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dice à fa Couronne & à fes Succeffeurs; » & qu'ayant donné fon confentement il ne pouvoit le laiffer fubfifter qu'à deux » conditions: la premiere, qu'Atahuallpa »ne feroit point de conquêtes, ou qu'il »ne pourroit les conferver, parce qu'elles " appartenoient à l'Empire; & la feconde, qu'il le reconnoîtroit pour Seigneur, & » s'avoueroit fon feudataire. «

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Atahuallpa reçut cette ambaffade avec toutes les foumiffions & les déférences que fon caractère faux & déguifé purent lui fuggérer. Mais après avoir médité pendant trois jours la réponse qu'il avoit à faire, il dit à l'Ambaffadeur de fon frere, avec autant de douceur que » de diffimulation: >> Qu'il avoit » toujours reconnu, & qu'il reconnoiffoit » en fon ame Capac Tnca pour fon unique Seigneur; que jamais il ne penferoit à » rien ajouter au Royaume de Quitu; que » même il étoit prêt de le rendre à fon frere, » pour peu qu'il le défirât; que, pour ne lui » donner aucun ombrage, il iroit vivre en » homme privé dans fa Cour comme les » autres Princes de fon Sang, & que dans > toutes les occafions il le ferviroit comme » fon Prince & fon légitime Seigneur. « L'Ambaffadeur manda cette réponse à Huaf car par un Courier qu'il lui dépêcha,' fui

vant l'ordre qu'il en avoit reçû, afin de
couper chemin aux délais que les allées &
venues auroient apportés, & demeura dans
la Cour d'Atahuallpa. Huafcar fut charmé
d'apprendre l'intention & la réponse de fon
frere; & comme il fouhaitoit d'être avec
lui en bonne intelligence, il lui fit fçavoir
qu'il étoit charmé de lui voir pofféder le
Royaume que fon Pere lui avoit laiffé, &
qu'il lui en confirmoit le don, pourvû qu'il
vint dans un tems limité lui rendre hom-
mage à Cozco, & lui prêter ferment de fi-
délité. Atahuallpa répondit, qu'il étoit
l'homme du monde le plus heureux d'être
inftruit de fa volonté afin de l'exécuter
ponctuellement; mais que, pour rendre la
chofe plus folemnelle, il le prioit de trou-
ver bon que les Etats de fa Province l'ac-
compagnaffent en corps pour affifter à la
pompe funebre du Roi fon Pere, felon l'an-
cienne coutume du Royaume de Quitu &
de toutes les autres Provinces, & qu'après
la cérémonie il lui prêteroit avec fes Vaf-
faux, le ferment auquel ils étoient obligés.
Huafcar y confentit, & l'affura qu'il pou-
voit ordonner tout ce qu'il jugeroit nécef-
faire pour les funérailles de fon Pere. Cette
réfolution fatisfit les deux freres, mais d'une
façon différente.

Atahualpa fit publier dans tous fès Etats que tous les hommes de guerre fe tinffent prêts à marcher, pour fe trouver aux funérailles du Roi fon Pere, fuivant l'ancienne coutume de chaque Nation, & pour rendre l'hommage, & prêter le ferment de fidélité au grand Monarque Huafcar-Ynca. Afin de rendre la pompe plus folemnelle, il voulut que tout le monde portât ce qu'il avoit de plus magnifique. Pendant qu'il donnoit ces ordres publics, il dit à fes Généraux de choifir dans leurs Gouvernemens les meilleurs Soldats, & de les armer fans rien dire, parce qu'il en avoit plus befoin pour un combat, que pour une pompe funébre. Il les fit marcher par troupes de cinq à fix cens, & les déguifa de façon qu'ils avoient plutôt l'air de bourgeois que d'hommes de guerre; chaque troupe étoit éloignée de trois lieues de celle qui la précédoit. Les Généraux avoient ordre de faire alte avec les premieres Troupes à dix ou douze journées de Cozco, afin que ceux qui les fuivoient, les puffent joindre, & les derniéres compagnies devoient à certains. endroits doubler leurs journées pour joindre les premieres. De cette façon Atahuallpa mit en campagne, fans que l'on en eût le moindre foupçon, plus de trente mille

hommes aguerris, tous vieux Soldats que fon Pere lui avoit laiffés, fous la conduite des meilleurs Généraux, qui ne l'abandonnoient jamais. Il répandit qu'il devoit fuivre avec les deux Généraux Challeuchima & • Quiez quiez.

Huafcar-Tnca ayant une confiance entiére dans les paroles de fon frere, n'étoit nullement fur fes gardes ; d'ailleurs, les Incas fes prédéceffeurs avoient tant de fois mis à Pépreuve la fidélité de leurs Sujets, & il étoit fi peu probable qu'un frere fût le premier exemple d'une revolte, depuis l'établiffement de la Monarchie, que la fecurité dont Huafcar-Inca jouiffoit, ne devoit point être troublée; les Sujets d'Atahuallpa lui paroilloient mériter fa confiance autant que les fiens propres ; propres; auffi voulut-il qu'on leur fournit tout ce qui leur étoit néceffaire, & qu'on les accueillit par tout. Atahuallpa ne fe conduifit avec fineffe que parce qu'il n'étoit pas affez puiffant pour déclarer une guerre ouverte à fon frere. Auffi comptoit il plus fur fa tromperie que fur fes forces: car il rendoit inutiles celles de fon frere, en le prenant au dépourvû.

Quand les Troupes d'Atahuallpa furent environ à cent lieues de Cozco, les vieux Incas, Gouverneurs des Provinces par où

elles paffoient, & qui n'étoient pas faciles à tromper, s'étonnérent de voir filer une fi grande quantité d'hommes, & n'en eurent pas bonne opinion. Ils jugeoient, avec raifon, que cinq à fix mille hommes, ou dix tour au plus, fuffifoient pour les funérailles du grand Huayna-Capac; & que le ferment n'éxigeoit que la préfence des Curacas & celle des Gouverneurs, & des Généraux qui accompagnoient Atahuallpa, dont l'ambition & le courage aguerri ne devoient faire efpérer ni paix, ni bon procédé. Ils firent part de leurs foupçons à leur Roi Huascar', en l'affutant qu'il n'y avoit rien de bon à attendre d'un fi grand nombre d'hommes. Ces nouvelles émûrent Huafcar, & le tirérent de l'affoupiffèment où l'avoit plongé fa trop grande confiance. Il envoya des Courriers en diligence aux Gouverneurs des Provinces d'Antifuyu, de Collafuyu, & de Cuntifuyn, avec ordre de fe rendre fur le champ à Cozco & d'amener tous les Soldats qu'ils pourroient raffembler.. Il n'envoya perfonne à Chinchafuyu, quoique ce pays fut le plus grand & le plus pouplé, pers fuadé les habitans feroient affez occuque Fés à refifter aux ennemis, fur la route defquels ils étoient.

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Cependant l'indolence & l'inaction de

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