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chacun travaille selon ses forces et selon ses besoins, n'ayant aucun joug sur sa tête et mettant sa fierté à ne rien devoir qu'à soimême. On a dit à chaque citoyen fais toimême ta destinée. Les principes de 89 excluent tout droit à l'assistance dans la société comme dans l'individu. LA CHARITÉ EST UN DEVOIR AUQUEL NE CORRESPOND AUCUN DROIT. Le droit à l'assistance serait un encouragement à la paresse, au vice, au désordre. L'assemblée constituante qui se proposait d'émanciper l'homme et de donner à son activité un ressort énergique, s'est bien gardée de briser d'avance ce ressort, d'affaiblir la salutaire nécessité du travail, de l'économie, de la prévoyance, de toutes les vertus sans lesquelles il n'y a pas d'homme libre et de vrai citoyen. Le vrai citoyen s'efforce de se suffire à lui-même; il ne demande aux autres citoyens et à l'Etat qui les représente, que la justice, c'est-à-dire une égale protection pour son travail.

Mais dans la meilleure société, il y a d'irrésistibles misères, des accidents imprévus, mille sources peut-être intarissables de souffrances et de vices. (La philosophie dit peutêtre par la bouche de M. Cousin, le christianisme dit certainement.)

Quand l'homme (l'individu) n'a pas accompli tous ses devoirs envers ses semblables, ne leur a pas tendu une main amie, la société dépositaire de tous les devoirs comme de tous les droits, doit, dans la mesure de ses forces, selon les temps et les circonstances, venir au secours de la misère, la prévenir s'il se peut, la réparer autant qu'il est en elle, et toujours la consoler en se montrant envers elle compatissante et généreuse; l'Etat doit avoir aussi des entrailles. Il doit, en respectant la liberté, en encourageant l'imprévoyance, entreprendre sérieusement la grande tâche de la charité publique. Il doit remplir ce devoir sans charlatanisme, mais avec une sensibilité éclairée et courageuse.

Est-ce que chacun de nous, reprend M. Cousin n'a pas dans son humble budget un chapitre, si petit qu'il soit pour les dépenses de la charité. Le pauvre, s'il est bon, trouve moyen de secourir un plus pauvre que lui; celui qui est plus riche doit faire plus que les autres; d'où il suit que l'Etat doit avoir une épargne plus ou moins considérable, réservée à l'assistance publique : c'est une pratique constante dans tout Etat civilisé. M. Cousin considère, et il a raison, le budget de l'instruction publique et celui des cultes, comme un budget de haute charité civile. Il combat comme une erreur les communistes qui, à l'exemple de Smith, professent qu'il faut laisser les particuliers satisfaire au besoin de l'enseignement civile et religieux comme ils l'entendent. M. Cousin appelle l'instruction religieuse la première des instructions, et est d'avis que l'ignorance est la première source du vice. L'homme ne vit pas seulement de pain. II faut des écoles, des églises et des hôpitaux. Assurément on ne saurait trop encourager toutes les associations particulières qui se

proposent un but charitable, mais en attendant que ces associations aient fait leur ceuvre, il faut que l'Etat fasse la sienne. On répète qu'il est impossible de tarir les sources de la misère, mais c'est beaucoup de les diminuer. Je ne rève pas le paradis sur la terre, mais j'ai foi à la puissance de longs efforts dirigés vers un but vrai. La première révolution avait emprunté au christianisme le dogme de la fraternité, ne souffrons pas que les ennemis de la société se l'approprient et en fassent contre nous une arme de guerre. Maintenons-le religieusement sur notre drapeau. »(Revue des deux Mondes, ′′ avril 1851.)

Le même écrivain, dans sa nouvelle édition de la Philosophie sensualiste au XVII siècle, publiée en 1856, consacre un chapitre (1 appendice) à la charité, qu'il associe à la justice. Il répète que le dévouement doit se trouver dans ce grand individu qu'on appelle la société. « Oui, » s'écrie-t-il, « le gouvernement d'une société humaine est aussi une personne morale. Il a un cœur comme l'individu; il a de la générosité, de la bonté, de la charité. La justice, si on s'y renferme exclusivement sans y joindre la charité, dégénère en une sécheresse insupportable.

M. Cousin montre les dangers d'une charité imprudente. Il dit qu'il est difficile d'apprécier le degré de liberté que possède un de nos semblables, pour savoir jusqu'où on peut se substituer à lui dans le gouvernement de la destinée. Puis il reprend : « La justice n'oblige pas seulement au respect des droits des autres, elle nous fait un devoir de soulager leurs misères de tout genre, de venir en aide à nos semblables, même au détriment de notre fortune et de notre bien-être. » L'Etat, ditil un peu plus loin, doit faire régner la justice. Il répète qu'il doit avoir du cœur et des entrailles; qu'il n'a pas rempli toute sa tâch quand il a fait respecter tous les droits, qu'il lui reste à exercer une mission d'amour et de charité, sublime à la fois et périlleuse. La charité éclairée doit à tous cette première instruction qui empêche l'homme de déchoir de sa nature et de tomber du rang d'homme à celui d'animal. Il doit encore, il doit surtout et à tout citoyen, aide et protection dans le développement de sa vie morale. L'Etat doit retenir l'enfant du pauvre dans des écoles appropriées à ses besoins, jusqu'à ce qu'il sache ce que c'est que Dieu, l'âme et le devoir; car la vie humaine, sans ces trois mots bien compris, n'est qu'une douloureuse et accablante énigme. La charité intervient jusque dans la punition des crimes, à côté du droit de punir, elle met le devoir de corriger. L'homme coupable est un homme encore. Punir est juste, améliorer est charitable. (P. 330 et suiv.. passim.)

III. L'Empereur Napoléon III. - Nous avons surtout à présenter ici l'analyse d'une brochure ayant pour titre : Extinction du paupérisme, publiée en 1844, pendant la séjour du prince au fort de Ham, et qui fait partie des quatre volumes d'œuvres com

plètes de 1854. Le prince, dans un Avantpropos, recherche si les mots d'extinction du pauperisme conviennent à un écrit ayant pour unique but le bien-être de la classe Ouvrière. Il estime, que, répandre dans les classes ouvrières, qui sont les plus nombreuses, l'aisance, l'instruction, la morale, c'est extirper le paupérisme, sinon en entier du moins en grande partie. L'Avantpropos est daté du fort de Ham, mai 1844.

une dérision pour qui n'a pas de superflu.» Le prince Louis-Napoléon reméd e à la division de la propriété par l'association qui, employant tous les bras inoccupés, recrée la grande propriété et la grande culture. L'industrie appelle dans les villes l'ouvrier qu'elle énerve, il faut attirer dans les campagnes le trop plein des villes et retremper les esprits et les corps à l'air libre. La classe ouvrière ne possède rien, il faut la rendre propriétaire. Elle est sans organisation et sans liens, sans droits et sans avenir, il faut lui donner des droits et un avenir et la relever à ses propres yeux par l'as

Au chapitre 1. le prince Napoléon expose que l'agriculture, l'industrie, le commerce intérieur et extérieur, l'établissement des impôts sont minés en France par un vice organique auquel il faut porter re-sociation, l'éducation et la discipline. mède. La division de la propriété tend à la ruine de l'agriculture. L'industrie n'a ni règle, ni organisation, ni but. « C'est une machine qui fonctionne sans régulateur; pea lui importe la force motrice qu'elle emplote. Broyant dans ses rouages les hommes comme la matière, elle dépeuple les campagnes, agglomère la population dans des esJaces sans air, affaiblit l'esprit comme le corps. et jette ensuite sur le pavé quand eile n'en sait plus que faire, les hommes qui ont sacrifié pour l'enrichir, leur force, leur eunesse, leur existence. Véritable Saturne Cu travail, l'industrie dévore ses enfants et ne vit que de leur mort.

• Le commerce intérieur souffre parce que l'industrie produisant trop en compacaison de la faible rétribution qu'elle donne au travail, et l'agriculture ne produisant pas assez, la nation se trouve composée de producteurs qui ne peuvent pas vendre et de Consommateurs qui ne peuvent pas acheter. La France comme l'Angleterre vont chercher en Chine quelques milliers d'acheteurs en présence de millions de Français et d'anlais qui sont dénués de tout. »> Le prince Louis-Napoléon, parlant du commerce extérieur, dit que la quantité de marchandises qu'un pays exporte est en raison directe du Lombre de boulets qu'il peut envoyer à ses ennemis quand son honneur et sa dignité le commandent. Le prince compare l'impôt à l'action du soleil, qui absorbe les vapeurs de la terre pour les répartir ensuite à l'état de plures sur tous les lieux qui ont besoin deanour être fécondés et pour produire. Lorsque la répartition s'opère régulièrement la fertilité s'ensuit; mais lorsque le ciel, dans sa colère, déverse particulièrement en orages, en trombes et en tempêtes les vapeurs absorbées, les germes de production sont détruits, et il en résulte la stérilité: car il donne aux uns beaucoup trop et aux autres pas assez. Equitable et régulière, la répartition crée l'abondance; prodigue et partielle elle amène la disette. Employé à créer de nouveaux éléments de production, à rétablir l'équilibre des richesses, à dé. truire la misère en activant et organisant le travail, à guérir enfin les maux que notre civilisation entraîne après elle, l'impôt derent pour les citoyens, comme l'a dit un your un ministre à la tribune, le meilleur des placements. Les caisses d'épargne sont

DICTIONN. D'ÉCONOMIE CHARITABLE, IV,

Le prince demande 1a une loi; 2o une première mise de fonds prise sur le budget; 3° une organisation. La France compte neuf millions et plus de terres incultes appartenant soit aux communes, soit à l'Etat, soit aux particuliers. Ces landes, bruyères, communaux, pâtis ne donnent qu'un revenu de 8 fr. par hectare. Le prince propose de décréter que toutes ces terres incultes, qu'il réduit plus loin à six millions, appartiennent de droit à l'association ouvrière, sauf à payer annuellement aux propriétaires actuels ce que ceux-ci en retirent aujourd'hui; que le pouvoir législatif donne à ces bras qui chôment, ces terres qui chôment également, et ces deux capitaux improductifs renaîtront à la vie l'un par l'autre. On aura trouvé le moyen de soulager la misère en enrichissant le pays. Les associations se grouperont en colonies agricoles qui, répandues sur toute la France, formeront les bases d'une seule et vaste organisation dont tous les ouvriers pauvres seront membres (sans être personnellement propriétaires).

2o Les avances nécessaires à ces établissements, dans le système du prince, sont fournies par l'Etat. Elles donnent un chiffre de 300 millions payés en quatre ans, Après ce laps de temps, les colonies, tout en faisant vivre un grand nombre d'ouvriers. seraient en bénéfice. Au bout de dix ans la gouvernement pourrait y prélever un impôt forcé d'environ 10 millions, sans compter l'augmentation naturelle des impôts indirects dont les recettes augmentent toujours en raison de la consommation, qui s'accroît elle-même avec l'aisance générale.

3° Les masses sans organisation ne sont rien, elles ne peuvent ni parler ni se faire comprendre. Il est de toute nécessité qu'il y ait dans la société deux mouvements également puissants, une action du pouvoir sur la masse et une réaction de la masse sur lo pouvoir, Ces deux influences ne peuvent fonctionner qu'au moyen d'intermédiaires qui possèdent à la fois la confiance de ceux qu'ils représentent et la confiance de ceux qui gouvernent. Louis Bonaparte propose la création d'un corps de prud'hommes tous les travailleurs où prolétaires procéderaient chaque année dans les communes à l'élec tion de prud'hommes, à raison d'un prud' homme par dix ouvriers. Quiconque emploierait plus de dix ouvriers serait tenu

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d'avoir un prud'homme pour les diriger, en Jui fournissant un salaire double. Ces prud'hommes rempliraient, dans la classe ouvrière, le même rôle que les sous-officiers dans l'armée. En supposant qu'il y ait 25 millions d'hommes qui vivent au jour le jour de leur travail, on aura 2 millions et demi d'intermédiaires, les uns dans l'in dustrie privée, les autres employés aux établissements agricoles.

L'association ouvrière ne ferait d'abord qu'affermer la terre, mais du fruit de son travail elle la rachèterait. Des colonies agricoles s'élèveraient, offrant du pain, de l'instruction, de la religion, du travail à tous ceux qui en manquent. Les familles pauvres d'un département qui ne posséderaient pas de colonie agricole se rendraient dans l'établissement le plus voisin. Les colonies agricoles offriraient un refuge au moins momentané à la masse flottante des ouvriers sans ouvrage. Lorsque l'industrie privée aurait besoin de bras, elle viendrait les demander à ces dépôts centraux. Sur les bénélices de chaque établissement serait prélevée une somme destinée à créer pour chaque ouvrier une masse individuelle, la quelle assurerait son existence même hors de la colonie. Le prince appelle les colonies des déversoirs de la population, réservoirs utiles au travail qui maintiennent toujours à la même bauteur ce niveau de la justice divine, qui veut que la sueur du pauvre reçoive sa juste rétribution.

Dans le système du prince les; rud'hommes de l'industrie partagent avec les maires des communes le droit d'envoyer aux colonies agricoles ceux qu'ils ne peuvent pas employer, ceux des colonies cherchent à placer avantageusement dans l'industrie privée tous ceux dont celle-ci a besoin. Au-dessus des prud'hommes il y a des directeurs chargés d'enseiguer l'art de la culture des terres. Ils sont élus par les ouvriers et les prud'hommes réunis. Entin au-dessus des directeurs il y a un gonverneur par colonie, nommé par les prudhommes et les directeurs. Tous les ans, les gouverneurs se rendent à Paris, et, sous la présidence du ministre de l'intérieur, discufent le meilleur emploi à faire des bénéfices, dans l'intérêt de l'association générale. & Ordinairement, » dit le prince, « les revenus d'un sol sont partagés en trois parties, la première fait vivre le travailleur, la deuxième le fermier, la troisième enrichit le propriétaire. Dans les fermes-modè.es que je propose, la classe ouvrière aura tout pour elle. Un tiers des bénéfices servira à accroître le capital de la société et à acheter de nouvelles terres. Quand il n'y aura plus assez de terres à assez bas prix en France, l'association établira des succursales, en Algérie, en Amérique même. Partout où il y aura un hectare à défricher et un pauvre à nourrir, l'association sera là avec ses capitaux et son armée de travailleurs. »

Arrivant aux chiffres, l'auteur du projet calcule qu'il y aura 3,562 hectares à défrither, pai an et ar département. Un ouvrier

défriche, terme moyen, trois hectares par an. En tenant compte des malades et du détournement de l'ouvrier à d'autres travaux, le nombre des hectares cultivés par l'ouvrier est réduit à deux; il faudra sur ce pied 1,781 ouvriers pour accomplir la tâche en vingt ans. La colonie achètera tous les ans deux fois autant de bestiaux qu'elle aura défrichó d'hectares. Chaque année après son défrichement, chaque hectare rapportera 65 fr.; la seconde année 130 fr., et les années suivan tes 193 fr. Chaque homme coûtera par an, tout compris,318 fr. Les prud'hommes recevront la solde des sous-officiers, les directeurs celle d'officier, le gouverneur la solde du colonel. Jusqu'à ce que la colonie ait des bénéfices, les ouvriers seront logés dans des baraques construites comme celles de nos camps militaires. Chaque barraque contiendra dix hommes avec leur prud'homme. Le travailleur marié habitera avec sa famille une baraque parti culière de plus petite dimension. La recette annuelle s'élèvera a 1,194 694,800 fr., la dépense à 378,672,522 fr., ce qui laissera un bénéfice de 816 millions 72 ille 522 francs. 206,400 familles, 153,165 ouvriers, de la classe pauvre seraient entretenus; la France serait enrichie de 12 millions de nouveaux bestiaux et le gouvernement prélèverait sur le revenu brut près de 37 millions de fr.

Le prince observe dans son résumé que le bénéfice annuel de 800 millions échangé dans le pays contre d'autres produits augmenterait dans le même rapport la consommation et le commerce intérieur. Les colonies, en augmentant par leur production fa quantité de blé et de viande, diminueraient le prix de ces denrées et en augmenteraient par cela même la consommation. Le prince démontre la supériorité du marché national sur l'exportation, et il calcule qu'il y a en France plusieurs millions d'individus qui ne consomment ni pain, ni viande, ni suère et qui ne boivent point de vin. « N'oublions pas, dit-il, « que la France, si richement dotée du Ciel, renferme en elle tous les éléments de sa prospérité,» et il termine, par cette phrase dont le dernier mot est depuis son retour en France sous une espèce ou sous un autre le fond de son programine: « Le triomphe du christianisme adétruit l'esclavage, le triomphe des idées démocratiques a détruit le paupérisme. »

Le prince Louis Bonaparte dans sa réfu tation des critiques que M. de Lamartine adresse au consulat et à l'empire, reproche aux gouvernements qui ont remplacé l'empire d'avoir supprimé les dépôts de mendicité et de n'avoir rien mis à la place.

A part son individualité, comme économiste, Napoléon III a rendu à la cause de 1 charité un service que lui seul pouvait lui rendre, et ce n'est pas le trait le moins saillant de sa mission providentielle. Président de la république ou empereur, Louis-Napoléon eut cette destinée d'offrir à la cause na tonale des moyens de salut dont il était le seul agent possible.

Il avait à la fois la confiance de la charité

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D'ECONOMIE CHARITABLE.

et du socialisme. I en pronta pour aider la charité à montrer, à côté de la fausse route que le socialisme s'efforçait d'ouvrir et dans laquelle il cherchait à entraîner la société, quel était le vrai chemin. Il seconda l'impulsion générale, il profita de la puissance d'une assemblée qui voulait laisser des traces de son passage pour restaurer certaines parties des institutions charitables et en fonder d'autres élaborées et projetées depuis trente ans.

Soit rancune, c'est-à-dire passion et la passion ne raisonne pas, soit défaut suffisant de lumières, soit défaut d'entrailles, un parti se rencontrait, parti nombreux et influent, avant occupé plus d'une fois les hauteurs sociales, qui, confondant ou affectant de confondre les saintes ardeurs d'une charité, active, persistante et expérimentée, avec les sophismes, les utopies, les secrètes convoiises du socialisme, traduisait en injustes cédains pour les inspirations de la charité, la juste aversion que soulevaient les fausses doctrines et opposait une résistance systématique, sous couleur de barrer le chemin au socialisme, à toute pensée de progrès. i les chefs de ce parti, battus an 2 décembre 1832, eussent eu le dessus, nul doute que Les préventions qu'ils avaient nourries penGant quatre ans dans les assemblées consti

auté et législative, ils ne les eussent porlees dans leur triomphe, et il en serait résu lé que les institutions charitables auraient perdu partout du terrain au lieu d'en gagner.

Napoléon il eut entre autres fortunes celle d'opposer une digue à cette reculade. Empereur surtout par la démocratie, porté au irone pour ainsi dire dans ses bras, il a prouts de régner pour elle comme il régnat jar elle, en sorte que tout ce qui eût été à peu près impraticable au point de vue de Ta-sistance sous un autre gouvernement que le sien, a été rendu facile par une dyLast.e napoléonienne. Tout projet d'amélioration du sort des classes laborieuses fut assuré d'un bon accueil auprès du nouveau Souverain. La charité peut compter sur fimmense puissance dont la nation l'a fait Gépositaire. Elle est dans l'esprit et comme la to ation du règne actuel.

IV. M. Léon Plée. Expression de la presse qu'on appelle avancée, le rédacteur en Chef du Siècle, M. Léon Plée, avait pris recemment pour thème l'inutilité de l'aristocratie dans nos sociétés modernes, et il partail de là pour émettre en matière de Charité les opinions les plus erronées, que hous aurions laissé tomber, si elles étaient purement individuelles. « En supposant que l'ancienne aristocratie, » dit-il, ait contribué au soulagement des petits, son 43 on dans cet ordre d'idées serait aujourChur superflue: telle est sa proposition.« En rifet, poursuit-il, « ia société aujourd'hui et l'Etat se mettent avec raison au lieu et Jace des bienfaisances particulières. L'association communale a la charge de ses pauvres; l'association départementale pourvou a certaines infortunes; le vrai soutien

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des petits, c'est l'Etat qui doit veiller à la bonne éducation des enfants des familles pauvres; le vrai dispensateur des bontés de qui n'a ni préférences ni caprices, qui rom Dieu, c'est la société qui se doit à tous, et place par l'assistance légale la dégradante aumône individuelle. On conçoit des gran s se chargeant des petits alors qu'il n'y avait aucune institution sociale, alors qu'il n'y avait d'autres écoles primaires que celles de la charité, d'autres secours que ceux qui pouvaient être glanés autour du couvent ou du château regorgeant de richesses. Mais avec une société, un Etat tuteur naturel des faibles, à quoi bon, même dans la théorie catholique, une aristocratie? Au plus à avilir les caractères, à abaisser davantage les humbles et les faibles; à faire sentir plus rudement aux pauvres leur pauvreté, plus de l'aristocratie, même au point do aux indigents leur misère. Ne parlons done vue des desseins de Dieu. La Providence qui ne s'en est jamais, à ce que nous croyons, beaucoup servie, la condamne tout à fait, puisque des institutions nouvelles la rendent complétement inutile. »

On se demande comment M. Léon Plée, avec des yeux aussi éclairés que les siens, à pu méconnaître au point où il le fait la Société au milieu de laquelle il vit. L'aristocratie n'a jamais été plus mêlée et jamais plus efficacement aux œuvres de la charité que de nos jours. La charité aristocratique qui occupe dans la charité privée une si grande place, n'est pas seulement aumônière, elle fonde où bien on fonde par elle des œuvres qui auraient une à une l'approbation de M. Léon Plée. Qu'il parcoure le Manuel des œuvres et des institutions de charité de Paris, et il le trouvera émaillé des noms de l'aristocratie parisienno des deux sexes. On évalue à trois millions les ressources des œuvres dont parle le Manuel. L'aristocratie se rencontre à la fois dans la société de saint Vincent de Paul et dans les bureaux de bienfaisance. La charité privée est l'emploi le plus recherché des hommes de loisir du temps présent, et parmi ceux-ci quoi qu'on fasse, l'aristocratie formera toujours la majorité, La charité privée est tellement dans les coutumes mofemme élégante concilie la charité et le dernes, qu'elle y est à l'état de mode. La monde. On trouve une bourse à la main, à la porte des églises, celles qui la veille ont orné de leur jeunesse et de leurs grâces les plus renommés salons. On travaille pour les pauvres, on cond des vêtements, o!! brode, on confectionne les plus charmants ouvrages de femmes pour les pauvres. La charité privée est surtout aristocratique comme elle est surtout religieuse. Les fonl'aristocratie dans toute la France; la chadateurs d'œuvres comptent surtout sur rité privée joue un rôle égal à celui de la charité légale qu'elle côtoie.

Mais qu'est-ce donc aux yeux de M. Léon Plée que l'assistance légale? I confond deux choses: l'éducation et l'assistance

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L'Etat,» dit-il, donne aujourd'hui l'édu cation. La liberté de l'enseignement affaiblit de jour en jour la vérité de sa proposition à l'égard du haut enseignement, mais à ne parler que de l'enseignement du peuple que M. Léon Plée a seul en vue, puisqu'il parle d'assistance, cet enseignement repose en majeure partie sur les congrégations d'hommes; et l'enseignement des filles a pour base unique les congrégations de femmes. Voy. CONGREGATIONS.-Et par qui se fondent les congrégations? qui fertilise leurs noviciats qui soutient leurs pensionnats, leurs ouvroirs, leurs maisons de préservation et de pénitence, qui sont de J'enseignement? encore l'aristocratie.

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Arrivons à l'assistance proprement dite. M. Léon Plée ne se fait pas une idée juste des établissements de bienfaisance. Il oublie qu'ils ne représentent ni l'Etat, ni les communes, ni les départements; ce sont des individualités à part dans la commune. L'Etat subventionne six établissements de charité, et encore en partie seulement. Voy. CHARITÉ LÉGALE. Il n'existe pas en France un nombre d'établissements départementaux égal au chiffre des quatre-vingtsix départements. Beaucoup de communes votent des subventions aux hospices et aux bureaux de bienfaisance de leur ressort, mais ces subventions sont facultatives et un très-grand nombre de communes usent de la faculté de n'en voter d'aucune sorte. Quel est donc l'élément financier de l'assistance publique? C'est la charité privée encore se reproduisant, surtout par des quêtes au profit des bureaux de bienfaisance, surtout par des donations et des legs au profit des hospices: or, dans les quêtes et dans les legs se retrouve, comme on le pense bien, l'aristocratie, aussi bien que la classe moyenne. A en croire M. Léon Plée, ce serait l'Etat qui constituerait à proprenent parler, au moyen de son budget, l'assistance légale, quand il n'entre dans son revenu que pour une proportion imperceptible.

Nous revenons souvent sur ce sujet, mais nous devions une réponse spéciale aux assertions de M. Léon Plée, le Siècle étant l'organe le plus répandu des opinions avancées entre les principes conservateurs et le socialisme.

§ II. Economistes administratifs.-I. M. le baron de Watterille. Nous avons souvent cité M. de Watteville, dans ce Dictionnaire, comme statisticien. Il ne s'est pas borné à publier des statistiques. Son premier ouvrage, le Code de l'administration charitable, a précédé de plusieurs années le Répertoire de jurisprudence de MM. Durieu et Roche. L'édition en a été bien vite épuisée. Il est devenu, avec raison, le manuel de toutes les administrations charitables. Pour les receveurs et les économes, c'était un livre classique. Ce n'était pas d'une difficulté médiocre de classer en chapitres, et en suivant une marche parfaitement rationnelle, toutes les lois, ordonnances, décrets, décisions du

conseil d'Etat, instructions ministérielles et circulaires qui se rapportent au chapitre. M. de Watteville avait donné de cet ouvrage une édition nouvelle à la fin de 1847. Les remaniements considérables qu'ont subis presque toutes les parties de la législation charitable de 1848 à 1852 ont frappé de mort cette édition, que l'auteur refondra quelque jour. Le Code d'administration charitable justifie le nom qu'il porte. M. de Watteville, en le publiant, avait sous la main tous les éléments de la législation et de la jurispru dence française, au point de vue de son sujet. I lui fut facile de réunir en corps, par ordre de date, les matériaux de son premier ouvrage c'est ce qu'il a fait en nous donnant, en 1843, sa Législation charitable, partant de 1790 et ne tinissant qu'en 1842. Chaque année, il fournit à ses lecteurs un supplément. Une table des matières par ordre alphabétique rend très - commode l'usage de ce vaste recueil (il contient plus de 700 pages grand in-4° sur 2 colonnes) à tous ceux qui s'occupent d'administration charitable. L'auteur a publié à diverses époques de petites brochures dont voici la nomenclature: Du sort des enfants trouvés; — Situation administrative des monts-de-piété; - Le patrimoine des pauvres; Du travail dans les prisons et les établissements de bienfaisance. Il existe de lui six ouvrages de statistiques: Rapport au ministre de l'intérieur sur le service des enfants trouvés (1849);

Rapport sur l'administration des montsde-piété; — Rapport sur l'administration des hôpitaux et hospices (1851); Rapport sur l'administration des bureaux de bienfaisance et sur la situation du paupérisme en France (1854); - Rapport sur les abandons, les infanticides et les morts-nés de 1854 à 1856 (1856). Nous avons cité non-seulement les chiffres de la statistique sur les bureaux de bienfaisance, mais les opinions que M. de Watteville a exprimées. Les chiffres des statistiques ont été religieusement recueillis et résumés par nous, et se trouveront aux mots qu'ils concernent.

Dans la Préface de son Code d'administration charitable, M. de Watteville a énoncé son opinion personnelle sur les services charitables tels qu'ils fonctionnent. Il trouve que les comptables, receveurs et économes, ces derniers surtout, ne sont pas convenablement rétribués. «A proprement parler, » dit-il, « ils n'ont pas de carrière. » Il voudrait qu'on fit passer un comptable méritant, au bout de quelques années, à une recette et un économat supérieurs. Les gages des infirmiers sont aussi trop modiques dans l'opinion de notre collègue. Leur moyenne est de 8 à 10 fr. par mois. Comment, à ce taux, recruter convenablement le personnel hospitalier. M. de Watteville souhaiterait qu'on exclut les hommes des infirmeries, sauf à attacher à chaque salle un homme de peine. Les femmes, dit-il, sont meilleures gardes-malades. Il souhaiterait également que la gestion cessât de porter sur les sœurs là où elle pèse sur elles. Le service médical.

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