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DISSERTATIONS

THÉORIQUES & PRATIQUES

ART. 69.

ÉTUDE

SUR LA LOI DU 15 NOVEMBRE 1892

IMPUTATION DE LA DÉTENTION PREVENTIVE SUR LA DURÉE DES PEINES

Par M. G. Boullard, Procureur de la République à Segré.

SOMMAIRE

CHAPITRE I.

CHAPITRE II.

Préliminaires.

Documents parlementaires. - Législations

étrangères. - But et portée de la loi.

CHAPITRE III.

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Modifications apportées à la législation antérieure.
Application de la loi.

§ I. Article 23. — Point de départ de la durée des peines. - Doctrine et Jurisprudence.

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§ II - Article 24. Imputation de la détention préventive.

I. - Détention antérieure à la condamnation.

II.

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- Le condamné est détenu à raison de plusieurs infractions. b. - Mise en liberté provisoire.

C. Reprise de la procédure

sur charges nouvelles. d. Changement de qualification.

e. Poursuite incidente. Délit d'audience.

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3. L'inculpé subit une peine au cours de la prévention.

4° Extradition.

5o Mise en état.

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Détention entre le jour de la condamnation et le moment où la condamnation devient définitive.

Contrainte par corps.

Relégation.

Régime cellulaire.

Combinaison de l'imputation avec le sursis à l'exécution.

CHAPITRE PREMIER

PRÉLIMINAIRES.

Documents parlementaires. — Législations étrangères.
But et portée de la loi.

Ex

Documents parlementaires. - Journal officiel du 17 novembre 1892: Chambre des députés: Proposition de loi présentée par MM. Félix Le Roy (Nord) et de la Batie, le 11 juin 1888. posé des motifs (J. officiel du 27 juillet 1888, annexes, p. 749, n° 2772). Rapport sommaire de M. Albert Duchesne le 26 novembre 1888 (J. officiel du 11 avril 1889, annexes, p. 600, n° 3234). Prise en considération le 8 décembre 1888. port de M. Caradet le 21 mars 1889 (J. officiel du 25 juillet 1889, annexes, p. 716, no 3622). Déclaration d'urgence et adoption le 14 mai 1889.

Sénat.

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-

Rap

Transmission au Sénat le 17 mai 1889. Rapport de M. Morellet le 13 juillet 1889 (J. officiel du 27 janvier 1890, annexes, p. 546, no 252). Première délibération le 3 décembre 1889. Rapport supplémentaire de M. Morellet le 3 juillet 1891 (J. officiel du 26 septembre 1891, annexes, p. 220, no 151). Deuxième délibération le 18 février 1892, avec modifications. Retour à la Chambre des députés le 25 février 1892 (J. officiel du 27 avril 1892, annexes, p. 344, no 1927). Rapport de M. Georges Graux le 29 octobre 1892 (J. officiel, annexes, no 2378). Discussion et adoption le 8 novembre 1892.

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La détention préventive (1) est un mal nécessaire; c'est un mal, car d'après le droit naturel, nul ne peut être privé de la liberté qu'en vertu d'une condamnation légalement prononcée.

(1) Consulter notamment : 1o Loi du 15 novembre 1892; imputation de la détention préventive sur la durée des peines. Commentaire des articles 23 et 24 du Code pénal modifiés par cette loi, par GEORGES VIDAL, professeur à la faculté de droit, membre de l'Académie de législation; Paris, Rousseau, 1893; 2° Commentaire des articles 23 et 24 du Code pénal modifiés par la loi du 15 novembre 1892, par M. MESNARD, Procureur de la République à Chalons-sur-Marne. Les Lois nouvelles, année 1893, nos 1 et 2.

L'arrestation d'un inculpé, au cours d'une information, antérieurement au jugement, ne peut se justifier que par les nécessités de la procédure. Lorsqu'il s'agit de crimes ou de délits graves, le juge peut craindre, avec raison, de voir disparaître l'auteur présumé du fait incriminé. Il en est de même en cas de flagrant délit, où la loi du 20 mai 1863 donne au Procureur de la République le droit de décerner un mandat de dépôt à la charge de traduire dans les 24 heures l'inculpé devant le tribunal. Il n'en est pas moins vrai que la détention préventive doit être, selon le vœu de la loi et de l'équité, une mesure exceptionnelle, qu'il ne faut appliquer qu'en cas de nécessité absolue.

Aux termes de l'article 113 du Code d'instruction criminelle, la mise en liberté, en matière correctionnelle, est de droit, en faveur du prévenu domicilié, cinq jours après l'interrogatoire par le juge d'instruction, quand le maximum de la peine prononcée par la loi n'excède pas deux ans.

Cette disposition, malgré les restrictions dont elle est entourée, et qui sont énumérées dans les articles 113 et suivants (1) indique suffisamment quelle a été, dès 1865, l'intention du législateur limiter la détention préventive ainsi que nous le disions plus haut, aux cas de nécessité absolue, fondée sur la gravité de l'infraction, les antécédents du prévenu ou l'absence de domicile fixe.

Deux ans auparavant, la loi du 20 mai 1863 apportait un remède aux détentions souvent trop longues, nécessitées par une information régulière, en créant la procédure des flagrants délits.

Bien qu'hostile, en principe, à la détention préventive, la loi pénale l'a laissée subsister. Il est, malheureusement, de toute évidence que la suppression de la détention serait un remède pire que le mal. S'il est fâcheux d'incarcérer des individus qui sont seulement soupçonnés et dont l'innocence pourra plus tard être reconnue, combien ne serait-il pas dangereux de laisser en liberté des malfaiteurs qui n'useraient certainement de

(1) C'est la loi du 14 juillet 1865 qui a modifié en ce sens les articles du Code pénal de 1810.

cette tolérance que pour se soustraire à la juste punition de leurs crimes. On ne verrait plus alors que des condamnations. par contumace ou par défaut.

Reste une question: tenir compte de la détention préventive. Soulevée depuis longtemps, cette question n'a reçu une solution que par la promulgation de la loi du 15 novembre 1892, et encore la solution n'est-elle pas entièrement satisfaisante. La loi s'occupe du condamné qui a subi une détention préventive; elle n'a pas, jusqu'à présent du moins, résolu le problème difficile qui consiste à tenir compte de sa détention préventive à celui qui a été acquitté ou qui a bénéficié d'une ordonnance ou d'un arrêt de non-lieu, disons le mot, à l'indemniser. Ce dernier est pourtant, à tous égards, plus digne de faveur que le condamné. Soupçonné d'un acte criminel, arrêté, enlevé à sa famille, il est soumis au dur régime et à la promiscuité de la prison. Il subit, même après son élargissement, la honte de cette détention; malgré son acquittement et à plus forte raison, malgré l'ordonnance de non-lieu, il n'est pas, le plus souvent du moins, absous par l'opinion publique. Pour cet homme, la détention préventive aura été subie sans compensation, sans atténuation, tandis qu'au contraire, celui qui aura été reconnu coupable et condamné comme tel, aura tout le bénéfice de la loi du 15 novembre 1892. Celui-là verra imputer sa détention préventive sur la peine prononcée contre lui; le temps qu'il aura passé en prison, avant sa condamnation, lui sera compté; il arrivera même fréquemment qu'il sortira de la maison d'arrêt sans avoir été soumis au régime plus sévère des condamnés et qu'il aura subi sa peine avant même qu'elle n'ait été prononcée.

Une telle anomalie n'a pas été sans préoccuper les esprits clairvoyants; on a cherché un moyen pratique d'indemniser, en cas d'acquittement, d'ordonnance ou d'arrêt de non-lieu, celui qui aura été victime d'une erreur judiciaire ou d'une poursuite engagée à tort contre lui (1). Mais le projet de loi, soumis au Parlement (2), n'a pas encore été voté.

(1) Georges Vidal, loc. cit.

(2) Le 7 avril 1892, la Chambre des députés a adopté le principe du droit à

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