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tiers. Eh bien! la division de plein droit des créances et des dettes fait que chaque héritier va pouvoir, sans attendre le partage, poursuivre jusqu'à concurrence de sa part les créances héréditaires et payer la part des dettes mise à sa charge.

A l'égard des biens corporels, il n'y a pas lieu de tant se presser; s'ils sont entre les mains de tiers détenteurs, rien de plus simple que d'interrompre la prescription. Mais il n'en est pas de même à l'égard des créances héréditaires. Le débiteur peut devenir insolvable entre l'ouverture de la succession et le partage.

Si l'insolvabilité d'un débiteur se produit, elle va être supportée par tous les héritiers. Assurément si une créance avait été attribuée exclusivement à l'un des héritiers, celuici aurait eu un recours contre ses cohéritiers, mais on arrive à ce résultat d'une façon plus simple en décidant que chacun d'eux a de plein droit une part dans chaque créance. L'égalité est maintenue, les recours entre cohéritiers avec tous les froissements, les risques d'insolvabilité qui les accompagnent sont évités.

Sans doute le juge peut, comme nous le dirons plus loin, attribuer une créance en totalité à tel héritier, charger tel autre du payement intégral d'une dette; ce procédé aussi répond à des besoins de la pratique, mais cette attribution que fait le juge ne modifie pas vis-à-vis des tiers la division légale. Ces sortes d'arrangements ne constituent vis-à-vis d'eux que des cessions ou des transports (V. 1. 3, fam. ercisc., D.).

Remarquons que la division des dettes peut avoir des inconvénients pour les créanciers héréditaires; mais hâtonsnous de le dire, ces inconvénients ne sont jamais que le résultat de leur négligence.

Primus est mort laissant deux héritiers, Secundus et Tertius. Le défunt devait 20; chaque cohéritier est tenu de 10. Le créancier ne peut rien obtenir de Secundus qui a dissipé la moitié de la succession qui lui a été attribuée ; il ne peut pas demander à Tertius ce que Secundus lui doit, puisque Tertius n'est tenu que de la moitié de la dette.

Le créancier n'aurait pas souffert si le débiteur originaire Primus avait lui-même dissipé la moitié de ses biens; ce débiteur, en effet, aurait continué à être tenu de la totalité de la dette; le gage seul du créancier aurait été diminué.

Le créancier évidemment est lésé par suite de la mort de Primus et de la division des dettes; mais il devait prévoir cette éventualité et veiller à se faire payer le lendemain de l'ouverture de la succession, ou bien, ce qui lui eût été plus facile, il n'avait qu'à exiger que son débiteur lui fournisse des sûretés, au moment du contrat (V. 1. 2, C. De hered. act.).

La poursuite du chef des obligations indivisibles peut évidemment toujours se faire in solidum par et contre chacun des cohéritiers (L. 25, § 9, 10, 2. fam. erc., D.).

Au point de vue du résultat de la poursuite, il faut distinguer entre le cas où elle est intentée par l'un de plusieurs créanciers et celui où elle est intentée contre l'un de plusieurs débiteurs. Dans le premier cas, si l'héritier a

gagné le procès, les cohéritiers peuvent se prévaloir de la chose jugée en sa faveur, mais il n'obtient condamnation que pro parte hereditaria. L'objet de la poursuite est bien indivisible, mais l'objet de la condamnation consiste en argent et peut se diviser. Il est inutile en condamnant le débiteur pour le tout d'imposer à l'héritier qui l'a poursuivi la charge de faire raison à ses cohéritiers ou d'obliger ces derniers à supporter les risques de l'insolvabilité de celui d'entre eux qui a pris l'initiative des poursuites. Dans le second cas, l'intérêt du créancier exige que le débiteur poursuivi soit condamné à payer toute la dette. Un règlement s'établira ensuite entre le débiteur qui a payé la totalité de la dette et ses coobligés.

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Le partage, en droit romain, est dominé dans ses effets, par ce principe, qu'il est translatif de propriété.

De nombreux textes assimilent le partage tantôt à l'échange, tantôt à la vente (V. 1. 77, § 18, 31, (2). De leg. et fideic., D. L. 1 et 7, Com. utr. jud. 3, 38, C. L. 14, fam. erc., C. L. 20, § 3, fam. erc. D.).

Ulpien classait parmi les modes d'acquisition de la propriété l'adjudication qui terminait le partage judiciaire. Reg. t. 19, § 16. Justinien répète, en d'autres termes, ce que disait Ulpien (Inst. 1. 4, t. 17, De off. jud., § 7.).

Papinien assimilant les copartageants aux coéchangistes

leur donnait l'action præscriptis verbis, quasi certà lege permutationem fecerint (L. 20, § 3, fam. erc., D.).

Le sénatus-consulte de Septime-Sévère qui défendait aux tuteurs et curateurs de disposer des fonds de terre ruraux et suburbains des mineurs sans l'autorisation du préteur urbain s'appliquait au partage (V. l. 1, § 2. De rebus eorum, 27, 9, D.). C'est le caractère translatif du partage qui nous explique la disposition contenue dans la loi 2, C. De fundo dotali, 5, 23.

Le partage, qu'il faille l'assimiler à la vente ou à l'ėchange, est donc bien, en droit romain, un acte translatif de propriété. Pendant l'indivision, les héritiers grèvent valablament de droits réels les biens indivis; le cohéritier auquel un bien chargé d'une hypothèque ou d'une servitude est attribué le prend dans l'état où il se trouve. Ce n'est, en somme, que l'application du principe écrit dans la loi 20, § 1. De acq. rer. dom. 41. I, D. Quotiens autem dominium transfertur, ad eum qui accipit, tale transfertur, quale fuit apud eum qui tradit.

Nous croyons qu'on a exagéré la portée de la décision de Trébatius contenue dans la loi 31, De usu et usufr., 33, 2, D., en attribuant à ce jurisconsulte l'honneur d'avoir découvert et essayé de faire prévaloir la théorie moderne du partage déclaratif. Voici l'espèce: Primus, copropriétaire avec Secundus d'un immeuble, lègue per vindicationem l'usufruit de sa part à sa femme. A sa mort, son héritier intente contre Secundus l'action communi dividundo. Trebatius était d'avis que si le partage avait lieu en nature,

l'usufruit de la femme ne devait pas porter sur la part mise dans le lot de Secundus, mais exclusivement sur la part attribuée à l'héritier du mari; tandis que, d'après les principes, l'usufruit de la femme devait porter à la fois sur la moitié indivise de la part échue à l'héritier de Primus et sur la moitié indivise de la part échue à Secundus. La décision de Trébatius ne paraît à notre éminent maître, M. Accarias fondée que sur un motif d'utilité et en supposant l'immeuble entier attribué à Secundus, sans doute il n'eût pas autorisé celui-ci à repousser la femme prétendant exercer son droit d'usufruit. › P' de Dr R. T. I, no 248.

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Au reste Labéou fait remarquer que l'arbitre ne peut, par une décision à laquelle les intéressés sont absolument étrangers, déplacer leurs droits, et sans plus discuter, il rejette l'opinion de Trébatius. Elle est donc plutôt une dérogation aux principes, dans un cas spécial, qu'une opinion nouvelle cherchant à se substituer à la doctrine établie. La théorie du partage déclaratif est consacrée par notre droit français moderne. Elle consiste à dire qu'aucun rapport d'ayant-cause ne lie les copartageants entre eux, que chacun d'eux a succédé seul aux objets mis dans son lot. Cette théorie est-elle exacte? Les modernes ont-ils mieux que les Romains analysé le partage ?

Nous ne faisons ici que poser la question; nous chercherons à la résoudre lorsque l'étude complète des principes romains et des luttes des légistes contre ces principes nous aura mis en pleine possession des éléments de la so

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