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ont tenu une conduite douteuse, 122 une mauvaise conduite, 209 se sont enròlés dans l'armée ou dans la marine, 46 sont décédés ou ont quitté la France, 181 sont tombés en récidive. Déduction faite des disparitions et des décès, la récidive a été de 9 pour 100.

On peut induire de ces résultats qu'il serait facile, à l'aide d'un patronage bien organisé, de maintenir dans la bonne voie une foule de jeunes gens qui s'en écartent trop souvent, faute d'une direction convenable. Des mesures dans ce but seront, sans doute, prochainement adoptées par l'administration, qui a déjà tant fait pour l'éducation des jeunes détenus. JULES DE LAMARQUE.

DU TÉLÉGRAPHE TRANSATLANTIQUE 1.

Les progrès de la télégraphie électrique, pendant le peu de temps qui s'est écoulé depuis sa première application, sont dignes de cette merveilleuse découverte et concourent avec elle à élargir, au delà de toute prévision, les limites de la domination de l'homme sur la nature. Dès que l'utilité pratique du nouveau mode de communication eut été démontrée par l'établissement d'une première ligne un peu étendue, on le vit expérimenter de toute part, comme si chaque nation eût voulu s'en donner le curieux spectacle et s'en assurer les avantages. En quinze années, les fils miraculeux ont sillonné les vastes continents de l'Europe et de l'Amérique, et ont mis en contact permanent des points séparés les uns des autres par des distances s'élevant, en somme, à plusieurs dizaines de mille lieues.

Quelques années s'écoulèrent, après l'achèvement des lignes continentales, sans qu'on osât aborder un problème que les plus hardis regardaient alors comme insoluble, problème qui consistait à rattacher entre elles, par le lien électrique, des nations séparées par la mer; mais bientôt on risqua des essais, on les continua, et les difficultés de la télégraphie sous-marine furent vaincues. Voilà cinq ans

1 Les détails qui suivent sont empruntés à la feuille anglaise the Economist,

qu'un premier câble immergé entre les côtes de France et d'Angleterre sert journellement aux communications de ce dernier pays avec le continent européen. Au point de vue des intérêts de la civilisation, c'est un résultat magnifique; au point de vue plus modeste de l'intérêt des entrepreneurs, c'est une excellente affaire.

Ce succès devait servir de stimulant à d'autres tentatives. Il fit disparaître les préventions inquiètes et jalouses toujours prêtes à encombrer la voie du progrès (ainsi que nous l'avons vu pour la vapeur et le gaz) jusqu'au jour où, par une nouvelle victoire, l'esprit humain les balaye devant lui. Aujourd'hui, c'est par six lignes sous-marines que l'Angleterre se trouve liée avec les côtes situées en face d'elle. Pensez-vous qu'elle en reste-là? Non, un but nouveau s'offre à sa noble ambition. Il ne s'agit de rien moins que d'unir l'Europe aux Indes occidentales par un câble qui traversera toute l'Atlantique; et, heureusement, la science a fait de tels pas qu'elle est en mesure, à-l'heure qu'il est, de garantir la réussite de cette entreprise gigantesque.

Parmi les événements remarquables de notre siècle, aucun peut-être n'aura de conséquences aussi importantes. En effet, les améliorations dues à l'emploi de la vapeur semblaient avoir atteint leur apogée et abrégé, autant que cela était humainement possible, les délais nécessaires pour l'échange d'une correspondance entre le vieux monde et le nouveau, si le rapprochement opéré par un agent électrique entre les parties de l'ancien monde, ne profitait pas aux Américains. Mais cet agent n'avait pas dit son dernier mot; et, grâce à lui, toutes les lenteurs qui existaient encore forcément dans les relations transatlantiques vont enfin disparaître. Comment douter qu'il n'ait, pour étendre et multiplier les relations des continents entre eux, une vertu au moins égale à celle dont s'est trouvée pourvue l'invention des voies macadamisées, des routes ferrées et de la locomotive? Une fois le câble placé, les affaires politiques entre les gouvernements seront réglées si promptement que les différends n'auront pas le temps de naître. Les négociants n'attendront plus un mois ou davantage pour apprendre qu'un

· ordre est exécuté, une vente conclue; et ceux qui, loin de leur famille, voudront savoir ce que devient ce cercle privilégié de leurs affections, auront réponse aussi promptement que s'ils en étaient restés voisins.

Jusqu'à ces derniers temps, la nature de l'Océan, sa profondeur, les courants qui le traversent et leur direction étaient choses à peine entrevues ou conjecturées. D'un autre côté, une distance d'environ deux mille milles était si étendue que, pour les savants eux-mêmes, à la suite d'observations multipliées sur des fils isolés et immergés, il était douteux que des signaux sous-marins pussent franchir une telle distance en l'absence de stations intermédiaires qui permissent de renouveler le courant électrique. On avait reconnu, en faisant passer le courant par des fils d'une longueur immense, qu'au moment du retrait de la pile, il se produisait comme une rétrogradation de l'impulsion électrique à l'extrémité du fil qui venait d'être mis en contact avec la pile, et qu'une portion considérable du courant, momentanément absorbé dans l'étendue du fil, revenait sur ses pas sans être parvenu à l'extrémité opposée, celle précisément où l'on aurait voulu qu'il étendit son action. Des recherches ingénieuses établirent que ce phénomène résultait de l'influence réciproque exercée par les fils conducteurs et par l'eau qui environnait leur enveloppe, que celle-ci fût en gutta-percha ou en autre substance. Une partie de l'électricité développée par la pile se fixait dans les fils de la même manière que l'électricité produite par frottement se condense dans la bouteille de Leyde. On en vint même, à la suite d'une série d'expériences, à admettre cette conséquence qui parut reposer sur des bases scientifiques : c'est qu'il faudrait, pour transmettre l'impulsion électrique à un point aussi éloigné de nous que l'Amérique du Nord, employer des fils d'un diamètre considérable, ce qui était tomber dans une autre impossibilité pour échapper à la première, et présentait comme insoluble le problème d'établir directement une communication électro-télégraphique entre les deux rives de l'Atlantique.

Comme, au surplus, on n'avait pas encore, au point où les notions scientifiques étaient parvenues, des données suffisantes pour garantir le succès de l'immersion

d'un câble sur la route directe qui, de l'extrémité occi- dentale de l'Irlande, aboutit à Saint-Jean de TerreNeuve, il fut proposé de suivre une ligne commençant au nord de l'Écosse et gagnant successivement les Orcades, Féroé, l'Islande, le Groenland, le Labrador, et enfin les États-Unis, tracé qui eût permis d'établir, d'étape en étape, des appareils destinés à renouveler le courant électrique, de manière à n'avoir plus à lui faire franchir que six à sept cents milles d'un seul trait. Toutefois ce plan avait un grand désavantage : il impliquait de nombreuses stations sur les côtes inhospitalières de l'océan Boréal, et exposait le câble conducteur à l'action destructive des îlots de glace qui abondent dans ces régions.

Mais, dans le cours de l'année dernière, toutes les objections contre la possibilité de suivre la voie directe entre l'Irlande et Terre-Neuve furent réfutées au nom de la science; et en même temps des renseignements satisfaisants furent obtenus sur la configuration du lit de l'Océan, sa profondeur et les courants qui le traversent, d'un rivage à l'autre. Un vaisseau expédié par le gouvernement des États-Unis, à la demande des auteurs du projet, se livra à l'examen des profondeurs de l'Atlantique sur tout le parcours signalé. De nombreux sondages, faits à des points suffisamment rapprochés, nous ont appris que le lit de l'Océan est presque de niveau pendant les deux mille milles qui séparent ses deux rives. Les variations dans la profondeur sont du moins assez régulièrement graduées, et comprises entre les limites de mille à deux mille brasses, ce qui n'excède pas, en moyenne, les différences de niveau qu'on a déjà surmontées pour établir les lignes existantes. Quant à la nature du lit ou banc qui s'étend d'une rive à l'autre, elle remplit toutes les conditions désirables pour servir de point d'appui au câble sous-marin, et consiste uniquement en coquillages fort minces, dont on distingue à peine les contours à l'œil nu, analogues vraisemblablement aux

Terre-Neuve est rattachée télégraphiquement aux États-Unis par un câble sous-marin.

coquillages microscopiques qui sont l'élément principal de notre formation crayeuse.

Un mot sur l'ingénieux appareil à l'aide duquel ont été exécutés les sondages. A une ligne de suffisante longueur était suspendu un poids de forme cylindrique; au poids et de plus à la ligne était attaché un groupe de plumes. En atteignant le fond, le poids pressait les plumes et en enfonçait le bec dans l'élément solide qui se fixait dans leur cavité. Les choses étaient disposées de façon que, s'il paraissait prudent d'abandonner le poids, dans les eaux très-profondes, de peur de briser la ligne en le soulevant, de lui-même il se détachait de la ligne et ne laissait remonter que les plumes à la surface de l'Océan. On se servait d'une petite machine à vapeur pour faire tourner le tambour sur lequel s'enroulait la ligne dans son mouvement ascensionnel.

En examinant les échantillons obtenus, on put induire, avec certitude, de la perfection des formes des plus minces coquillages qu'il n'existait aucun courant à la profondeur d'où on les avait tirés; car le plus léger mouvement dans l'eau qui les environnait eût suffi pour endommager leur fragile texture. Cette conclusion était d'ailleurs confirmée par la situation même de la route choisie, qui se trouve précisément située hors des limites où se fait sentir l'action du grand courant connu sous le nom Gulf Stream, et qui se recommande à ce titre comme une voie parfaitement calme et tranquille, sauf l'agitation superficielle des vagues, dont il n'y a pas lieu de tenir compte, au point de vue spécial qui nous occupe.

Pendant que l'aptitude de l'océan Atlantique pour recevoir un câble télégraphique était ainsi reconnue, on se livrait à des recherches scientifiques sur le point de savoir comment se comporterait l'électricité dans son passage travers des fils conducteurs ayant l'énorme longueur qu'il s'agissait de franchir; et comment on remédierait à l'inconvénient précité de l'absorption temporaire du courant électrique, et du retard qu'il éprouverait pour arriver à sa destination. Tel fut le problème qu'essayèrent de résoudre le docteur Whitehouse et M. Bright, ingénieur de la Compagnie télégraphique, en se livrant à une

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