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Telle est la déportation russe. Inadmissi- d'inoffensif. Mais il se pré-ente, continuent ble partout ailleurs, elle est parfaitement ap-ils, une objection grave. Les partisans de la propriée au pays qui en fait l'application, et prison de Philadelphie disent que la préten bien qu'elle puisse, à divers titres, fournir tion de réduire à un silence absolu un grand aux sociétés étrangères des indications uti- nombre de malfaiteurs rassemblés, est une les et des rapprochements intéressants, elle véritable chimère, et que cette impossibilité n'est praticable qu'en Russie, là où l'affran- ruine le système dont le silence est le fondechissement civil, non encore écrit dans les ment. Les observateurs éminents que nous lois, peut exceptionnellement devenir un citons affirment qu'ils n'ont jamais vu com élément pénitentiaire, un espoir pour le mettre une seule infraction à la règle du sicoupable, et pour le pénitent une rémuné- lence, quoiqu'ils aient consacré quelquefois des semaines entières à l'observation de la même prison.

ration.

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§ VI. Etats-Unis. La réforme des EtatsUnis ne s'est inspirée que du besoin d'intimider et non de corriger les détenus. La réforme américaine a un caractère uniforme, bien que MM. de Tocqueville et Beaumont aient affirmé le contraire: empêcher la corruption mutuelle des détenus et prévenir les récidives par voie d'intimidation. Prenez la réforme soit dans l'Etat de New-York, soit dans la Pensylvanie, soit dans le Connecticut, partout elle va jusqu'à la limite où expire l'action de l'intimidation sans jamais franchir celle où commencerait l'application de l'étude pénitentiaire. Ele n'aspire qu'à développer l'empire de la crainte; seulement la réforme pénitentiaire marche à ce but unitaire par des systèmes de discipline différents.

A

J. Système d'Auburn ou du Silence. Auburn, dans l'Etat de New-York, c'est la discipline du silence au sein de la réunion de jour, avec l'emploi des châtiments corporels; à Wethersfield dans le Connecticut, c'est le système d'Auburn sans l'emploi des châtiments corporels, remplacé par le confinement solitaire et le régime diététique; à Philadelphie, c'est le système de l'emprisonnement solitaire de jour et de nuit avec travail. On reconnaît que les systèmes américains ont diminué le chiffre des récidives. M. William Crawford affirme que le système de Philadelphie produira les meilleurs résultats d'amendement légal, lorsqu'on y aura introduit l'instruction morale et religieuse dont ce pénitencier est entièrement dépourvu.

Les avantages du système pénitentiaire aux Etats-Unis peuvent se classer ainsi : premièrement, impossibilité de corruption pour les détenus dans la prison; secondement, grande probabilité pour eux d'y prendre des habitudes d'obéissance et de travail, qui en fassent des citoyens utiles; troisièmement, possibilité d'une réforme radicale. Le principe de la réunion diurne et silencieuse, est représenté par les deux pénitenciers d'Auburn dans l'Etat de New-York et de Wethersfield dans le Connecticut. A l'époque où MM. de Beaumont et de Tocqueville visitèrent les pénitenciers américains, le système d'Auburn comptait déjà dix années d'exécution.

Ils réfutent ce système. Le silence, disentils, établit à Auburn entre les détenus cette séparation morale qui les prive de toutes communications dangereuses, et ne leur laisse des rapports sociaux que ce qu'ils ont

Mais voilà que M. Crawford est envoyé aux Etats-Unis par le gouvernement anglais pour étudier le système d'Auburn. Il remarque que les détenus privés de l'usage de la parole, ont recours à d'autres modes de communication. Ils entretiennent des relations par des signes et des chuchotements. Les occasions de ces intelligences s'offrent soit dans les ateliers, soit lorsqu'ils marchent par files serrées. Ces relations, quoique légères et accidentelles, contribuent à détruire ce sentiment de l'isolement qui est la plus grande des punitions morales. M. Demetz, qui est allé à son tour visiter les pénitenciers américains, assure que les com munications entre les prisonniers sont journalières. Nous tenons des prisonniers avec lesquels nous nous sommes entretenus, ditil, que journellement ils échangent des pa roles, des signes avec leurs voisins, à l'atelier, dans l'exercice et dans les cellules. M. Demetz va même jusqu'à insinuer l'exis tence de communications dangereuses.

Le surintendant du pénitencier de Wethersfield, a assuré à MM. de Beaumont et de Tocqueville, au moment de leur visite, que depuis trois ans, il n'avait pas été une seule fois dans la nécessité d'infliger la peine des coups. Avant d'en user, on essaye sur le dé tenu récalcitrant l'influence de la solitude absolue; on l'enferme dans sa cellule de jour et de nuit, sans lui laisser la ressource du travail. Lorsqu'il n'est pas dompté des le premier moment, on ajoute quelques n gueurs de plus à son isolement, telles que la privation du jour, la diminution de la nourriture; quelquefois aussi on lui ôle son lit. Si le détenu s'obstine dans sa résistance, on cherche dans l'usage du fouet un moyen plus efficace de soumission. M. Crawford uit que c'est une opinion très-prononcée aut Etats-Unis, qu'une discipline qui impuse rigoureusement le silence, et qui inte.di au prisonnier de détourner les yeux de son ouvrage, ne peut être mise en vigueur sans l'emploi des punitions corporelles.

La civilisation américaine est une civi sation fiscale, qui réduit tout en sous et deniers. On trafique de la vue des condamnés comme dans ces ménageries ambulantes où l'on vend à la curiosité publique le specta cle des animaux malfaisants. M. Demelz nous apprend dans son rapport, que tout individu est admis à visiter le penzendut d'Auburn en payant un quart de dol ar au profit du trésor public. La recette s'était ese

vée à Auburn à 2,600 dollars en 1836, d'où il suit que le nombre des visiteurs dans le courant de cette seule année, a été de 10,400. Comment la discipline d'Auburn peut-elle fonctionner au milieu de ce flux et reflux de communications extérieures?

M. Ampère, de l'Académie française, qui visitait à New-York le pénitencier de Blakwell, où l'on suit le système d'Auburn, dit que la difficulté d'empêcher les condamnés soumis au silence, pendant le travail en commun, de s'entendre par signes, a été levée par le nerf de bœuf.

Les femmes ne doivent pas être frappées, mais, disait le gardien à M. Ampère en souriant, elles reçoivent bien quelques taloches (slap). La punition des douches est employée aussi pour les deux sexes. Un ancien directeur de la prison de Sing-Sing, bâtie à New-York par les prisonniers eux-mêmes, disait au même M. Ampère, qu'il avait essayé de se passer du fouet pour la discipline de la prison et qu'il y était parvenu. Son prédéces seur employait 1,500 ou 2,000 fois ce mode de punition dans l'espace d'un mois. Le fouet resta comme menace sous la direction nouvelle, mais il fut possible peu à peu d'en supprimer l'usage. (Revue des Deux-Mondes, 1" avril 1853.)

II. Système pensylvanien ou cellulaire : Cherry-Hill. La pensée primitive du système avait tellement basé l'influence de l'intimidation sur celle de la solitude, que nonseulement il était interdit au détenu de recevoir des visites, mais qu'il ne pouvait pas même recevoir des lettres de sa famille. La loi organique avait déterminé les seules personnes que le détenu pourrait voir dans son confinement solitaire, savoir, les inspecteurs, les employés de la prison, et les visiteurs officiels. Le code des visiteurs officiels avait, dans la pensée de la loi, l'inconvénient d'être trop étendu, et la législature s'était efforcée de le restreindre autant que le permettaient les prérogatives et les susceptibilités locales. Les inspecteurs chargés de l'exécution ne tardèrent pas à s'apercevoir que la raison humaine ne résisterait pas longtemps à l'influence prolongée de la solitude, et d'un autre côté, que le titre de pénitencier dans un établissement dépourvu d'éducation religieuse et même d'instruction élémentaire, était un titre usurpé, un mensonge dont l'opinion ferait bientôt justice. On se borna à retrancher les communications de détenus à détenus. On put communiquer librement avec ceux-ci.

Cherry-Hill pourrait avoir ses visiteurs. comme la prison d'Auburn. Le docteur Bache déclare qu'il n'y a pas maintenant de solitude, à proprement parler, à CherryHill. On a substitué l'emprisonnement sépaé à l'emprisonnement solitaire. Le comité de surveillance demande à la législature un instructeur religieux, les bienfaits du systeme ne pouvant se produire sans une suite systématique d'instructions religieuses. En quoi consisterait l'instruction religieuse? A répéter sept fois aux sept corridors des

sept ailes de Cherry-Hill, le même sermon à travers l'épaisseur des murs des cellules et la tenture d'un rideau. La législature ne croit pas devoir se prêter à cette combinaison, et elle juge l'enseignement primaire et professionnel en cellule, également impossible. Ajoutons qu'on a été obligé de supprimer les cours pour les condamnés des étages supérieurs.

La mortalité est beaucoup plus considérable en cellule que dans l'emprisonnement d'Auburn. En 1835, elle s'élevait à CherryHill, pour les sept dernières années, à 1 sur 33, tandis qu'elle n'était que de 1 sur 76 à Wethersfield, et de 1 sur 56 à Auburn. D'après le rapport des inspecteurs, sur une population de 455 condamnés, le nombre des malades s'est élevé, en 1835, à 337. La inême année, il a été constaté à Cherry-Hill 11 cas de démence. Remarquons que l'on ne parle pas d'aliénation dans les autres pénitenciers américains.

Le régime alimentaire est très-confortable à Cherry-Hill. Le café le matin, une livre de boeuf par jour, des pommes de terre à discrétion, et pour qui le désire, une ration supplémentaire. Le docteur Bache, médecin de Cherry-Hill, remercie le directeur d'avoir été mieux nourri et mieux vêtu que chez lui.

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Les résultats d'un rapport fait par la société de Boston, en 1837, sont que l'expérimentation du cellulage continu appliqué aux condamnés à long terme, se borne au pénitencier de Philadelphie, et que ce système est en échec. Le mouvement de la criminalité, au lieu de s'y ralentir, exige une extension des bâtiments. Les récidives de 1 sur 12 1/2 à Auburn, sont de 1 sur 10 14 à Philadelphie, et la proportion des décès y est presque double de ce qu'elle est à Auburn. Sur 678 détenus, aucun cas de démence ne s'est présenté à Auburn en 1837. Sous le point de vue financier, tandis que travail en commun couvre et au delà toutes les dépenses d'administration et d'entretien, le travail cellulaire à Philadelphie est en déficit de 10,272 dollars pour l'année 1837, et pour les frais d'entretien seulement, car l'Etat a été obligé de prendre à sa charge les frais d'administration. Le résultat comparé de l'expérience donne raison à Auburn sur tous les points, dit M. Ch. Lucas à l'Académie des sciences morales et politiques. Que serait-ce, ajoute-t-il, si la discipline du travail en commun avait reçu à Auburn les importants perfectionnements qui sont en cours ou en projet d'exécution, dans plusieurs parties de l'Europe!

En 1838, les cas d'aliénation à Philadelphie, s'élèvent à 18 sur 387 détenus, savoir 8 parmi les blancs, 10 parmi les noirs. Ces 18 cas offrent 13 cas de démence aigus, 2 monomanies, 1 manie, 2 hallucinations. Le cas le plus général des aliénations, c'est le vice honteux. L'énergie physique du cerveau en est diminuée, et celle du cervelet est morbidement augmentée. A l'incobérence qui caractérise la folic, se joignent des per

ceptions erronées et une manifestation plus ou moins violente de passions luxurieuses et indomptables.

Le médecin du pénitencier de Jersey, M. Coleman, dit dans son rapport de 1838, que si le prisonnier à son entrée en prison n'a pas un caractère susceptible de s'exercer sur des sujets abstraits, l'imbécillité se montrera bientôt, et qu'on le verra se livrer aux plus grands enfantillages.

Dans le deuxième rapport de 1839, la table présente sur une population de 417 détenus, 28 cas dont 15 pour les blancs et 13 pour les noirs, ainsi qualifiées, 5 démences aiguës, 4 démences, 6 hypocondries, 7 ballucinations, 1 monomanie, 2 manies, 1 cas d'excentricité. Le médecin attribue 61 cas sur 100 au vice honteux. La publication des tables produisit un tel effet aux Etats-Unis, que les inspecteurs les supprimèrent. Charles Dickens, visitant le pénitencier de Philadel, hie, découvre que les criminels, détenus depuis longtemps, deviennent sourds.

Autant les Etats qui n'emploient pas le régime cellulaire, étalent au grand jour les résultats de la situation financière de leurs pénitenciers, autant on s'enveloppe à cet égard de mystères en Pensylvanie. Des documents officiels attestent que les cinq prisons soumises au système d'Auburn, ont gagné de 1839 à 1840, 2,344,610 fr. Mais ce qui surprend le plus dans le système cellulaire, c'est que l'on compte en Pensylvanie près d'un récidif (ou récidiviste) sur trois détenus. Le neuvième rapport de l'année 1837 signale 19 récidifs appartenant au pénitencier. Le dixième rapport indique le chiffre de 23 pour 1838. On lit dans le onzième : il y a eu 33 récidifs, dont 3 condamnés pour la troisième fois, et 32 pour la seconde. Comme on peut présumer que parmi les libérés du pénitencier, le nombre de ceux qui sont allés se faire incarcérer ailleurs est fort rapproché du nombre de ceux qui sont revenus au pénitencier, il faut en conclure que la proportion des récidives est aussi élevée dans le pénitencier de Philadelphie que dans nos bagnes.

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§ VII. Italie. - 1. Prisons de Rome. Il existe à Rome trois prisons, celle des Thermes, les Prisons-Nouvelles, et celle qui a été érigée pour les enfants, où est appliqué le système cellulaire et qui fait partie du vaste hospice de Saint-Michel a Ripa. Dans cet hospice sont réunis les vieillards, les infirmes et les orphelins; on y trouve des fabriques de draps et de tapisserie, ainsi que les conservatoires de musique, de peinture, de sculpture et de gravure, d'où sont sortis beaucoup d'artistes qui font honneur à cet établissement, et parmi lesquels on cite Mercuri et Calamata. La prison est entièrement distincte, pour ses communications et son régime, de toutes les autres parties de l'hospice. Cet immense établissement fut construit par l'un des architectes les plus renommés de l'Italie, Antoine Fontana, qui l'appropria, avec une rare intelligence, au but pour lequel il était bati, but

dès lors réalisé pour la première fois par la création d'un système cellulaire mitigé. Nous transcrivons quelques passages ùu Motu proprio de Clément XI, du 14 septembre 1703: « Considérant que journellement des enfants ou des jeunes gens de moins de vingt ans, avec une malice supérieure à leur âge, commettent des vols et d'autres délits qui les conduisent devant la justice et les font renfermer dans les prisons de note ville de Rome; que malgré qu'on les place dans un lieu séparé, appelé la Polledrara, au lieu d'en sortir corrigés et amendés, ils retombent souvent dans les mêmes et dans de plus grandes énormités; pour remédier à un si grand mal, nous avons pensé, des l'instant de notre élévation au pontificat, à construire, contigu à l'hospice de SaintMichel a Ripa, un bâtiment d'une étendue convenable, sous le nom de maison de correction, ce qui a eu lieu en effet. Les cons tructions se trouvent terminées avec 60 pe tites cellules distinctes et séparées les unes des autres, autour d'une grande salle, dans le milieu de laquelle est l'autel pour célébrer la sainte Messe; il ya en outre des loge ments pour un prêtre, pour les gardiens et les surveillants. On y voit une grande galerie découverte, et sous celle-ci de grands locaux, qui peuvent servir pour les ouvriers en laine de l'hospice, etc. C'est pourq sol nous commandons et ordonnons que tous les enfants et jeunes gens de moins de vingt ans qui, à l'avenir, seront condamnés à à prison par les tribunanx, au lieu d'être envoyés dans les prisons publiques, sole:1 transportés dans ladite nouvelle maison de correction, et ordonnons que les éminens cardinaux protecteurs de l'hospice des gnent un prêtre pour instruire ces jeunes gens, et des maîtres pour leur enseiger quelques notions mécaniques, afin quis laissent la paresse pour le travail et apprese nent un nouveau moyen de vivre. »

L'Italie a donc été la grande initiatrice en matière de systèmes penitentiaires, come en tous les autres points de la civilisation qui touchent au monde moral littéraire ou artiste. C'est dans la prisou dont nous perlons, que sont placés les prisonniers que l'on appelle politiques, avec lesquels confond beaucoup de détenus places ua's les autres prisons, où les retiennent ves actions contre la société ou contre des pèr ticuliers, qui ne sont en réalité que des cr’• mes ou des délits civils commis dans d temps de commotions politiques.

Sur une salle de 37 mètres de long 6 mètres 5 centimètres de largeur, es 13 Le tres 18 centimètres de hauteur, s'ouvre les cellules du plan inférieur et rèsticat les galeries autour desquelles sont districes, en nombre égal, les cellules des dec1 èr ges supérieurs, à chacun desquels on ja vient par des escaliers placés en retrait was les angles: c'est dans cette salle que se pue mènent tous les jours les prisonniers, C--! jouissent d'une déambulation tres-etesdobo d'une lumière vive et générale, d'use gras

de masse d'air. J'ai visité bien des prisons en France et en divers pays, j'ai comparé les différents systèmes, j'ai été à même d'apprécier leurs avantages comme leurs inconvénients; jamais je n'ai vu, dit l'auteur qui nous fournit ces détails, qu'il existe quelque chose d'aussi bien approprié au but pour lequel il a été construit que ce pénitencier. Les cellules ne reçoivent que la nuit des hommes d'âges divers. Les prisonniers placés dans l'ancienne prison des femmes, sont dans les mêmes conditions que ceux qui sont réunis dans les autres prisons. Ces celJules, construites en 1703, pour des enfants ou des jeunes gens, présentent un cube de 17 mètres par individu.

Les Prisons-Nouvelles, construites sous le pontificat d'Innocent XI, en 1655; celles des Thermes, établies depuis un assez grand nombre d'années dans d'auciens greniers pour les huiles et pour les grains avant la liberté du commerce, sont moins favorables que les précédentes; les prisonniers y sont placés dans des salles communes dont les dimensions surpassent de beaucoup celles de nos prisons en France. Ces salles sont divisées en deux catégories distinctes: segreta piana, larga piana. Dans les premières, on place les prisonniers en instruction; dans les secondes, les condamnés.

Partout, chaque prisonnier a une pai!lasse de 9 palmes romaines (2 mètres) de longueur, renfermant 50 livres (16 kil. 80) de paille. Ces paillasses sont de la plus excellente qualité. Une couverture de laine est donnée à chaque détenu.

Chaque jour, les prisonniers sont condu ts ou dans un préau, ou dans des galeries à l'italienne, ouvertes et couvertes, largement aérées, et dont plusieurs jouissent d'une magnifique vue. Chaque prisonnier est pourvu d'une écuelle en poterie de grès, d'une cuiller en bois et de divers autres ustensiles: l'abondance de l'eau n'est pas l'un des moindres avantages Les prisonniers al segreto peuvent obtenir l'autorisation de se procurer des matelas et d'autres objets qui leur seraient nécessaires; ils conservent, s'ils le veulent, leurs vêtements. Ceux qui sont placés al largo n'ont besoin d'aucune autorisation pour faire venir du dehors des matelas; les condamnés sont obligés, comme en France, de prendre les vêtements de la maison. Les chemises sont en bonne toile, blanchies chaque quinzaine; les vêtements en toile sont analogues à ceux de nos pri

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sonniers, et trouve dans cette position un soulagement à son infortune. Jamais il n'est enchaîné, à moins que la violence de ses actions ne rende cette mesure indispensable; au contraire, il devient l'objet de soins charitables qui tendent tous à le conduire à une bonne fin.

Les salles al segreto ou al largo sont vastes; la hauteur en est partout très-grande, excepté dans deux de celles du Carcere nuovo; des ouvertures de grande dimension et convenablement placées y établissent une bonne ventilation: deux sont bien moins disposées sous ce rapport. Dans un bâtiment de ces prisons, complétement distinct des autres, se trouve le pénitentiaire des jeunes gens, consistant en une immense salle éclairée par de nombreuses baies, dans la quelle a lieu le travail en commun et en silence; les cellules y sont bien disposées. Le gain des détenus se partage en trois portions: l'une, que l'on place à la caisse d'épargne; l'autre, destinée à pourvoir aux besoins des condamnés; la troisième, employée en prix décernés pour le travail, etc., d'après un tableau sur lequel on inscrit chaque jour ce qui a trait à chacun. Au jour de ma visite, dit le narrateur, pas une note défavorable n'existait sur le compte d'un seul détenu pour le trimestre, déjà bien avancé. Ce système de récompense exerce une heureuse influence sur ces jeunes gens.

Les enfants sont assujettis au travail; les hommes ne le sont que dans des circonstances établies par la foi, mais ils sont libres de s'y livrer soit comme délassement, soit pour en tirer un lucre: plusieurs cultivent la peinture. Le visiteur a mangé du pain, de la viande, goûté le bouillon, les légumes, le vin, l'eau, non-seulement dans les cuisines, mais dans les salles; il a questionné les prisonniers, aucun ne lui a fait d'observations sur la nature des aliments, quelques-uns lui en ont présenté sur la proportion : c'est ce qu'on entend partout dans les prisons. Le pain est non-seulement bon, mais excellent; il est meilleur que celui que reçoivent les troupes, meilleur que le pain de munition de nos soldats. A l'infirmerie, les prisonniers reçoivent du pain de la même nature que l'on mange partout en ville, et le médecin peut prescrire des viandes spéciales, de la volaille, des crêmes, etc. Voyons quelle est la quantité.

Chaque prisonnier reçoit les jours gras: 18 onces (508 gr. 56) de pain, 4 onces (113 gr.) de viande pesée cuite et dont on a séparé la graisse et les os; une écuelle de bouillon avec 3 onces (84 gr. 75) de riz, de pâte, etc.. pesés crus; une salade assaisonnée, deux verres de vin.

Les jours maigres: une demi-livre (169 gr. 50) de poisson sec pesé cru; une demilivre (169 gr. 50) de riz ou de pâte pesé cru; une demi-livre de légumes cuits, à l'eau et au sel comine partout, mais auxquels on a ajouté les condiments ordinaires employés pour le maigre, et le reste comme

les jours gras. Les prisonniers al largo n'ont pas de salade et n'ont qu'une demi-mesure de vin, mais on leur donne une once de plus de riz ou de pâte pour la soupe; puis ils reçoivent du dehors des aliments fournis ou par les sociétés charitables, ou sur le fonds commun destiné aux condamnés. Du vin, provenant de la même source, est aussi chaque jour donné à chaque prisonnier.

Outre l'inspection journalière des aliments par les agents de l'administration, comme elle existe en France, les membres d'une institution charitable, fondée sous le nom de Saint-Jérôme, pour la visite des prisonniers, et qui compte dans son sein des membres des plus hautes familles de Rome, des prélats, des avocats, etc, viennent chaque jour en surveiller la nature et la proportion; leur droit est tel que s'ils les trouvent défectueux, ils peuvent les faire refuser et en faire délivrer, aux frais des fournisseurs, par des marchands de la ville. Sous le point de vue de la proportion des aliments, on trouve encore ici des dispositions fort importantes: sous la seule responsabilité de leur conscience et de leur savoir, les médecins sont juges absolus des réclamations des prisonniers, et chaque fois qu'ils reconnaissent que la proportion des aliments est insuffisante pour un individu, ils l'augmentent sans que qui que ce soit ait le droit de contrôler leur décision. Des règlements affichés dans toutes les parties des prisons permettent à chaque détenu de s'assurer si les fournisseurs accomplissent leurs devoirs et les mettent à même d'adresser des réclamations que l'organisation dont j'ai parlé ne peut laisser inutiles. Les infirmeries présentent toutes les conditions désirables de salubrité; elles sont vastes, parfaitement éclairées et aérées, fournies de bons lits.

L'infirmerie des femmes est située au rezde-chaussée: elle est peu vaste, mal aérée. Le visiteur en exprime son opinion, nonseulement à M. le fiscal général, mais au cardinal général Antonelli.

A chaque prison sont attachés un médecin et un chirurgien. Ces médecins sont des hommes honorablement connus: sur six, trois sont professeurs à l'Université; chaque jour ils sont obligés de visiter la prison, et lorsque le besoin s'en fait sentir, ils renouvellent cette visite. Au-dessous du médecin et du chirurgien, se trouvent, comme dans nos prisons de Paris, et sous le même nom d'infirmier-major, de jeunes gens chargés d'exécuter leurs prescriptions, de faire la petite chirurgie, de préparer les médicaments; ils demeurent dans la maison, et ne peuvent, ainsi que l'aumônier, s'absenter que dans des conditions données.

Ce n'est pas sur de simples rapports, comme on l'a prétendu, que sont rendus les jugements: la défense est libre, mais les débats sont secrets.

La publicité produirait à Rome des assassinats et des crimes de toute nature, et ne permettrait pas à la vérité de se faire jour,

par la crainte que l'on saurait imprimer aux témoins.

Le cavalletto (coups de verges sur les épau les couvertes de vêtements) entrait autrefois dans les peines disciplinaires des prisons; il en a presque entièrement disparu, et aucun prisonnier politique n'y est sou mis.

Nulle différence entre les prisons de Rome et les nôtres, quant à la disposition des parloirs; et quant aux permissions accor dées aux parents, les mesures administratives sont analogues à celles qui régissent nos maisons de détention. Au nioment de la visite de notre compatriote (M. Gaultier de Claubry) il existe dans les prisons des Etats remains 10,754 individus, pour une population de près de 3,000,000.

Deux solliciteurs des pauvres, — qu'une loi récente a enfin établis en France, — sont chargés du soin de tous ceux qui ont besoin de leur appui. Dans chaque province, d'anciennes et de modernes constitutions apostoliques ont institué une congrégation com posée du président de la province, de l'évè que ou de son grand vicaire, du président du tribunal, de l'assesseur et de deux conseillers municipaux, et elle est obligée de visiter, une fois par mois, chaque prison, d'entendre chaque prisonnier, de vériber l'état de la nourriture, des vêtements, etc. Elle a une autorité très-étendue, et est appelée à prononcer sur tout ce qui inté resse les détenus. A Rome, la congregation de Saint-Jérôme, dont un cardinal est protecteur, complète cette hiérarchie toute de charité et de dévouement.

II. Maisons de repenties.-L'Italie ne pouvait être en dehors du mouvement que nous avons vu imprimé à la France à une époque reculée par le catholicisme pour la création des maisons de pénitence.

Bergame. Jérôme Emilien qui fonda plasieurs hôpitaux, un notamment à Brescia e l'autre à Bergame, établit dans cette der nière ville en 1532, une maison destinée à retirer du désordre les filles et les femmes débauchées. Le saint (car on lui donne le nom de bienheureux) va dans les lieux po blics, et arrache les prostituées au désordre par l'éloquence de sa parole. Il fallait lear ouvrir un asile où elles travaillassent à leur conversion; il parvient à créer une maison et à la doter d'un revenu suffisant. Pear prêtres vendent pour cela leurs biens. Ps étaient fort riches, ils se font ouvriers pour mieux pratiquer la charité.

On voit dans la Vie de saint Ignace le Loyola qu'il existait à Rome, en 1513, u nastère de tilles et de femmes repenties seas le nom de Sainte-Madeleine. Saint I fonde une maison se proposant le même bal mais avec les différences qu'on va de. Dans le monastère de la Madeleine n'entret que les pénitentes qui veulent ewira❤ ser la vie religieuse. Saint Ignace conside que celles que la grâce porte à se repet ne sont pas toujours disposées à quer monde, et que ces mêmes personnes p

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