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le fecond Colla, le troifiéme Tocay, & le qua triéme Pinahua; ils ajoûtent qu'il fit présent › de la partie feptentrionale à Manco-Capac; de celle du midi à Colla, dont elle a porté le nom; à Tocay, de celle du levant, & qu'il donna la derniere à Pinahua. Il les envoya dans leurs terres avec ordre de les conquerir & de les gouverner. L'extravagance de ce propos eft facile à démontrer; car ou le Déluge n'avoit pas noyé les hommes, ou bien il falloit qu'ils fuffent reffufcités pour être conquis & gouvernés par ces quatre Rois. Ils veulent donc que ce partage du monde ait précédé le Royaume des Incas, & que Manco-Capac étant venu au Nord, foit arrivé dans la vallée de Cozco, où il fonda cette ville, foumit & civilifa les peuples voifins. Ils font defcendre les Rois Incas de ce Manco-Capaç, mais ils ne nomment pas les defcendans des autres Rois, ils racontent des fables auffi groffieres que celles des anciens payens, mais cependant dans les unes & dans les autres, on entrevoit toujours le Déluge de Noé.

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Les Indiens qui vivent au Levant & au Nord de la ville de Cozco, donnent une autre origine aux Incas, mais elle differe très-peu de la premiere. Ils difent qu'au commencement du monde, il fortit de trois fe

nêtres de Rochers, qui font à Paucartampon, quatre hommes & quatre femmes freres & fœurs, & qu'ils ne fortirent que par celle du milieu; auffi depuis ce tems, on la nomme la fenêtre royale, & on la couvrit de grande plaques d'or, enrichies de pierres précieufes, pendant que l'on fe contenta de garnir les deux autres fimplement de plaques d'or. Le premier de ces freres, eft nommés Manco-Capa,& fa femme Mama-Oellia Ils croyent que c'eft lui qui a fondé la ville de Cozco, (dont le nom dans la langue des Incas, veut dire nombril) que ce Prince fubjugua & civilifa ces peuples, & que les Incas font defcendus de lui. Le fecond frere, ils le nommerent Ayarcachi; le troifiéme, Ayaruchu, & le quatrième, Ayarrauca ; ce mot Ayar, n'a point de fignification dans la langue du Perou, quoi qu'il en doive avoir une dans la langue particuliere des Incas Cachi, fignifie le fel, Vichu, eft une espéce de poivre, Sauca, veut dire réjoüiffance ; & comme en racontant mille extravagances de ces trois Freres & de leurs Sœurs, ils font obligés d'avoir recours aux allegories, ils difent que par le fel, ils entendent les bons préceptes que leur donna l'Inca; que le poivre fait allufion au goût qu'ils y prirent,& que la réjouiffance, fignifie le bonheur dont ils

ont joui depuis ce temps. Ils rapportent ces chofes avec tant de confufion qu'on ne les entend que par conjecture. Ce que l'on voit de clair, c'eft que toutes les trois opinions attribuent Borigine des Incas à Manco-Capa, ce qui nous fuffit pour établir notre origine; car aucun autre homme, ne dis pas de notre race, mais encore de toute autre nation, n'a été connu fous ce

nom.

Quelques-uns fe font imaginés au fujet de ces fables, que les Indiens avoient entendu parler de Noé, de fes trois Fils & de leurs Femmes, & que la fenêtre de Paucartampou vouloit dire celle de l'Arche, que cet homme puiffant qui donna le monde à quatre hommes, c'étoit Dieu qui commanda a Noé & à fes trois Fils de peupler la terre.

Je paffe fous filence plufieurs autres fables, ne voulant parler que de celles qui peuvent avoir quelque rapport à l'hiftoire. Les autres peuples du Perou, à l'imitation de cette origine des Incas, ont inventé des fictions fur la leur, car il n'y a point d'Indien un peu confiderable, qui ne fe dife defcendu de la premiere chofe qui lui paffe par la tête, comme d'un Lac, de la Mer, d'un Lion, d'un Tigre, d'un Aigle, d'un Contour, (a) &

(a) Efpece d'Qifeau d'une grandeur étonnan

fur tout des Animaux de proye. D'autre veus

te, c'eft le Rouk des Orientaux, dont il eft parlé dans les Contes Arabes, & dans M. Pol.

Les Espagnols nomment le Cuntur, par corruption Condor; l'envergure de cet Oifeau eft de 15. à 16, pieds, il n'a point de ferres, fes pieds font terminés en griffes comme ceux des Poules, fon bec eft affez fort pour déchirer la peau & pour fendre le ventre à un Bœuf; il a une créte fur le devant de la tête, mais qui n'eft pas découpée comme celle du Coq, elle eft affez égale par tout, & reffemble à un rafoir; lorfque cet Oifeau met le pied à terre & s'abat après fon vol, il fait un fi grand bruit avec fes aîles, qu'il pourroit étourdir un homme & le rendre fourd il eft fouvent arrivé qu'un feul de ces Oiseaux a mangé des enfans de 10.à 12. ans.

Le Capitaine J. Strong, rencontra cet Oifeau fur la Côte de Chili, environ à 33. dégrés de latitude meridionale, proche de Mocha, Ifle de la Mer du Sud; ce Cuntur étoit affis fur un Rocher du côté de la Mer, fon envergure étoit de 16. pieds, on le tira, & les Efpagnols habitans de ces pays-là, dirent qu'ils avoient grand peur de ces Oifeaux, qu'ils craignoient qu'ils n'enlevaffent leurs enfans. Le Capitaine rapporta une plume de cet Oifeau, qu'il donna à Mr. Sloane, elle eft longue de deux pieds & quatre pouces, le tuyau en eft long de cinq pouces & trois quarts & large d'un pouce & demi à l'endroit le plus gros, elle pefe trois dragmes, dix-sept grains & demi,fa couleur eft d'un brun obfcur.Sloane Trans. Philos. N. 208.

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lent tirer leur origine des Montagnes, des précipices & des Cavernes, &c.

Toute la conduite de Manco-Capac étant le fondement de cette histoire, (car fes Succeffeurs l'ont imité avec la plus grande exactitude) je rapporterai jufques aux chofes qui paroiffent fabuleuses, parce que les Indiens les ont liées avec leur hiftoire, & qu'elles ont fervi à faire trouver à l'Espagne les magnificences quelle poffede aujourd'hui. Ce. Prince ayant fondé la ville de Cozco, envoya former par ceux qu'il avoit attiré du côté du Levant treize habitations dans l'étenduë de pays que renferme la Riviere de Paucartampou; on les voit encore aujourd'hui fur le chemin Royal Dantifuyu; le nom de ces habitations eft inutile à rappor ter, les habitans étoient presque tous de la nation des Poquets. Du côté du couchant, à neuf ou dix lieuës à la ronde, il envoya peupler trente autres Bourgs, qui font aux deux côtés de ce même chemin, par trois nations differentes, nommées Mafca, Chillqui & Papri. Au Nord de la ville, il fit jetter les fondemens de vingt autres, par les quatre nations de Mayu, Cancu, Chinchapucuyu & de Rimactampu. Ces Bourgs font prefque tous dans la vallée de Sacfahuanach où Genfalve Pizarra donna bataille, & fut

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