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dommage qu'auront éprouvé soit les tiers, soit les

associés.

La solidarité prononcée par l'article est conforme à la jurisprudence en matière de dommages-intérêts résultant d'un quasi-délit. Voyez notamment arrêt de la Cour de cassation du 20 juillet 1852 (Sirey, 1852. 1. 689) (1).

Ainsi, on forma d'abord le projet d'établir contre les administrateurs responsables des nullités sociales une responsabilité exceptionnelle; mais on recula devant les conséquences qu'elle pouvait avoir et on se contenta de leur appliquer les règles du droit com. mun (2). L'art. 25 de la loi de 1863 ne contient pas autre chose, et comme il a passé sans interprétation nouvelle, sans débat (3), dans la loi de 1867, l'article 42 de cette loi n'est que l'expression du droit

commun.

On dit ordinairement qu'il s'en sépare en prononçant une responsabilité obligatoire et solidaire (4). Nous ne contestons pas ces deux caractères, mais nous croyons qu'ils résultent précisément du droit commun. Les administrateurs dans notre hypothèse ont violé la loi qui leur imposait certains devoirs; ils sont donc toujours responsables, sans pouvoir oppo

(1) Duvergier, Bulletin des lois, 1863, p. 387.

(2) Voyez dans M. Pont, nos 1304 et 1306, les raisons de ce changement.

(3) Tripier, t. II, no 3248.

(4) Pont, no 1298.

ser leur bonne foi ou leur ignorance (1). De plus ils ont commis un délit ou tout au moins un quasi-délit et il est de principe qu'en pareil cas la responsabilité est solidaire (2). Les règles seraient les mêmes pour toute autre faute commise par eux en violation de la loi, par exemple la distribution de dividendes fictifs.

Il n'importe donc guère, à notre avis, de rechercher dans quels cas s'applique l'art. 42, et dans quels cas l'art. 44 de la loi de 1867. Dans tous les cas, la responsabilité des administrateurs est régie par le droit commun. On nous objectera que, dans ces conditions, l'art. 42 est inutile, sinon pour les fondateurs dont il n'est pas parlé ailleurs, du moins pour les administrateurs. Nous n'hésitons pas à le reconnaître. Nous avons vu que cet article remonte à la loi de 1863, que dans le projet de la loi il apportait une grave exception au droit commun et qu'on ne se décida pas à faire cette exception. Quand on modifia le projet, on ne songea pas qu'il était inutile de laisser une disposition à part pour la responsabilité en cas de nullité, si on ne le soumettait pas à des règles particulières. La loi de 1863 eut donc sur la responsabilité des administrateurs deux articles (25 et 27) qui appliquaient également le droit commun et la loi de 1867 suivit docilement son exemple.

(1) Lyon, 9 février 1883, Journal des Sociétés, p. 219.

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(2) Aubry et Rau, Droit civil, t. IV, p. 22. Cass. 30 décembre 1872, D. 1873. 1. 335. - Cass. 15 janvier 1878, S. 1878. 1. 273. Cass. 12 janvier 1881, S. 1882. 1. 23.

Sans doute, il faut le moins possible dire que le législateur s'est répété. Mais lorsqu'il nous en donne la preuve, il faut l'avouer. Cela vaut mieux que méconnaître sa volonté, faire violence au texte et donner un sens particulier à des dispositions qui ne l'ont pas.

49.- La jurisprudence n'a pas été de cet avis. Elle a fait de l'art. 42 une disposition exceptionnelle et rigoureuse contre laquelle se sont élevées de nombreuses protestations (1). D'après son interprétation les administrateurs seraient obligés envers les tiers, lorsque la nullité de la société a été prononcée, d'acquitter toutes les dettes sociales, et non pas seulement de réparer le préjudice causé par leur faute.

Si l'on suppose, par exemple, qu'une société, ait été constituée avant que tous les actionnaires aient opéré le versement du quart, que cette société après quelque temps d'existence, fasse de mauvaises affaires et soit mise en faillite, les administrateurs seront condamnés à payer toute la différence entre le passif et l'actif, sans qu'il y ait lieu de rechercher si les pertes résultent de leur faute ou d'un cas fortuit (2).

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(1) Presque toute la doctrine a protesté. Vavasseur, no 346. Pont, no 1306. Lescœur, no 307. - Boistel, p. 216.

Il faut joindre à ces autorités celle de MM. Duvergier et Mathieu qui ont déposé dans ce débat, moins comme jurisconsultes que comme témoins. (Consultation pour la Société bordelaise.)

(2) Cass. 13 mars 1876, D. 1877. 1. 50.- Paris, 13 janvier 1882, D. 1883. 2. 73.- Lyon, 9 février 1883, Journal des Sociétés, 1883, p. 181.

En d'autres termes, la jurisprudence rétablit cette disposition que les rédacteurs de la loi de 1863 avaient effacé du projet Les administrateurs sont responsables envers les tiers de la totalité des dettes sociale. » Il faut, dit-elle, faire une différence entre les deux articles qui déterminent la responsabilité des administrateurs. Nous avons répondu à cet argu

ment.

On ajoute que le texte même de l'art. 42 montre la différence. Les administrateurs sont responsables solidairement envers les tiers, sans préjudice des droits des actionnaires. » La loi distingue les droits des tiers et ceux des actionnaires. Il y a donc deux responsabilités qui n'ont pas la même étendue (1). L'historique de la loi ne nous permet pas d'admettre ce raisonnement. Le projet qui mettait à la charge des administrateurs la totalité des dettes sociales, devait séparer les droits des tiers et ceux des actionnaires; de là vient la rédaction actuelle. On aurait pu, en modifiant le projet, faire cesser la séparation, mais nous savons que le législateur est très avare de changements. Il se contenta de rayer ces mots: « la totalité des dettes sociales, et après tout cela devrait suffire.

S'il y avait doute, il faudrait d'ailleurs appliquer le droit commun. L'article 1382 du Code civil dit expressément que la réparation se mesure au dommage

(1) Lyon-Caen et Renault, no 473.

causé et cela résulte de la nature même des choses. Toute disposition qui établirait une responsabilité plus étendue établirait une pénalité et devrait le faire en termes précis, car les peines ne se présument pas.

La jurisprudence invoque enfin une raison de principe. En principe tout associé qui traite avec les tiers s'oblige personnellement; les administrateurs d'une société anonyme ne sont affranchis de cette règle que dans des conditions déterminées; si ces conditions font défaut la règle reprend son empire et les administrateurs sont personnellement obligés.

Ils sont substitués, dit la Cour de cassation, à l'être moral qui, par leur faute ou leur négligence, est reconnu n'avoir pas d'existence légale et sont tenus des mêmes obligations (1). »

Nous répondrons d'abord que ce raisonnement ne peut pas s'appliquer aux fondateurs de la société qui n'ont pas traité avec les tiers et cependant sont déclarés responsables par l'article 42 dans les mêmes termes que les administrateurs. Ensuite, que la société anonyme ne cesse pas d'exister à l'égard des tiers, auxquels la nullité n'est pas opposable. Les tiers retiendront pour se payer l'argent versé par les actionnaires et, quand les actions ne seront pas complètement libérées, feront des appels de fonds. Si de

(1) Cass. 27 janvier 1873, S. 1873. 1. 163,- Paris, 28 mars 1869, D. 1869. 2. 145. L. Choppard, Revue critique de législation et de jurisprudence, 1878, p. 65 et sq.

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