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RÉPONSE

La garantie de l'État serait en effet le moyen le plus efficace d'inspirer une grande confiance, car elle serait le complément des sécurités qu'offriraient à la caisse d'épargne le mont-de-piété auquel elle serait jointe, et la ville qui doit soutenir et protéger les institutions communales.

En France cette garantie est assurée aux déposants, tant pour le capital que pour le service des intérêts, sur le pied de 4 p. c. L'État est même chargé de la gestion des fonds, sans distinction des personnes, des associations ou des corps qui ont fondé et qui dirigent les caisses, car il n'en a créé aucune.

Pourquoi donc en Belgique la législation refuserait-elle cette garantie à des institutions communales, qui seraient sous sa tutelle? N'a-t-elle pas, sans y être obligée, mais par la force même des choses, consacré plusieurs millions à rembourser les dépôts faits aux caisses d'épargne de la banque de Belgique. lorsque ébranlée par la crise industrielle de 1838, cette banque a dù fermer ses caisses à défaut de pouvoir satisfaire aux nombreuses demandes des déposants?

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C'est ce que rappelait l'auteur de l'article de la Revue nationale, que j'ai déjà cité : « Plus l'intervention serait onéreuse, disait-il, et plus les motifs de venir au secours de tant de petites fortunes menacées, serait impérieux. Sans qu'il existe «< aucune obligation réelle ni écrite de la part de l'État, en fait, il y a donc solidarité entre lui et les caisses d'épargne «< actuelles. Ainsi les avantages de la gestion de ces caisses appartiennent aux sociétés qui les ont instituées; l'État n'y participe pas, mais leurs dangers, leurs fautes, leurs mal<< heurs retombent sur lui, et ces fautes, ces revers, dont il <«< doit subir le poids, ce n'est pas lui qui est chargé de les << prévenir.

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« Si l'État dirigeait lui-même une caisse d'épargne nationale, «< il subirait les revers de l'institution; mais au moins il pour«rait chercher lui-même à les prévoir; et supportant les charges «< il en recueillerait aussi les avantages. ››

Il serait sans doute désirable que les caisses d'épargne qui renferment tant de millions, amassés péniblement et découlés goutte à goutte de la sueur du peuple, ne fussent pas exploitées au profit d'intérêts particuliers, et que l'État les prît à sa charge et les dirigeât pour la plus grande utilité de ceux qui leur confient leurs économies. Le gouvernement trouverait, dès lors, dans les avantages qu'elles procureraient, une compensation des pertes qu'il aurait à supporter dans les moments de crise, que peut-être même sa prévoyance pourrait détourner ou du moins tempérer.

Les monts-de-piété pourraient également être placés sous l'action immédiate du gouvernement, qui les dirigerait dans l'unique intérêt des emprunteurs, et qui répartirait les bénéfices de quelques-uns de ces établissements, de manière à couvrir les frais d'administration de tous et à établir un taux d'intérêt modéré et uniforme.

Mais, en attendant que les opinions avancées qui réclament l'intervention intelligente, forte et désintéressée de l'État dans tout ce qui concerne les graves intérêts du peuple, soient assez partagées pour pouvoir espérer de se faire jour, la loi doit au moins charger le gouvernement du contrôle des opérations et l'investir de l'autorité nécessaire pour exercer avec fruit la tutelle qui lui est dévolue sur tous les établissements communaux de cette nature.

Après avoir rendu compte de l'espèce d'enquête qui a eu lieu relativement au projet d'adjoindre les caisses d'épargne aux monts-de-piété, il ne me reste plus qu'à faire connaître la différence des frais que nécessiterait la création de ces caisses si on les établissait aux frais de l'État sans cette adjonc

tion.

Local et mobilier.-L'État devrait acheter ou louer des bureaux et les garnir du matériel et d'un mobilier.

Le mont-de-piété, au contraire, a un local, un mobilier et

un matériel suffisants, et les bâtiments des trois quarts de ces établissements sont assez vastes pour y établir l'entrée de la caisse d'épargne à une assez grande distance de celle du bureau de prêts.

Personnel.-Les frais de personnel qui seraient à la charge de l'État sont évalués par la Revue nationale à 200,000 francs, (page 120). Les monts-de-piété n'auraient pasde nouveaux frais à payer, car leur personnel peut satisfaire, j'en suis entièrement convaincu, à toutes les écritures de la caisse d'épargne, et leurs employés fournissent des cautionnements assez élevés pour répondre de leur double gestion.

Administration centrale des caisses d'épargne de l'État. - Elle serait coûteuse et composée d'un nombre de fonctionnaires et d'employés proportionné au nombre, à l'étendue des affaires et à la comptabilité des caisses d'épargne de tout le royaume, tandis qu'au contraire l'administration des caisses d'épargne, annexées aux monts-de-piété, ne coûterait rien à l'État. Il suffirait qu'à raison de la garantie qui lui serait imposée, de la surveillance et du contrôle qu'il devrait exercer, il chargeât un ou deux inspecteurs généraux de visiter et de vérifier, tous les trimestres, l'état de ces caisses et des montsde-piété.

Placement des fonds déposés. Dans un cas comme dans l'autre, l'État doit donner aux caisses d'épargne toutes les facultés désirables pour le placement, le versement et le transport des fonds.

Bureaux auxiliaires.-Si on établit des bureaux auxiliaires du mont-de-piété dans d'autres villes, à l'instar de ceux de Liége et de Paris, ils serviraient admirablement à populariser la caisse d'épargne, en la mettant plus à proximité de la classe ouvrière qui y porterait ses économies au fur et à mesure qu'elle en fait. M. Charles Dupin nous apprend qu'à Paris les déposants ne viennent guère à la caisse d'épargne que tous les six mois et succombent souvent, pendant cet intervalle, à la

tentation de dépenser les petites sommes qu'ils avaient accumulées avec tant de peine; ce qui n'arriverait pas si la caisse d'épargne était mise à leur portée.

L'adjonction que j'ai proposée n'est plus d'ailleurs à l'état de simple projet, elle a été réalisée en Belgique, à Nivelles, à Mons et à Ostende; en France, à Metz, à Nancy et à Avignon. M. Charles Dupin cite même la caisse d'épargne de Metz comme ayant le mieux atteint le but, puisqu'elle comptait déjà, en 1843, 12,000 déposants sur 40,000 habitants de tout àge et de tout sexe (1).

L'administration de cette caisse, dans sa réponse du 22 mars 1834 aux demandes de renseignements que lui avait faites M. le baron B. Delessert, attribuait à la réunion de cette institution au mont-de-piété, la supériorité que la caisse d'épargne de Metz avait acquise sur celles des autres départements.

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« Les frais d'administration de la caisse d'épargne, ajoutait<«<elle, sont très-faibles, parce que les employés du mont-depiété font gratuitement le service de cette caisse : ces frais ne « s'élèvent qu'à 50 centimes par compte ouvert. Si ces deux <«< institutions étaient séparées, les frais de gestion s'élèveraient, «< comme à Paris, à fr. 2-50 par compte, et l'intérêt alloué aux déposants de 5 et de 4 p. c. à 3 112. Quant au mont-de-piété, «ses frais d'administration resteraient les mêmes.

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« Si la caisse d'épargne de Paris n'était pas dotée de « 60,000 fr. de rente, il lui serait impossible de maintenir son «< intérêt à 4 p. c. »

M. Benjamin Delessert s'était déjà, dans un rapport sur les opérations de la caisse d'épargne de Paris du 12 avril 1830, exprimé en ces termes :

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« Nous appelons de tous nos vœux la création d'une caisse d'épargne au mont-de-piété, dont les bureaux sont tout

(1) Ch. Dupin, Constitution, histoire et avenir des caisses d'épargne.

« montés : nulle part elle ne pourrait être mieux placée, et ce << serait un moyen de rendre d'une utilité incontestable ce << genre d'établissement contre lequel il s'est élevé depuis long<< temps des préventions trop souvent injustes (1). »

Cette opinion a été soutenue par M. Lombard-Buffière lors de la discussion de la loi de 1835 (2), et par M. le comte Roy à la chambre des pairs (3); mais les idées d'une organisation uniforme n'ont point trouvé de faveur, parce qu'on voulait que la loi fût applicable aux caisses fondées d'après les divers systèmes existants, et qu'on s'en rapportait, en cas d'insuffisance des dons des particuliers, à la philanthropie des conseils municipaux.

On s'est borné à répondre que l'ouvrier économe n'irait pas porter ses fonds au mont-de-piété, de crainte d'être confondu avec l'emprunteur, et que d'ailleurs ces établissements n'existent que dans les grandes villes. Mais cette objection, improvisée à la tribune, n'est d'aucun poids à nos yeux; car les bâtiments des monts-de-piété sont tous assez vastes pour avoir des bureaux séparés et des entrées bien distinctes où l'on placerait des écriteaux, et s'il est vrai que ce serait apporter un obstacle à la multiplication des caisses d'épargne, que de les assujettir toutes à des règles uniformes, pourquoi ne les associerait-on pas aux monts-de-piété dans les villes où il s'en trouve? Rien n'empêcherait de recourir à d'autres combinaisons quand on serait privé de cet utile auxiliaire.

La commission chargée de l'examen de la proposition de MM. B. Delessert et Charles Dupin, relative aux caisses

(1) Des banques d'épargne, de prêt sur nantissement et d'escompte, par Félix de Viville, 1834, pag. 29 à 31.

(2) Séance du 3 février 1835. Ces deux établissements réunis, disait-il, ne gagneraient pas seulement de l'unité dans les idées de bienfaisance qui présideraient à leur marche; ils y gagneraient encore de notables économies dans leur administration. »

(3) Séance du 14 avril 1835.

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