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frappe en bloc le coupable et ce qui lui appartient. Cette peine se divise de bonne heure et engendre la confiscation dont les applications, quelque temps incertaines et arbitraires, sont mieux réglées quand le droit pénal s'organise. A l'époque classique, la confiscation se joint à toutes les peines capitales; elle est pour l'Etat une source abondante et régulière de revenus; les jurisconsultes en construisent la théorie et essaient de l'accorder avec les droits des tiers. Mais ils s'aperçoivent bientôt qu'à côté des tiers, la famille du condamné a des droits qu'il faut reconnaître. Dès lors le principe est ébranlé et la confiscation perd du terrain. Des concessions toujours plus grandes sont faites à la famille; sous Justinien, elles ont presque absorbé la part du fisc (1).

Le droit d'Athènes, que nous connaissons imparfaitement, ne nous montre ni les débuts ni la fin de la confiscation en Grèce; il nous la montre établie et florissante, telle qu'elle était à Rome à l'époque classique. Les règles sont à peu près les mêmes; en ce point, les deux cités antiques se sont ressemblé.

Toutes deux exagéraient le rôle et l'autorité de l'Etat; toutes deux ont abusé de la confiscation en matière politique. Quand l'Etat est devenu une pro

(1) Les commentateurs purent considérer la confiscation comme abolie par Justinien pour les crimes de droit commun, et elle ne fut admise dans les pays de droit écrit que pour le crime de lèse-majesté (RÉPERTOIRE DE MERLIN, Vo Confiscation). La confiscation politique favorisée par les institutions du Bas-Empire avait survécu.

vidence qui doit suffire à tous les besoins, il lui faut des ressources inépuisables. La confiscation, employée comme peine politique, est un moyen commode de lui en procurer. Elle ne pèse que sur les ennemis du pouvoir, toujours suspects de quelque trahison. Elle est agréable à la majorité qui en profite. Mais le peuple qui en vit est condamné à périr, car il boit son propre sang.

DE LA CONFISCATION A ATHÈNES

La confiscation (EU) existait probablement dans toute la Grèce (1). Mais nous ne pouvons l'étudier qu'à Athènes, dont les lois nous ont été conservées par l'histoire et par les plaidoyers des orateurs. Nous savons qu'elle y fut souvent pratiquée. La vente des biens confisqués était pour l'État une source ordinaire de revenus (2). Le produit de ces biens servait aux distributions publiques (3) et les démagogues réclamaient quelquefois des condamnations pour assurer le salaire du peuple (4). Il était rendu compte des biens vendus (quópata) dans la première assemblée de chaque prytanée; des tables de pierre qui en contenaient la liste étaient exposées en différents lieux, par exemple à Eleusis pour les biens attribués à Cérès (5).

(1) Nous avons des exemples de confiscation à Argos (Thucydide, 1. V, c. 60); à Phlionte et à Sicyone (Xenophon, Hellèn., 1. V, c. 2, § 10 et 1. VII, c. 1, § 46); à Mégare (Aristote, Politique, I. V, c. 4, § 3); à Rhodes (Cicéron, De Inv., I. II, § 32. — La confiscation était pratiquée dans l'Inde et dans l'Egypte ancienne (Thonissen, Etudes sur l'histoire du droit criminel, t. Ier, p. 49 et 165).

(2) Aristophane, Guêpes, v. 657.

(3) Bockh, Economie politique des Athéniens, trad. Laligant, t. Ier, p. 358 et sq.

(4) Lysias c. Epicrate, éd. Didot, t. 1er, p. 211.

(5) Boeckh, t. II, p. 150.

La confiscation était prononcée soit pour crimes religieux ou politiques, soit pour crimes de droit commun. Les crimes politiques, qui entraînaient la peine de mort et la confiscation, étaient compris sous le nom général de δημόσια αδικήματα. C'étaient les complots contre la démocratie (κατάλυσις τοῦ δήμου), la trahison (podosía), le vol des choses sacrées, le fait d'avoir accepté des charges sous la tyrannie et de l'avoir favorisée, et en général tout dommage causé la République (1). La loi portait que l'auteur du dommage se défendrait, chargé de fers, devant le peuple; que s'il était reconnu coupable, il serait mis à mort, son corps jeté dans le barathre, ses biens confisqués et la dixième partie consacrée à Minerve (Xénophon, Helléniques, 1. Ier, c. 7, § 20). Les généraux athéniens, vainqueurs près des îles Arginuses, furent condamnés en vertu de cette loi, pour n'avoir pas enseveli, malgré la tempête, les soldats qu'ils avaient perdus. La démocratie, pour opprimer les riches, les accusa souvent de trahir l'Etat (2). Ce crime était si mal défini que l'accusation était toujours dange

reuse.

L'histoire nous a conservé des exemples de confiscations politiques. Les biens de Thémistocle, accusé d'avoir conspiré avec Pausanias, pour l'asservisse

(1) Comparez le crimen majestatis à Rome, « Majestatem is minuit « qui ea tollit ex quibus rebus civitatis amplitudo constat. » (Cicéron, Ad Herenn., 1. II, § 12).

(2) Aristote, Politique, I. V, c. 4, § 3.

ment de la Grèce, furent confisqués (1). Ceux d'Alcibiade le furent également, lorsqu'on le condamna pour sacrilège (2). Xénophon raconte que les trente tyrans établis à Athènes après la guerre du Péloponnèse condamnèrent à mort autant de métèques dont ils convoitaient les biens, et dérobèrent au trésor public la plus grande partie de leur fortune (3). Après leur chute, ils furent à leur tour menacés de confiscation: « Pausanias Lacedemoniorum rex, inter Thra« sybulum et eos qui urbem tenebant, fecit pacem « his conditionibus: ne qui præter triginta tyrannos « et decem qui, postea prætores creati, superioris more crudelitatis erant usi, afficerentur exilio, < neve bona publicarentur.» (Cornelius Nepos, Vie de Thrasybule).

Parmi les crimes de droit commun, ceux qui entraînaient la mort, l'esclavage et le bannissement, entraînaient aussi la confiscation. Nous retrouverons le même principe dans le droit romain.

Le meurtre prémédité (φόνος ἐκ προνοίας), les blessures faites avec préméditation (p¤úμτα Ex πрovoíxs), l'incendie (Tupxaía), et l'emprisonnement (pápuaxov) était punis de mort et de confiscation.

Les citoyens Athéniens n'étaient condamnés à l'esclavage que dans un cas, si, faits prisonniers par

(1) Plutarque, Vie de Thémistocle.

(2) Plutarque, Vie d'Alcibiade.

(3) Meier, Historia juris Allici de bonis damnatorum, p. 27.

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