gées, que j'ai moi-même beaucoup de peine à comprendre les chofes dont ils parlent, & qui font les plus connues. Forcé par l'amour de ma patrie, je me fuis donc donne la peine d'écrire ces Commentaires, où l'on verra clairement le culte de la fauffe Religion de ces peuples, & le gouvernement de leurs Rois tant dans la paix que dans la guerre avant l'arrivée des Espagnols. Enfin j'y rapporte tout ce qui peut intéreffer, depuis les moindres exercices des Indiens du Pérou jufqu'aux occupations de leurs Rois. Je ne parle ici que de l'Empire des Incas, les autres Monarchies voifines m'ètant inconnues. Je puis affurer que cette Hiftoire eft écrite avec vérité, & que toutes les chofes qui paroîtront merveilleufes, font autorisées par les Hiftoriens Espagnols qui en ont écrit ou la totalité, ou feulement quelques détails. Mon intention n'eft pas de les contredire, mais de

teur fervir de commentaire, & d'expliquer plufieurs mots Indiens qu'ils n'ont pas bien rendus, parce qu'étant étrangers, ils ne pouvoient les entendre; c'est ce que l'on découvrira fans peine dans le cours de cette Hiftoire que j'offre à la piété. du Lecteur, n'ayant eu d'autre in-. tention en la compofant que de la rendre utile au monde Chrétien, pour l'engager à rendre graces à notre Seigneur Jefus, & à la Vierge. Marie, de ce que par leur interceffion, Dieu a bien voulu tirer de l'Idolatrie un fi grand nombre de Nations pour les unir au fein de fon Eglife Catholique Romaine, notre fouveraine & fainte Mère. J'efpère · que l'on recevra cette Hiftoire avec la même intention qui me la fait offrir; c'eft tout ce que l'on peut accorder à ma bonne volonté. Je fens d'ailleurs le peu, de mérite de Ouvrage; en attendant que je vous préfente deux autres Livres, dans

lefquels je rapporterai ce qui eft ar rivé aux Espagnols, depuis qu'ils font entrés dans mon pays jusqu'à l'année 1560. que j'en fuis forti.

PREFACE

DU TRADUCTEUR.

GA

ARCILLASSO de la VEGA, Auteur de cette Hiftoire, étoit né dans le Pérou, & iffu de la famille même des Incas. Il fut élevé dans une Ecole militaire établie pour l'inftruction des jeunes Indiens, & il fervit dans les Troupes Efpagnolles dès fa tendre jeuneffe. Etant venu en Europe, il y trouva les relations hiftoriques qui avoient été faites de fon pays. Plus capable que tout autre de juger de leur valeur, il en raffembla les faits avérés, & y joignant ce qu'il fçavoit par lui-même il en compofa cet Ouvrage, dont il fit imprimer le premier Volume à Lisbonne en 1609. & le fecond à Cordoue en 1617. mais ni fes connoiffances, ni fon expérien

ce ne purent le mettre en état de faire un Livre méthodique dans un tems où les meilleurs Auteurs ne compofoient pas avec l'éxactitude que l'on trouve aujourd'hui dans les Ouvrages les plus médiocres.

Il feroit donc injufte d'exiger de Garcilaffo, autre chofe que de la fimplicité & de la verité. Il paroît avoir rempli ces premiers devoirs d'un Historien; mais n'ayant pû apprendre l'Hiftoire de fes Ancêtres autrement que par la tradition, puifqu'ils n'avoient pas l'ufage de l'écri ture, il n'a pu faire qu'un ouvrage fort confus; il a tellement entaffé les faits, qu'à peine eft-il poffible de les fuivre. Guerre, Politique, Religion, Sciences, Arts, Hiftoire naturelle, tout eft confondu. Cependant le Public reçut cet Hiftoire très favorablement. Elle avoit le double mérite d'être unique en fon genre,& fort intèreffante par le fond des choses.