Page images
PDF
EPUB

sence d'esprit bien remarquable; l'évidence des faits a pu seule les terrasser.

Le conseil délibérant à huis clos, seulement en présence du commissaire du Roi, les questions ont été posées par le président.

Les voix recueillies, en commençant par le grade inférieur, le président ayant émis son opinion le dernier, le conseil a déclaré à l'unamimité que le nommé César Faucher, accusé d'avoir retenu, contre la volonté du gouvernement, le commandement qui lui avait été retiré, est coupable.

A l'unanimité, que le nommé César Faucher, accusé d'avoir commis un attentat dont le but était d'exciter la guerre civile, et d'armer les citoyens les uns contre les autres, en réunissant dans son domicile des gens qui y faisaient un service militaire et qui criaient qui vive sur les patrouilles de la garde nationale, est coupable.

armés

A l'unanimité, que le nommé César Faucher, accusé d'avoir comprimé, par la force des armes et la violence, l'élan de fidélité des sujets de Sa Majesté, est coupa

ble.

A l'unanimité, que le nommé César Faucher, accusé d'avoir embauché pour les rebelles, et détourné de leurs drapeaux les soldats du Roi, en les engageant à joindre la bande de Florian, n'est pas coupable.

A l'unanimité, que le nommé Constantin Faucher, qualifié ci-dessus, accusé d'avoir retenu, contre la volonté du gouvernement, un commandement militaire qui lui avait été retiré, est coupable.

A l'unanimité, que le nommé Constantin Faucher, accusé d'avoir commis un attentat dont le but était d'exciter la guerre civile, et d'armer les citoyens les uns contre les autres, en réunissant dans son domicile des gens armés qui y faisaient un service militaire, et qui criaient qui vive sur les patrouilles de la garde nationnale, est coupable.

A l'unanimité, que le nommé Constantin Faucher, accusé d'avoir comprimé par la force des armes et par la violence, l'élan de fidélité des sujets du Roi, est coupable.

A l'unanimité, que le nommé Constantin Faucher, accusé d'avoir embauché pour les rebelles, et détourné de leurs drapeaux les soldats du Roi, en les engageant à se joindre à la bande de Florian, n'est pas coupable.

Sur quoi, le commissaire du Roi a fait son réquisitoire pour l'application de la peine; les voix recueillies de nouveau par le président dans la forme indiquée ci-des

sus:

Le conseil de guerre permanent, faisant droit sur le dit réquisitoire, condamne, à l'unanimité, le nommé César Faucher se disant maréchal-de-camp, commandant militaire, chargé d'nne mission particuliere à la Réole, à la peine de mort, conformément aux art. 91 et 93 du Code pénal, ainsi conçus:

"L'attentat ou le complot dont le but sera d'exciter la guerre civile, en armant ou en portant les citoyens ou habitants à s'armer les uns contre les autres, soit de porter la dévastation, le massacre ou le pillage dans une ou plusieurs communes, seront punis de la peine de

mort.

"Ceux qui, sans droit ou motif légitime, auront pris le commandement d'un corps d'armée, d'une troupe, d'une flotte, d'une escadre, d'un port, d'une ville;

"Ceux qui auront retenu, contre l'ordre du gouvernement, un commandement militaire quelconque, seront punis de la peine de mort."

Condamne également à l'unanimité le nommé Constantin Faucher, se disant maréchal-de-camp commandant militaire des arrondissements de la Réole et de Bazas, à la peine de mort, conformément aux art. 91 et 93 du Code pénal, ci-dessus cités.

Condamne en outre lesdits César et Constantin Faucher, conjointement et solidairement, aux frais du pro

cès.

Le jugement a été lu aux condamnés le 24 Septembre, à deux heures du matin, en leur déclarant que la loi leur accordait un délai de vingt-quatre heures pour se pourvoir en révision; laquelle lecture a été faite en présence de la garde assemblée sous les armes.

Les accusés ont entendu leur sentence avec une fermeté qui ne s'est pas démentie. Ils se sont pourvus en

révision.

(Mémorial Bordelais)

Bordeaux, le 28 Septembre.

Nous avons fait connaître dans notre feuille d'hier la confirmation donnée par le conseil de révision au jugement rendu par le conseil de guerre contre les freres Faucher de la Réole.

On avait déjà remarqué, pendant les débats qui précéderent ce jugement, l'extrême assurance des accusés dans les interrogatoires, leur habileté à faire valoir les moyens de défense, la prompte facilité de chacun des deux freres à suivre le fil des idées de celui qui cessait de parler, et surtout cette apparence de candeur dont ils se coloraient pour faire valoir de vains prétextes ou des raisonnements fallacieux; mais cet art d'employer tour-à-tour les ressorts de la ruse et de l'audace, devait être insuffisant contre la sagesse et le sang-froid du président du conseil, que secondaient si bien le discernement et les observations pleines de clarté présentées par M. Bontemps-Dubarry; il devait surtout échouer contre la vigoureuse logique de M. de la Bonterie, et le talent qu'il a montré à faire ressortir l'évidence des faits.

Toutefois, les freres Faucher s'étaient pourvus en révision, et le barreau de Bordeaux, intercédé par eux, a délégué quatre de ses membres pour prendre la défense

des accusés.

Ecoutons M. Emérigon, l'un des défenseurs, expliquer la décision de ce corps respectable en présence du conseil de révision.

"Les sieurs Faucher ont demandé à l'ordre des avocats de leur donner des défenseurs. Cet ordre, qui place la défense des accusés au nombre de ses devoirs les plus impérieux et les plus sacrés, ne pouvait, sans déshonneur, repousser la demande qui lui était faite en la personne de son chef; il a même voulu que l'ordre entier participât en quelque sorte à cette défense. C'est pour cela qu'ils ont chargé l'ex-bâtonnier M. Albespy, le bâtonnier en exercice M. Denucé, le bâtonnier déjà nommé pour la prochaine année du palais M. Emérigon, et le plus ancien membre de son conseil de discipline M. Gergeres.

"Nous ne pouvons croire que cette conduite, que ce pénible dévouement soient critiqués ou blamés par aucun de ceux dont nous sommes jaloux de conserver l'estime.

"Ils ont assez hautement éclaté, dans les temps affreux que nous venons de traverser, les nobles sentiments qui animent les avocats du barreau de Bordeaux. Tous, nous avons constamment refusé de participer à des jugements ou à des arrêts rendus au nom de l'usurpateur. Čet honorable silence, qui n'a été rompu que pour la défense des accusés, ne sera pas oublié par nos concitoyens.

"Eh bien! le motif qui nous portait alors à sacrifier jusqu'à notre vie, s'il le fallait, pour conserver l'honneur, ce motif est encore celui qui nous dirige en ce moment. Il nous était impossible de repousser la voix suppliante de deux hommes frappés par une condamnation capitale, et sur la tête desquels la mort a déjà levé sa faulx menaçante.

"Chargé plus particulierement, avec M. Denucé, chef actuel de l'ordre des avocats, de la défense de César Faucher, nous ne devons nous occuper ni de ses opinions, ni de sa conduite, ni même des délits qui lui sont imputés. Notre ministere se borne à examiner la procédure instruite contre lui, le jugement rendu le 23 de ce mois, et à présenter au conseil de révision les moyens que nous croyons suffisants pour faire annuler le jugement du conseil de guerre. Nous sommes donc ici les avocats de la loi, plutôt que les défenseurs des accusés."

A la suite de cet exorde, M. Emérigon, assisté de M. Denucé, et M. Gergeres, assisté de M. Albespy, ont fait successivement valoir dans leurs discours improvisés, six moyens contre la composition du conseil de guerre et contre le jugement qu'il avait rendu.

Lorsque MM. les avocats ont cessé de parler, M. d'Hauterive, commissaire ordonnateur, remplissant les fonctions de commissaire du Roi, a pris la parole, et s'est exprimé, en ces termes :

"Messieurs,

"La magistrature suprême dont vous êtes investis par la loi, confie à vos consciences et à votre honneur le dernier espoir des condamnés.

Quel que soit le rang des hommes, quelle que soit la peine que leur inflige la loi, vous veillez religieusement, sans doute, à ce que les accusés n'aient été privés d'aucun des moyens protecteurs qui leur étaient accordés; mais votre scrupuleuse équité doit plus spécialement encore s'éclairer du flambeau de la vérité, dans une affaire où le

glaive de la justice, suspendu sur deux têtes, les frappera quand vous aurez irrévocablement prononcé.

"La destruction si rapide de deux êtres vivant, pensant, agissant, espérant encore, commande de douloureuses méditations, et vous impose une tâche qui serait trop pénible, si elle n'était impérieusement commandée par la loi, dont vous êtes les organes impassibles.

66

Appelé, parun ministererigoureux, à porter la parole dans une affaire aussi grave, je ne saurais me défendre d'une sorte d'émotion. Les êtres sur le sort desquels vous allez prononcer, sont des hommes que leur naissance, leur éducation et leurs lumieres eussent peut-être rendus recommandables dans un siecle moins prodigue de crimes. Mon embarras redouble, Messieurs, en me voyant dans la nécessité de répondre à des jurisconsultes aussi célebres qu'éloquents. Les principes et le noble courage du barreau de la ville fidele ne se sont point démentis sous l'oppression de l'interregne, et le ministere que quatre de ses membres les plus distingués remplissent d'office en ce moment, est l'hommage le plus honorable rendu au malheur, et leur acquiert de nouveaux titres à l'estime publique...

"Deux freres se glorifiant d'une horrible solidarité, placés sous l'égide de la clémence royale, osaient élever audacieusement leur tête hideuse d'un demi-siecle de crimes. Après vingt-cinq ans d'absence, assise sur le trône des rois ses aïeux, S. M. avait défendu aux lois, avait défendu aux tombeaux d'accuser les dévastateurs de la France. Les tombeaux restaient silencieux! Les parents des victimes laissaient vivre leurs bourreaux! les freres Faucher existaient à la Réole!

"Avides de nouveaux crimes ils accoururent à Paris quand l'ennemi du monde y apparut de nouveau, menaçant le France des jours de deuil de 1793. Exécuteurs de ses ordres, ministres de ses vengeances, les freres Faucher furent envoyés au nommé Clausel, si digne de tels agents. Ils furent tous deux chargés par lui de missions particulieres et d'un commandement supérieur dans les arrondissements de la Réole et de Bazas, déclarés en état de siége. César élu membre du club patriotique connu sous le nom de Chambre des Représentants, fut jugé par la bande, propre à remplacer dans ces belles contrées les proconsuls régicides dont Bordeaux n'a point encore perdu le souvenir: Constantin se fit élire maire de la Réole. Dès lors la révolte, la dévastation, le pillage, les concus

« PreviousContinue »