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frayante des infanticides qu'à la fermeture Mes tours. L'humanité ne fait-elle pas un devoir de revenir au moins pour quelque temps au système contraire?

Le tableau qui précède est de M. l'abbé Gai lard. Nous n'avons tenu compte, » dit-il, que des accusations portées aux assises; mais, indépendamment des crimes restés secrets, il y en a beaucoup de constatés par la justice qui ne sont pas poursuivis, faute de preuves suffisantes contre leurs auteurs. Si on calcu e d'après cette donnée, on arrive à un total de près de 1,200 crimes, chiffre deux fois plus élevé qu'il ne l'était il y a vingt ans. Tant qu'on laissera quelques tours ouverts, la suppression des autres sera moins sensible, parce qu'on sait encore y avoir recours; mais lorsque tous les tours seront fermé, alors on connaîtra qu'ils étaient le seul moyen pour arracher à la mort beaucoup de victimes innocentes. >>

(1853.) — Le chiffre des infanticides a été, de 1826 à la fin de 1853, soit en 28 ans, de 3,671, ce qui donne plus de 131 par année ou de 1 infanticide sur 7,394 naiss nces. Il résulte des chiffres de M. de Watteville (statistique de 1836) que le crime d'infanticide a continue lement et progressivement augmenté en France dans la proportion de 1/8 quant aux naissances, et 1/6 quant à la population. III. A ceux qui nient que la suppression des tours contribue à la progression des infanticides, on peut opposer que la magistrature dit à haute voix ie contraire. Les infanticides ont augmenté dans 74 départements: 139 tours ont été supprimés dans ces mêmes départements. Dans la liste es 86 départements, on en cite quelquesuns où la suppression des tours n'a pas recru le nombre des inf nticides; niais faut-il conc ure du particulier au général? Les tours sont des préservatifs de infticile, en un point, à savoir, qu'il faut consi dérer que les cours d'assises absolvent en ut ou partie la fille mère qui a commis le crique d'infanticide quand le tour n'existe

pas.

Le nombre des enfants transportés à la Morgue a doublé de 1837 à 1838 par le seul fait de la surveillance du tour de Paris.

Il y a quelque temps, le Moniteur annonçait qu'en 1853 il avait été déposé à la Morque, 90 enfants nouveau-nés, chiffre plus

evé que celui de l'année précédente; le Journal officiel ajoutait naïvement qu'on ignorait la cause de cette multiplication.

M. l'abbé Gaillard, qui a relevé les faits d'infanticide d'une année, a trouvé que sur 127 femmes accusées, 106 avaient leur domarile dans les communes rurales, 8 dans les petites villes et 13 seulement dans les chefs-lieux d'arrondissements ou de déparments. Notez qu'il n'y a de tours que dans les chefs-heux d'arrondissement, qu'il n'y en a même pas dans tous, qu'ainsi les 13 accusées habitant ces chefs-lieux n'ont pas pu toules profiter de cette facilité. Ajoutez en

core qu'il y a des circonstances telles qu'une malheureuse fille ne peut échapper à la surveillance de ses maîtres ou de sa famille. Quoi qu'il en soit, il en résulte qu'il n'y a presque pas un cas d'infanticide dans les villes où il y a un tour ouvert.

Qui oserait prétendre que la suppression des tours n'a pas augmenté le nombre de ces crimes mystérieux qui attentent à la génération dans son germe, et dont la justice a rarement le secret? Ce secret, demandez-le à la terre et aux flots qui recèlent les cadavres.

Les accusations d'avortement ont quadruplé depuis 25 ans. (M. l'abbé GAILLARD, 1854.)

Un médecin qui à Paris exerce son art avec un dévouement chrétien dans le quartier du Gros-Caillou, depuis 28 ans, nous a tracé de ce quartier un tableau effrayant, eu égard au nombre des avortements et des in- fanticides qui s'y commettent. Des sagesfemmes et même des médecins et chirurgiens les favorisent ou s'en rendent les complices. Depuis deux ans (nous écrivions ceci en 1853) ces crimes grandissent encore en nombre. On ne saurait compter les avortements qui s'accomplissent dans les prede les constater quand elle est assez miers mois de la grossesse, mais il est facile avancée. Alors le cadavre de l'enfant laisse des traces visibles de la consommation du crime. Les complices (ce sont ordinairement les sages-femmes), au lieu d'employer des instruments tranchants ou perforants, qui seraient contre la mère et contre eux des témoins irrécusables, vont frapper l'enfant lorsqu'il descend vers le bassin d'un corps contondant qui simule les conséquences d'un accident naturel. On allègue que la mère s'est blessée, mais les coups sont quelquefois portés avec une violence telle, qu'ils amènent l'ouverture du crâne. Le moyen employé dans ce dernier cas pour la perpétration du crime, consiste à feindre des vapeurs, et quand l'enfant voit la lumière, à l'étrangler avec les genoux, ou à lui occasionner de la même manière, à la tête, des lésions mortelles. Le médecin dont nous venons de parler, témoin journalier de ces faits, nous a raconté par quels procédés il avait été obligé de combattre une tentative d'infanticide, essayée en sa présence dans le cours d'un accouchement, pour lequel heureusement il avait été appelé. La mère, qui a était jeune et belle, laissait voir dans ses yeux l'atroce sentiment qui remplaçait l'amour maternel dans son cœur. Le médecin s'en aperçoit, et alors une lutte muette s'engage entre l'homme de l'art et la mère. Le premier a placé sous sa main l'instrument qui lui servira à trancher le lien qui unit la mière à l'enfant. I comprend qu'il y a danger pour la vie du nouveau-né, s'il perd de vue l'accouchée une seconde. Il a placé une chaise entre les genoux de celle-ci de peur de surprise. Quand l'enfant paraît, il retire lo meuble et met à la place sa tête, que la mère, feignant une crise nerveuse serre

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convulsivement. La mère de l'accouchée présente à cette scène partage les criminel tes pensées de sa fille et se tient prête à les seconder. Le médecin doit vaincre deux en

nemis au lieu d'un pour sauver l'enfant. Quand le corps du nouveau-né s'est dégagé assez des flancs maternels pour que le cordon ombilical puisse être coupé, le médecin avance la main pour prendre l'instrument tranchant, l'accouchée tant sa préméditation est visible, tant son dessein est obstiné, a trouvé moyen d'éloigner cet instrument. Le médecin, éperdu, haletant, dans la gênante position qu'il a prise va recourir à un moyen extrême pour délivrer l'enfant, et se délivrer lui-même, celui de couper le cordon ombilical avec ses dents, comme ce héros grec dont nous connaissons l'histoire. Mais il se souvient qu'il a en sa possession l'instrument qui lui sert à ouvrir les plaies et il a pu s'en emparer sans changer de position. Le cordon est coupé, il est libre; il a revêtu l'enfant des langes et l'a déposé dans les bras de sa grand'mère. D'un ton menaçant, que ne motivait que trop cette scène : « L'en fant est vivant, dit-il, vous m'en répondez l'une et l'autre ; j'aurai l'œil sur vous et Ja police saura tout.» Les deux femmes på lirent. La jeune mère prétexte de l'intention de mettre en nourrice le nouveau-né. «Non,» dit-il, « vous le nourrirez vous-même. » Il le porte à son sein, l'enfaut y demeure. Par un miracle de la nature, en sentant se mouvoir les lèvres du nouveau-né, une transformation s'est opérée dans le cœur de l'accouchée. Cette même femme, si déterminée à l'infanticide, était devenue et resta une bonne mère (72).

Comment douter que la fermeture et la diminution des tours en enlevant aux mères un des moyens de se défaire de son enfant après sa naissance, entretient la pensée de l'avortement et multiplie les infanticides.

§ VIII. Question des filles mères. - 1. Dans les premiers temps chrétiens, le saint respect que l'Evangile inspirait pour l'état de virginité, ne comportait pas de secours aux files mères. On les flétrissait bien plus que sous le paganisme qui avait ses courtisanes. La fille criminelle avait alors l'intérêt le plus grave à se cacher aux yeux de sa famille, de ses connaissances; elle déposait son enfant, elle suivait la ligne indiquée par les païens. L'Eglise fut effrayée à la pensée de ces enfants qui perdaient à la fois la vie spirituelle et la vie temporelle. Elle dit aux filles coupables: «Apportez vos enfants « à la porte de l'église, les marguilliers s'en «< chargeront.» Voilà le premier principe de 'Eglise. Alors, selon le vœu des conciles, les tilles mères venaient déposer leur part à la porte de l'église, et on s'en chargeait. Il y

(72) Chaque profession a son péché mignon. Quelques professions ont des crimes d'habitude. Avortement est crime de sage-femme.... L'autopsie confirma l'avis unanime des gens de l'art. Il y avait CJ grossesse et avortement provoqué par un son

avait là un grand intérêt chrétien; on ne faisait aucune enquête sur la mère. (L'abbé GAILLARD.)

Il y a contre le secours aux filles mères un grand argument. Depuis 18 siècles il n'est pas de misères que le christianisme n'ait enrepris de secourir avec une ardeur incessamment renaissante; or, si nous voyons partout et toujours le christianisme ouvrir ses bras aux enfants abandonnés par leurs mères, partout et toujours, ouvrir des maisons de repentir aux femmes tombées, nous ne voyons nulle part et jamais d'institutions chrétiennes fondées en vue de la fille mère unie à l'enfant. Le christianisme secourt l'enfant et la mère, mais il les isole comme s'il voyait une contagion morale dans leur mutuel contact.

Les pays catholiques du midi de l'Europe ont gardé l'usage de couvrir le secret du crime de la mère. L'Angleterre protestante a adopté elle-même en principe le sentiment des pays catholiques. On lit dans une enquête du parlement anglais ce qui suit : « Si la chasteté devient une chose idéale parmi les filles du peuple, qu'arrive-t-il ? c'est que la voisine fait comme sa voisine, la sœur comme sa sœur, etc., et dans ce cas le lien illégitime est à peine distingué du mariage légitime. Une naissance illegitime est toujours un désordre social: elle prouve une faute grave, et une faute qui ne s'efface jamais de la part de la personne. On a beau vouloir détruire ce qu'on a appelé un préjugé, la personne flétrie reste avec son déshonneur jusqu'au dernier moment de son existence. Voilà un fait certain et, d'un autre côté, la publicité d'une naissance criminelle affiche une faute contre l'ordre moral; ples, même les plus sauvages, distinguent c'est là le principe chrétien, et tous les peuparfaitement une naissance légitime d'une naissance illégitime. (L'abbé GAILLARD.)

M. le docteur Warrentrapp de Francfort disait à la réunion internationale de charité à Paris dans l'été de 1855, qu'en Allemagne c'est, dit-il, à la charité privée de venir à l'Etat n'a pas à se mêler des filles mères;

leurs secours.

La tille mère qui élève son enfant, dit-on, devient plus rangée en le nourrissant, plus économe pour le nourrir; la leçon d'économie profite à sa raison et le raisonnement à sa vertu. Si un enfant est si dificile à nourrir, comment en nourrir plusieurs? Ce n'est pas tout, cette leçon que reçoit par sa propre expérience la fille mère, devient autour d'elle un frappant exemple des dangers du vice, de l'expiation qu'il rend nécessaire, de la dure condition à laquelle il condamne celle qui a les charges de la maternité, sans

dage à trois mois. E.... mourut d'une blessure interne faite par la sonde elle-même. » (Madame Gilblas, par Paul FÉVAL, journal la Presse, du 29 octobre 1855.)

les ressources du mariage, les embarras du mariage sans ses douceurs.

Voici comment on répond:

Un signe certain de la démoralisation dans une localité, c'est d'y voir de jeunes filles perdre le sentiment de la pudeur. Des fauies qui détruisent pour jamais l'existence d'une femme, dans les pays sans mœurs, passent inaperçues. On n'éprouve aucun besoin de les cacher. Pas d'infanticides, pas d'abandon d'enfants dans ces contrées. Citons le Calvados, pays de travail à domicile, où la moralité est remarquable. Si l'on excepte les faubourgs de Caen (vil'e de garnison et d'étudiants), une faute entraîne, pour celle qui l'a commise, une honte ineffaçable, et l'oblige souvent à quitter le pays. L'éducation des enfants par les filles mères serait impossible dans ces localités. Chercher à l'y introduire, se serait y introduire dans les mœurs un élément de corruption. Ainsi l'éducation des enfants par les filles mères là où elle est répandue, est un témoignage de la dépravation des mœurs; et là où elle n'existe pas, produirait cette dépravation.

II. Secours aux filles mères - Ce fut en 1810 que le système des secours aux filles mères fut adopté en France Cependant dès 1826. 2 départements, l'Isère et la Loire-Inférieure, avaient déjà recouru à ce procédé 66 départements y sont entrés aujourd'hui; 20 départements n'ont pas pris part à cette mesure. Le nombre des filles mères secourues dans les 66 départements qui ont adopté ce genre d'assistance, a été en 15 ans de 86,629 fr. M. de Watteville calcule que les secours aux filles mères ont diminué les abandons de un diième, mais il ne tient pas compte des abandons qui proviennent des filles mères ellesmemes. Ajoutons qu'il affirme beaucoup trop absolument que les 88,629 lles mères auxquelles des secours ont été attribués, auravent abandonné leurs enfants si elles avaient été privées de ce secours. Le sePours est si modique qu'il est bien difficile de le considérer comme une circonstance déterminante pour garder l'enfant que l'on eût abandonné sans le secours. Sur les 20 départements qui n'ont pas donné de secours aux lles mères, 4 seulement figurent parmi les départements qui comptent le plus d'abandons, mais 8 figurent parmi ceux où l'on en trouve le moins, et 8 autres départements qui ne secourent pas non plus les tilles mères, sont dans la moyenne, au point de vue des abandons; 3 sont au nombre des départements qui comptent le plus d'infanticides, 5 sont classés parmi les déJartements qui en comptent le moins. Le département de l'I-ère, qui accorde des secours aux filles mères depuis 1826, est un de ceux dans lequel il y a le plus grand nom bre d'abandons. Ils y sont dans la proportion de 1 abandon sur 10 naissances 7 dixièmes. (WATTEVILLE, Statistique de 1856, p. 23.)

Les secours aux filles mères ont coûté à certains départements une somme égale à

celle économisée par la diminution du nombre des enfants trouvés.

Il est un point de vue prédominant dans le système des secours aux filles mères, celui de l'éducation qui attend les enfants en laissant à l'écart cet autre grave inconvé--nient moral de la conduite de fille mère, propagée au sein des classes laborieuses. A qui l'hospice dépositaire délégue-t-il sa responsabilité de tuteur? à une femme sans mœurs, le plus souvent, sans moyens d'existence, en dehors du modique secours alloué. Un administrateur des hospices d'A-miens disait que c'est un spectacle navrant que celui des grabats hideux sur lesquels enfants, les filles mères auxquelles on porteon trouve quelquefois gisantes, elles et leurs les secours. Plusieurs se prostituent pour élever les fruits malheureux de leurs premières débauches?

III. Enfants abandonnés par les filles mères. Le chiffre des enfants abandonnés par les filles mères n'a été relevé dans aucune statistique. Citons deux faits publiés par les journaux :

Le 3 février 1845, par une froide matinée, la femme Carnot trouve, déposé au carrefour de l'Observatoire, le long d'un mur, un pauvre petit enfant accroupi et pleurant. Il avait deux ans à peine et ne pouvait parler; seulement il montrait de temps en temps du doigt, et en poussant un gémissement sourd, une petite maison blanche qui se trouve sur une hauteur, au milieu d'un bouquet d'arbres. Cette petite maison n'était autre qu'une annexe de l'hospice des Enfants trouvés de Paris, l'espèce de ferme dans laquelle sont élevés les enfants en se-vrage. La persistance avec laquelle le pauvre innocent faisait toujours le même signe engage la dame Carnot à aller prendre quelques renseignements à l'hospice. Là, elle apprit que l'enfant qu'elle avait trouvé greJottant de froid à sa porte avait été retiré la veille même de l'hospice des Enfants trouvés par sa mère, la fille Amaury. Cette malheureuse privait son enfant des bienfaits de la charité publique pour le livrer à un abandon qui pouvait être mortel pour lui. La file Amaury n'a pas osé affronter la honte de l'audience. Elle a été condamnée à six mois de prison et 50 fr. d'amende. (Le Droit.)

Une jeune fille de vingt et un ans, logée à Paris dans une vaste maison entièrement occupée par des ouvriers, était devenue enceinte par suite de ses relations avec un de ses colocataires; elle n'avait pas du restecherché à cacher sa grossesse, elle avait donné naissance à un enfant du sexe masculin. Pendant un mois, on la vit le traiter avec toute la tendresse d'une mère, sauf une fois ou deux que, revenant à ses anciennes habitudes, elle se mit à courir les bals publics et à se plonger dans la débauche, tandis que l'innocente petite créature était laissée seule à la maison dans son berceau. Le 3 mars 1853, la fille Mathilde s'absente la plus grande partie du jour, et, le lendemain,

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Jorsqu'elle reparaît, on remarque qu'elle n'a plus son enfant. « Je l'at placé au bureau des nourrices. rue Sainte-Apolline,» dit elle à une voisine qui l'interroge; « ça me gênait trop de le nourrir et de travailler. Dites plutôt que ça vous gênait trop pour faire la noce,» repartit la voisine avec la franchise populaire. Trois semaines s'étaient écoulées, et l'on ne pensait plus à cet incident, lorsqu'un locataire, ouvrier maçon, avant examiné le puits commun, auquel il y avait quelque minime réparation à faire. erut voir à la surface quelque chose qui sur nageait. A l'aide d'un croc, il sonde la profondeur, et bientôt il en retire le cadavre emmaillotté d'un enfant, qui, malgré son séjour prolongé dans l'eau. fut aussitôt reconnu pour être celui de la fille Mathilde. Arrêtée par les soins du commissaire de police, cette fille fut mise à la disposition de la justice.

C'est ainsi que l'enfant naturel est abandonné à tout âge par la fille mère. Il y a un proverbe anglais qui dit qu'il n'est pas prudent de confier l'enfant à la nourrice qui n'est pas disposée à en prendre soin. C'est presque toujours le cas de la fille mère.

IV. Tout le monde convient que la naissance d'un enfant naturel est une dénégation aux lois sociales et religieuses. Le scandale ne se borne pas au moment de la publicité de la faute: il dure autant que la vie de la mère et de l'enfant, et une idée de honte et de bassesse s'attache à leur postérité. S'imagine-t-on qu'une fille, même repentante, puisse être une bonne éducatrice? Si une femme veuve a si peu d'autorité sur ses enfants, quelle part en peut rester à celle qui a manqué dans la chose que l'on pardonne le moins à son sexe?

M. de Watteville cite ce mot d'un cultivateur aisé à qui on reprochait son alliance avec un enfant trouvé : « J'aime mieux,» dit-il, celui qui n'a pas de famille du tout que celui qui en a une mauvaise. >>

V. Organisation des secours aux filles mères. Nous avons emprunté à un arrêté du préfet de la Dordogne (31 décembre 1852), la formule d'organisation des bureaux d'admission, nous lui emprunterons également

celle relative aux secours aux filles mères.

VI. Un secours temporaire peut être accordé à toute fille mère qui justifie 1° qu'elle est domiciliée depuis plus d'un an dans le département de la Dordogne; 2° que son enfant y est né, et qu'elle n'en a pas eu d'autre; 3° qu'il a été inscrit sur les registres de l'état civil sous son nom, ou, s'il n'a pas été inscrit sous son nom, qu'elle la reconnu par une déclaration faite devant l'officier de l'état civil, conformément à l'article 62 du Code Napoléon; 4° qu'elle est dans l'indigence, ainsi que ses ascendants; 5° qu'abstraction faite de la faute par elle commise, sa conduite a toujours été bonne.

«La durée du secours est fixée à deux ans à partir du jour où il aura été accordé. Il peut, néanmoins, être prolongé, si la tille

mère secourue justifie que sa position de fortune et de famille ne s'est pas améliorée; qu'elle n'est pas devenue mère une seconde fois, et qu'elle a continué de tenir une bonne conduite.

Le secours est réglé d'après le tarif des mois de nourrice et pension des enfants trouvés et abandonnés, c'est-à-dire que la fille mère secourue reçoit, savoir: 1° tant que son enfant n'a pas accompli sa deuxième année, 7 fr. par mois, à partir du jour où le secours aura été accordé; 2° après la deuxième année, si le secours est prolongé au delà, 5 fr. par mois. »

Il s'en faut que tous les départements qui accordent des secours aux filles mères soient aussi généreux.

« Le secours est payé par trimestre, au moyen de mandats individuels délivrés au nom de la fille mère secourue, et qui lui seront transmis à la fin de chaque trimestre, et dans le courant du premier mois du trimestre suivant, par le maire de la commune de son domicile. Chaque fois qu'une tille mère secourue change de domicile, elle doit en donner connaissance au préfet.

a La fille mère à laquelle un secours temporaire est accordé, doit aussitôt après qu'elle a reçu avis de cette décision, et si son enfant est nourri par elle, le présenter au maire de la commune de son domicile, qui prend sur cet enfant telles notes qu'il juge nécessaires, senté de nouveau, en reconnaître et en afin de pouvoir, quand l'enfant lui est préconstater l'identité. L'accomplissement de cette formalité est justifié par l'envoi immédiat d'un certificat à la préfecture. Si l'enfant est faite au maire de la commune du domin'est pas nourri par la mère, la présentation cile de la nourrice, et le certificat de présentation est délivré par ce fonctionnaire. Si l'enfant est changé de nourrice et de commune, un nouveau certificat de présentation doit, dans les quinze jours du changement, être envoyé à la préfecture, après avoir été micile de la nouvelle nourrice, sur la prédélivré par le maire de la commune du dosentation de l'enfant faite à ce fonctionnaire

par la mère et par la nourrice. La même fornait à porter son domicile dans une autre malité doit être remplie, si la nourrice vecommune. Enfin, dans les dix jours qui suivent l'expiration de chaque trimestre, la fille mère secourue doit présenter ou faire présenter de nouveau son enfant au maire de la commune de son domicile, ou du domicile de la nourrice, afin que ce fonctionnaire puisse délivrer et envoyer à la préfecture le certificat de vie trimestriel, etc.

« Le secours est retiré : 1°si la position de la fille mère est devenue meilleure; 2° si son inconduite est notoire ; 3° si elle devient mère une seconde fois; si elle se marie avant l'époque fixée pour l'expiration du secours. Dans ce dernier cas, la fille mère secourue a droit à une prime de 50 fr., si elle justifie que son enfant a été légitimé.

Aucune demande de continuation de secours n'est reçue, si elle n'est présenice

par l'intermédiaire du maire de la commune du domicile de la fille mère en faveur de laquelle la demande est formée, constatant que la position de fortune et de famille de cette fille ne s'est pas améliorée ; que sa conduite a continué d'être bonne, et qu'elle n'a point eu d'autre enfant.

« Les enfants des filles mères secourues sont soumis à la même surveillance que les enfants trouvés.

«Dans ses tournées ordinaires et extraor dinaires, l'inspecteur des enfants trouvés doit visiter les enfants des filles mères secourues, et s'assurer s'ils sont traités avec les soins dus à leur âge, et si les personnes auxquelles ils sont confiés ne commettent à leur égard aucun abus."

Les maires sont invités aussi à surveilTer la conduite des nourrices envers ces enfants, à surveiller également la conduite des mères naturelles secourues, et à rendre compte à l'administration de tous les faits qui pourraient, de sa part, motiver envers les mères comme envers les nourrices, soit ses éloges et la continuation de sa bienveillance, soit ses observations, le changement de nourrice des enfants ou le retrait des secours. »>

Ces dernières mesures, si l'on admet les secours aux filles mères, sont très sages.

IX. Projets de loi. I. Commission des enfants trouvés instituée le 22 août 1849. La discussion entre les défenseurs des tours et les partisans du secours aux filles mères ne fut nulle part aussi solennelle que dans le sein de cette commission. On y épuisa le sujet sous ses rapports les plus élevés. Le ministre de l'intérieur l'avait réunie au ministère même. M. Durand de Saint-Amand y représenta l'opposition de 1830. M. Nicolas, Fauteur des Etudes philosophiques sur le christianisme est l'organe de l'opinion religieuse. Les autres membres de la rommission sont MM. Victor Lefranc, Alfred, Blanche, Giraud, membre de l'Institut, Daillien de Marizy (ancien préfet), Valentin Smith, conseiller à la cour de Riom, MM. de Lurieu et de Watteville, inspecteurs généraux des établissements de bienfaisance. La seconde séance fut présidée par le ministre de l'intérieur (M. Dufaure.)

Nous extrairons des procès-verbaux l'expression des opinions de MM. Durand de Saint-Amand et Nicolas, qui prit la proportion de véritables discours et qui résume sur la question des tours tout ce qu'on peut alléguer pour ou contre.

La question du tour, dit le président, M. Victor Lefranc (1" séance), domine celle de la gestation, où se trouvent engagés les intérêts les plus graves: au point de vue de la mère, sa vie, son honneur, ses devoirs; au point de vue de l'enfant, sa vie aussi, son avenir, son nom, sa famille, sa propriété, sa reconnaissance comme enfant naturel, son état d'enfant légitime, sa moralité, son intelligence, sa santé; au point de vue de la profession médicale tout entière, sa discrétion, sa moralité, sa science.

α

« Il faut donc résoudre cette question du four en songeant à toutes les autres, car elle entraînera nos délibérations ultérieures; elle réagira même peut-être sur nos résolutions antérieures. L'étude doit donc être complète, autant qu'elle sera consciencieuse. N'oublions pas, en l'abordant, qu'il y a deux écoles bien tranchées sur cette question:

« Les uns disent: Sauvez la mère de la honte, de la misère, du crime; sauvez l'enfant de la mort ! Les autres disent: Sauvez les finances du département; sauvez les hospices; sauvez la morale! Quant à nous, tachons de dire: Sauvons l'enfant de l'abandon; sauvons la mère de l'oubli de son nom de mère; sauvons la loi du triple reproche d'immoralité, d'inhumanité, d'imprévoyance ! »

M. Nicolas prend la parole en faveur du maintien du tour. « Dans la réalité, qu'estce que le tour? C'est un exutoire, en quelque sorte, et un égout, mais un exutoire et un égout nécessaires pour sauver l'enfant de la mort ou de la perversité, la mère du crime, la société du scandale. Si vous le supprimez, ne croyez pas pour cela que vous supprimerez le mal; vous le ferez refluer dans l'intérieur du corps. Il faut se garder de l'empirisme! Là où le tour n'existe pas, croyez-vous que le mal soit moins grand, les abus moins graves? Non sans doute: seulement le mal est plus confondu dans la masse et l'infecte plus librement.

«Dans tous les pays où l'institution du tour n'a pas été acceptée, la dépense des enfants trouvés est plus considérable, et il y a moins de moralité publique. Ainsi, en Angleterre, la dépense des enfants trouvés, dégagée de la dépense générale occasionnée par le paupérisme, s'élève à 17 millions pour une population de 15,927,000 habitants, tandis qu'en France, pour une population de 34.214,000 habitants, cette dépense ne s'élève qu'à 10 ou 11 milli ns au plus, tombée même aujourd'hui à 7 ou 8 millions. Il y a moins de moralité, disais-je, là où il n'y a pas de tour; le fait se justifie à divers points de vue. On compte, en France, un enfant naturel sur environ 13 naissances légitimes, tandis que la plupart des états d'Allemagne comptent un huitième, un septième et quelquefois près d'un quart de naissances naturelles.

«En France, l'infanticide suit la proportion des autres crimes; le tour en prévient un grand nombre. La proportion de ce crime et des crimes, en général, contre l'enfant est énorme en Norwége, dans la Suède et dans la Bavière, qui repoussent le tour. Tant il est vrai qu'il faut toujours que le mal ait son équilibre! Le tour n'enfante pas le mal; il n'est pas la cause du mal; il ne fait que le dégager. Le tour et sa perspective ne déterminent pas les déréglements dont l'enfant trouvé est le fruit et la victime. Sa suppression ne détruirait pas le nombre de ces conceptions désordonnées. Le tour ne fait pas la honte ce sont les mœurs; la honte, après tout, n'est qu'un hommage rendu aux mœurs publiques elle est d'autant plus farouche

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