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LE COURRIER
DU VENDREDI 23. JANVIER 1756.

De ROME le 7. Janvier.

Ercredi, dernier jour de l'année 1755., dix-huit Cardinaux fe rendirent après Vêpres à l'Eglife du Gefu, pour y affifter au Te Deum folemnel qui fut chanté, felon l'ufage, pour rendre graces au Tout-puiffant des bienfaits reçus durant le cours de l'année qui finit. Jeudi, Fète de la Circoncifion, il y eut Chapelle Papale ; tout le Sacré Collège y affifta, & M. le Cardinal Borghefe célebra la Grand'Meffe. Il arriva ici Vendredi matin trois Courriers de Naples dépêchés, l'un à Drefde, le fecond à Paris, & le troifiéme à Madrid, pour porter à ces trois Cours la nouvelle la Reine des Deux-Siciles étoit accouchée d'un Prince le 31. du mois dernier. Le même jour M. le Cardinal Sacripanti eut une Audience particuliere du St. Pere, après laquelle S. S. en accorda une autre au Prince Corfini, qui eut l'honneur de lui préfenter l'Abbé Corfini fon troifiéme fils. Lundi les deux Princes Lambertini, petits neveux de S. S., allerent faire vifite à Dom Camille Rofpigliofi, Duc de Zagarola, qui les reçut avec une grande magnificence, & leur fit de très-beaux prefens. On a déja commencé à faire d'offres pour l'aprovifionnement des Galeres & des deux Fregates durant le cours de cette année, & fur le compte qui en a été rendu à S. S., on croit que la délivrance fuivra bientôt. La Charge de Secretaire Géneral de la Compagnie de Jefus a été donnée au P. Ricci, Florentin. Le Prince de Belvedere Caraffa eft arrivé de Naples pour recueillir l'Héritage du feu Cardinal Carafa, & il a déja eu plufieurs conferences à ce sujet avec M. M. les Exécuteurs Teftamentaires. Il eft auffi venu deux Gentilshommes de Velletri, députés par le Corps de Ville pour complimenter M. le Cardinal Delci, aujourdhui leur Evêque, en qualité de Doyen du Sacré Collège. Il paroît un nouvel Ouvrage du célebre Metaftafio, qui eft

fort couru dans cette Capitale.

De GENES le 10. Janvier. On reçut Samedi par le Pinque ordinaire des Dépêches de Barcelonne des Lettres de Madrid & de Cadix avec les plus triftes nouvelles. Les unes faifoient mention des dernieres fecouffes de Tremblement de terre qu'on a effuyé à Lifbonne, & dans plufieurs autres Villes de Portugal fur la Côte Occidentale de ce Royaume; & les autres ont annoncé le bouleversement de prefque tout le Royaume de Fez & de Maroc fur la Côte de Barbarie. Des Lettres particulieres de Portugal affurent que Lisbonne ne fera plus rebâtie; mais que le Roi eft déterminé de faire une nouvelle Ville à Belem ; & d'en rendre le

Port franc pendant 1o. ans, afin d'y encourager les Etabliffemens & le Commerce. S. M. paroît être en même tems dans la réfolution de fixer fa réfidence à Maffra. D'autres Lettres écrites de Cadix confirment le bruit qui s'étoit répandu, que lors du Tremblement de terre arrivé, en Portugal, les Illes Açores ont été englouties dans la mer. On certifie cette nouvelle par le rapport du Capitaine d'un Vaiffeau, qui reverant de l'Amerique, & fe trouvant entre le 36me. & le 40me. dégré de latitude Septentrionale, & le 46. & 52me. de longitude, il avoit vainement cherché ces Ifles, que toutes les Cartes Géographiques & Marines placent fous cette pofition. Cette nouvelle ainfi confirmée prouveroit que les Açores ont véritablement fait partie de l'ile Atlantique, qui fut autrefois engloutie dans les abîmes de la Mer à qui elle a donné fon nom, & qu'elles doivent s'être écoulées dans quelques grandes voûtes foûterraines, où aboûtiffoient quelques-unes des Rivieres qui circulent dans l'intérieur du Globe, & avoir occafionné les phénomènes qu'on a vu dans plufieurs autres Rivieres qui fe perdent fur la furface de cette Mer & fur les Côtes d'une patie de l'Afrique & de l'Europe. Cette conféquence, une fois établie, conduiroit à d'autres qui pourroient déterminer la caufe des Tremblemens de terre qui fe font fait fentir dans ces deux parties du Monde.

De PAR ME le 6. Janvier:

Le Chevalier Taylor, depuis fon arrivée dans cette Ville, y foûtient la reputation qu'il s'eft juftement acquife dans tous les endroits où il a paffé. L'Infant Duc, notre Souverain, ayant eu connoiffance des cures furprenantes que ce célebre Oculiste a faites dans fa Capitale & à la Cour fur des perfonnes diftinguées, lui a conferé le titre de fon Médecin Oculifte, & S. A. R. luien a fait expédier le Brevet conçêt en ces termes: Don Philippe, par la grace de Dieu, Infant d'Espagne,

Duc de Parme, Plaisance, Guaftalla, &c. La connoiffance exacte que le Chevalier Taylor a de l'Anatomie de l'œil des maladies les plus compliquées & les plus difficiles, auxquelles il eft fujet en général & en particulier, de tous les Remèdes qu'il faut y apporter, de la manière de les appliquer ; & enfin l'habileté, la dexterité, la facilité & la fureté avec laquelle il a toujours opéré, ce que prouvent les divers Ouvrages qu'il a publiés, & les opérations qu'il a faites avec le plus grand fuccès, même dans notre Capitale, & fous les yeux du Comte Don Silveftre Antoine Ponticelli, notre Premier Médecin, & Médecin génerat: enfin le cas que Nous faifons de toute forte. de Sciences & d'Arts-Liberaux, & la fatisfaction que Nous. avons d'honorer ceux qui les poffedent à un dégré émi Chevalier Taylor notre Médecin Oculite, voulant qu'il ment, font les motifs qui Nous ont engagé à déclarer ledia foit reconnu pour tel, & qu'il jouiffe de tous les honneurs & privilèges attachés à cette qualité, que Nona lui don

nons par ces Préfentes fignées de notre propre main, feellées du Sceau de nos Armes, & contrefignées par notre premier Secretaire d'Etat, de Guerre, Graces & Juftice &c. Donné à Parme le 3. Janvier 1756. Signé, PHILIPPE, &c. Er plus has ROBERT RICE.

,

Il paroîtra dans peu de jours un nouvel Ouvrage du Chevalier Taylor, dédié à S. A. S. le Duc de Modene, intitulé: Differtation fur l'art de conferver la vie. Son nouveau Traité, intitulé: L'art de retablir la parfaite pofition de l'œil à l'égard des perfonnes qui ont les Yeux louches, eft fous preffe, & fuivra de près le premier. Ce lui-ci eft dédié à S. A. R. l'Infant Duc de Parme. Le Chevalier Taylor, arrivera le 14. à Milan, & fe rendra enfuite à Turin.

De VARSOVIE le 30. Decembre. Les Ruffiens font en grand nombre dans la Livonie & dans la Courlande, ils fe difpofent à fe raffembler en Corps au premier ordre; mais il n'y a encore rien de décidé touchant leur entrée en Pologne, pour fe rendre en Allemagne; on n'a même fait à cet égard aucune Réquifition au Roi & à la République ; & l'on ne penfe pas qu'ils traverfent ce Royaume fans avoir auparavant fait demander le paffage, & l'avoir obtenu. On ne peut jufqu'ici rien dire de pofitif fur ce paffage, parce que les circonftances décideront fi on le leur accordera ou non, quoiqu'il y ait bien des Perfonnes qui paroiffent le fouhaiter pour leur intérêt particulier. Un grand nombre de Voleurs & de Vagabonds infeitent tellement le Plat-Pays, qu'il eft dangereux de voyager, & encore plus de tomber entre leurs mains. Quoique les Prifons en foient remplies, & qu'on en expédie journellement par des exécutions, le nombre n'en diminuë pas; & il fera enfin néceffaire de faire marcher des Troupes pour leur donner la chaffe.

De LONDRES le 3. Janvier.

Sans perdre de vue les préparatifs pour les grands Armemens que la Cour a réfolu de faire grands Armemens que la Cour a réfolu de faire cette année, on apporte une continuelle attention à veiller aux mefures que la fûreté des trois Royaumes peut exiger dans la présente conjoncture; & on met en ufage tous les moyens propres à découvrir les intelligences fufpectes qu'il peut y avoir. Outre un très-grand nombre de Bâtimens armés & destinés à défendre l'approche des Côtes, elles feront gardées par des Corps de Troupes & par une bonne Artillerie dans tous les endroits, où l'on pourroit craindre quelque defcente. On n'attend pour mettre ce projet à exécution qu'un tems favorable, qui fuccede enfin aux tempêtes qu'on effuye depuis près de trois semaines, & qui empêchent bien des Batimens qu'on attend de divers endroits de pouvoir aborder. Depuis quelque tems il en vient fort peu de nos Colonies. Les derniers ont apporté des Lettres de Bofton dans la Nouvelle Angleterre dattées du 12. Novembre, par lefquelles on apprend que les Habitans de plufieurs Diftricts fitués fur la frontiere de la Nouvelle

Ecoffe, occupés par des Indiens naturels, ou par des François anciennement établis, s'étant joints aux Troupes de France, & les ayant favorifées dans leurs expéditions, le Major Frey étoit parti du Fort de Cumberland avec plufieurs autres Officiers & 200. hommes, & que s'étant embarqué fur la Chalouppe l'forck, & le Brigantin le Warren, il étoit allé tirer raifon de cette conduite; qu'ayant débarqué à Chippondie, il avoit parcouru un affez grand efpace de terrain, dans lequel il avoit détruit près de 300. Maifons appartenant ou aux Indiens ou aux François, ruïne en même tems quantité de Cabanes des Indiens Rebelles, & fait dans cette courfe un grand nombre de prifonniers; mais qu'à fon retour au Fort de Cumberland, il avoit été attaqué par un gros d'Indiens qui tâchoient de lui couper la retraite ; & que cependant il avoit fi bien pris fes mefures, qu'il s'étoit rembarqué fans beaucoup de perte, & emmenant même fes prifonniers.

On vient d'apprendre qu'un Bâtiment François richement chargé, pris dans la Manche, étoit conduit à Plymouth par un Officier & huit Matelots Anglois; mais que trois Matelots de l'Equipage & un Mouffe qu'on y avoit laiffés, voyant l'Officier & les autres Matelots yvres ou endormis avoient eu le courage de s'affurer des armes qui fe trouvoient à bord, de garrotter ces neuf hommes, & de conduire enfuite le Bâtiment à Calais.

Les efpérances de la Paix font aujourdhui fi foibles, que les Actions n'ont plus de prix ; & s'il augmente par hazard, c'est de fi peu de chofe, qu'il ne vaut pas la peine d'en parler. Cette circonftance inquiéte beaucoup le Gouvernement.

De BRUXELLES le 3. Janvier.
Outre les difpofitions contenues dans l'Edit de

l'Imperatrice Reine, au fujet des Titres & Marques d'honneur & de Nobleffe, duquel on a fait mention l'Ordinaire dernier, il en contient plufieurs autres, qui font expliquées de cette maniére dans les Articles fuivans.

condition qu'ils foient, de prendre, porter ou relever le V. Defendons à tous nos fujets, de quelque qualité ou Nom ou Armes d'autres Maifons ou Familles Nobles, quand même la ligne mafculine de ces Maifons ou Familles feroit éteinte, fauf & excepté les Gentilshommes, à qui cela aura été permis par Adoption, Contract de Mariage, milles, qui portent pareils Noms & armes des Familles Teftament ou autre disposition valable de ceux de ces Faéteintes, & qui en auront obtenu de Nous ou de nos Prédéceffeurs, le confentement exprès en Lettres Patentes en due forme, qu'ils feront obligez de faire enrégitrer aux régitres de nos Offices d'Armes, comme il fera déclaré ci-après, à peine de 200. florins d'amende, outre & pardeffus la réparation de ce qui aura été fait au contraire. IX. Ceux qui ont fouillé leur Nebleffe par l'exercice de quelque Art méchanique, métier, ou autrement par quelque profeffion dérogeante à leur prémiere qualité, n'en pourront plus jouir, ni d'aucuns honneurs, prérogatives & immunitez attachez à la Nobieffe, fi préalablement ils n'abandonnent cette profeffion, & n'obtiennent de Nous nos Lettres de Réhabilitation & Reftitution de leur ancienne Nobleffe, après avoir vérifié, qu'ils font

iffâs légitimement & en ligne directe d'une Perfonne ou Famille Noble; & ils devront faire enregitrer ces Lettres de Réhabilitation aux régîtres de nos Officiers d'Armes, avant de s'en pouvoir fervir; le tout à peine de deux cens

florins d'amende.

Bien entendu néanmoins, que par les difpofitions de cet Article, Nous n'entendons alterer en rien l'Edit de feu l'Empereur & Roi notre très-cher & très-honoré Pere & Seigneur, du 13. de Juin 1736., dans lequel il a été de claré, que par le Commerce en gros, foit par Mer ou par Terre, on ne déroge en aucune manière à la Nobleffe; voulant au contraire, que cette déclaration foit tenue ici pour repétée & confirmée fur le pied déduit dans le même Edit, & qu'elle ait fa pleine & entiere exécution.

XXI. Nous permettons le port d'Epee d'Argent aux Annoblis, & leur permettons auffi qu'ils puiflent faire donner à leurs Femmes le Titre de Dame, ou Madame.

XXII. Nous defendons le port d'épée à tous ceux qui ne font pas Nobles, ou qui ne font pas autorifez ou en due poffeffion de la porter en vertu de leurs Charges & Emplois, à peine de cent florins d'amende.

XXIII. Nous défendons auffi à tous ceux qui feront de moindre qualité que de Chevalier, de porter une Epee d'Or, dorée ou femblable, à peine de cent florins d'amende. XXIV. Nous défendons à tous ceux qui ne font pas Nobles, foit de Race, foit par Lettres Patentes, ou à Titre de leurs Charges, de prendre aucune marque de Nobleffe, ou de faire ou permettre, qu'on titre leur Femme de Da me, ou Madame, en public ou en particulier, à peine de deux cens florins d'amende à châque contravention. XXVII. Perfonne ne pourra porter les Lifieres de Toile ou Pleureuses, ni couvrir l'Epee de drap noir, on porter une Epée noire, à moins d'être Noble ou Annobli, à peine de cent florins pour l'une & l'autre des contraventions, De VERSAILLES le 1. Janvier. Les Dépêches que la Cour a reçuës de divers endroits concernant la préfente conjoncture des affaires de l'Europe, ne peuvent être plus fatisfaifantes. On affure que celles de Berlin en particulier portent que le Roi de Pruffe a déclaré qu'en qualité de Garant de la Néutralité de l'Empire, Il s'oppoferoit de toutes fes forces à l'entrée d'une Armée étrangere; ainfi les préparatifs que font les Ruffiens pour être en état de fe raffembler fur les Frontiéres de la Livonie & de la Courlande pourroient bien être à pure perte, fi, comme il y a toute apparence, S. M. P. eft réfolue de ne pas permettre que cette Nation paroiffe en Armes dans le coeur de l'Allemagne. Les Dépêches de Madrid ne font pas moins favorables. Le Roi d'Efpagne va faire paffer de nouvelles Troupes en Amérique, pour maintenir fes Droits de Commerce & de Navigation dans le Golfe de Campêche & dans la Baye de Honduras, & empêcher furtout qu'il n'y entre aucun Bâtiment Anglois. Il y a d'autres Articles dans les Dépêches de ces deux Cours, mais le contenu en eft encore tenu fecret, de même que la réponse qui a été minutée dans les derniers Confeils. Le Roi toûjours attentif à récompenfer les fervices rendus à l'Etat, dans quelqué Pofte qu'on foit employé, vient d'accorder à Mine. la Marquife Defalleurs, Veuve du ci-devant Ambaffadeur à la PorteOttomane, une gratification de 12000. livres, & une Penfion de femblable fomme; & S. M.

s'eft engagée en même tems de payer les dettes de ce Miniftre, quoique très-considérables. Ele a donné à M. le Comte de Maillebois, Lieutenant-Géneral de fes Armées, le Depôt de la Guerre qu'avoit feu M. de la Fautriere, Confeiller au Parlement, & aux deux Filles de feu M. Bart, Chef d'Efcadre, 400. livres de Penfion à chacune, revertible de Pune à l'autre. Elle a rétabli la Place de Capitaine du Port de Dunkerque, qui avoit été fupprimée depuis le Traité d'Utrecht en 1713. & l'a donnée à M. de Landré. Le Roi penfe fi férieulement à faire réparer ce Port, que M. le Boeuf, Directeur du Génie, a déjà drellé un Plan de Fortifications, dont l'exécution mettra pour jamais ce Port à l'abri de toute infulte, tant du côté de la Mer, que du côté de Terre.

De PARIS le 13. Janvier.

Il ne paroît point par les Lettres de Londres du 4. de ce mois qu'on y ait encore reçu la Requifition que le Roi y a envoyée par la voye de la Holande: mais, à juger par le tems où elle eft partie de Verfailles, & par celui qu'il a fallu, pour que de la Haye elle fût portée à la Cour Britannique, on doit en recevoir ici des nouvelles dans quatre ou cinq jours, ou au plûtard dars le courant de la femaine prochaine. Bien des gens s'imaginent que les Anglois voudront entrer en négociation fur le contenu de cette Requifition mais le vouluflent-ils en effet, il y a apparence que ce feroit en vain. La demande du Roi eft précile, & n'admet ni tergiverfation, ni lenteur. S. M. exige une fatisfaction auffi prompte qu'éclatante pour l'injure faite à fon Pavillon, & une entiere reftitution des Bâtimens enlevés à fes Sujets. La feule réponse à cette demande, c'eft oui ou non; & c'eft de l'un des deux que dépend la Paix ou la Guerre. Mais comme on ne croit pas que l'affirmative foit du goût des Anglois, & que le Roi a déclaré qu'il prendroit la négative pour une Déclaration de Guerre, elle eft prefque regardée comme inévitable. On compte même que les opérations en commenceront auffi-tôt que la faifon Y fera propre, fur mer d'abord, & bientôt après fur terre. Toutes les mers feront les théatres des unes, & les circonftances détermineront les Païs qui devront en fervir aux autres. Mais à juger par la nature des préparatifs, ce fera fur le liquide Elément que fe frapperont les grands coups.

Les conftructions font pouffées dans les divers Ports du Royaume avec une activité furprenante. Il y a actuellement au Havre deux Vaiffeaux de 50. piéces de Canon, & deux Fregates de 30. fur les Chantiers; les deux Vaiffeaux qu'on nomme la Brune & la Blonde de même Port vont être lancés à l'eau & armés tout de fuite. On conftruit à l'Orient deux Vaiffeaux de 74. & deux de 64. avec fix Fregates d'une nouvelle invention, qui ne prendront que 16. pieds d'eau. Elles ont 136. pieds de long & porteront 30. piéces de

N°. I.

1756-1757

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LE COURRIER

DU VENDREDI 2.JANVIER 1756. RECAPITULATION des Evenemens de l'Année 1755.

L

'Année qui vient de finir, eft moins embarralfante à décrire par la multitude & la variété des événemens dont elle eft remplie, que difficile à définir par l'ambiguité du Tableau,que ces événemens, raprochés les uns des autres, préfèntent à l'efprit. Ces parties, non-feement diverfes, mais oppofées, forment un tout qu'on ne fçait de quel nom appeller. C'eft un compofé femblable au corps du Sphinx, ou à celui des Syrènes. Le beau & le laid, le gracieux & le terrible les apparences féduifantes & les périls; la paix & la guerre s'y confondent & portent la confufion dans nos idées. On y voit du même coup d'oeil Minerve dans Pallas & Pallas dans Minerve, mêlant bifarrement les fymboles & les opérations de deux perfonnages contraires; tenant en même tems, & par rapport au même objet, l'olivier & la lance: affemblant des Sages, & convoquant des Guerriers: préfidant à des négociations pacifiques dans les Cabinets; & ordonnant dans les Arfenaux des préparatifs militaires. On y voit la politique des Cours paifible & inquiéte, partagée entre le doux foin de profiter d'une fituation tranquille pour rendre, par le Commerce, par les Arts, par une fage Police, les Peuples heureux & les Etats floriflans; & la gênante follicitade d'obvier à des troubles, qui faifant négliger la Police, traverfant l'exercice des Arts & interrompant le Commerce, bouleverferoient la face des Etats & replongeroient les peuples dans la mifére. On y voit ces peuples incertains de leur fort flotter entre la crainte & l'efpérance; tantôt bercés par des préfages flâteurs, tantôt allarmés par des conjectures finiftres. On y voit la nature, mere & marâtre, bienfaifante & pernicieufe; dans un afpect riant, & dans des convulfions effrayantes; faifant de grands dons, caufant de plus grands dommages: mettant au jour des Princes dont la naiffance infpire la plus vive joye; abbattant des têtes dont la chûte répand le deuil & la trifteffe rendant d'un côté la terre propice & tous les autres élémens favorables aux uns; les itritant ailleurs contre d'autres, & les leur rendant funeftes: faifant fervir la terre, par fes tremblemens; l'air, par fes tempêtes; le feu, par fes ravages; la mer, par les fureurs; les fleuves & les rivieres, par leurs débordemens, à la ruïne des Villes, à la dévaftation des campagnes, à la perte des hommes & des animaux ; changeant les montagnes en plaines; les plaines en gouffres & en étangs; le

Dexter fund

fontaines en boue fe montrant enfin, par mille fymptômes convulfifs, comme touchant au terme de fa durée & fur le point de rentrer dans le cahos d'où elle est fortie; tandis que par d'autres fignes elle a femblé s'annoncer comme rajeunie, & que mettant fous nos yeux une multitude de vieillards plus que centenaires, elle a fait montre de la même vigueur dont elle jouiffoit dans fes plus beaux jours. Tel eft le contrafte que l'Année qui vient de paffer nous préfente, tels font en général les traits qui la caractérisent. Dans l'impoffibilité d'en donner un détail exact,rappellons au moins ceux qui la rendront plus remarquable dans les Annales de chaque Nation. Sans parler du Mogol & de la Perfe, dont les déplorables révolutions, quoique très-intéreffantes pour l'humanité, font étrangeres à notre politique, quel rang diftingué re tiendra pas cette Année dans les faftes de l'Empire Ottoman? Son commencement eft la fin du régne de Mahomet V. Ce Sultan meurt, digne, par la droiture de fes vûës & par la douceur de fon caractère, de beaucoup plus de regrets qu'il n'en caufe, Ofman lui fuccede, & fon Election faite fans la participation des Janiflaires, ne laisse pas d'avoir leur approbation : l'espérance qu'il favorifera leur inclination pour la Guerre, leur fait digérer le mépris qu'on a fait de leur fuffrage; & bien-tôt des largeffes qu'il fçait leur faire à propos, lui obtiennent de leur part le pardon d'avoir trompé leur attente: tant leur ont fait de juftice ceux qui ont crû que dans leur cœur le vrai mobile de l'ardeur pour la Guerre eft l'avidité du butin; & qu'avec eux un Souverain n'a qu'à être libéral pour le faire difpenfer d'être Guerrier! A ce prix, le fyftême pacifique, qui fous le régne de Mahomet avoit tant de fois irrité leur impatience & excité leurs clameurs, eft, fans obftacle & fans rifque de leur part, adopté & fuivi par fon Succeffeur : les inquiétudes qu'à fon avénement au Trône les faux portraits qu'on avoit fait de lui, avoient caufées à fes voifins, font diffipées par les affurances qu'il donne de fon amour pour la Paix. Les deux Empires du Nord, qu'on croyoit les plus menacés, font le plus flâteufement diftingués. Ofman déroge en leur faveur à la fierté" Ottomane il leur envoye des Ambaffadeurs, témoignage d'amitié auffi remarquable par fa rareté, que la manière dont les deux Cours Impériales y répondent, l'eft par la politeffe des accueils, & par la magnificence des préfens. Mais ce nouveau Sultan, fi poli envers les étrangers, n'eft rien moins qu'indulgent pour les Officiers de la Porte. So délicat & difficile à fatisfaire, rejet'offre des plus dur & le moû. il ne refpecte n'de charmes, pour niftres le choix de la Sultane lant fon alliance ave

HARVARDre qu'il n'a respecté celuiránt d'autres en Alle

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