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vaincu n'eut moins de droit à l'estime du vainqueur que dans cette occasion. En effet, le général Barbanegre, après s'être signalé pendant deux mois de simple blocus par le bombardement gratuit d'une ville ouverte, et par les plus insolentes bravades, n'a tenu que cinq jours de tranchée ouverte et deux jours de bombardement, dans une place parfaitement fortifiée, garnie de 120 bouches à feu, abondamment pourvue de vivres et de munitions, défendue par près de 2000 hommes en bon état, qui n'était encore attaquée que d'un côté, et devant laquelle on n'avait pas encore ouvert la 3e parallele.

LITTÉRATURE HISTORIQUE.

Continuation du Précis des Evénements militaires, ou Essais historiques sur les Campagnes de 1800 à 1814, avec Cartes et Plans; par M. le Comte Mathieu Dumas, Lieutenant-Général des Armées du Roi.

Le Précis des Evénements militaires, de la Campagne de 1799, qui a paru par cahiers successifs dans le cours des années 1800 et 1801, a excité un intérêt général dans toutes les classes de lecteurs. Nous nous empressons d'en annoncer la continuation. Nous croyons devoir laisser parler l'auteur lui-même, en analysant le prospectus qu'il publie.

"Dès le commencement de l'année 1799, dit-il, à l'époque de la rupture du congrès de Rastadt, je conçus le dessein de fixer, sous le titre de Précis des Evénements militaires, le souvenir des opérations de guerre et des faits d'armes les plus mémorables.

"J'étais alors proscrit et condamné à la déportation; mais ayant trouvé un honorable asyle sous un Gouvernement neutre assez sage et assez heureux pour avoir conservé son indépendance, il me sembla que je pouvais écrire ces Mémoires aussi librement que si j'eusse été en présence de la postérité.

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J'entrepris donc de présenter sur les rapports officiels, souvent contradictoires, un commentaire impartial:*

* Je fus sur-tout déterminé et soutenu, dans cette en

je rapprochais les opérations de guerre des principes de l'art, j'en faisais remarquer l'application ou la négligence: le succès de ces premiers essais aurait pu m'encourager; mais je ne me dissimulai point que je devais à l'intérêt de la matiere que je traitais, au but que je m'étais proposé, bien plus qu'à mes efforts pour l'atteindre, l'indulgence avec laquelle le Précis des Evénements militaires fut accueilli par mes anciens compagnons d'armes et par les officiers étrangers.

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Rappelé dans ma patrie, et rentré dans les rangs de l'armée, je dus suspendre mes études et les occupations dont j'avais rempli le temps de mon exil. Eussé-je pu trouver des instants de loisir, et me permettre de les dérober à mes devoirs, je me serais gardé de reprendre la plume; j'étais trop éclairé sur les difficultés de ce genre d'histoire, et je voyais de trop près celles que devait rencontrer un écrivain impartial, auteur contemporain des événements, témoin, et quelquefois acteur lui-même, des scenes qu'il aurait à décrire.

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Aujourd'hui, l'esprit dégagé des affaires qui consument le temps si vite et si vainement, me trouvant enfin dans une situation indépendante, et peu différente de celle où j'étais lorsque je publiai, en Holstein, le Précis des Evénements militaires, j'ose reprendre mes travaux interrompus au commencement de la campagne de 1800. Je conserverai la même division périodique, parce qu'elle prévient la confusion des dates et des faits, et qu'elle permet au lecteur qui n'en a pas la série toujours présente, de suivre plus commodément et pour ainsi dire de front, les opérations simultanées sur les divers théâtres de la guerre. Je continuerai aussi de placer à la fin de chaque numéro ou chapitre, les notes dont je pourrai les enrichir, afin de rendre la narration aussi simple, aussi claire que le sujet l'exige et n'y laisser que les observations militaires ou politi

treprise, peut-être téméraire, par la rencontre sur cette même terre hospitaliere, et la coopération de mon honorable ami et compagnon d'armes, le comte Alexandre Lameth, l'un des membres les plus distingués de l'assemblée constituante, où il présidait le comité militaire; je lui dois les notes politiques les plus étendues, et des considérations essentielles sur les causes et l'enchainement des principaux événe

ments.

ques qu'il fait naître, et qui loin de distraire le lecteur, l'éclairent et lui servent de fil dans ce labyrinthe.

"Je me propose de suivre ce travail jusqu'à la fin de la campagne de 1814, époque de la révolution qui a rétabli l'ancienne dynastie des Bourbons sur le trône de France.

"Je consulterai les relations authentiques des partis opposés! mais je me garderai bien de grossir mes volumes du texte de ces documents qu'on trouve dans les recueils de pieces officielles.

"Je travaillerai avec diligence pour attendre les époques récentes qui doivent exciter un intérêt plus vif, parce qu'un plus grand nombre d'acteurs sont encore sur la scene, mais je me défendrai d'un empressement inconsidéré qui tendrait à présenter les évévements dans un ordre inverse, et nuirait à l'intérêt de l'action principale.

"Les écrivains qui m'ont dévancé, et qui, dans les divers pays de l'Europe, ont publié, soit des histoires completes de diverses campagnes, soit de simples fragments, soit des écrits polémiques, ont déjà répandu beaucoup de lumiere sur ces rapports, si nombreux et si compliqués. Je profiterai de leurs travaux; je citerai les passages que j'en aurais puisé dans les mêmes sources. Je ne serai jamais plagiaire: j'éviterai d'être froid compilateur. Je désire surtout d'obtenir des généraux qui ont commandé les armées des puissances belligérantes, et de ceux auxquels les détails d'état-major ont été confiés, les révélations précieuses, les instructions solides que je chercherais vainement ailleurs: je recevrai ces matériaux avec reconnaissance et les mettrai en œuvre avec fidélité.

Puissé-je, en terminant ma carriere militaire, achever ainsi de payer ma dette à la patrie, et puissé-je remplir cette derniere tâche avec autant de succès que j'y porterai d'attention et d'impartialité.

L'auteur du Précis des Evénements militaires.

BUONAPARTE EN ROUTE POUR SAINTE-HELENE.

Un journal du soir donne sur Buonaparte les particularités suivantes qu'il tient d'un officier à bord du Northumberland, et il garantit leur authenticité.

A bord du vaisseau de S. M. le Northumberland, lat. 34°. 32, long. 13°. 45'., 22 Août 1815.

Comme le récit de toutes les circonstances relatives à l'homme quenous sortons de l'Europe, doit faire plaisir à vos lecteurs, je saisis cette occasion de vous raconter quelques anecdotes de lui, et d'en contredire d'autres qu'on lui a faussement attribuées. Parmi ces dernieres est celle qu'il prit possession de la chambre du capitaine Maitland, au moment où il vint à bord du Bellerophon, refusant même à ce vaillant capitaine un coin de cette même chambre pour y coucher. Avant que Buonaparte vint à bord, le capitaine Maitland avait pris la résolution de lui donner sa chambre, et une partie de celles de la Sainte Barbe devaient être destinées pour les dames qu'on attendait. Les bruits qui ont couru que Buonaparte se promenait sur le pont d'un air furieux, les mains derriere le dos, sont également denués de fondement-comme aussi qu'il avait demandé si le commis du vaisseau n'était pas un fripon.

Cet

En parlant un jour du siége de St.-Jean d'Acre, Buonaparte dit que pendant que Sir Sidney Smith était dans cette ville il fit jeter parmi les troupes françaises plusieurs proclamations qui les ébranlerent un peu. Pour parer à cette défection, il fit publier un ordre du jour dans lequel il assura que le commodore anglais était fou." ordre se terminait par une défense de communiquer avec lui. Cette mesure, ajouta-t-il, produisit l'effet désiré, et fit tellement enrager sir Sidney Smith qu'il lui envoya un cartel et le défia à un combat singulier. Le cartel fut refusé, et Napoléon lui répondit que lorsqu'il lui ameuerait le duc de Marlborough pour se mesurer avec lui, il ramasserait le gand." Il soutint très-positivement qu'il aurait pris St.-Jean d'Acre, si les Anglais ne s'étaient pas emparés de sa grosse artillerie de siége, et ajouta." Sans vous, autres Anglais,

j'aurais été empereur d'Orient; mais partout où un vaisseau peut aborder, j'ai toujours été sûr de trouver des Anglais pour me combattre."

Il parla de l'invasion de l'Angleterrre comme d'une chose à laquelle il avait été avait fermement résolu et dit qu'il avait eu le projet de débarquer le plus près possible de Chatham et de pousser jusqu'à Londres. Il admit la grande possibilité qu'il y avait, qu'il aurait échoué dans son entreprise, et qu'il aurait péri dans la tentative. L'amiral Villeneuve, dit-il, est la cause que ce projet a manqué, en ce qu'il n'a point obéi aux ordres qu'il avait reçus. Il faisait beaucoup de questions sur la nature du climat de l'Angleterre, et dit que la cause du grand nombre de suicides qui s'y commettent était l'humidité de l'atmosphere. L'empressement que les Anglais mirent à le voir lorsqu'il était sur le Bellerophon, flatta extrêmement sa vanité, et il se tint fréquemment sur le passavant pour procurer à la multitude étonnée, l'occasion de voir sa personne; il avait toujours alors à la main une lorgnette avec laquelle il observait les spectateurs. Il se trouvait en général parmi eux un grand nombre de femmes très-bien mises, la plupart d'une tournure élégante, et elles ne manquaient jamais de fixer son attention particuliere.

Il paraissait très-flatté de la beauté et de l'élégance de nos belles compatriotes, et témoigna toujours le désir de savoir leurs noms, leurs familles, et toutes les circonstances qu'il était possible de lui communiquer sur leur compte.

Il fixa particulierement ses regards, un soir, sur une jeune dame, qui était fort près du vaisseau et demanda comme à l'ordinaire quel était son nom et sa famille? On l'informa que c'était Miss B-n, fille du général B. il la salua en ôtant son chapeau, et s'écriant plusieurs fois avec un ton d'emphase extraordinaire "elle est charmante."

Buonaparte loue beaucoup notre infanterie et notre artillerie; il dit que l'infanterie anglaise est aujourd'hui ce qu'était l'infanterie française il y a dix ans, et que la cavalerie est fort inférieure à l'infanterie surtout, en apparence. Il trouvait, dit-il, de grands défauts dans la construction des mords, qui étaient si mal faits que les cavaliers ne pouvaient pas gouverner leurs chevaux." Bertrand et les autres applaudirent à la vérité de cette observation.

Un jour Buonaparte parla du duc de Wellington, et dit qu'il ne s'était pas imaginé, qu'il livrerait bataille, mais

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