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23. III. La déclaration de l'état de siège ne peut être prononcée par le président de la République qu'en cas d'ajournement des Chambres, lesquelles se réunissent de plein droit deux jours après.

Les Chambres ratifieront ou non l'acte du chef de l'Etat : il ne peut y avoir place que pour un débat entre ces deux pouvoirs. Le Conseil d'Etat ne peut en être juge.

Toutefois, d'après M. Michoud, le recours au Conseil d'Etat serait possible si l'état de siège était prononcé, en cas de dissolution de la Chambre, et en l'absence de toute guerre étrangère.

Quant aux actes des autorités chargées d'appliquer l'état de siège, ils constituent des actes administratifs, susceptibles de recours contentieux si les autorités dépassent les pouvoirs qui leur sont attribués par les lois sur l'état de siège.

24. IV. Les traités diplomatiques, et les mesures que prend le gouvernement pour en assurer l'exécution échappent au contentieux judiciaire et administratif. Les tribunaux français de l'ordre judiciaire ou administratif ne peuvent annuler les traités faits par le gouvernement français avec les gouvernements étrangers, ni statuer sur l'étendue des obligations réciproques qui en découlent pour chacun des gouvernements contractants, parce que les tribunaux français n'ont aucun droit de juridiction sur les gouvernements étrangers qui ont pris part au contrat.

25. V. L'on rattache d'ordinaire à la théorie de l'acte du gouvernement les faits de guerre, c'est-à-dire les dommages causés aux particuliers dans le cours d'une guerre, et qui se rattachent aux nécessités de la lutte.

Les faits de ce genre ne peuvent donner lieu à aucun recours contentieux devant aucun tribunal, pour obtenir la réparation du préjudice qu'ils ont causé. Le véritable motif des solutions données par la jurisprudence se trouve dans cette idée que les faits de guerre sont des faits de force majeure, et que les particuliers victimes de la force majeure n'ont pas le droit d'en rendre l'Etat responsable. Les seuls faits de force majeure sont ceux que commandent les nécessités de la lutte.

26. VI. La collation des titres de noblesse a soulevé la

question de l'acte gouvernemental.

Si le titre conféré n'est pas autre chose qu'un titre, et s'il a été bien conféré par le chef de l'Etat, aucune réclamation judiciaire n'est possible; aucun droit n'est lésé ; aucune forme particulière n'est imposée à l'acte.

Mais le contentieux pourra apparaître, si sous prétexte de donner un titre de noblesse, le décret a, en réalité, conféré un nom. Un droit peut être violé, la loi du 12 germinal an XII ouvre un recours aux personnes dont le nom est la propriété.

Cette théorie nouvelle a été adoptée par M. Brémond, dans les examens doctrinaux de jurisprudence administrative publiés par la Revue critique, années 1891, p. 134; 1893, p. 32 et suiv.

Conflits en matière correctionnelle.

Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance de 1828, le conflit ne peut être élevé en matière correctionnelle que dans les deux cas suivants :

1° Lorsque la répression du délit est attribuée par une disposition législative à l'autorité administrative.

2o Lorsque le jugement à rendre par le tribunal dépendra d'une question préjudicielle, dont la connaissance appartiendrait à l'autorité administrative, en vertu d'une disposition législative, le conflit ne pourra être élevé que sur la question préjudicielle.

Dans le premier cas, le juge d'instruction saisi devra se déclarer incompétent: sinon, le conflit pourra être élevé.

Le juge d'instruction est incompétent pour statuer sur les questions préjudicielles au jugement de l'action publique (1); le conflit, dans la seconde hypothèse, ne pourra jamais s'élever.

28. L'autorité judiciaire, devant laquelle est élevé un conffit qu'elle regarde comme défendu par l'ordonnance du 1er juin 1828, peut-elle passer outre ou doit-elle, au contraire, surseoir, jusqu'à ce que le conflit ait été confirmé ou annulé ?

(1) F.-Hélie, Instr. cr., VI, p. 120 et 216, Mangin, Instr. écrite, II, no 15. Hoffmann, Questions préjudicielles, II, n° 345; Nimes, 14 février 1853; D. 53. 2. 217.

29. Premier système: L'autorité judiciaire doit passer ou

tre (1).

Les auteurs de l'ordonnance de 1828 ont voulu protéger l'autorité judiciaire contre l'envahissement de l'autorité administrative, le but ne serait pas atteint, si, les tribunaux, saisis de l'arrêté de conflit, n'avaient pas le droit de dire s'il est ou non recevable.

En principe, le pourvoi est suspensif: mais c'est à la condition que la loi permette le pourvoi; en principe, l'arrêté de conflit impose le sursis, pourvu que la loi n'interdise pas le conflit. Comment, en présence d'un texte ainsi conçu: « Le conflit ne sera jamais élevé en matière criminelle », les juges peuvent-ils être tenus d'attendre qu'un recours légalement inexistant soit déclaré tel par le Tribunal des conflits.

En poussant le système du sursis à ses dernières conséquences, une procédure criminelle pourrait être suspendue au moyen d'arrêtés de conflit, qui, même rejetés par le Tribunal des conflits, seraient renouvelés par une administration résolue d'empêcher, à l'aide de tous les expédients possibles, la justice d'avoir son recours.

Dira-t-on que, dans ce dernier cas, il y aurait chose jugée? Il y a quelque chose de plus fort encore que la res judicata, susceptible d'une interprétation. C'est la loi prohibant le conflit sans exception possible.

La Cour de cassation n'a pas eu à statuer sur cette question doctrinale; l'arrêt de la Cour de Poitiers ayant été annulé par le Tribunal des conflits.

30.

Deuxième système (2) L'autorité judiciaire doit sur

seoir à statuer.

M. Bertauld disait devant la Cour de cassation: toutes les analogies de droit paraissent contraires à toute autre théorie.

(1) F.-Hélie, Inst. cr., II, no 562. Garraud, Droit pénal, III, no 51. Desjardins, Rev. crit., 81, p. 189. Mangin, Act. publique, II, no 276. Poitiers, 19 septembre 1880 ; D. 81.1.236, en note; Rapport, ibid. de M. le conseiller Sallantin.

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- (2) C. d'État, 7 mai 1871; D. 72.3.18. Conflits, 22 décembre 1880; D. 81. 3.21. Conclusions, Berthauld. D. 81.1.238, id. Rivière, Journal la Loi, 24 décembre 1880. Dalloz, J. G., Vo Conflit, no 96.

Ainsi, les juridictions contre les décisions desquelles un pourvoi est formé sont tenues de surseoir, quand ce pourvoi est suspensif. Elles n'ont pas qualité pour apprécier la régularité ou la recevabilité du recours, c'est à la Cour de cassation qu'appartient cet examen.

La demande en règlement de juges qui résulte de l'arrêté de conflit a au moins autant d'effet qu'un pourvoi. Elle doit avoir autant de portée, entraîner les mêmes conséquences.

M. Rivière, commissaire du Gouvernement soutenait la même théorie devant le Tribunal des conflits, en invoquant l'autorité de Dalloz qui s'exprime ainsi : « A nos yeux, toute la difficulté se réduit à ceci. Un arrêté de conflit a-t-il élevé avant que le tribunal ait statué au fond. Le tribunal en a-t-il eu connaissance? Alors, sans se préoccuper si cet acte est vicié ou non, d'irrégularité dans la forme ou nul quant au fond, son devoir est de prononcer le sursis, par la raison sans réplique que, n'étant pas le juge de la question de compétence, il importe peu que l'acte de conflit soit frappé de quelque nullité. Du moment que le tribunal n'a pas statué au fond, c'est désormais au juge des conflits à prononcer sur le mérite de l'arrêté de conflit, soit à la forme, soit au fond ».

Le Tribunal des conflits a consacré cette thèse.

<< Considérant, dit-il, qu'aux termes des dispositions combinées des articles 27 de la loi du 21 fructidor an III, et 12 de l'ordonnance du 1er juin 1828, en cas de conflit d'attribution, il doit être, sur les réquisitions du ministère public sursis à toute procédure; que d'autre part, aux termes de la loi du 24 mai 1872, il n'appartient qu'au Tribunal des conflits de statuer sur la validité du conflit ».

E. MARTIN,

Substitut du procureur général à Besançon.

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en matière criminelle, 3, 7.

correctionnelle, 27.

Contentieux administratif, 19.

Convocation des Electeurs du Sénat et de la Chambre, 22.

Erreur de droit, 11.

Etat de siège, 23.
Excuses légales, 13.
Fait justificatif, 12.
personnel, 11, 14.
de guerre, 25.

Infraction à la loi pénale, 11.

Juge d'Instruction. Séparation des pouvoirs, 2.

Partie lésée se constituant partie civile, 9.

Prise à partie, 11.

Recevabilité du conflit en matière criminelle, 3.

Radiation des cadres, 18.

Rapports du chef de l'Etat avec les pouvoirs publics, 21, 22.

Recours pour excès de pouvoirs, 19.

Saisie, 18.

Séparation des pouvoirs, 19, 2.

Sursis, en cas de conflit, 28.

Traités diplomatiques, 24.

Titres de noblesse, 26.

(1) Les chiffres arabes indiquent les numéros de l'article,

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