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L'article 883 ne produit donc pas son effet aussi largement en matière de communauté qu'en matière de succes+ sions.

On a prétendu le contraire. Chacun des époux communs en biens, a-t-on dit, est censé avoir été ab initio proprié→ taire des objets qui tombent dans son lot; mais cet initium doit être placé au jour seulement de la dissolution de la communauté (Liégeard p. 117).

Dire que la propriété des époux communs en biens ne remonte qu'au jour de la dissolution, c'est affirmer implici→ lement que la communauté est une personne morale; or cette personnalité est niée par les meilleurs interprètes du Code civil. Il ne nous appartient pas d'examiner longuement ici cette question; disons seulement que la loi ne reconnaît nulle part formellement la personnalité de la communauté conjugale et que les expressions du Code dont on tire argument pour l'établir, peuvent s'expliquer fort bien dans notre opinion qui la nie.

D'ailleurs, le législateur ayant réglé d'une façon très précise l'effet des actes de chacun des époux par rapport aux biens de la communauté, et les hypothèses où la question peut se poser de savoir si la communauté est ou non une personne morale étant fort rares, il est peu probable que la communauté ait été érigée en personne morale. (Consulter Colmet de Santerre. T. 6, n° 18 bis. VII et suiv.). Ajoutons que l'article 1423, en validant les legs faits par le mari en objets de la communauté, lorsque ces objets tombent, par l'effet du partage, dans le lot des héri

tiers du mari, semble bien montrer que dans l'esprit des rédacteurs du Code, l'indivision est antérieure à la dissolution de la communauté.

Nous maintenons donc que l'effet rétroactif du parlage de la communauté remonte au jour où la communauté a acquis les choses qui font l'objet du partage, seulement cet effet se trouve restreint par suite de l'application des règles propres au régime en communauté.

II. De la société. En matière de société, on se demande également à quelle époque remonte l'effet rétroactif dù partage à l'époque de la dissolution de la société ou bien à l'époque où elle a acquis les choses qui font l'objet du partage?

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On reconnait généralement que dans les sociétés civiles qui ne constituent pas des personnes morales, l'effet rétroactif du partage remonte au jour où le bien est entré dans la société. C'était l'opinion de Pothier. La date de l'entrée d'un immeuble dans la société, dit-il, est celle même du contrat de société quand cet immeuble a constitué l'apport d'un associé, c'est la date de son acquisition quand il s'agit d'un immeuble acquis par la société pendant sa durée. Tr. des sociétés no 179.

Quant aux sociétés commerciales ou civiles qui forment des personnes morales, l'indivision ne commence qu'à la dissolution de la société ; jusqu'à ce moment tous les objets qu'elle comprenait, étaient la propriété de la société considérée comme une personne juridique. L'associé, auquel un bien social a été attribué, ne sera censé en avoir eu seul la

propriété qu'au jour de la dissolution de la société. Il ne pourra donc, en invoquant l'article 883, faire tomber les droits réels qui auront été valablement consentis pendant la durée de la société sur l'immeuble mis dans son lot.

(Consulter le Précis de Droit Commercial de nos éminents maîtres MM. Lyon-Caen et L. Renault. n° 573)....

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§ 3. A quelles personnes la règle du partage déclaratif est-elle applicable? S'applique-t-elle aux rapports de chaque héritier avec ses propres ayant-cause?

Tout le monde convient que notre règle est applicable entre les cohéritiers les uns à l'égard des autres et surtout entre un cohéritier et les ayant-cause de l'autre. Mais on discute la question de savoir si la règle produit son effet dans les rapports des héritiers avec d'autres personnes que les ayant-cause de leurs cohéritiers, et notamment dans les rapports qui peuvent exister entre un cohéritier et ses propres ayant-cause.

Nous allons, en prenant des exemples, rendre plus sensible la difficulté que nous examinons.

Un époux héritier, marié sous le régime de la communauté est, nous le supposons, appelé pour moitié à une succession qui comprend 50.000 fr. de meubles et 50.000 fr. d'immeubles. Si le partage attribue

la moitié des meubles et la m

valeur de 25.000 francs tomb

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valeur égale deviendra propre à l'époux héritier (1401, 1602. C. C.).

Mais supposons que le lot de l'époux comprenne la totalité des immeubles. Si nous résolvons la question de savoir dans quelle proportion sa part héréditaire tombera dans la communauté ou lui restera propre d'après le résultat du partage, il faut décider que la communauté n'aura rien. Si le mari au contraire avait eu la totalité des meubles, la communauté et partant la femme aurait été avantagée. On voit comme il est facile à l'un des époux de faire une donation à l'autre et d'éluder l'article 1437 C. c., si on introduit en matière de communauté l'article 883.

Nous l'avons déjà dit, l'article 883 nous paraît absolu en ce sens que les parties ne peuvent, par des conventions particulières, s'y soustraire. Mais nous ne croyons pas devoir l'étendre à des cas où ne se rencontrent plus les raisons qui l'ont fait admettre dans le Code et où il pourtait heurter un principe établi.

:

Nous savons que dans l'ancien droit, Bourjon (Le Droit Commun de la France. 2o Partie, de la Com. Ch. IV, section IV Dist. III no 66, 69) pensait que la maxime le partage est déclaratif avait un caractère général et absolu. Nous savons que Lebrun (De la Com. 1. I. Ch. V. section II. Dist. I, no 40, 43, 78, 80) croyait le contraire, et que Pothier (de la Com. partie 1r Ch. II, n° 100 et partie 4° chap. I. no 629, 630) distinguait entre le partage en nature et le partage avec soulte ou la licitation. En cas de partage avec soulte ou en cas de licitation la soulte et le

re

la part

part de

que ce qu'il

prix de licitation représentent l'immeuble, en cas de partage en nature, quand l'époux prend plus que meubles qui lui revenait, on ne peut pas dire a eu de mobilier dans son lot de plus que le montant de sa part dans le mobilier de la succession, lui tienne lien et soît subrogé à ce qu'il a eu de moins que sa part dans la masse immobilière. Les auteurs modernes ont généralisé le système de Pothier et l'ont appliqué au cas où l'époux héritier prend dans la succession plus d'immeubles de meubles. La jurisprudence est en leur faveur (V. Cass. 11 octobre 1850. Dev. 51, I. 253).

que

C'est à Pothier, dit-on, que les rédacteurs du Code ant emprunté l'art. 883, pourquoi n'auraient-ils pas consacré l'opinion de Pothier sur la question qui nous occupe?

Si l'on objecte que ce système est essentiellement contraire aux articles 1096 et 1437 C. c., nos adversaires répondeut que les dispositions de ces deux articles coexistaient dans l'ancien droit avec la disposition de l'art. 883.

Écartons ce dernier argument et altaquons directement le système de la jurisprudence.

L'art, 883 nous dit que le partage et la licitation pro duisent les mêmes effets déclaratifs, il ne distingue pas, il met sur le même pied ces deux modes de sortir d'indivision. Sur quoi s'appuient nos adversaires pour distinguer? Il est vraiment singulier de prétendre respecter l'art. 883 en l'appliquant, il est vrai, dans une de ses dispositions, mais en le rejetant dans l'autre. Il n'y a pas de moyen terme ou bien l'art. 883 ne régit pas les rapports

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