvrais les sources natives et les causes de tant de lacunes et de défauts qui existent chez nos autres enfants. J'entrepris courageusement de remédier à tout; je me bâtissais un répertoire de substantifs, puis j'organisais une petite armée de phrases affirmatives, et je procédai comme procède la plus jeune enfant avec sa poupée de carton; j'exprimais mes affirmations par signes naturels, comme j'aurais fait à l'égard de tout étranger dont je n'aurais pas connu la langue. J'agissais devant mon élève stupéfaite, puis j'écrivais mes actions; elle agissait comme moi, et comme moi écrivait Bussi ses actions; et il me semblait comprendre au fond de mon âme qu'un grand mystère m'était révélé, et que je pouvais désormais briser les entraves que m'opposait la nature, et qu'il suffisait pour cela d'être simple et logique comme elle.

Malgré tout le zèle de l'institutrice, une chose fui manquait; la Providence lui avait remis entre les mains une élève sourdemuette douée d'une vive intelligence, d'une âme belle, d'un copur d'élite. Tout ce qui environnait cette heureuse enfant était bientôt devenu la propriété de cette intelligence si active; mais par delà l'horizon qui formait un cercle autour d'elle, devaient se trouver d'autres êtres, d'autres objets, d'autres paysages, d'autres villes, d'autres empires; sa maîtresse eût bien voulu la conduire autour du monde et lui faire voir l'univers; comment s'y prendre? J'avais encore avec moi, continue mademoiselle Drouville, mon excellent père; il voulut partager ma tâche; il me machina dans ses loisirs tout un monde d'objets représentant toutes les sciences, toutes les images, tout l'ensemble des choses et des idées de la vie: c'était l'univers en miniature, autant au moins que nous pouvions trouver d'éléments et de ressources dans notre maison. Nous faisions naître l'enfant petit à petit à la pensée, à la raison, au langage; le cœur suivait les évolutions de l'intelligence, il s'ouvrait, il palpitait, il s'échauffait et s'épanouissait de lui-même, et perçait l'écorce naturellement. Quoi de plus? Le père de l'enfant me força d'accepter la mission d'achever cette éducation, mais ce que j'avais commencé par complaisance, j'étais effrayée de le continuer par engagement; la responsabilité de l'avenir devant Dieu et devant un père me parut redoutable; je refusais. Dieu voulait que cela fal; je finis par accepter.

XIX. Les conseils généraux des Ardennes et de la Charente demandaient, en 1844, que l'on se bornât à l'éducation professionnelle des souris-muets, afin qu'ils se sullisent à eux-mêmes. L'éducation scientifique qu'on leur donne, disait-on, est un luxe inutile de l'éducation publique, muga difficiles. Dans ces deux départements on oubliait que l'éducation morale et religieuse des sourds-muets n'importe pas moins pour eux que l'enseignement professionnel. La société leur doit l'un et l'autre. Le sourd-muet peut ême, à la rigucur, se passer de l'enseigne

ment professionnel, tandis qu'il est dans l'impossibilité complète de suppléer à l'enseignement moral et religieux.

-

XX. Faut-il employer des professeurs sourds-muets? Quand il s'est agi des aveugles, nous avons demandé le concours des professeurs aveugles comme étant les plus subtils directeurs de l'organe du toucher et que l'organe du toucher est l'agent unique pour mettre l'aveugle en rapport avec les objets matériels. Là, les signes étaient dans l'état actuel de la science, l'agent unique du commerce du sourd-muet avec ses semblables parlants, ou non parlants, nous admettrions aussi la supériorité du professeur sourd-muet, mais puisque dans l'état de la science on travaille à ce que le sourdmuet soit sourd et muet le moins possible, il est de toute nécessité qu'il se mette le plus possible en rapport avec ceux qui ne sont ni sourds ni muets. Nous sommes donc d'avis, avec M. Blanchet, que pour déshabituer le sourd-muet du langage unique des signes, qui est sa tendance, on retranche des écoles les professeurs sourds-muets, nous ajouterons, le plus possible, pour ne pas paraître trop radical.

§ VI. Monographies. 1. Coup d'œil gé néral. Des statistiques nationales sur les institutions, existent chez presque tous les peuples où l'art d'instruire les sourdsmuets a pénétré. MM. Morel et Piroux ont publié de bons renseignements; M. Boselli, de Gênes, a fait connaître les établissements de sourds-muets de l'Italie; ceux de l'Allemagne ont trouvé dans M. Schmalz, de Dresde, un infatigable explorateur; la Belgique et la Hollande doivent à MM. Carton et Guyot, de belles et riches bibliographies sur la matière; enfin, MM. Milnor, Peet, Weld et Day, en Amérique, ont, à diverses époques, publié le résultat des visites qu'ils ont faites aux principales écoles de l'Europe, et consigné dans leurs rapports de précieuses observations; mais nul n'a essayé de coordonner, d'une manière suivie, l'histoire générale de toutes ces fondations d'établissements depuis l'abbé de l'Epée et jusqu'à nos jours. Nous avons donné plus haut une nomenclature générale aussi exacte que possible. La France a ouvert aux sourds-muets une centaine d'institutions qui toutes n'ont pas également prospéré; Paris et Bordeaux continuent de posséder les deux seuls instituts officiels; Caen, Toulouse, Soissons, Nancy, Lyon, Orléans, Marseille, Angers, Rodez, Besançon, Lille, Rouen, Poitiers, le Puy, renferment de grands établissements libres, qui ont mérité et obtenu la confiance du pays. L'Angleterre a vu s'élever successivement trente-cinq écoles: Londres, Birmingham, Manchester, Doncaster, Liverpool, Edimbourg et Dublin contiennent les plus importantes. L'Espagne et le Portugal ne nous font toujours connaître que les deux écoles de Lisbonne et de Madrid. La Belgique et la Hollande sont en bonne voie de progrès, vingt-quatre institutions y distribuent l'enseignenient, d'après les meilleurs

procédés. Bruxelles, Gand, Bruges, Mons, İlerlaar et Groningue possèdent les plus fortes institutions. Rotterdam et Anvers viennent d'ouvrir de nouvelles écoles. L'Italie, après être restée longtemps stationnaire, prend une part très-active au mouvement Naples, Rome, Gênes et Milan, fondèrent les premiers établissements de sourdsmuets; Florence, Livourne, Pise et Modène parurent ensuite; Sienne, Ferrare, Turin et Vérone se succédèrent; enfin, Crémone, Parme, Bologne et Chambéry achevèrent de combler les lacunes depuis longtemps existantes. La Suisse, si douloureusement affligée dans sa population par le surdo-mutisme et le crétinisme, n'a pas failli à son devoir; dix-sept écoles de sourds-muets entretiennent un nombre suffisant d'élèves; Lausanne, Yverdon, Berne et Genève débutèrent dans cette carrière; Zurich, Bâle, Einsiedeln et Lucerne n'ont encouragé que plus tard cette branche spéciale d'enseignement. Le royaume de Wurtemberg compte, parmi ses quinze écoles de sourds-muets, plusieurs institutions remarquables; celles de Gmünd et de Pforzheim ont acquis une certaine célébrité; en général, les écoles Wurtembergeoises comptent peu d'élèves. On pourrait en dire autant de la Bavière; parmi les vingt-trois institutions qu'elle a successivement vues s'élever, on en trouve à peine quelques-unes qui offrent un nombre suffisant d'élèves pour entretenir l'émulation; la première institution de la Bavière est celle de Munich, fondée en 1798, et les dernières sont celles de Guttenberg, Aschaffenbourg et Nicholsbourg, connues en France depuis 1843. L'Allemagne compte quarante institutions de sourds-muets répandues dans la Saxe, le Hanovre, les villes libres et les Etats secondaires; Eppendorf, Leipsick, Lubeck, Mayence instruisaient les sourdsmuets du vivant de l'abbé de l'Epée. Camberg, Friedberg, Wildeshausen, Weimar, Brême, Hambourg, Wildebaden, Dresde, Brunswick, Cassel, Hildesheim, Friederichstall, Cœthen, Francfort, Eisenach, organisèrent successivement le même enseignement entre les années 1819 et 1830. Depuis cette époque, Worms, Cobourg, Bruchhoff, Meiningen, Gudensberg, Altenbourg, Bensheim, Habstall, Leer, Homberg, Hamberge, Ludwigslust, Muhleip, Ludresighert, Emden, Neisse, Grümm, Klausthall, Burglitz et Hildburghausen s'inscrivirent tour à tour au nombre des villes jalouses de civiliser les sourds-muets. La Prusse est, après la France, le pays où cet enseignement a le plus de vigueur; quarante-trois établissements s'y consacrent à ce genre d'éducation; Berlin, Crefeld et Breslau posèrent les premiers fondements de l'école prussienne à la fin du dernier siècle. Douze écoles, parmi lesquelles on compte celles de Koenigsberg, Munster, Stettin, Erfurt, Magdebourg, et Cologne, s'élevèrent depuis 1818 jusqu'en 1830. A partir de cette époque, le mouvement s'acerut sensiblement; vingt établissements furent fondés dans le même laps de temps;

Posen, Marienbourg, Eisleben, Halle, Stralsund, Dantzig et Aix-la-Chapelle parurent avant 1840. Depuis cette époque, une dizai ne d'écoles ont été organisées. L'Autriche possède beaucoup moins d'établissements; parmi les dix-sept institutions dont la connaissance est parvenue jusqu'à nous, celles de Vienne, Prague, Lintz et Waitzen, sont les plus importantes; toutefois, dans aucune, le nombre de sourds-muets ne dépasse quatre-vingts élèves. Les Etats du Nord, la Suède, le Danemark, la Russie, la Grèce, la Turquie, ue comptent qu'une quinzaine d'établissements; Constantinople, Kiel, SaintPétersbourg, Copenhague et Stockolm, introduisirent d'abord dans leurs murs cet art français; Varsovie, Drontheim, Odessa, Christiana, Santorino et Smyrne, comprirent à leur tour la nécessité de cet enseignement, et en recueillirent les bienfaits. L'Amérique. ne prit part à ce mouvement que beaucoup plus tard; il fallut à cet art, plus de temps pour passer une seule mer, que pour remplir toute l'Europe; ce ne fut qu'après soixante années d'épreuves et de succès que la découverte de l'abbé de l'Epée alla s'implanter sur le sol américain. Laurent Clerc fonda, de concert avec M. Gallaudet, l'école de Hartford. L'Amérique et le Canada ont vu s'élever, depuis, vingt-cinq établissements dont plusieurs n'ont pu se maintenir. Ceux de New-York, de Philadelphie et de Columbus, jouissent d'une légitime célébrité.

II. Institution nationale des sourds-muets de Paris. Du milieu du jardin du Luxem bourg, on voit verdoyer, au milieu du groupe de maisons que surmonte l'église de Saint-Etienne-du-Haut-Pas, un orme magnifique qui avait donné son ombrage aut frères de la Miséricorde avant d'abriter les sourds-muets. On l'appelle l'arbre de l'abbé Sicard, et, suivant la tradition, il remonte à Sully, qui l'aurait planté dans une visite faite à l'abbaye.

Les bâtiments et les terrains de l'institution appartenaient autrefois à un seminaire ecclé siastique. Séquestrés lors de la première revo lution, ils furent choisis pour servir d'emplacement à l'école des sourds-muets, lorsque l'Etat se chargea d'en faire les frais. Il n'existe pas d'institution comparable pour l'imposante grandeur de l'édifice. Le principal corps de bâtiment est parallèle avec la rue, il en e-t séparé par une cour spacieuse; deux ailes à angles droits le relient avec l'entrée; a nord se prolonge à droite, s'avançant le long de la rue de l'Abbé-de-l'Epée, qui s'étend à une certaine distance en arrière de l'étau sement pour servir de clôture aux jardins Cette aile contient les appartements des principaux fonctionnaires de l'institut, 4 salle des séances publiques et l'atelier la menuiserie. Dans le principal cor,s un bâtiment sont établis, au rez-de-chauss le réfectoire et la cuisine. Le press étage est occupé par les ateliers et in salles d'études; le second, par les salles a classe, de dessin et par la chapelle ; le !~~ sième et le quatrième par les dortoirs, d

salles de toilette et le lavabo. L'aile méri dionale avec les jardins fermés de murs est consacrée aux jeunes filles; elles s'y trouvent gardées avec toute la sévérité d'un harem oriental. La surintendante, les institutrices et les surveillantes sont chargées de leur éducation. A l'exception des parents, peu de personnes obtiennent la faveur de les visiter. Le médecin, l'agent comptable, le chapelain ne peuvent pénétrer dans ce quartier que quand leur service le requiert; le directeur seul a le droit d'entrée, et un ordre spécial de lui, rarement octroyé, est indispensable pour ouvrir les portes de ce sanctuaire aux visiteurs.

Chacun des deux quartiers a son entrée sur la rue. Un portier et une portière en fonction permaneute, inscrivent officiellement les noms et les heures d'entrée et de sortie de tous les allants et venants. Quoique l'établissement soit de toutes parts entouré de rues, cependant nul ne peut en trer ni sortir à moins d'escalade, sans passer par la loge du concierge.

L'établissement possède de vastes dépendances qui s'étendent à l'ouest jusqu'à la rue voisine qui lui est parallèle; elles se diviscut en deux parties à peu près égales, dont la première comprend les jardins assignés aux principaux fonctionnaires et ceux cultivés par les élèves. La seconde partie forme la cour de récréation des garçons. Cette cour est ombragée par des arbres magnifiques, et pendant l'été les élèves peuvent y jouer tête-nue. A l'extrémité de cette cour s'élève un gymnase fermé de palissades et muni des meilleurs appareils pour les exercices susceptibles de développer la poitrine et de fortifier les membres et les muscles. Cne fois la semaine, dans l'été et au printemps, un professeur spécial de gymnastique vient donner des leçons aux élèves; plusieurs sourds-muets ont acquis une remarquable habileté dans cet art.

La superficie des bâtiments et des cours embrasse buit hectares.

Une commission consultative, nommée par le ministre et composée d'hommes choisis dans les sciences et les lettres, donne son avis sur les règlements et les délibérations les plus importantes. Le directeur décide seul, et quelquefois avec l'avis du comité dans les décisions ordinaires. Les membres de la commission viennent inspecter les classes et les autres départements. Le directeur, le professeur en chef, l'économe, le chapelain, le médecin, et dans le quartier des filles, la surveillante en chef, possèdent chacun dans l'institut un appartement composé de quatre à cinq pièces, tous ayant avec eux leurs domestiques, et plusieurs leurs familles. Ils sont chauffés et éclairés, mais point nourris. Les maîtres et maîtresses d'élades, les employés inférieurs sont logés et nourris avec les élèves. Plusieurs employés ont des chambres séparées; d'autres doivent coucher dans le dortoir des élèves. Les professeurs reçoivent des appointements fixes el ne logent pas dans l'institution où ils ne

viennent qu'à l'heure de la classe. Ils ne sont jamais appelés à surveiller les élèves en dehors des classes, ni à donner leurs avis dans les matières relatives à l'administration domestique. D'un autre côté le directeur n'intervient jamais dans l'instruction didactique de la classe; il s'assure seulement si tous les professeurs sont à leur poste.

L'appropriation intérieure présente un grand caractère d'ordre et de propreté. Le réfectoire est garni de deux tables de marbre qui règnent dans toute la longueur de la pièce. A l'extrémité est la table où les maitres d'étude prennent leur repas et inspectent les élèves. La nourriture est fort simple. Au déjeuner, du pain et de l'eau. Plusieurs élèves se procurent, par le portier, du beurre, du café, etc. A dîner, trois plats, le potage, de la viande ou du poisson, selon le jour, des pommes de terre ou des haricots, etc., avec du vin rouge ordinaire mêlé d'eau, et du pain. A goûter, un morceau de pain sec, sans beurre, comme au déjeuner. Et à souper, un plat chaud ou froid, les restes du diner avec un plat de dessert. Les jours maigres ils ont trois plats: le potage, du poisson, des pommes de terre, et un autre plat de légumes.

Au réfectoire, les élèves prennent d'abord leur place à table, puis on appelle leur attention au son du tambour, et l'un d'entre eux répète en signes le Benedicite. A la fin du repas, le tambour bat de nouveau, et après l'action de grâces, ils sortent par le même chemin. Après leur sortie ils se rendent, toujours au son du tambour, dans la cour de récréation. Là, après une récréation d'une demi-heure, ils sont appelés à former les rangs et à se rendre, deux à deux, dans la salle de dessin. Questionnés sur le genre d'impression que leur faisait éprouver le tambour, les élèves répondent que le son se propage sur le sol jusqu'à leurs membres inférieurs, et qu'il est alors senti par eux à l'épigastre.

Les dortoirs, au nombre de deux, sont remplis de lits de fer peints en rouge. Chaque lit est accompagné d'une table de nuit. Les garçons font eux-mêmes leur lit en se levant; une salle voisine, servant de salle de toilette on lavabo, contient des bassins pour se laver un essuie-main suspendu séparément à un clou séparé sert à chaque élève pour s'essuyer. Le lavabo ne sert que pour le matin, et se trouve fermé le reste du jour. Si les élèves sont obligés de se laver à d'autres moments, ils se servent d'un bassin de marbre qui est en bas, et de serviettes communes pour tous. L'infirmerie est spacieuse et admirablement tenue. On lui a donné plus d'étendue qu'elle n'en a heureusement besoin. Les malades sont placés sous la surveillance d'une garde-malade, et visités tous les jours par un médecin qui reçoit annuellement un traitement fixe. Le médecin est chargé d'examiner chaque élève qui arrive; et si la surdité lui paraît curable, de prendre et d'appliquer les moyens de guérison. Dans chaque quartier, les fonc

« PreviousContinue »