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L'exagération de l'indemnité exigée par la victime d'un delil, eu égard au préjudice causé, constitue un chantage.

N'est pas nul comme contenant une obligation purement potestative de la part du débiteur, l'écrit qui contient l'aveu d'un délit et qui peut servir de base à une action en justice. Cet écrit peut par conséquent engendrer une poursuite en chantage.

LE TRIBUNAL,

MIN. PUBL. contre B...

Attendu qu'il résulte des débats que Brailly a, à Franqueville, le 9 septembre 1894, à l'aide de menaces verbales d'imputations ou révélations diffamatoires (menaces d'une dénonciation à la gendarmerie à raison de prétendus vols commis à son préjudice), extorqué la signature et la remise par Irma Manier d'un écrit contenant obligation au profit dudit Brailly d'une somme de 2.000 francs;

Attendu toutefois qu'il y a lieu d'examiner si, comme l'a soutenu le prévenu, l'article 400 du Code pénal visé dans la citation ne serait pas applicable, parce que l'écrit incriminé: 1° ne serait qu'une réparation de vols commis à son préjudice, et 2o en tous cas serait nul et n'obligerait pas la demoiselle Irma Manier parce qu'il aurait été contracté sous une condition purement potestative de la part de cette débitrice (art. 1174 du Code civil);

Mais attendu, en ce qui concerne le premier moyen de défense: Que d'une part, non seulement il n'est aucunement établi que la demoiselle Manier ait commis des vols au préjudice du prévenu, mais qu'au contraire tout tend à démontrer sur ce point la mauvaise foi de Brailly qui, endetté et à court d'argent, a obéi à un mobile purement lucratif;

Que d'autre part, si, même par impossible, on admettait ces prétendus vols, la minime importance du préjudice serait notablement inférieure à la somme de 2000 francs stipulée, et que cette exagération de l'indemnité convenue exclurait la bonne foi du prévenu qui, en réalité, n'aurait pas eu en vue une réparation, mais se serait prévalu d'un délit de minime importance pour en faire la base d'un chantage très fructueux;

Qu'en ce qui concerne le second moyen de défense, la clause suivante insérée dans l'écrit incriminé : « Faute par moi de rem

plir cette obligation, je ne puis nier le vol reconnu, œufs, navets, et bien d'autres choses, et ce depuis longtemps », ne constitue pas une condition purement potestative de la part de l'obligée, puisque, loin d'en résulter que la demoiselle Manier pût à son gré accomplir le paiement des 2.000 francs stipulés, elle constitue un aveu des vols imputés à ladite demoiselle, aveu pouvant, dans l'intention du prévenu, servir de base à la réalisation de menace de dénonciation, sous l'empire de laquelle cette demoiselle s'est obligée ;

PAR CES MOTIFS,

Condamne B..... en trois mois d'emprisonnement et aux dépens.

M. Antoine, prési

(Trib. corr. de Doullens, 8 novembre 1894.
M. Henriet, procureur de la République ;

dent;

lenne, avocat du barreau d'Amiens.)

OBSERVATIONS.

Me Deve

Le jugement que nous rapportons et qui a d'ailleurs été confirmé par arrêt de la Cour d'appel d'Amiens en date du 28 décembre 1894, admet en fait qu'aucun préjudice n'a été causé à l'auteur du chantage. A supposer qu'il en fût autrement d'ailleurs, la circonstance que le fait dénoncé serait vrai, ne fait pas disparaitre le délit: Veritase onvicii non excusat. Le rapport, dans l'exposé des motifs de la loi du 13 mai 1863 (art. 400, C. pén.) ne laisse aucun doute sur ce point. Les détournements prétendus fussent-ils réels, nul ne peut se faire justice à soi-même et employer les moyens violents et l'intimidation pour obtenir une réparation. De plus, un écart excessif entre la valeur réelle d'objets soustraits et le prix exigé, suffit à démontrer la mauvaise foi de l'individu qui s'est fait souscrire une reconnaissance; cet individu a cherché ainsi à s'approprier indûment partie de la fortune d'autrui, et il ne peut soutenir qu'il a contracté une simple transaction. C'est d'ailleurs ce qu'a décidé un jugement du Tribunal correctionnel de Périgueux. en date du 17 mai 1876 (D. P. 76, 1, 238, note 4).

Contrà Cour de Grenoble, 7 mars 1867, J. cr., no 8489.

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Jugement par défaut devenu définitif. Peine non subie.

Aux termes de l'article 619 du Code d'instruction criminelle, la réhabilitation ne peut être accordée qu'au condamné qui a subi sa peine ou qui a obtenu des lettres de grâce.

Aucune distinction n'est faite entre l'individu condamné contradictoirement ou celui qui l'a été par défaut. Par suite, doit être rejetée la demande à fin de réhabilitation formée par un condamné par défaut à une peine de prison qui n'a pas été subie, alors même que la condamnation serait devenue définitive.

La loi du 14 août 1885, en dispensant dans certains cas le condamné de justifier de l'acquittement des condamnations pécuniaires, n'a pas étendu cette disposition nouvelle aux peines corporelles.

LA COUR,

X...

Vu la demande en réhabilitation formée le 11 février 1893 par le nommé X..., condamné le 19 avril 1879 à six mois de prison, pour détournement d'objets saisis et abus de confiance par jugement par défaut devenu définitif, du Tribunal correctionnel de la Seine;

Attendu, en droit, qu'aux termes de l'article 619 du Code d'instruction criminelle, la réhabilitation ne peut être accordée qu'au condamné qui a subi sa peine ou qui a obtenu des lettres de grâce; que, par cette disposition impérative, la loi ne fait aucune distinction entre l'individu condamné contradictoirement et celui qui a été condamné par défaut; entre celui qui a connu et celui qui a ignoré sa condamnation; entre le délinquant avisé des poursuites exercées et celui qui s'est soustrait aux recherches de la justice; que son texte absolu écarte a priori, sans laisser aucune place à l'arbitraire du juge, la demande de tout condamné qui, n'ayant pas subi sa peine, n'a pas acquitté cette dette;

Qu'à la vérité, la loi du 14 août 1885 a apporté sur ce point une modification au principe antérieurement consacré ; qu'elle a dispensé le condamné de justifier de l'acquittement des condamnations pécunières mises à sa charge, soit qu'il les ait prescrites, soit qu'il ait fait la preuve de son indigence;

Mais attendu que le bénéfice de cette disposition insérée dans l'article 623 du Code d'instruction criminelle ne saurait être étendu à la peine corporelle ; que le législateur de 1885 a pris le soin de s'en expliquer formellement dans la discussion de la loi devant la Cham

bre des Députés et qu'il a, à cet effet, laissé intact le texte et par suite le principe de l'article 619 du même Code;

Attendu, en fait....

PAR CES MOTIFS, et par application de l'article 619 du Code d'instruction criminelle.

Déclare la demande en réhabilitation formée par X... non rece vable, la rejette, etc...

(Cour d'appel de Douai, Chambre d'accusation, 9 novembre 1893. -M. Desticher, président.)

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Appel.

Détenu.

(7 janvier 1895).

Refus de faire le trajet à pied. Condamnation par défaut.

Aucun texte de loi n'impose au ministère public l'obligation de faire transférer en voiture ou chemin de fer au siège de la Cour d'appel, les détenus valides et en état de faire la route à pied. Il y a donc lieu de prononcer défaut contre le prévenu qui sans excuse légitime, refuse formellement de marcher et ne se présente pas pour soutenir son appel.

1re ESPÈCE.

MIN. PUBL. contre LANGLET.

LA COUR,

Attendu que par acte reçu au greffe du Tribunal civil des Andelys le 2 novembre courant, Langlet a régulièrement relevé appel d'un jugement de ce Tribunal en date du 23 octobre précédent qui le condamne contradictoirement à six mois d'emprisonnement et 50 francs d'amende pour destruction de clôtures ;

Que, suivant acte du 20 novembre 1894, enregistré le même jour, du ministère de M. Dumoutier, huissier près le Tribunal civil des Andelys, agissant à la requête de M. le Procureur général près la Cour d'appel de Rouen, assignation a été délivrée à Langlet, parlant à sa personne, à comparaitre le 29 novembre devant la Cour, chambre des appels correctionnels, sur l'appel interjeté par lui ainsi que sur l'appel interjeté contre lui par M. le Procureur général;

Attendu que Langlet ne se présente pas devant la Cour pour soutenir son appel et répondre à l'appel du ministère public, qui lui a été régulièrement notifié dans les délais de droit; qu'il ne produit aucune excuse légitime pouvant justifier sa non-comparution, que, dans ces conditions, le ministère public conclut à ce qu'il soit pro

noncé défaut contre Langlet et que, statuant au fond, la Cour élève dans une juste mesure la peine prononcée contre Langlet par les premiers juges;

Attendu qu'aucun texte de loi n'impose au ministère public l'obligation de faire transférer par voiture ou chemin de fer au siège de la Cour d'appel les détenus valides et en état de faire la route à pied appelés à comparaître devant la Cour pour voir statuer sur l'appel relevé par eux; qu'il ne peut être contraint qu'à une chose: mettre les prévenus à même de faire ce trajet et prendre les dispositions nécessaires pour leur permettre, s'ils le jugent à propos, de comparaitre devant la Cour au jour fixé pour l'appel de leur cause; Attendu, en fait, qu'il est constaté par ce procès-verbal de gendarmerie, en date du 13 novembre 1894 que, ce même jour, Langlet a déclaré aux gendarmes requis pour le conduire, qu'il se refusait formellement à faire la route à pied des Andelys à Rouen; qu'il est établi d'autre part par un certificat de médecin, annexé à ce procès-verbal, que Langlet n'est atteint d'aucune lésion qui puisse l'empêcher de marcher;

Qu'en outre, un procès-verbal de gendarmerie du 20 novembre 1894 constate que les gendarmes porteurs d'une réquisition de M. le procureur de la République des Andelys, à l'effet de transférer Langlet à Rouen par les voies ordinaires en conséquence de l'assignation à lui délivrée le même jour, se sont de nouveau présentés à la maison d'arrêt pour obtempérer à cette réquisition et que Langlet leur a répondu qu'il refusait formellement de marcher pour faire la route à pied des Andelys à Rouen ;

Qu'il est dès lors constant que toutes les mesures nécessaires pour permettre à Langlet de comparaître devant la Cour au jour fixé pour l'assignation, avaient été prises; qu'il est valide et en état de faire la route à pied, que c'est volontairement et sans excuses légitimes qu'il ne se présente pas pour soutenir son appel et répondre à l'appel relevé contre lui par M. le procureur général;

Que, dans ces conditions, il y a lieu de prononcer défaut contre lui et de statuer au fond;

Sur la déclaration de culpabilité,

Adoptant etc.

Et statuant sur l'appel du Ministère public:

Attendu que les faits établis à la charge de Langlet présentent un caractère de gravité incontestable, qu'il a déjà subi dix condamnations qu'il se trouve en état de récidive légale par suite d'une condamnation à 3 mois d'emprisonnement prononcée contre lui par le Tribunal des Andelys, le 3 octobre 1893, pour destruction de clôtures, laquelle était devenue définitive et aurait été intégralement subie antérieurement aux faits qui motivent les poursuites actuelles,

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