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pliquer non-seulement aux actes intervenus entre tous les cohéritiers, mais encore à ceux qui n'interviennent qu'entre quelques-uns d'entre eux. - Qu'au surplus, la disposition textuelle de l'art. 889 C. c. en exceptant la vente de droits successifs faite sans fraude à un cohéritier à ses périls et risques, par un seul de ses cohéritiers, de l'action en rescision pour lésion de plus du quart, achève de démontrer que dans la pensée du législateur, la vente de droits successifs de cohéritier à cohéritier, constitue partage, aussi bien lorsqu'elle est faite par un seul que par tous. Considérant que ce principe doit être appliqué non-seulement lorsqu'il s'agit de l'exercice et de l'action en rescision ouvert par l'art. 888, mais encore quand il s'agit de déterminer les effets de l'acte relativement aux privilèges et hypothèques qui peuvent en résulter, soit entre les parties contractantes, soit entre leurs ayants droit.

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La disposition de l'art. 889 se justifie par le caractère aléatoire du contrat. Elle complète l'art. 888, mais ne peut pas plus que lui être invoquée dans notre matière. La Cour de Toulouse (14 décembre 1850, D. 51, 2, 85.), a établi ce point avec beaucoup de clarté.

Sans nous arrêter plus longtemps aux arguments tirés des art. 888 et 889, nous disons que le premier acte doit être assimilé au partage, mais dans le cas seulement où tous les héritiers y ont concouru. Une cession faite par l'un des héritiers à l'un de ces cohéritiers, est à notre avis une vente et les droits réels établis par le cédant doivent être maintenus.

Mais supposons que le cessionnaire se rende successivement acquéreur de toutes les portions de l'hérédité moinsune. La dernière cession par suite de laquelle le cohéritier avec lequel il est dans l'indivision lui transférera la propriété de cette portion devra être considérée comme un partage et il pourra relativement à tous les biens de la succession invoquer contre les créanciers auxquels des droits réels auront été consentis le caractère déclaratif du partage. Il faut toutefois supposer que ce cessionnaire qui devient finalement par des actes séparés propriétaire de tous les biens de la succession n'est pas un étranger car, la cession de toute l'hérédité à un étranger, ne produit pas plus que la licitation à la suite de laquelle un étranger est adjudicataire l'effet déclaratif.

Ce n'est pas seulement au point de vue de droits réels consentis pendant l'indivision qu'il est important de savoir si une cession est une vente ou un partage; la question présente de l'intérêt au point de vue des garanties accordées au cédant. Nous avons déjà établi (P. 105) les différences qu'il y a, à ce point de vue, entre la vente et le partage.

Ajoutons que lorsque la cession est une vente, elle est frappée du droit proportionnel d'enregistrement, si elle est un partage, elle n'est frappée que du droit fixe. C'est un point sur lequel nous nous arrêterons en étudiant le partage en droit fiscal.

Notre éminent maître, M. Labbé rejette à la fois notre système et celui qui était adopté dans l'ancien droit (V. J. du P. 1875, p. 1150). Pour lui le sort du premier

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acte est d'un effet incertain jusqu'à ce que l'on sache comment l'indivision cessera. Si l'indivision qui avait survécu au premier acte cesse enfin par la concentration de la propriété sur la tête d'un seul des copropriétaires, l'article 883 est applicable non-seulement au deuxième acte, mais encore au premier qui avait diminué le nombre des copropriétaires et préparé le résultat final. Pendente conditione, l'acte est traité comme une vente, frappé du droit proportionnel et les droits réels sont maintenus.

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En appliquant notre théorie, il peut arriver qu'un tiers étranger à l'hérédité bénéficie de l'article 883 qui assurément n'a pas été fait pour lui. Prenons un exemple. A la suite d'une licitation à laquelle tous les cohéritiers ont concouru, un cohéritier et un tiers sont déclarés adjudicataires. Au regard du cohéritier, l'adjudication est déclarative, au regard du tiers elle est translative; c'est notre opinion.

Supposons que le tiers devienne, par suite d'une cession à lui faite par son co-adjudicataire héritier, propriétaire de l'immeuble en entier, il se trouvera, par l'application de l'article 883 au cohéritier son co-adjudicataire, avoir profité d'une disposition qui, nous le répétons, n'est pas faile pour lui.

La théorie de M. Labbé a pour but de remédier à cet inconvénient et elle y remédie absolument, nous le reconnaissons. Mais cet inconvénient est peu de chose en comparaison de la difficulté avec laquelle les partages pourront être consommés, si on refuse d'attacher l'ef

La loi, nous dit notre propriété sortie de l'in› Ce n'est pas ce que

fet déclaratif aux premiers actes. éminent maitre, ne protège que la division et rendue à son intégrité. pensaient nos anciens jurisconsultes et l'exemple de la licitation nous semble démontrer que le Code civil s'est inspiré de leurs idées. Aussi bien le meilleur moyen de rendre la propriété à son intégrité, n'est-ce pas, nous ne craignons pas de le répéter, d'attacher l'effet déclaratif aux premiers actes dans lesquels l'esprit des copartageants est de partager et non de vendre.

M. Labbé admet bien que si l'indivision cesse finalement au profit d'un copropriétaire, les droits réels consentis pendant l'indivision seront effacés; mais, pendente conditione, l'acte étant traité comme vente, son but aura pu être entravé par l'action en résolution.

M. Labbé nous semble trop s'écarter de la tradition que le code civil a consacré avec certaines restrictions. Quand une cession a eu lieu entre tous les héritiers, quand elle a mis fin d'une manière complète à l'indivision, tout le monde convient qu'il faut l'assimiler à un partage. Les parties peuvent-elles décider que cette cession est une

vente?

Nous venons de voir que la jurisprudence se refuse absolument à considérer, dans certains cas, une vente comme un partage, eh bien ! de nombreux arrêts ont décidé qu'une cession de droits successifs équipollente à partage pouvait être considérée comme une vente.

La jurisprudence s'appuie sur les articles 1134 et 1156 Code civil; les conventions, dit-elle, font la loi des parties. (V. Montpellier. 19 décembre 1855. D. 57. I. 8).

Il est vrai que les conventions font la loi des parties, mais celles-ci sont tenues de respecter les règles générales établies par le législateur.

L'article 883 a été inscrit au Code dans l'intérêt de la sécurité de la propriété, de la paix des familles. Son but est d'éviter les actions récursoires, de favoriser la cessation complète de l'indivision; c'est donc par suite de considérations générales que le partage est déclaratif et il ne doit pas être permis de déroger à cette règle par des conventions particulières. Il nous semble peu juridique aussi d'autoriser les parties à se servir, selon leur caprice, du privilège du vendeur ou du privilège du copartageant.

Et puis quel inconvénient n'y aurait-il pas à faire dépendre l'existence d'un acte comme le partage qui touche à des intérêts de la plus haute gravité de l'interprétation que les tribunaux donneraient à la volonté peu sûre souvent des cohéritiers. La Cour de Douai (2 mai 1848, Dev. 49, 2, 394) a jugé que l'article 883 ne peut être invoqué par le tiers qui, d'abord copropriétaire d'un immeuble provenant d'une succession, en vertu de la vente qui lui a été consentie des droits de quelques-uns des héritiers, a ensuite acquis les autres portions de l'immeuble par une vente nouvelle. Cette condition était exigée dans l'ancien droit. (Guyot, De la licitation, ch. 3, sect. 3, § 5. Pothier. Des fiefs, partie 1, ch. V, § 3), mais ni l'esprit, ni le texte

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