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les malades; qu'enfin le nombre des infectés qui se font traiter en secret par des charlatans ne saurait être bien grand.

En somme, si c'est uniquement d'après ses conséquences physiques que l'on peut juger l'étendue de la prostitution d'Amsterdam, nous aimons mieux nous en tenir aux données, précaires peut-être, qui ne déposent pas positivement contre la moralité de ses habitants.

Des règlements de police concernant les filles publiques et les maisons de prostitution en vigueur à Harlem, Leyde, Utrecht, Flessingue, etc.

A Leyde et à Harlem, les règlements sont à peu près les mêmes, ceux de Harlein ayant été refaits en 1855. Le nombre des prostituées connues à Harlem (ville d'à peu près 25,000 habitants) n'est que de 30 environ, d'après une énumération des filles qui se présentent spontanément pour réclamer du secours médical; appréciation précaire, qui ne donne pas une bien haute idée de l'activité qu'on y met à exécuter les ordonnances. Le nombre des cas de syphilis, du reste, est tout à fait inconnu.

A Utrecht, les règlements sont extrêmement défectueux. Le conseil municipal s'occupe en ce moment d'en projeter de nouveaux. Le traitement des vérolés se fait dans les hôpitaux civils et militaires; cependant les données manquent entièrement pour cette ville; on ne peut qu'affirmer, en général, que la prostitution clandestine l'emporte sur la débauche avouée, qui ne compte que trois ou quatre maisons en règle, tandis qu'on a cru devoir admettre une augmentation des cas de syphilis.

L'accroissement de la maladie vénérienne, constaté pour la plupart de nos villes, pour celles même qui se vantent de posséder des règlements bien conçus et une police active, prouve que c'est dans la débauche clandestine qu'il faut chercher la source du mal.

REGLEMENT SUR LA PROSTITUTION ET LES PROSTITUÉES D'ARNHEM.

Art. 1. La surveillance des maisons de tolérance et des femmes publiques sera dès à présent confiée au chef de la police.

Art. 2. Il ne sera point toléré de maisons ni de femmes publiques autres que celles connues de la police, et qui auront été enregistrées dans les formes ci-après indiquées.

Art. 3. A cette fin, tout individu tenant ou désirant tenir, après la

publication de la présente, une telle maison devra s'adresser par écrit au préfet de police ou au premier magistrat pour obtenir la licence désirée et donner les renseignements requis. A la fin de chaque année on devra demander le renouvellement de la licence.

Art. 4. Tout maître de maison ne pourra changer de domicile qu'après avoir demandé par écrit et obtenu la permission de la police, sous peine d'une amende de 7 florins (14 fr. 70 cent.) et de suspension de son emploi en cas de récidive.

Art. 5. Tout maître de maison sera tenu de déclarer séparément, et par écrit, le nombre et les noms de ses filles. Cette déclaration devra se faire dans les vingt-quatre heures après l'arrivée de la personne en question. Pour une fille qu'on aurait cachée, dont la déclaration ne serait point en règle (4), on payera une amende de 7 florins. En cas de contravention réitérée, le maître sera puni d'une réclusion de trois jours, et la récidive ultérieure par le retrait de sa licence.

Art. 6. Aucun changement dans la condition mentionnée de la maison ne pourra avoir lieu sans la susdite déclaration, sous peine d'une amende de 7 florins.

Pour garantie, le maître pourra exiger du commissaire de police un certificat portant l'accomplissement des déclarations requises.

Art. 7. Le commissaire de police en personne ou ses adjoints, autorisés par écrit, pourront en tout temps visiter les maisons; le refus d'entrée sera puni d'une amende de 7 florins et par la clôture de la maison durant trois mois consécutifs.

Les plaintes, en cas d'inconduite des fonctionnaires, devront être portées au commissaire ou aux magistrats.

Art. 8. Celle qui voudra faire profession de débauche sera tenue d'en faire la déclaration au commissaire de police et de lui fournir les renseignements requis pour l'enregistrement mentionné ci-après.

Art. 9. Chaque femme publique qui, à la publication du présent édit, fréquente, habite ou se propose d'habiter une des maisons en question, ira se pourvoir d'un livret au bureau de police, lequel, chaque année, sera échangé pour un autre.

Art. 40. Ce livret contiendra à la première page, outre l'indication de son numéro au registre de la police, le timbre et la signature du commissaire, sa parafe à chaque page suivante, les nom et prénoms, lieu de naissance et de domicile, avec le signalement de la personne intéressée, comme aussi l'indication de la maison qu'elle habite, et enfin sa signature.

Art. 41. Celle qui se conduit en prostituée ou qui est rencontrée dans une maison sans être munie d'un livret, ou qui, étant inscrite, se sera dessaisie dudit livret, sera passible d'une amende de 3 florins (6 fr. 30 cent.) et, en cas de non payement, d'une réclusion de trois jours.

Art. 12. Les agents de police seront tenus d'arrêter chaque femme qui, se conduisant en prostituée ou trouvée dans un lieu de débauche,

(1) Ou dont on n'aurait pas payé la taxe, selon le tarif ajouté au règlement, dans le temps convenu.

ne serait pas pourvue d'un livret, et de la mener à la préfecture pour qu'un procès-verbal soit dressé de son délit.

Art. 43. Toute prostituée dont le livret serait perdu ou en mauvais état devra incontinent s'en procurer un autre.

Art. 14. Aucune prostituée ne pourra changer de domicile sans en avoir instruit la police, sous peine de 3 florins d'amende ou de trois jours de réclusion en cas d'insuffisance.

Art. 45. Chaque femme publique se soumettra à la visite une fois par semaine.

Art. 46. Afin de subir cette visite, elle se présentera à l'hôpital au jour et à l'heure fixés par le chirurgien chargé de l'inspection. Celle qui désirerait se faire examiner ailleurs en pourra faire la demande au chirurgien, après que le commissaire de police en aura pris connaissance.

Art. 47. Une femme publique ayant, sous un prétexte quelconque, refusé ou négligé de subir la visite, le chirurgien en référera immédiatement au commissaire; de même, si elle refusait d'entrer à l'hôpital quand le chirurgien le jugerait nécessaire. Dans les cas mentionnés, la réfractaire devra quitter la maison qu'elle habitait. Convaincue de prostitution ultérieure, elle subira une amende de 5 florins (10 fr. 50 cent.) ou une réclusion de trois jours.

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Art. 18. Le chirurgien fera la visite en personne; en cas de nécessité absolue, telle autre personne que le magistrat aura indiquée au commissaire.

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Art. 19. Le chirurgien chargé de la visite en inscrira le résultat au livret de la prostituée, avec la date et le millésime, le tout revêtu de sa signature.

Art. 20. Si, par l'inspection de son livret, il paraissait qu'une femme n'eût pas subi la visite précédente, elle sera punie comme le prescrit l'article 44.

Toute femme publique qui, sans excuse valable, n'aura pas subi régulièrement la visite prescrite sera dénoncée au bureau de police et punie selon l'article 47.

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Art. 24. Chaque femme publique que le chirurgien jugera infectée quittera la maison qu'elle occupe, et, tant que la commune n'aura pas pourvu au besoin d'une salle de vénériens, le commissaire lui indiquera un lieu où elle pourra se faire traiter à ses propres frais ou, en cas d'insuffisance, aux frais de la caisse de sa commune religieuse (diaconie), qui se réserve le droit d'en réclamer le remboursement au domicile de secours de la malade. La femme ne quittera point la maison qu'on lui aura désignée sans être munie d'un certificat de guérison parfaite, dont mention sera faite dans le livret, retenu au bureau de police pendant sa maladie.

Celle qui, avant ce temps, se serait livrée à la prostitution sera punie selon l'article 44.

Art. 22. D'après ce qui précède, le chirurgien, ayant constaté l'infection d'une femme, sera tenu d'en faire rapport par écrit, revêtu de sa signature, au bureau de police et d'y faire déposer le livret de la dénoncée.

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Art. 23. Les filles seront tenues de se soumettre aux règles établies pour les maisons qu'on leur aura désignées. En cas de plainte de la part du propriétaire, il sera agi selon l'article 47.

Art. 24. Dans les susdites maisons ne seront point reçues les femmes atteintes de syphilis ou de maladies cutanées graves et contagieuses.

Art. 25. Celui qui, n'étant pas inscrit comme maître de maison, aura logé des filles débauchées, qui aura employé ou concédé sa demeure comme maison de débauche, qui, d'une manière quelconque, aura favorisé la prostitution secrète, sera passible d'une amende de 50 florins (105 francs) et, en cas d'insuffisance, d'une réclusion de trois jours,

Art. 26. Tout maître de maison qui reçoit une fille insoumise sera puni comme le porte l'article précédent.

Art. 27. Toute femme qui, hors de chez elle, se conduit en prosti. tuée, qui attire les passants par des paroles et des gestes, sera punie de 3 florins (6 fr. 30 cent.) d'amende ou de trois jours de réclusion.

Art. 28. Un exemplaire du présent règlement sera fourni à tout maître de maison.

Art. 29. Le produit des amendes perçues selon le règlement ou le tarif ajouté, sera appliqué pour un tiers au profit des pauvres, pour les deux autres tiers au profit des agents de police et de la caisse communale.

Art. 30. Le conseil municipal se réserve le droit de faire à ce règlement les changements qu'il jugera nécessaires, sauf l'approbation du gouverneur de la province. Eu ce cas, les maîtres de maisons recevront un exemplaire du règlement modifié.

Le règlement sur la prostitution à Flessingue ne diffère de celui d'Arnhem que par les amendes, en général moins fortes. L'art. 28 du règlement porte, en outre :

« Le traitement à la salle des vénériens sera défrayé, à raison de » 50 cents (1 fr. 5 cent.) par jour, par le maître de la maison que la » femme habite. »

XVII.

DE LA PROSTITUTION DANS LA VILLE DE ROME,

Par le docteur Félix JACQUOT,

Médecin des hôpitaux du corps d'occupation de Rome,
Professeur agrégé à l'Ecole impériale de médecine militaire (1).

Ce chapitre ne peut être conçu sur le même plan que ceux qui sont consacrés à l'étude de la prostitution dans les autres villes de l'Europe. A peu près partout, en effet, la prostitution est tolérée et réglementée, tandis qu'elle n'est reconnue dans aucune localité des provinces pontificales. Cette prohibition engendre un état de choses tout spécial; il n'existe aucun règlement de police relatif à la prostitution, ce qui nous prive d'un des éléments principaux qui entrent dans la composition des autres chapitres de cet ouvrage; mais le déplacement, les métamorphoses et les caractères particuliers de la prostitution, et sa diffusion dans les diverses classes de la société romaine, conduisent au contraire à des considérations médicales, morales et philosophiques qui compensent, et au delà, la pénurie des premières ressources. La fusion des pouvoirs spirituel et temporel à Rome, nous forcera également à faire des excursions dans un domaine qu'on n'explore pas, à propos de la prostitution, dans les États où ces deux directions sont complétement séparées.

Le gouvernement romain pouvait-il tolérer et réglementer la prostitution, c'est-à-dire la reconnaître? C'est là une question qui touche autant à la théologie qu'à l'économie politique et à l'administration. Des prélats éclairés, auxquels nous soumettions la question, l'ont résolue différemment. Les uns pensent que, comme chef du pouvoir temporel, le pape peut autoriser les mesures reconnues indispensables dans l'état actuel de la société; les autres soutiennent en outre que l'initiative et la responsabilité des mesures prises dans les régions inférieures sont endossées tout entières par la police, et qu'il n'est point nécessaire de remonter

(1) M. Félix Jacquot, qui a habité Rome pendant quatre ans, a étudié l'Italie, au point de vue médical et moral, dans les ouvrages suivants: Mélanges médico-littéraires, 1 vol. in-8, Paris, 1854; Lettres médicales sur l'Italie, comprenant l'histoire médicale du corps d'occupation des États romains, 1 vol. in-8, Paris, 1857; Études sur les maladies des pays chauds, 1 vol. in-8 (sous presse). (Note des éditeurs.)

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