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en maudissant le brigand, c'est en invoquant le héros, que toutes ont croisé leur fer meurtrier. Ce fer a décidé qu'en effet le héros était un brigand; mais pour que tous les cœurs nommassent leur père le monarque fugitif, ils n'avaient point attendu les solutions de la victoire. Dès lors, il s'est éclipsé, ce météore qui avait réveillé toutes les ambitions. Comme un soleil, encore voilé de quelques nuages, le prince a reparu, sous la double escorte de la puissance tutélaire et du malheur révéré. Heureuse la nation, quand elle pourra le contempler autrement qu'à travers les bayonnettes de l'étranger!

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La révolution de France est l'événement le plus remarquable de son histoire, et les faits dont je viens d'esquisser quelques linéamens composent l'épisode le plus singulier de la révolution. La durée de cet épisode, qui, dans son cours progressif, agita l'Europe en tous sens, et laissera aux politiques futurs d'éternels sujets de méditation, a été d'un peu plus de quatre mois, en fixant son époque à son principe connu et en y renfermant son double résultat. Pendant cette période, toutes les passions ayant déplacé toutes les idées, il a dû suivre de ces combinaisons insolites, des actes inouis. Les notions d'une morale usuelle ont fait place à des paradoxes politiques, dont l'application a paru d'a

bord renouveler la révolution, tandis qu'ils n'en étaient, et n'en pouvaient être qu'une superfétation éphémère. Un coup d'œil rapide, jeté sur cette révolution, déjà tant analysée et pourtant mal connue, outre qu'il prouvera clairement cette vérité, fera en quelque sorte refléter sur l'histoire qui va nous occuper, la lumière de quelques aperçus nouveaux recueillis par

cette occasion.

On établit d'avance que la révolution française, ayant eu, dans ses différentes crises, pour objets constans et avoués, le renversement de la royauté arbitraire et absolue et l'érection d'une constitution écrite et d'un gouvernement représentatif, cette révolution, commencée en 1789 par les attaques du parti libéral et continuée par les résistances du parti contraire, a été complétée par l'organisation de la constitution de 1791. De cette époque à celle de la concentration du système républicain, la France, alternativement secouée en deux sens opposés par deux factions réciproquement ennemies, a parcouru tous les degrés de l'ultrà-révolution, et dans ses chocs rétrogrades, elle a subi la plupart des accès citrà-révolutionaires (qu'on me permette ces néologismes). La création d'un système impérial, coordonnant à un plan unique toutes les tentatives divergentes, a, pour ainsi

dire, neutralisé toutes les prétentions, ou da moins enchaîné l'égoïsme de leurs efforts. Peu à peu ces efforts, primitivement personnels et contraires, ont obéi à l'impulsion centrale qui les régularisait; et découvrant enfin leur objet particulier dans un but général, ils ont marché d'un mouvement simultané vers un terme commun. C'est alors que cet égoïsme des factions qui, pourtant jamais n'avait été plus actif, a pris l'honorable caractère du patriotisme, et par appétit personnel, a concouru à la prospérité générale. La révolution, suspendue dans ses convulsions, muette dans ses menaces, a pour la seconde fois, paru dénouée; et le chef nouveau, qué lui avait donné la gloire, déclara qu'elle avait atteint son terme, puisqu'elle venait de remplir son objet. En effet, l'indépendance nationale, proclamée par la victoire, était reconnue par la politique; les libertés publiques, voulues par le consentement universel, semblaient garanties par une sage distribution des pouvoirs; et l'action souveraine, une et pure dans son dépôt, forte et neuve dans son développement, offrait pour la première fois en France, l'image imposante d'un mécanisme simple et savant, où la puissante impulsion d'un mobile unique et toujours actif imprimait à une vaste hiérarchie de ressorts subordonnés,

la diversité des mouvemens, la variété des opérations et la convergence des résultats.

La France, grande sans envahissement et glorieuse sans vanité, se reposait dans sa modé ration; l'Europe attentive, se préparait à l'imiter. Mais tandis que le système politique de l'empire tendait à sa conservation par ses tempéramens, ses entreprises militaires apprêtaient sa destruction par leurs excès. Son chef, fils aventureux de la fortune et de la guerre, avait transporté dans le lent et paisible exercice de l'autorité, les formes quelquefois brusques et toujours rapides de l'administration des camps. Par un abus de cette influence, que lui avait acquise sur les esprits une renommée justifiée par des services et des exploits, il avait entraîné toutes les opinions vers la gloire et tous les bras à la guerre. La guerre, qui ne doit jamais être l'honorable et prompt moyen de la paix, semblait être l'objet du gouvernement, puisque les conquêtes, loin de servir de gages aux négociations, devenaient les prix de la victoire. Il ne faut pas taire cependant que derrière cet appareil hostile qui faisait trembler l'Eule nouvel empire recélait une pensée, que son chef croyait profonde et politique, mais qui n'était que creuse et gigantesque. Il s'agissait de promener dans toute l'Europe le char foudroyant

rope,

que

de ses victoires, d'y garotter, par des nœuds d'airain, tous les rois consternés; et transformant en auxiliaires leurs armées défaites, d'arracher au léopard britannique le trident des mers, qui, dans les mains du Mars français, fût devenu le sceptre du monde. J'ai décoré d'images poétiques un projet romanesque, que le succès même n'aurait pu justifier, et qui d'ail-' leurs eût reçu de la force des choses un prompt démenti. Il serait aisé de prouver si c'en était le lieu, que la nature prescrivit à l'Angleterre de gouverner les mers par le commerce et l'industrie, comme elle a voulu que la France régnât sur l'Europe par l'agriculture, la législation et les arts. Sous un autre rapport, la politique, partageant entre ces rivales, le mobile empire de l'opinion, elle a décidé que l'Europe obéirait alternativement à l'une ou à l'autre, et armerait pour ou contre elles les têtés pensantes et les frivoles esprits qui se les divisent. La France impériale dédaigna ces notions d'une politique élémentaire, qu'elle nommait surannée. Au lieu de conquérir l'opinion européenne par une régénération intérieure, elle prétendit la courber sous sa prépondérance militaire; tomme si la logique du canon modifiait la ensée, comme si c'était par les bayonnettes qu'on gouvernât les esprits! A la première révé

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