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Extrait des Gazettes des Hollande.

Ainsi que nous l'avons déjà dit, du moment où il a été question en France de la réunion des deux chambres, tous les partis qui existaient dans ce malheureux pays se sont reveillés et chacun a cherché à triompher. Les jacobins, les régicides, les terroristes et toutes les autres factions connues dans les fastes de la révolution, se sont réunis en un seul parti pour s'opposer aux royalistes. Leur premiere pensée a été d'influencer les choix des députés, mais heureusement ils ont échoué. Jamais à aucune époque nulle élection n'a ramené si peu d'hommes qui aient déjà siégé dans les précédentes assemblées, et l'on reconnaît avec plaisir que la grande majorité de ces députés sont royalistes décidés, et pour la plus grande partie propriétaires. Cette premiere manoeuvre ayant échoué, les révolutionnaires ont eu recours à une autre, qui, selon eux, devait avoir beaucoup de succès-celle de former la désunion entr'eux,-et rien ne leur a paru plus propre а leurs vues que de diviser les royalistes en rectilignes et en constitutionnels. Selon le sens attaché par les révolutionnaires à ces deux dénominations, la premiere comprend ceux qui sont attachés à l'ancien régime, et la seconde ceux qui sont pour la Charte de 1814, ou pour une monarchie constitutionnelle.

Quels que soient aujourd'hui les désirs des premiers, nous croyons qu'ils verront l'absolue impossibilité dé rétablir les affaires sur le pied où elles étaient avant la révolution; que refaire des parlements et des provinces serait une opération plus nuisible qu'avantageuse; que ce serait affaiblir le pouvoir de la couronne sans renforcer la liberté ou garantir les droits du sujet. Quant aux dîmes et aux droits féodaux, la propriété devrait subir un changement total avant qu'ils pussent être établis.

Nous n'entendons pas attribuer aux royalistes aucune de ces intentions, mais cependant on en fait le motif d'accusations secretes contre ceux qui ne paraissent pas parti sans du systême constitutionnel, Qu'ils soient cependant bien assurés qu'il ne manquera pas d'hommes qui, quoique de sentiments et de vues entierement opposés aux leurs, les pousseront aux projets les plus extravagants, afin de

ruiner leur cause. On dit déjà que des pamphlets circulent secretement dans les provinces.

Les chambres, selon nous, doivent se rallier de corps et d'âme autour du Roi. Les royalistes se sont plaints de voir en place des hommes qui ont joué de si grands rôles dans la révolution. Qu'ils ôtent donc, aujourd'hui qu'ils sont éloignés, tout prétexte à l'élévation d'autres hommes de même espece à l'avenir, en faisant voir au Roi qu'il peut avoir en eux une entiere confiance. Quelque nuance qui se trouve entr'eux, qu'ils ne fassent qu'un corps contre les suggestions révolutionnaires; car ce n'est que par leur discorde que les révolutionnaires peuvent devenir forts, c'est par leur désunion que les Jacobins peuvent gagner de la consistance.

Qu'ils ne se laissent pas entraîner à la fatale vanité qu'ont eue leurs prédécesseurs d'être auteurs de constitutions. Tout ce qui est nécessaire à la liberté, à un bon gouvernement, à la prospérité tant de la fortune publique que des fortunes particulieres, est dans la charte constitutionnelle donnée par Louis XVIII. Une grande amélioration vient d'y être faite par l'hérédité de la Pairie. Mais si elle offre des imperfections, comme toutes les institutions humaines, que les remedes ne soient point appliqués à la hâte en courant mais doucement et après mûr examen, par le temps et par l'expérience. Un arbre, dit un auteur Arabe, au moment où il vient d'être planté, est faible pendant un temps, il se flétrit même et produit d'abord peu de fruit. Faut-il pour cela l'abattre? Non! attendez que ses racines aient pénétré le sol: alors son tronc deviendra vigoureux, ses branches s'étendront, ses feuillles seront touffues, ses fruits abondants, et il fournira abri et nourriture à ceux qui viendront se reposer sous lui.

Puissent, pour le bonheur de l'Europe et de la France en particulier, les deux chambres de la législature française se convaincre de ces grandes vérités !

"La France est sauvée; elle a un nouveau ministere, composé entierement de vrais royalistes qui, malgré les calomnies de leurs antagonistes, défendront mieux qu'aucuns de leurs prédécesseurs, la constitution, le droit de propriété et celui des Gens. On suivra sans doute un systême de douceur et d'indulgence envers la multitude induite en erreur, mais on exercera une juste sévérité contre ceux qui l'ont égarée. Le duc de Richelieu, qui est devenu premier ministre, est connu partout pour un VOL. LI.

I

homme à grands talents. Aussitôt que la duchesse de Bassano, chez laquelle la conjuration concernant le retour de Buonaparte de l'Isle d'Elbe a été tramée, a été informée de la démission de Fouché, elle a quitté Paris immédiate

ment.

"En attendant il y a, par suite du changement du ministere, toujours beaucoup de fermentation tant à Paris que dans les départements. A Paris, une bande de royalistes exaltés, a profité des premiers moments de confusion, pour se rendre à la maison de l'ex-conventionnel Mailhe, certainement dans le dessein de le maltraiter. llsne le trouverent pas chez lui et se vengerent en cassant tout ce qu'il y avait dans la maison. Cet homme opina non seulement pour la mort de Louis XVI, mais rédigea même le rapport par lequel la condamnation fut demandée. On n'entend pas parler d'autres déréglements, ils auront certainement été prévenus pour le moment.

"Lorsque Talleyrand offrit sa démission au Roi, il dit entr'autres à S. M. que l'administration dont il était le chef ne pouvait être utile au service public, vu la haine qu'on avait suscitée contre elle, et parce qu'elle ne possédait ni les moyens ni l'autorité que lui attribuait le pacte constitutionnel. Il observa aussi, que S. M. rendait publiques des ordonnances desquelles les ministres, dont le devoir était de les proposer et de les discuter, n'avaient aucune connaissance; enfin, qu'une autre administration plairait davantage aux princes et qu'il était nécesasire que les ministres leur fussent agréables.

OUVERTURE DU CORPS LÉGISLATIF.

Paris, le 7 Octobre

Aujourd'hui le 7 Octobre, le Roi a fait l'ouverture des chambres dans la salle des séances de la chambre des députés. S. M. est partie à midi et demi du château des Tuileries. Le cortége marchait dans l'ordre suivant:

Un détachement de la gendarmerie royale en avant pour faire la police du chemin ;

L'état-major de la premiere division militaire;
L'état-major de la garde nationale;

Un détachement de la garde nationale à cheval;
Un détachement de la garde nationale à pied ;
Les carosses des Princes pour leurs principaux offi-

ciers :

Les carosses du Roi pour les personnes que S. M. avait désignées pour être de son cortége;

Un détachement des grenadiers à cheval de la garde du Roi, le capitaine et les officiers en tête ;

Un détachement de la seconde compagnie des mousquetaires, les officiers en tête ;

Un détachement de la premiere compagnie des mousquetaires, les officiers en tête ;

Un détachement de chevaux légers de la garde, les officiers en tête;

Un carosse pour les capitaines des gardes-du-corps, non en quartier;

Un carosse pour le grand chambellan, le premier gentilhomme de la chambre et le maître de la garde-robe; Quatre chevaux légers;

Le carosse du Roi dans, lequel étaient MONSIEUR, Mgr. le duc d'Angoulême et Mgr. le duc de Berri ;

Le capitaine des gard es-du-corps en quartier, à cheval, à la portiere de droite

;

Les capitaines des gendarmes, chevaux légers et mousquetaires, aux petites roues ;

Derriere le carosse du Roi, un détachement des gardesdu-corps;

Un détachement des gendarmes de la garde du Roi, fermant la marche ;

Un détachement de la garde nationale à pied ;

Le cortége a suivi les quais jusqu'à la grande façade de la chambre des députés. La garde nationale formait la haie sur le passage.

Des salves d'artillerie ont annoncé à une heure l'arrivée de S. M.

Une députation de douze de MM. les Pairs, et une autre de vinq-cinq de MM. les députés, conduits par le marquis de Dreux-Brézé, grand-maître, le marquis de Rochemore, maître, M. de Saint-Félix, premier aide, et M. de Watronville, deuxieme aide des cérémonies de France, ont été recevoir S. M. au bas de l'escalier du grand portique. Le Roi a trouvé au haut des dégrés Mgr. le duc d'Orléans, et Mgr. le prince de Condé, qui y attendaient

S.M.

Le Roi, après s'être reposé quelques instants dans son appartement, s'est rendu dans la salle des séances.

A l'entrée de S. M. l'assemblée s'est levée toute entiere aux cris de Vive le Roi!

S. M. s'est placée sur son trône, ayant à sa droite MONSIEUR; à sa gauche Mgr. le duc d'Angoulême ; à droite de MONSIEUR; Mgr. le duc de Berri; à gauche de Mgr. le duc d'Angoulême, Mgr. le duc d'Orléans; à la droite de Mgr. le duc de Berri, Mgr. le prince de Condé.

M. le chancelier était en avant de son siége à bras sans dossier, et M. le prince de Talleyrand, grand chambellan de France, ayant derriere lui son carreau au pied du trône. Les grands et principaux officiers étaient à leurs places accoutumées, derriere et autour du trône du Roi.

MM. les ministres secrétaires-d'état et ministres-d'état, quatre de MM. les maréchaux de France, quatre chevaliers des Ordres du Roi, des grand'croix et commandeurs de l'Ordre de Saint-Louis, des grands-cordons et grands-officiers de la Légion-d'honneur, six conseillers-d'état, et six maîtres des requêtes étaient près de leurs banquettes, audessous de chaque côté du trône.

MM. les pairs occupaient des banquettes circulaires vis-à-vis le trône, et MM. les députés des banquettes circulaires derriere MM. les pairs.

L'assemblée était debout et découverte; le Roi a ordonné aux pairs de s'asseoir, et M. le chancelier a donné, au nom de S. M. aux députés la permission de s'asseoir; et tout le monde a pris séance.

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