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tinctives de sa dignité, de la même maniere qu'il l'eût fait dans la capitale du monde chrétien.

"Notre légat fut immédiatement admis à l'audience de S. A. R. le Prince Régent; il lui présenta notre bref, lui offrit nos félicitations et notre amitié, tant pour S. A. R. que pour la vaillante nation anglaise, qui s'est couverte de tant de gloire.

"Le cardinal fut reçu à la cour du Prince Régent avec tant de marques de bienveillance et d'attachement pour notre personne, qu'il était impossible d'en montrer davantage. Et, pour cette raison, nous avouant très-attachés au Prince Régent et à tous les ordres qui composent cette généreuse nation pour laquelle nous nourrissions déjà la plus grande inclination, nous saisissons très-volontiers cette occasion pour leur donner un témoignage public de notre estime et de notre très-vive reconnaissance.

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Après avoir présenté notre bref à chacun des souverains, notre légat entama auprès d'eux la cause du Siége apostolique, et poursuivit avec instance et nominativement la restitution de chacun des pays dont le SaintSiége a été successivement dépouillé par l'effet de la révolution commencée en 1789. Il exposa, dans une note officielle, toutes les raisons sur lesquelles sont fondés les droits incontestables du Saint Siége, et supplia en notre nom les mêmes souverains de vouloir prendre la trèsjuste protection de l'église romaine. Telle a été la bonté des princes alliés, telles sont les preuves qu'ils ont données de leurs bonnes dispositions à notre égard, que nous pouvons nous féliciter de plus en plus de notre résolution, et reconnaître d'une maniere plus particuliere combien nous étions fondés à mettre tant d'espérance dans leur autorité et dans leur bienveillance.

"Lorsqu'il eût été statué qu'on tiendrait à Vienne un congrès dans lequel on devait traiter du systême politique de l'Europe, le cardinal-légat s'y rendit par notre ordre et présenta, ce qu'il n'avait pu faire à Paris, à notre très-cher fils en J. C., François, empereur d'Autriche, notre bref, nos félicitations et nos réclamations. Vous connaissez trop bien la religion, la piété, la loyauté de ce grand monarque, pour qu'il soit nécessaire de détailler ici les bonnes et heureuses dispositions qu'il a montrées à notre égard. D'après le rapport du cardinal lui-même, nous pouvons assurer que S. M. a manifesté les intentions les plus favorables, qu'il nous les a constamment exprimées

dans les termes les plus rassurants, et qu'elles n'ont éprouvé aucune altération jusqu'à la conclusion définitive. Nous pensons que l'heureux succès de nos négociations est principalement dû à sa bienveillance envers nous.

"Les souverains, comme vous le savez, devant passer plusieurs mois à Vienne. Pendant ce temps, notre légat s'occupa de beaucoup d'autres objets, tant spirituels que temporels, relatifs au Saint-Siége et à l'église, suivant l'ordre qu'il en avait reçu de nous. Nous vous rendrons compte, lorsqu'il en sera temps, de toutes ses opérations. Cependant, nous ne pouvons passer sous silence la maniere dont il a été pourvu à la dignité du Saint-Siége et aux prérogatives de ses représentants. Lorsqu'il fut question d'ajourner à un terme indéfini la question épineuse de la préséance des ministres des cours européennes, notre légat prit, dans cette circonstance, un soin particulier pour maintenir la dignité du Siége apostolique, et la rendre même plus imposante. Nous devons à la magnanimité des illustres monarques, même de ceux (ce qui doit le plus exciter notre reconnaissance) qui ne sont point unis de communion avec l'église de Saint-Pierre, le décret portant qu'il ne sera fait aucune innovation à l'égard des légats et des nonces du Saint-Siége, qui occupent le premier rang parmi les ambassadeurs des autres souverains. En rendant un pareil décret, ils n'ont assurément pas eu en vue notre qualité du prince temporel, puisque nous sommes si au-dessous de la puissance de tant d'autres princes; mais dans notre humble personne, ils ont considéré la dignité du Sacerdoce, et ils ont voulu se faire un mérite de l'honorer.

"Notre légat ayant continué à soutenir nos intérêts, à lever les difficultés qui se présentaient en grand nombre, l'affaire temporelle de Rome fut définitivement terminée par un décret solennel du congrès, portant que le SaintSiége rentrerait en possession des trois provinces de la Marche d'Ancône, de Macerata, de Fermio: des duchés de Camerino, de Bénévent, de Ponte-Corvo, et des provinces de la Romagne, de Bologne et de Ferrare, connues sous la dénomination des Trois Légations, excepté cependant la partie de la légation de Ferrare, située sur la rive gauche du Pô.

"Voilà donc, ô vénérables freres, la cause de notre allégresse, dont nous vous faisons part en ce jour, persuadé que cet heureux événement ne vous donnera pas une VOL. LI.

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moindre joie que celle que nous avons éprouvée nousmêmes. Le Seigueur Dieu, qui mortifie et vivifie, qui abaisse et releve, après ces jours d'humiliation et les années que nous avons passées ensemble dans l'adversité, ému de compassion envers nous, nous rend, dans sa bonté, nos provinces, dont nous avons été privés si long-temps, et daigne aussi nous préparer une grande consolation, en ajoutant encore à la splendeur de l'Eglise romaine. Si nous en éprouvons une si grande joie, ce n'est certainement pas pour notre cause personnelle, étant très-éloignés de toute ambition de grandeur temporelle, mais par la considération de Dieu même et de son Église.

"En effet, plus est étendu le patrimoine de Saint Pierre, plus les souverains pontifes ont à leur disposition les moyens de pourvoir, comme ils le doivent, à leurs fonctions, à leur dignité, aux besoins de l'Église et des fideles du monde entier. En conséquence, nous pensons que tous les princes qui ont favorisé nos instances à Vienne, soit personnellement, soit par l'entremise de leurs représentants, comme l'ont fait avec tant d'intérêt nos chers fils en Jésus-Christ Louis, roi très-chrétien, et Ferdinand, roi catholique, ainsi que le prince royal du Brésil, régent de Portugal, ont bien mérité non-seulement de nous, mais de l'Eglise catholique elle-même.

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"A cette gloire participent aussi les princes qui n'appartiennent point à l'Eglise romaine, et que nous avons également trouvés remplis de bonnes dispositions et de bienveillance à notre égard. Et qui devons-nous nommer avec plus grand honneur que le très-auguste empereur de Russie, Alexandre, prince aussi recommandable par sa gloire militaire et ses victoires, que par la sagesse de son gouvernement? Cet illustre monarque a pris connaissance de nos réclamations avec une bonté particuliere, et il a soutenu nos intérêts de toute sa puissance et de toute son autorité. Pourrions-nous passer sous silence les services que nous a rendus Frédéric, roi de Prusse, qui s'est constamment montré disposé en notre faveur? Nous avons les mêmes obligations à Charles, roi de Suede, qui a concouru si volontiers à la conclusion de nos affaires, et l'a désirée si ardemment. Mais comment pourrions-nous nous abstenir d'exprimer de nouveau notre reconnaissance à S. A. R. le prince Régent d'Angleterre, qui a été tellement porté pour nous, que les ordres qu'il a donnés de lui-même ont été d'un grand appui pour nos intérêts dans le congrès de Vienne! Nous reconnaissons que nous sommes encore

d'autant plus obligés à ces princes, qu'ils avaient moins de motifs de soutenir et de protéger la cause du siége apostolique. Nous ne voulons pas enfin oublier les ministres plénipotentiaires par qui ont été traitées au congrès les grandes affaires des princes: leurs services ont été signalés à notre égard, et en secondant de leurs conseils et de leur influence les excellentes dispositions de leurs souverains, ils ont eu une grande part dans l'heureuse issue des affaires de l'Église.

"Avouons hautement, ô vénérables freres, que la consolation que nous éprouvons pour la restitution des provinces dont nous avons parlé, n'a pas été aussi entiere que nous l'avions espéré, en ce que la province d'Avignon, acquise par le saint Siége, et possédée pendant cinq siecles; le comtat Venaissin, pareillement possédé par lui pendant un plus long intervalle; et enfin la province de Ferrare, située sur la rive gauche du Pô; tous pays appartenants au Saint-Siége avec le même droit que tous les autres domaines de l'état ecclésiastique, restent encore séparés de leur légitime souverain. Nous avons fait remettre, à cet égard, par notre légat, nos réclamations au congrès de Vienne. Nous avons en outre fait prier particulierement nos très-chers fils en J. C., François, empereur d'Autriche, et Louis, roi très-chrétien, sous le gouvernement desquels se trouvent ces pays, afin qu'avec la magnanimité qui leur est propre, ils les rendent à l'Eglise romaine.

Nous espérons que nos peines ne seront pas enfin infructueuses. Nous avons mis une grande confiance dans la religion éprouvée et dans la piété de ces deux princes, et nous ne pouvons douter que des souverains aussi grands, aussi puissants, ne mettent point enfin le comble à leur gloire, soit en nous remettant en possession de ces terres appartenantes à saint Pierre, soit en nous accordant une compensation équivalente.

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Néanmoins, comme du retard de cette restitution ou compensation, il ne doit résulter aucun préjudice aux droits du Saint-Siége, notre légat, instruit par le décret du congrès de Vienne, que les susdits pays n'étaient point au nombre de ceux qui devaient être restitués, ne négligea point de faire une protestation légale, en notre nom et au nom du Siége apostolique. Il remit une copie de cette protestation aux ministres de tous les princes qui avaient signé le traité de Paris du 31 Mai 1814, traité qui a été ratifié à Vienne; il y joignit une note dans laquelle il dé

pose en détail les raisons qui l'avaient obligé à faire une pareille protestation, et demanda formellement qu'elle fût insérée au protocole des actes du congrès.

"Vous pouvez, vénérables freres, prendre connaissance exacte de la protestation et de la note. Nous avons ordonné que ces deux pieces, écrites, l'une en latin, l'au tre en français, vous fussent communiquées avec la traduction en italien, pour éviter toute interprétation arbitraire. Vous verrez aussi que notre légat a protesté, dans ces deux pieces, contre l'article du décret du congrès de Vienne, par lequel il a été décidé que le très-auguste empereur d'Autriche et ses successeurs auront droit d'établir garnison dans le pays de Ferrare et de Comacchio; ce qui blesse les droits de la souveraineté indépendante du Siége apostolique, peut facilement troubler l'exercice de la juridiction légitime, porte en outre préjudice à la neutralité de l'état ecclésiastique, et l'expose à des hostilités en temps de guerre.

Après vous avoir parlé des objets temporels de l'Eglise romaine, il nous reste à vous entretenir des intérêts ecclésiastiques de l'Allemagne, qui n'ont point été étrangers aux opérations de notre légat. Flattés de l'espérance que le nouvel ordre de choses qui s'établissait en Allemagne pourrait concourir avec nos vues à réparer les grands dommages que l'Eglise y avait éprouvés, nous avons enjoint à notre légat d'apporter tous ses soins à cet objet, comme étant de la plus grande importance: c'est ce qu'il a fait depuis l'ouverture du congrès jusqu'à la fin. Une commission chargée spécialement des affaires d'Allemagne, et composée de ministres et de princes de cette nation, adressa elle-même une note qui contenait toutes nos réclamations, qui donnait des détails particuliers sur les dommages qu'avaient éprouvés les droits spirituels de l'Église et leurs intérêts temporels, et sollicitait de la sagesse du souverain un remede à ces maux. Les vœux exprimés depuis si long-temps par tous les bons catholiques, et ceux de notre cœur paternel, ayant été secondés, nous pûmes, d'accord avec les mêmes princes, pourvoir aux besoins urgents de cette Eglise. Cependant le congrès allait se dissoudre sans rien statuer sur les affaires concernant l'Eglise catholique. Le même jour que le légat notifia la protestation dont nous venons de parler, et qui était relative aux affaires temporelles du Saint-Siége,il en remit une autre, avec une note de sa main, aux ambassadeurs des souverains, relative aux droits spiri

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