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vices qu'ils avaient rendus : tous, en consultant le préjugé de leur intérêt, adhérèrent par la volonté et se préparèrent à concourir à la révolution qu'on méditait.

Aux anecdotes, dont je viens de donner le résumé, l'on ajoute que cette révolution, indiquée pour le milieu de février, fut ajournée au commencement de mars par des ordres supérieurs. Les conciliabules, dont on a assigné le siège à Nanterre, à Neuilly, à Saint-Leu, au faubourg Saint-Marceau, reçurent de l'île d'Elbe, par l'intermédiaire de Grenoble, la défense formelle de rien entreprendre. A cette époque',' quoique les correspondances entre l'Elbe et la France, entre l'Elbe, l'Italie et l'Allemagne fussent en pleine activité, cependant comme il restait à vaincre des obstacles, que plusieurs tentatives avaient attaqués, et qu'on espérait éluder, si l'on ne pouvait s'en défaire, Napoléon jugea convenable de reculer l'exécution de son vaste projet. C'est ce qui a pu faire croire que, selon le vœu des soldats, métamorphosé en pro phétie, elle devait coïncider avec l'équinoxe du printeins. C'est aussi ce qui explique ce retour mystique de la violette, à laquelle on a attaché une importance ridicule, et qui n'est devenue le signal d'un parti, que quand ce parti triomphant n'a plus eu besoin de signal.

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CHAPITRE IV.,

QUEL que soit le sentiment moral ou l'opinion politique que l'imagination, les convenances, la réflexion ou l'intérêt se soient faits de Napoléon, tout le monde s'accorde à trouver dans lui un homme extraordinaire. Dans l'obscurité d'une vie privée, il l'eût été par la singularité de son caractère; sur le théâtre, où il joua si long-tems le premier rôle, il se l'est doublement montré. par le concours d'un caractère original et de circonstances uniques. Comme un génie, créa-t-il des circonstances, ou ne fit-il qu'en profiter, comme un homme de talent? c'est la première question que j'examinerais, si j'écrivais la vie de ce grand personnage. Également éloigné de l'adulation, quand il fut tout, et du dénigrement, depuis qu'il ne peut rien; comme je n'ai point été assez vil pour le nommer un dieu, parce que des rois se prosternaient devant són autel, je ne serais point assez, lâche pour l'appeler un monstre, parce que des débris de cet autel, que leur bassesse éleya, des esclaves assaillent, insultent, accablent l'idole abattu. Napoléon ne fut jamais une idole pour les consciences libres,

pas

pour les ames sensibles, pour les esprits qui se plaisent à observer et à réfléchir. A ces derniers, il présente un phénomène moral qui, dans toutes ses phases, et même dans ses éclipses, exerce sur la sphère politique la plus bizarre influence. Comparable à ces météores qui, dans leur sage imposant et terrible, épanchent ici des torrens de vie, et là prodiguent la mort, cet homme dut soulever, dans tous les cœurs, les émotions les plus opposées. Tel le préconisa comme le sauveur du monde, tel dut l'exécrer comme son fléau. De là, tant d'opinions passionnées, tant de jugemens contradictoires. Et quoiqu'entré vivant dans la postérité, dès que cette postérité est contemporaine, il est à présumer qu'avant de devenir l'instructif objet de l'histoire, il en sera long-tems encore la proie. Toutefois elle remarquera que les périodes les plus brillantes de sa carrière furent celles qui excitèrent le moins d'intérêt. L'effroi chez les uns, l'admiration dans les autres, l'étonnement pour tous, excluaient ce sentiment, qu'accompagne toujours une sorte de tendresse. Napoléon, au faîte de la puissance, avait éveillé toutes les curiosités; dans le gouffre des revers, il anima tous les intérêts. Ainsi que le héros d'une tragédie terrible et pathétique, il attira tous les regards et réunit comme centre les affections qu'il remuait comme mobile. Vain➡

queur et couronné, il avait tenu la terre en silence: la terre parla, quand elle vit sa chute; elle s'en occupa davantage, lorsqu'il disparut; et jamais il ne fut plus remarqué, que depuis qu'il était absent.

Dans sa solitude de l'île d'Elbe, il n'ignorait pas cette disposition des esprits, et calcula le parti qu'il en pourrait tirer, Quelquefois renfermé dans son cabinet, plus souvent égaré sur les grêves de la mer, il recueillait sa pensée dans un secret impénétrable, ou abandonnait ses rêveries aux flots tumultueux. Des correspondances fidèles, des agens habiles et discrets le tenaient informé de ce qui se passait en France, de ce qui pouvait se passer en Europe. Peut-être, quand il arriva dans sa nouvelle souveraineté, avait-il eu le dessein d'y terminer sa carrière politique; peut-être, qu'étonnée du coup qui l'avait précipité du premier trône de la civilisation sur un rocher brut et parmi des peuplades presque sau vages, son imagination avait-elle reçu de la nécessité un frein salutaire; peut-être enfin le prince de l'Elbe s'était-il condamné à ne voir dans l'ancien empereur de France qu'un personnage historique. L'entraînement des circonstances explique celui de sa résignation. Mais, pour être comprimé et immobile, était-il brisé le ressort de ce caractère indomptable; était-elle éteinte,

quoiqu'amortie, cette imagination fougueuse qui créait les projets gigantesques et empruntait, même aux obstacles, les moyens de leur exécution? Ceux de son nouveau dessein lui furent suggérés par les circonstances. Le dessein lui-même était-il sorti tout formé de son cerveau? C'est ce qu'un récit contemporain discuterait vainement; la postérité seule pourra pro

noncer.

En jetant les yeux sur l'Europe et sur la France, qu'y vit Napoléon? En France, un monarque considéré, mais sans pouvoir; des ministres sans ressources, parce qu'ils étaient sans talens; la pairie sans consistance et sans influence; les représentans sans grandeur et sans union. Faudraitil beaucoup d'efforts pour écarter, pour dissiper ces faibles obstacles? L'opinion d'ailleurs, qui devançait son entreprise par des désirs, ne la seconderait-elle point par des élans? L'opinion, en révérant le roi, repoussait son ministère, qu'elle marquait d'une responsabilité flétrissante. Elle animait la multitude, qui redoute moins la douleur que l'humiliation, et à qui les fantômes du régime qu'elle a détruit promettaient l'humiliation et la douleur. L'opinion s'étayait encore sur les baïonnettes. Peut-être, sans d'autres motifs que ses craintes, le soldat se disait méconnu; il prenait ses regrets pour des titres, et croyait

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