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acquittait le droit de lods et de ventes, environ le douzième du prix.

Plusieurs théories se produisirent au 16° siècle. La première consiste à dire qu'en cas de partage, il n'y a pas de changement d'homme (G. Coquille sur la Cout. du Nivernois. Titre des fiefs art. 24). La licitation n'est pas une vente volontaire joint... qu'en tel cas, il n'y a mutation d'homme quand le total est adjugé à l'un des partageants. Or, le quint denier ou autre profit se paye au seigneur direct afin qu'il approuve le nouvel homme qui se subroge au lieu de l'ancien. Cette explication purement féodale n'était plus en rapport avec les idées de l'époque, elle eut été sans influence en matière civile, il est donc heureux qu'elle n'ait eu aucun succès.

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L'idée la plus courante, au xvi° siècle, c'est que les partages et licitations sont des aliénations nécessaires. D'argentré (sur l'article 73 de la Cout. de Bret. note 4, no 3. De Laudimiis. § 53) fait de cette idée la base unique de son argumentation. Dumoulin qualifie le partage de • necessaria distributio in partes divisas portionum pro indiviso acquisitarum. Le caractère du partage ne lui semble pas nettement déterminé. Est enim divisio contractus mixtus, participans de distractu et contractu et de permutatione et venditione, et tamen propriam et distinctam habet naturam loc. cit. n° 78. De ce que le partage était nécessaire, les légistes tiraient cette conclusion que le seigneur ne pouvait percevoir aucun droit. En effet, les profits avaient été établis comme prix de l'agrément du

seigneur à une aliénation qu'il pouvait empêcher.

Et

si omni divisio insit alienatio, tamen cum ea něcessaria sit, nulla addentur laudimia D'argentré. De laud. §53.

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Peu importe la cause de l'indivision; le partage qui met fin à l'indivision entre associés est aussi bien qu'un partage entre cohéritiers, une aliénation nécessaire.

Dumoulin rejette l'opinion d'un auteur qui avait cru que les profits devaient être dûs quand l'indivision résultait d'un contrat de société. Sed hæc non valet quia æque necessaria est divisio inter communes ex societate, sive sine societate, ex quaris causa. Des fiefs, T. I, g. 1, § 69. Dumoulin n'hésite pas à voir une opération du partage, participant de ses caractères, dans la soulte que l'un des cohéritiers paye à l'autre ou dans l'adjudication sur licitation par suite de laquelle un des cohéritiers devient seul propriétaire de l'immeuble licité. L'acte a-t-il pour but de faire cesser l'indivision? Peu importe sa forme : c'est un parlage. Cependant Dumoulin qui soustrait aux profits la soulte payée en argent ou en immeubles de la succession, croit que les profits sont dûs si la soulte est payée en immeubles propres à celui qui la doit. Tunc debentur relevia... quia respectu hujus rei non potest dici divisio, sed permutatio, cum non sit de communione. » Des fiefs, T. 1, § 33, gl. I, n° 76, Dans le même Traité des fief's Dumoulin se refuse à voir un partage dans la licitation faite avec admission d'étrangers et peu importe que l'étranger devienne ou non adjudicataire. Lorsque la licitation n'a lieu qu'entre héritiers, elle n'est qu'un mode

d'exécution du partage:

non est contractus per se prin

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cipaliter subsistens et separatus a divisione, sed executio et finis divisionis cæptæ. Loc. cit. n° 73. Lorsqu'un étranger est admis, on ne peut plus faire le même raisonnement; c'est une vente pure. Cum sit mera venditio per se principaliter subsistens ». Ibid.

Les raisons que donnait Dumoulin pour soustraire les partages aux droits seigneuriaux étaient, en somme, peu solides et pleines d'inconvénients. Le partage ne peut être considéré comme une aliénation nécessaire qu'au regard du défendeur, c'est ce que le droit romain lui-même décidait. Mais en admettant que toute aliénation nécessaire devait échapper aux droits, pourquoi l'adjudication par décret n'en était-elle pas exempte? Enfin la doctrine de Dumoulin avait le tort de maintenir les principes romains sur le caractère du partage et de ne se présenter que comme une dérogation aux règles générales, bien difficile à étendre. Comment allait-on pouvoir supprimer les hypothèques établies pendant l'indivision, si les cohéritiers sont les ayant-cause les uns des autres ? L'intérêt de la question était grand; les hypothèques n'étaient pas rendues publiques; bien mieux, elles étaient générales et résultaient de tout acte notarié. Les praticiens remarquant que les actes d'aliénation étaient d'une façon générale soumis aux profits seigneuriaux et que le partage en était exempt, conclurent, sans s'inquiéter du droit romain qui gênait un romaniste comme Dumoulin, que le partage n'était pas une aliénation. Dans leur opinion, l'héritier était saisi au décès du de cujus de la succession

sub onere divisionis; dès lors, si l'immeuble qu'il avait grevé d'hypothèques, ne tombait pas dans son lot, son droit étant rétroactivement résolu, l'hypothèque tombait également.

En 1538, dans une réunion de jurisconsultes à laquelle Dumoulin assistait, la théorie ancienne et la théorie nouvelle se trouvèrent en présence. La question discutée était la suivante : Un seigneur a, pendant l'indivision, saisi, du chef d'un héritier, un fief qui relève de lui et dans lequel cet héritier a un droit indivis. Le partage a attribué à l'héritier saisi un fief qui ne relève pas du saisissant. Quel est l'effet de la saisie? Dumoulin soutint que la saisie était valable. Ses confrères, appliquant à l'espèce la théorie des praticiens, décidèrent que la saisie devait être considérée comme non avenue, qu'elle n'aurait pu produire ses effets que si le fief avait été mis au lot du copartageant saisi (Dum., loc. cit., §. I, gl. 9, nos 43,44). Dumoulin eut beau protester, il ne pouvait plus arrêter le courant qui finit par l'entraîner. Aussi bien, la théorie des praticiens se trouvait en germe dans certaines de ses explications. L'idée principale, dominante, qui, à son avis, justifie l'immunité du partage quant aux droits seigneuriaux, c'est que le partage est nécessaire, mais à cette idée il en ajoute d'autres dont les praticiens purent tirer un parti excellent. Sed certe acquisitio et mutatio quæ fit in divisione, in effectu non est nova acquisitio, nec nova mutatio, sed necessaria distributio in partes divisas portionum pro indiviso acquisitarum (loc. cit., t. I, § 33, n° 78). N'est-ce pas fournir

des armes aux praticiens que de dire, même incidemment, que le partage n'est pas un nouveau titre d'acquisition? Dans le Traité des Censives (t. II, § 73, n° 11 et suiv.), Dumoulin accentue son opinion: Divisio proprie non est alienatio, nec nova acquisitio, sed portionum attributio, primariæ acquisitionis executio. Le partage, c'est bien net, n'est donc que l'exercice d'un titre antérieur, rien n'est changé... Quod fit ut res videatur in eodem statu manere. Dans le même Traité des Censives (t. II, § 78, gl. I, no 170 et suiv.) Dumoulin allait modifier sa théorie de la licitation.

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En 1538, il défendait Agnès Buquet, qui, propriétaire d'une maison par indivis avec ses deux frères, s'en rendit adjudicataire sur une licitation à laquelle les étrangers furent admis. Le fisc prétendait percevoir un droit de vente sur la totalité de la maison. Agnès soutenait qu'elle ne devait les droits que pour les deux tiers acquis sur licitation. Dumoulin soutint sans succès sa prétention. Mais Dumoulin admet donc que si dans une licitation, un communiste l'emporte, il ne peut être considéré, même quand les étrangers ont été admis, comme acheteur quant à sa portion; il n'y a donc vente que pour les parts des autres communistes qu'il achète réellement.

Dans une autre espèce que Dumoulin 'rapporte longuement (Des censives, § 78, gl. I, N° 156 à 160), il décida que le résultat seul de la licitation devait être envisagé. Un étranger est-il adjudicataire? c'est une vente. L'adjudicataire est-il un communiste? C'est un partage. Cette doc

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