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magne. La bataille de Nordlingen (1634), gagnée sur les Suédois par le comte de Gallas, venait surtout de rendre à la maison d'Autriche un ascendant menaçant pour la France. Richelieu n'hésita pas alors à faire descendre les armées françaises dans la lice; et ici s'ouvre cette longue guerre contre l'Espagne, où se formèrent les premiers capitaines du siècle de Louis XIV, et qui ne devait se terminer qu'après vingt-cinq ans, à la paix des Pyrénées.

Les Espagnols avaient pris Trèves et son électeur, prince allié de la France. Louis XIII envoya réclamer contre cette infraction des traités, et n'obtint qu'un refus. Ce refus fournit à Richelieu le prétexte qu'il cherchait. « Un héraut fut envoyé, dit le marquis de Monglat, pour déclarer la guerre au Cardinal-Infant, au nom du roi d'Espagne. Ce héraut ne put avoir audience, de sorte qu'il fut obligé d'afficher cette déclaration sur la grande place de Bruxelles et sur la frontière. »

Quatre armées sont mises à la fois sur pied; les deux premières vont attaquer les Espagnols au pied des Alpes, dans la Valteline et le Milanais; la troisième, sous le cardinal de Lavalette, marche en Allemagne; la dernière, commandée par les maréchaux de Chastillon et de Brezé, se rassemble à la frontière des Pays-Bas. Celle-ci doit combiner ses mouvements avec les Hollandais, engagés contre l'Espagne dans la longue guerre de leur indépendance.

Elle entre avant toutes les autres en campagne, et son premier effort est de se porter sur la Meuse pour se joindre, si elle le peut, au prince d'Orange, qui s'avance à la tête de l'armée des Provinces-Unies; mais le prince Thomas de Savoie, général des troupes espagnoles, manœuvre de son côté pour empêcher cette réunion; et, n'ayant que des forces inférieures pour fermer le passage aux Français, il prend près le village d'Avein, au pays de Liége, une forte position, et y attend la bataille.

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Sirot, vieux capitaine, qui plus tard commanda la cavalerie à la bataille de Rocroy, fut rude et opiniâtre. Les ennemis, à l'abord, mirent notre aile droite en désordre; mais l'aile gauche l'ayant soutenue, les Français qui ployaient prirent tant de force et de vigueur, qu'ils enfoncèrent tout ce qui se présenta devant eux, et il n'y eut plus qu'à poursuivre et à tuer. Il demeura des ennemis morts sur le champ de bataille, et sur le chemin de leur fuite, au moins quatre mille hommes, et l'on fit plusieurs prisonniers de considération; mais le prince Thomas s'étant sauvé de bonne heure, le comte de Bucquoy soutint tout l'effort, et se retira enfin à Namur, lui quatorzième. La plaine où se donna le combat s'appelle Avein, et il dura depuis midi jusqu'à cinq heures du soir. >>

AVENELLES (Pierre), avocat au parlement de Paris, découvrit, en 1560, la conspiration d'Amboise. La Renaudie, chef de la conjuration, était allé se loger chez lui afin d'être plus en sûreté. Bientôt, le nombre des visites qu'il recevait attira l'attention d'Avenelles, qui apprit de la Renaudie même le projet. Il feignit d'applaudir d'abord; mais après y avoir bien réfléchi, il s'effraya de la grandeur du péril, et alla trouver Étienne l'Alemant, auquel il découvrit son secret, en présence de Milet, secrétaire du duc de Guise. Avenelles, après sa trahison, se retira en Lorraine, où il eut une charge de judicature, à la recommandation du duc de Guise.

AVÉNEMENT JOYEUX.-En France, quand un prince parvenait à la couronne, il recevait des présents nombreux, de fortes sommes d'argent pour son joyeux avénement. Ces dons étaient gratuits par leur nature; mais les rois, à leur avénement, prenaient de sévères mesures pour qu'on leur donnât exactement ces témoignages de la publique allégresse. Les villes, les communautés, les corporations, tous les corps enfin qui avaient reçu des lettres d'immunités, faisaient renouveler leurs priviléges par les rois au moment de leur joyeux avéne

ment. Il y avait aussi pour les évêques un droit de joyeux avénement: ils levaient, au moment de leur élection ou de leur sacre, des dons gratuits sur tous ceux qui étaient soumis à leur juridiction.

AVENTURIERS.-Outre les troupes réglées qui comprenaient les légions, sous François Ir, et les compagnies franches, que l'on appelait vieilles bandes (Voy. BANDES MILITAIRES), il y avait encore une autre espèce de troupes de pied auxquelles on donnait le nom d'aventuriers. Ces troupes fornaient, comme les bandes, des compagnies plus ou moins nombreuses; mais elles différaient de ces corps, en ce qu'elles étaient levées sans autorisation par d'anciens officiers qui, sans appartenir à l'armée, et sans commission, prenaient de leur propre autorité le titre de capitaines. Elles se joignaient aux armées pour faire la guerre pour leur propre compte; elles n'étaient point payées par l'État, ne vivaient que de pillage, et se livraient à d'horribles excès. Quoiqu'elles ne se formassent ordinairement que pendant la guerre, elles ne se dispersaient pas toujours à la paix. Elles rentraient alors sur le territoire français, s'y perpétuaient, et continuaient de se livrer à tous les brigandages qu'elles s'étaient habituées à commettre sur le pays ennemi.

Les aventuriers étaient devenus, en 1523, un véritable fléau pour certaines provinces du royaume. Ils frappaient de contributions excessives les villes dans le voisinage desquelles ils se trouvaient, et osaient même assiéger celles qui ne se soumettaient point à leurs exigences. François Ier fut obligé de les déclarer ennemis de l'État, et d'autoriser ceux qui voudraient les détruire, à le faire impunément. Les bourgeois d'Autun furent les premiers qui usèrent de cette autorisation; ils levèrent des milices, marchèrent contre les aventuriers qui se trouvaient dans leur voisinage, les défirent, en tuèrent un grand nombre, dispersèrent le reste. Le plus grand nombre des villes du centre et du midi

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du royaume suivirent cet exemple. Nous citons ici un passage de l'ordonnance royale qui avait provoqué cette mesure. La lecture de ce document officiel pourra donner une idée du caractère et des mœurs des aventuriers. « Et par lesdites longues guerres se << sont levez quelques avanturiers, gens vagabonds oíseux, perdus, mechands, flagitieux, abandonnez à tous vices, larrons, meurtriers, rapteurs « et violeurs de femmes et de filles, << blasphemateurs et renieurs de Dieu, « cruels, inhumains, immiséricordieux, qui font de vice vertu, et sont précipitez en l'abîme de tous les << maux; loups ravissans, faits pour « nuire à chacun, et qui ne veulent et << ne sçavent nul bien ne service faire; lesquels sont coutumiers de manger « et dévorer le peuple, le dénuer et depouiller de tout son bien, perdre, gâter et dissiper tout ce qu'ils trouvent, battre, mutiler, chasser, et << mettre le bon homme hors de sa maison, tuer, meurtrir et tyranniser « nos pauvres sujets et leur faire plus d'oppresse, de violence et cruaute, « que nuls ennemis, fussent-ils Turcs << ou infidèles, ne voudroient faire ne << penser. »>

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Cette ordonnance, et la manière dont elle avait été exécutée, avaient pour un temps délivré la France du fléau des aventuriers. Mais ils reparurent pendant la captivité du roi; lorsqu'il eut recouvré sa liberté, la guerre et l'invasion de Charles-Quint dans la Provence le mirent encore dans la nécessité de les employer. Les mêmes désordres recommencerent, et l'on fut forcé d'user du même moyen pour les faire cesser. Il paraît qu'ils avaient cessé tout à fait sous Henri II, car ce prince ne fit aucune ordonnance au sujet des aventuriers. Les guerres de religion, qui signalèrent les règnes suivants, virent se former de nombreuses troupes d'aventuriers. Dans ces temps malheureux, il n'y avait point de gentilhomme qui ne se crut en droit de lever des soldats qu'il ne payait qu'en leur laissant la faculté de tout piller. Henri IV ayant enfin re

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tabli l'ordre dans le royaume, fit rassembler toutes les bandes d'aventuriers qui pouvaient encore exister, et en forma des régiments. On trouve en effet, dans les comptes de l'extraordinaire des guerres pour l'année 1590, la mention d'un régiment d'aventuriers, composé de quatre compagnies. AVERSA (combat d'). Le 20 janvier 1799, l'armée française, commandée par Championnet, se mit en marche sur Naples. La division commandée par le général Dufresse se porta en avant d'Aversa; l'avantgarde, commandée par Kellermann, fut poussée du côté de Mellito, et dut investir la ville du côté du couchant.. La division Duhesme, qui s'avança par la route d'Acerra, vers la porte Capuana, rencontra de grands obstacles dans sa marche : il fallut constamment repousser les lazzaroni. Arrivée enfin jusqu'à la porte Capuana, l'avant-garde dut se retirer devant le feu d'artillerie et de mousqueterie que faisait l'ennemi; mais le commandant Thiebaut, à la tête des grenadiers des 64 et 73 demi-brigades de ligne, enleva à la baïonnette les batteries de l'ennemi et fit mettre le feu aux maisons qui entouraient la place de la porte Capuana. Ce fut à la lueur de cet incendie que les soldats du général Duhesme prirent une position militaire pour passer la nuit : le lendemain, les Français entraient à Naples. AVESNES, Avesnæ ou Avennæ, ville forte du Hainaut, aujourd'hui cheflieu de sous-préfecture du département du Nord, à vingt-sept kilometres sudest de Valenciennes. Cette ville existait dès le douzième siècle, et après avoir suivi le sort des Pays-Bas, elle fut donnée à la France par le traité des Pyrénées. Louis XI l'avait déjà prise mais les Espagnols l'avaient enlevée à la France en 1559. Avesnes a été fortifiée d'après le système de Vauban. Pendant les guerres de l'invasion, cette ville tomba au pouvoir des Russes en 1814, et des Prussiens en 1815, après deux jours de siége et l'explosion d'une poudrière qui détruisit presque toute la ville.

AVEU, Advou ou Adveu. —- Ce mot, qui a aujourd'hui perdu sa signification primitive, dérive, ainsi que le mot Advouerie, qui s'y rattache, non comme l'ont prétendu les étymologistes, de advocatitia, advocatio (invocation, action d'invoquer quelqu'un au secours de...), mais bien de advotio, se vovere ad... (dévouement, action de se vouer à quelqu'un).

Il signifiait la déclaration par laquelle une personne, stipulant pour elle seule, mais, le plus souvent, en même temps pour ses héritiers, se reconnaissait dans la dépendance et se mettait sous la protection du roi, d'un seigneur ou d'une communauté. Il y avait, dans ce sens, des aveux de servage, de vasselage et de bourgeoisie. Mais les premiers cessèrent absolument d'être usités depuis l'établissement du régime féodal, époque où l'usage de contracter servage disparaît de plus en plus. Les seconds portaient le nom spécial de foi et hommage. Les troisièmes, faits par des individus qui entendaient rester libres et francs, sauf quelques devoirs à acquitter, furent les seuls qui se conservèrent sous la dénomination propre d'aveux.

Voici une formule d'aveu: Tu me jures que d'icy en avant tu me porteras foy et loyauté comme à ton seigneur, et que tu te maintiendras

comme homme de telle condition comme tu es; que tu me payeras mes debtes (*) et devoirs, bien et loyaument, toutes fois que payer les devras; ni ne pourchasseras choses (**) pourquoy je perde l'obéissance de toy, ne de tes hoirs; ne te partiras de ma cour (***), ce n'est par défaut de droit ou de mauvais jugement (****); en tous cas tu ADVOUES ma cour pour toi et pour tes hoirs (*****).

(*) Ce que tu me dois. (**) Tu ne feras rien.

(***) Tu ne te soustrairas pas à ma juridiction.

(****) Par déni de justice ou justice mal rendue.

(*****) Grand Coutumier, liv. 11, ch. 31.

Comme on le voit par cette formule, l'aveu entraînait trois obligations:

1° Une obligation générale de fidélité, dont l'infraction convertissait en actes de félonie toutes les atteintes faites à la personne, à la considération, aux intérêts du seigneur;

2° Une obligation générale de service loyal, laquelle entraînait des redevances pécuniaires et le payement d'impôts. Mais comme l'aveu n'emportait point la démission de la personne qui l'avait fait, ces redevances, ces impôts, étaient soigneusement déterminés et limités. C'est pourquoi la formule dit: « Tu me payeras mes debtes et devoirs,...toutes fois que payer les devras. » La redevance qui, en commémoration de l'aveu fait, s'appelait jurée, était ordinairement de douze deniers. Les impôts étaient déterminés selon l'occurrence des besoins, et après une libre discussion des inté ressés ;

3o La troisième et principale obligation qui résultait de l'aveu consistait en ce que celui qui l'avait fait de yenait justiciable de la justice du seigneur avoué, sauf pourtant deux exceptions 1° dans les procès relatifs à des immeubles, le juge du lieu où étaient situés ces immeubles était seul compétent; 2° dans les procès relatifs à des crimes, le juge du lieu où le crime avait été commis, pour la plus grande commodité de l'instruction, pouvait seul en connaître. Cette dernière exception se trouve déjà dans les Établissements de saint Louis (1270) (*); elle fut depuis confirmée par l'ordonnance de Paris, 3 janvier 1563 (art. 19), mais principalement par l'article 35 de l'ordonnance de Moulins (février 1566).

Il y avait cette différence entre l'aveu à un seigneur et l'aveu au roi, que, pour être justiciable du seigneur, il fallait, outre l'aveu, la résidence sur les terres de la justice du seigneur; tandis qu'à l'égard du roi, sa souve

(*) Lav. 1, chap. 41, 59. On sait que les Établissements de saiut Louis sont les usages de Paris, d'Orléans, de Touraine et d'Anjou.

raineté étant partout présente, même sur les terres des seigneurs, il suffisait de l'aveu, et l'on n'avait pas besoin, selon les expressions des coutumes, d'être couchant et levant dans un lieu uniquement royal, pour pouvoir invoquer la justice du roi. On disait dans ce sens, en parlant de l'aveu fait à us seigneur, qu'il emportait l'homme et qu'il était justiciable de corps ( pour les affaires personnelles) et de chatel (pour les affaires mobilières) là où on couchait et levait; en sorte que, quand on était poursuivi par-devant un autre seigneur, en s'avouant du seigneur sous qui on levait et couchait, on devait être renvoyé par-devant ce dernier, lequel, outre une amende, avait le droit de venir arracher de sa propre main son justiciable à la cour usurpa trice. Quant à la justice du roi, partout où l'on avait le droit de l'invoquer, elle tenait un officier tout prêt à la rendre.

Cet avantage, et bien d'autres encore, de la justice royale, favorisèrent les efforts des rois pour attirer sous leur dépendance, au moyen de l'aveu, le plus grand nombre d'hommes libres possible.

Ils établirent d'abord en tous les lieux où les hommes libres pouvaient encourir la servitude, à la suite d'un séjour plus ou moins long, qu'en s'avouant hommes ou bourgeois du roi auprès des baillis ou autres représentants de la justice royale, on recevrait de ces derniers des lettres de bourgeoisie, à l'aide desquelles on était à jamais sauf de toute servitude, et l'on pouvait toujours décliner la compe tence de tout juge seigneurial.

Mais il y avait des lieux à travers lesquels, grâce aux traités de parcours et d'entrecours (voyez ces mots), les hommes libres pouvaient aller et de meurer, sans crainte de servitude. Les officiers des rois, pour ne pas perdre l'occasion d'un empiétement sur les justices seigneuriales, imaginèrent que ces hommes libres, qui allaient et ve naient, comme les bourgeois du roi, sans crainte de servitude, devaient avoir fait, comme eux, l'aveu de bour

geoisie royale; et, sur cette supposition gratuite, les assimilant à leurs hommes, ils les autorisèrent, comme eux, à invoquer partout où ils se trouvaient la juridiction du roi. De la sorte, tout homme qui, n'étant ni serf, ni vassal, déclinait la compétence d'un juge seigneurial pour invoquer la justice du roi, était soutenu dans ses prétentions; et par cet aveu au roi, dit indirect ou simple, par opposition à celui qui résultait des lettres de bourgeoisie expressément et directement demandées, il était à jamais soustrait, non-seulement à la servitude, mais à toute juridiction seigneuriale.

L'invention de l'aveu indirect excita de véritables soulèvements dans plusieurs seigneuries, qu'il dépeuplait et dont il appauvrissait les cours. En commisération de la noblesse champenoise, entre autres, qui en avait le plus souffert, il y eut quelque relâchement aux rigueurs de l'aveu indirect (1302). (Voyez CAS ROYAUX.)

Le mot aveu avait encore un autre sens dans lequel il était plus fréquemment employé que dans celui dont nous venons de parler, et qui est le seul qu'on trouve indiqué par le plus grand nombre d'auteurs: dans toutes les mutations de fief, après la prestation de la foi et de l'hommage, le vassal était obligé de fournir une déclaration écrite de tous les biens qui étaient contenus dans le fief, ou qui en dépendaient. Cette déclaration s'appelait aveu. Une fois acceptée, elle faisait foi, et servait à prouver la propriété des choses diverses dont un fief était composé. Mais comme, dans le principe, elle était faite sommairement, elle devenait l'objet d'une foule de fraudes et de contestations; l'usage s'introduisit de la spécifier en entrant dans tous les détails: de là, le dénombrements'ajouta à l'aveu; et ces deux mots, signifiant une seule et même chose dans une certaine formule, ne cessèrent plus d'être employés ensemble, et parfois l'un pour l'autre. (Voyez FIEF.)

L'aveu avait encore le sens de demande ou pétition de meubles on le trouve, sous cette acception, dans plu

sieurs auteurs anciens, et il est presque toujours accompagné du mot contr'aveu, qui signifiait l'allégation de l'adversaire contre lequel on revendiquait la propriété d'un meuble.

Depuis l'abolition de la féodalité et de l'ancien droit coutumier, l'aveu n'a plus d'autre sens aujourd'hui que celui de déclaration, ou d'affirmation sans

serment.

AVEUGLES, Voyez QUINZE-VINGTS. AVEUGLES (Institut des jeunes). La fondation du premier établissement qui ait été consacré à l'éducation des enfants atteints de cécité ne remonte qu'à la dernière moitié du dix-huitième siècle. Le spectacle bizarre d'un concert en plein vent, donné par une dizaine d'aveugles grotesquement affublés, avec des lunettes sans verres sur le nez, et des cahiers de musique placés devant eux, comme par une barbare ironie qu'ils ne pouvaient pas heureusement apprécier, fut la circonstance à laquelle on dut l'établissement de l'institution qui existe aujourd'hui. C'était en 1778 que se jouait cette parade ridicule. Valentin Haüy, frère cadet du célèbre minéralogiste, et qui tenait à Paris une école de calligraphie, passa par hasard sur le lieu de la scène. Il fut bien moins frappé de la mauvaise exécution de ce singulier orchestre que de la possibilité qu'il entrevoyait d'arracher les exécutants à la condition de simples saltimbanques dans laquelle ils avaient été jusqu'alors retenus. Du désir d'élever ces infortunés à un état plus digne de la nature humaine jusqu'aux moyens d'y parvenir, il n'y eut pour lui qu'un pas. Il se fit promptement un plan d'éducation pour les infortunés, objet de sa sollicitude, et le mit bientôt à exécution sur un mendiant qu'il avait trouvé à la porte de l'église Saint-Germain des Prés. Les expériences qu'il répéta en public démontrèrent à tous l'excel· lence de ses procédés. Suppléant par le toucher à la vue, l'aveugle lisait avec ses doigts des caractères saillants aussi facilement qu'avec nos yeux nous en lisons de colorés. En 1784, la

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