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ciétés anonymes que sur un avis du Conseil d'État. Le Conseil d'État examinait les statuts et avait soin d'exiger des stipulations propres à garantir les intérêts des actionnaires et des tiers. Plusieurs de ces stipulations étaient de rigueur, et ont passé plus tard dans la loi.

Une ordonnance ministérielle du 22 octobre 1817 définissait ainsi la mission du gouvernement: << Comme la loi a pourvu à la sûreté du commerce par les règles de la responsabilité, de la solidarité et de la contrainte par corps envers ceux qui commercent en leur nom ou dans les sociétés collectives; comme elle a pris des précautions pour que l'administration des commanditaires ne portât pas atteinte aux garanties dues au public; elle a dû en instituer de plus spéciales à l'égard des sociétés où n'existe pas la responsabilité personnelle des associés ordinaires.

Elle s'est donc réservé de constater qu'une telle société n'est pas un piège tendu à la crédulité....., que les capitaux énoncés existent effectivement, ou que le versement en est suffisamment assuré; qu'ils sont proportionnés à l'entreprise; que les statuts qui en établissent l'administration offrent aux associés une garantie morale, et, en tous cas, des moyens de surveillance et l'exercice des droits qui leur appartiennent sur l'emploi de leurs deniers.»

VI. L'administration des sociétés anonymes fut

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donc régie par les statuts, qui formaient une sorte de

législation supplémentaire, et par le droit commun. La pratique lui donna de bonne heure une organisation, qui dans ses traits essentiels n'a pas changé, et reconnut en même temps que les administrateurs les deux autres pouvoirs qui concourent avec eux au gouvernement de la société.

D'abord, l'assemblée générale des actionnaires, dépositaire du pouvoir social, qui se réunissait une ou plusieurs fois par an, suivant les règles écrites dans les statuts, recevait les comptes des administrateurs et leur dictait la conduite à suivre (1), les nommait et les révoquait. On lui accordait à cet égard des droits très étendus. « Les assemblées générales, disait Delangle, ont le droit d'imposer à l'exploitation sociale les conditions qu'elles jugent convenables; elles peuvent à leur gré restreindre ou bien étendre la fabrication, prendre toutes les mesures qui se rapportent à l'exécution du contrat, quelque influence que ces mesures puissent en définitive exercer sur le fonds social. Dès que les administrateurs ne sont que des mandataires révocables, il est tout simple que les associés règlent à leur gré l'exercice d'un mandat qui est leur œuvre (2). »

Mais l'assemblée générale ne pouvait toucher aux statuts qui, ayant été approuvés par le gouvernenement, ne devaient être changés qu'avec son appro

(1) Dalloz, RÉPERTOIRE, Vo Société, n. 1547 et sq.
(2) Delangle, Des sociétés commerciales, t. II, n. 436.

bation (1). Les statuts étaient la garantie des tiers et de la minorité des actionnaires. « Les assemblées générales, disait encore Delangle, peuvent arrêter les dépenses, en voter de nouvelles, engager par des délibérations le capital social, changer le mode de la gestion et en modifier les éléments; mais elles doivent rester dans les limites des statuts. Toute dérogation aux clauses qui protègent les tiers et défendent l'ordre public est expressément interdite; toute délibération contraire à ces règles est nulle, d'une nullité absolue (2). »

L'assemblée des actionnaires était au-dessus des administrateurs. On plaça à côté d'eux, pour exercer un contrôle permanent, des censeurs ou commissaires de surveillance. Leur mission n'était pas exactement définie comme elle l'est aujourd'hui, aucun texte ne l'ayant fixée. Ils étaient chargés d'inspecter les écritures, les travaux, les recettes, les dépenses; de s'assurer si les statuts étaient religieusement observés; de veiller à ce que les affaires ne s'écartassent point de la direction prévue par le contrat. » Ils pouvaient en outre « recevoir des stipulations sociales le droit de donner certains ordres, de prescrire certains actes et d'en empêcher d'autres (3). :

VII. Les administrateurs étaient traités suivant

(1) Dalloz, RÉPERTOIRE, V° Société, n. 1480.

(2) Delangle, n. 442. Cass. 16 juillet 1838, D. 1838. 1. 328. (3) Delangle, n. 433.

les règles ordinaires du mandat et toujours révocables (1). L'ordonnance de 1817 avait pris soin qu'ils ne pussent pas se faire dans la société une situation à part, indépendante des actionnaires. « Les premiers administrateurs temporaires, disait-elle, peuvent être désignés dans les actes sociaux; mais, conformément à l'article 31 du Code de commerce, les gérants des sociétés anonymes n'étant que des mandataires nécessairement à temps et révocables, et tous les sociétaires devant avoir des droits égaux ou proportionnés à leur mise, les actes sociaux ne peuvent réserver à aucun individu, sous le nom d'auteur du projet d'association, de fondateur ou autre, aucune propriété spéciale sur l'entreprise, aucun droit à la gestion perpétuelle ou irrévocable, ni aucun prélèvement sur les profits, autre que le salaire à attribuer aux soins qu'il peut donner à l'administration. »

La loi ne leur imposait dans leur gestion aucune obligation particulière; mais une circulaire du ministère de l'intérieur du 11 décembre 1818 formulait trois prescriptions qui ont été en partie reproduites par les lois ultérieures.

Elle exigeait que les sociétés anonymes fixassent dans leurs statuts une proportion de perte du capital qui les obligerait à se dissoudre; qu'elles fissent une réserve annuelle sur le montant des bénéfices; qu'elles présentassent tous les six mois leur état de

(1) Delangle, n. 433.

situation, dont une copie devait être remise au greffe du tribunal de commerce, une autre copie au préfet du département et une troisième à la chambre de commerce. Les sociétés qui avaient des actions au porteur devaient publier cet état de situation par la voie de l'impression.

La même circulaire, tranchant une question qui est controversée sous l'empire de la loi de 1867, décidait que « quand le capital a été entamé, tous les bénéfices doivent être d'abord consacrés à le rétablir et, pour cet effet, doivent être mis en réserve, sans qu'il soit permis de distribuer des dividendes jusqu'au complément du fonds social originaire. »

VIII.

Les pouvoirs des administrateurs et leur responsabilité étaient déterminés par les principes suivants, empruntés aux règles générales du mandat:

1° L'administrateur ne peut faire que les actes qui tiennent directement à l'administration.

2o Il est tenu d'accomplir son mandat, tant qu'il en est chargé, et il répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution (art. 1991, Code civil).

3o Il répond non seulement de son dol, mais des fautes qu'il pourrait commettre dans la gestion, sauf à appliquer moins rigoureusement la responsabilité, si le mandat est gratuit (art. 1992, Code civil).

4o Il est tenu de rendre compte de sa gestion et de faire raison à la société de tout ce qu'il a reçu en

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