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la cause de ce bon gouvernement qui s'associe nécessairement à la sagesse, à l'expérience, à tout ce qui est noble dans cette vie et à une espérance heureuse pour l'avenir. Nous avons pris les armes non pour donner à la France un Roi, où une chartre; un gouvernement ou une constitution; mais pour lui donner ce qui seul rend ces choses précieuses, le sentiment du véritable honneur et les principes d'une vertu à toute épreuve. Sans ces qualités, son amitié ne peut nous être d'aucun avantage; son inimitié doit toujours être perfide et mortelle. Soit en tems de paix, soit en tems de guerre, il est de notre intérêt, et il est de l'intérêt de tout l'univers, qu'une nation aussi grande soit en même tems vertueuse, ou du moins qu'elle ne fasse pas preuve de cette lamentable dépravation qui, dans le cours en-, tier de la révolution, a paru marcher, s'accroître, et s'affermir simultanément avec elle.

On se plaint beaucoup à Paris, de la spoliation du Musée. Les Parisiens ne s'attendaient en aucune maniere à cet événement. Il leur est survenu à l'improviste et il semble avoir blessé et irrité tous les partis. Ils se plaignent de cet acte et surtout de la maniere dont il a été exécuté. Les Royalistes disent que les Alliés ont manqué de respect au Roi en remplissant de soldats les cours de son palais et en s'emparant sans cérémonie et sans sa permission, de tout ce que contenait le Musée. Nous serions certainement les derniers à justifier une insulte faite à un souverain et à un souverain Allié. Quant à Buonaparte et à ses vagabonds, le mépris et la honte étaient les meilleurs moyens de punir leurs prétentions odieuses à la dignité. Mais le Roi de France avait droit sous tous les rapports à toutes les marques de respect que les circonstances permettaient de lui rendre. La partie rebelle de ses sujets n'est que trop disposée à lui manquer d'égards, et elle ne doit pas être encouragée à le faire par VOL. LI.

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notre exemple. Nous avons néanmoins toutes les raisons de penser qu'il n'y a pas eu intention de lui manquer de respect de la part des Alliés, et particulierement du Duc de Wellington, qui, dit-on, a écrit au Lord Castlereagh, pour être mise sous les yeux du Régent, une lettre justificative de toute sa conduite. Il semble, d'après l'aperçu de cette lettre, qu'elle mentionné que Fouché et Talleyrand se sont comportés envers sa Grâce avec la plus infâme duplicité. Le Duc déclara à Fouché au moment de la négociation pour la reddition de Paris, que tous les ouvrages d'arts pris aux Alliés leur devaient être rendus. Il répéta ensuite la même déclaration à Talleyrand, qui se voyant si vivement pressé, finit par lui répondre," en ce cas prenez-les de force." Et cependant ces deux ministres ont la bassesse de prétendre que la demande de ces objets est une infraction à la convention, et de déclarer qu'ils aimeraient mieux résigner leurs places que d'y accéder. I paraît, suivant nous, d'après ces détails, que tout ce qui peut avoir paru blesser le respect envers le Roi, dans cette transaction doit être entierement attribué à la conduite insidieuse de Talleyrand.

Quant au mérite de la question principale qui est de savoir si les ouvrages d'arts appartenant aux autres états de l'Europe ne devraient pas leur être rendus, nous ne pouvons pas bien concevoir comment une âme honnête pourrait avoir le moindre doute à cet égard? Cependant il est certain qu'un très-grand nombre de personnes estimables prises parmi les royalistes Français, condamnent grandement cette mesure. Ils soutiennent que le Roi de France avait été fortement investi du droit de propriété avant la rébellion; ils ne conviennent pas que la rébellion l'ait dépossédé de ce droit, et ils regardent en conséquence la présente saisie par les Alliés, comme une spoliation exercée sur un souve

rain inoffensif et sans défense. L'erreur gît dans la majeure de la proposition. Il est de toute impossibilité suivant nous que le Roi de France ait aucun droit à ces objets, parce qu'en point de droit, ils n'ont jamais cessé d'appartenir à leurs possesseurs d'origine. Pourquoi les a-t-on enlevés à ces propriétaires? Choisissons un exemple particulier.

Sur quel motif l'Apollon du Belvédere a-t-il été enlevé du Vatican ? Parce que le Pape avait accordé un asile aux tantes du Roi de France. Ce fut la premiere plainte des régicides contre Sa Sainteté. Ce ne fut peut-être pas là leur seul motif. Ils voulaient dans le fait renverser la religion catholique et ils crurent qu'en subjuguant la papauté ils parviendraient facilement à ce but. Peut-être aussi n'eurent ils d'autre intention que celle de piller Rome. Mais certainement on ne nommera pas cela la justification d'un acte de pillage. Considérez encore la Descente de Croix de Rubens. Comment l'a-t-on obtenue? en disséminant dans la Belgique de perfides émissaires, en révolutionnant par ce moyen le pays, puis en le bouleversant et enfin en le pillant. C'est en vain que nous chercherons un droit de conquête légitime pour la translation de ces objets à Paris. Les guerres de la révolution ont été un grossier tissu d'injustices de la part des révolutionnaires depuis le commencement jusqu'à la fin, et le Roi de France est la derniere personne qui puisse raisonnablement prétendre tirer aucun titre de ce qui a eu pour but la destruction de tous ses droits. Lors du traité de Paris en 1814, le Roi à la vérité entra en possession de ces statues et de ces tableaux. Ce fut une très-fausse politique que celle qui le mit en possession de ces objets: mais ce n'était toujours qu'une simple possession de fait. Rien de ce qui n'a pas été consenti par les légitimes propriétaires eux-mêmes ne pouvait affecter le droit de propriété. Et puis d'ailleurs

le Roi a été mis hors de possession par les rebelles. Si la force et la violence lui avaient donné un droit dérivatif dans le premier cas, la force et la violence avaient donné un droit immédiat à Buonaparte lors de son retour. Lui ou quelqu'un de ses complices a été trouvé en possession. Certainement il était permis aux alliés de remonter au titre de cette propriété: nous allons plus loin, nous disons qu'ils étaient engagés par le devoir et l'honneur à le faire. Placés dans toutes ces circonstances, ils ne pouvaient pas se dispenser une seconde fois de résoudre cette question importante d'après les principes de la stricte justice. Il est bon d'observer que le raisonnement que nous venons de faire ne justifierait aucunement le parti que nous prendrions de nous approprier ces objets, et tel est le noble et honorable esprit du peuple et du Gouvernement Anglais, qu'aucun triomphe, nous en sommes sûrs, ne lui plairait à beaucoup près autant que l'orgueil de restituer ces objets à leurs véritables propriétaires. Cette façon de penser est à la vérité un coup sensible porté aux principes révolutionnaires. Si une classe d'hommes quelconque doit partager nos sentiments, c'est à coup sûr celle des royalistes français. Ils sont les plus intéressés à méconnaître et à rejetter la sanctification des rapines exercées par des révolutionnaires. Le même esprit qui a dépouillé les royalistes de leurs biens et de leurs propriétés, a enlevé avec un droit pareillement fondé, les richesses des pays voisins, et a transféré au centre commun des spoliations à Paris, leur argent, leurs statues, leurs tableaux, leurs manuscrits, tout ce qui était précieux et digne d'admiration. C'est ainsi que ces objets devinrent l'ornement et la pompe de ceux dont les crimes avaient contribué à leur accumulation. Le pillage de vingt châteaux dans la Vendée meubla un hôtel splendide pour un duc, et le pillage

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du Vatican ainsi que de la galerie de Florence décora une salle dans le musée impérial. Les voleurs privés furent néanmoins les plus modestes. Ils vous disaient rarement je tiens cette montre d'or d'un marchand que j'ai fait guillotiner à Lyon, ou d'un Vendéen que j'ai fait fusiller à Nantes,' tandis que l'Apollon du Belvédere ou la Vénus de Médicis, étaient orgueilleusement désignés par le plus petit conscrit des armées, comme des preuves irréfragables du grand génie de Napoléon et de l'incomparable supériorité de son systême, sur les raisonnements insipides et usés qui avaient pour base l'honnêteté et la justice. Certainement les amateurs de pillage sont un peu déconcertés. L'arc de triomphe reste surmonté de deux belles dames aux ailes dorées, qui devaient guider le char de M. Napoléon. Le char est là, mais il n'est pas probable que Napoléon le monte, et s'il le fait il n'y a pas de chevaux pour le traîner.

Le Roi de Prusse a passé en revue sa garde dans la matinée du 2 de ce mois à la plaine de Grenelle. Il doit bientôt se rendre à Bruxelles où il a été précédé par l'Empereur de Russie, qui néanmoins y a fait un séjour de peu de durée et s'est mis en route pour Dijon. Un ou deux autres grands personnages ont été vus aussi à Bruxelles. Parmi eux se trouve M. Merlin de Douay. Pourquoi un régicide et un rebelle a-t-il ainsi la permission de rester en liberté dans une ville comme Bruxelles? Croit-on qu'il ne puisse tramer des. trahisons qu'en France?

Du 9 Octobre.

Nous avons reçu hier les Journaux Français du 4 et du 5 de ce mois, et la malle de Hambourg jusqu'à la premiere de ces dates. Différentes conjectures circulent comme à l'ordinaire relativement

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