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ser; mais il est évident que, pour tous les cas dans lesquels la prohibition n'existe pas, la permission donnée par la loi naturelle reprend toute sa force et toute son étendue. Donc, pour appliquer l'axiome ci-dessus aux lois positives, il faut dire que toutes les choses permises par la loi naturelle, et qui ne sont pas défendues par la loi positive, sont permises par cette dernière loi.

Quant à l'origine des lois facultatives, il faut considérer que la loi positive ne peut, à la vérité, ordonner ce que la loi défend; mais que cependant, pour éviter de plus grands maux, elle peut le permettre. Ainsi, il est contraire au droit naturel qu'un débiteur puisse se dispenser de payer, uniquement parce que le créancier a laissé passer trente ans sans lui demander son paiement. Néanmoins, comme il doit y avoir un terme à tout, et qu'on ne peut forcer le débiteur qui a vraiment payé, de conserver à perpétuité la preuve du paiement, on a établi généralement qu'au bout de trente ans écoulés sans poursuites, le créancier serait non-recevable à demander l'exécution de l'obligation. Mais il est évident que le droit d'opposer la prescription est de pure faculté pour le débiteur, et qu'il peut toujours payer, si sa conscience l'exige. Voilà donc une loi facultative introduite dans le tème de la législation. Cet exemple suffit pour démontrer comment l'existence de ces lois peut se concilier avec le principe que tout ce que la loi ne défend pas, est permis, puisqu'en effet ce principe ne s'applique qu'aux choses qui, étant permises par le droit naturel, ne sont point défendues par la loi positive; tandis que les lois facultatives, au contraire, peuvent s'appliquer à des choses qui, étant défendues par la loi naturelle, sont cependant, pour des motifs importans, permises par les lois positives.

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Il est encore d'autres espèces de lois facultatives; ce sont celles qui contiennent des exceptions à une loi prohibitive. Ainsi, par exemple, les substitutions sont, en général, prohibées. Cependant les articles 1048 et 1049 les permettent à l'égard de certaines personnes. Ces deux articles sont donc des lois facultatives, etc.

La distinction des lois civiles en impératives, prohibitives,

et facultatives, est également nécessaire, même pour le for intérieur. Il est de principe en effet que l'on est tenu en conscience d'obéir aux lois civiles, tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du droit naturel. L'équité naturelle exige en effet que l'homme qui retire tous les avantages de l'ordre social, se conforme aux obligations que ce même ordre lui impose : mais il est évident que cette obligation ne peut exister qu'à l'égard des lois impératives ou prohibitives. Quant aux facultatives, lorsqu'elles ont pour effet de permettre ce qui est défendu par le droit naturel, il est certain que, bien loin qu'il y ait, dans le for intérieur, obligation de s'y conformer, on se rend criminel au contraire, en profitant de la faculté qu'elles accordent. C'est ainsi que le débiteur, qui sait n'avoir pas payé, ne peut, dans le for de la conscience, et à l'exception de quelques cas très-rares, user de la prescription à l'effet de se libérer. Quant aux lois facultatives qui contiennent des exceptions à une loi civile prohibitive, il faut distinguer : si la prohibition de la loi civile est fondée sur la loi naturelle, il faut appliquer ce que nous venons de dire, relativement aux lois facultatives qui contiennent des dérogations aux prohibitions du droit naturel. Dans les autres cas, l'on peut, en sûreté de conscience profiter de la faculté accordée par la loi.]

Il y a obligation de se conformer aux Lois impératives et prohibitives; et l'on ne peut y déroger par des conventions particulières, parce qu'elles sont toujours présumées inté6. resser l'ordre public ou les bonnes mœurs. (5)

Quant aux Lois facultatives, il est de principe, en géné– ral, que chacun peut renoncer au droit introduit en sa faveur. Si cependant l'ordre public ou les bonnes mœurs étaient intéressés à ce que le droit fût exercé, et qu'il le fût par la personne à qui il est accordé, elle ne pourrait y renoncer pour l'avenir, quoiqu'elle pût, pour le présent, en user, ou n'en pas user, à sa volonté. Cette observation peut s'appliquer principalement à la puissance paternelle, à la puissance maritale, etc.

Les Lois civiles, relativement aux objets qu'elles concernent, sont distinguées en Lois réelles et personnelles.

Il est une troisième espèce de Lois, appelées Lois de police ou de sûreté : ce sont celles qui maintiennent l'ordre, la tranquillité, et la sûreté dans l'État. Ces Lois faisant partie de celles qu'on appelle du Droit Public, il n'en est question dans le Code Civil, que pour dire qu'elles obligent tous ceux qui habitent le territoire français. [ Quid à l'égard des crimes commis par des Français en pays étranger? Il faut distinguer: s'il s'agit d'un crime attentatoire à la sûreté de la France, de contrefaçon du sceau de France, de monnaies nationales ayant cours, de papiers nationaux, ou de billets de banque autorisés par la loi, le prévenu peut être poursuivi, jugé et puni en France, et conformément aux lois françaises. (Code d'inst. crim., art. 5.) La même disposition peut être étendue aux étrangers qui, auteurs ou complices des mêmes crimes, seraient arrêtés en France, ou dont le Gouvernement obtiendrait l'extradition. (Ibid. art 6.)

S'il s'agit d'un crime commis contre un Français, le prévenu peut être poursuivi et jugé en France, s'il ne l'a pas été en pays étranger. Mais il y a cette différence avec le cas précédent, que, dans le cas de l'art. 5, la poursuite peut avoir lieu d'office à la requête du Ministère public, au lieu que, s'il s'agit d'un crime privé, le Ministère public ne peut poursuivre, qu'autant qu'il y a plainte rendue par le Français offensé. (Ibid. art. 7.)

Enfin, s'il s'agit d'un crime commis par un Français, hors de France, envers un étranger, la poursuite ne peut avoir lieu en France, même quand le prévenu s'y serait réfugié. Mais, dans ce cas, s'il a été formé une demande en extradition, c'est-à-dire en remise du coupable à la puissance dans le territoire de laquelle le crime a été commis, la demande est adressée au ministre des relations extérieures, qui la transmet, avec son avis, au ministre de la justice, lequel la soumet au Roi, qui statue. (Décret du 23 octobre 1811. Bulletin n° 7409) (6).]

Les Lois réelles sont celles qui traitent immédiatement des choses, abstraction faite de ceux qui les possèdent, soit pour l'ordre de transmission, comme la plupart des lois sur les successions, etc. soit à raison de la nature des biens, comme

les Lois sur la distinction des biens et la propriété; soit enfin, à raison des charges qui peuvent être imposées sur les biens, comme les Lois concernant les servitudes, les hypothèques, etc. [Car celles qui déterminent la capacité de succéder, et les causes d'indignité, sont des lois personnelles. Mais celles qui concernent la division en lignes, par tête ou par souche, la représentation, les rapports, le partage, le paiement des dettes, la garantie des lots, sont des lois réelles.]

Les Lois personnelles sont celles qui fixent l'état, la condition et la capacité des personnes : telles sont les Lois relatives au mariage, à la paternité et à la filiation, à la majo– rité; etc.

Ces deux espèces de Lois ont des effets très-différens.

Les Lois réelles obligent tous ceux qui possèdent en France des biens immeubles, même les étrangers qui n'y résident pas, mais seulement pour les causes relatives à ces mêmes biens. [Ainsi, quel que soit le propriétaire d'un immeuble situé en France, il ne pourra l'hypothéquer que d'après les formes voulues par la loi française, ni y imposer d'autres servitudes que celles qui sont permises par la même loi.]

Les Lois personnelles n'obligent que les Français, mais elles obligent, même en pays étranger. [Ainsi, quelque part que réside un Français, il sera majeur à vingt-un ans, et il ne pourra se marier, sans le consentement de ses ascendans, qu'à vingt-cinq.

Les questions de réalité ou de personnalité des lois étaient beaucoup plus fréquentes sous l'ancien droit. Le nombre des coutumes qui régissaient la France était si considérable, qu'il arrivait très-fréquemment que les Tribunaux avaient à décider si telle disposition, qui avait l'apparence de la personnalité, n'était cependant pas réelle, et ne devait pas en conséquence être bornée au territoire de la coutume. Aujourd'hui que la France est régie par une loi unique, la question ne peut s'élever, le plus souvent, que dans le cas de biens possédés en France par un étranger, ou dans l'étranger par un Français. Nous n'insisterons pas, en conséquence, sur cette matière, qui a beaucoup occupé les jurisconsultes, et qui est d'ailleurs extrêmement abstraite; et nous nous

contenterons de rappeler ici le principe posé par M. d'AGUESSEAU, à la suite de son cinquante-quatrième Plaidoyer, et qui paraît susceptible de résoudre le plus grand nombre des difficultés de la matière.

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D'abord, il y a des dispositions sur la réalité ou la personnalité desquelles il ne peut s'élever de question. Les seules à l'égard desquelles il puisse y avoir doute, sont celles qui établissent des incapacités de disposer ou de succéder: et, pour savoir si une disposition de ce genre est réelle ou personnelle, il faut, dit M. d'AGUESSEAU, consulter l'intention du Législateur. N'a-t-il eu d'autre motif, en établissant la prohibition, que de conserver le bien dans la famille, sans avoir eu pour cela l'intention d'attacher aucune défaveur à personne contre laquelle il a établi la prohibition; la loi est réelle. La prohibition est-elle au contraire fondée sur une qualité inhérente à la personne, tellement que, par cela seul que cette qualité existe, et toutes les fois qu'elle existe, la prohibition doive avoir lieu; la loi est personnelle. D'après cette distinction, nous dirons que la prohibition de disposer au préjudice de la réserve est une loi réelle, puisqu'elle n'a d'autre motif que celui de conserver les biens aux enfans ou ascendans. Nous dirons la même chose de la prohibition faite aux conjoints de s'avantager dans certains cas, Ce n'est point la défaveur attachée au conjoint, mais le désir de conserver les biens à tel ou tel héritier, qui a fait introduire la prohibition, puisqu'à défaut de ces héritiers, le conjoint peut disposer de tous ses biens, même en faveur de són époux. De même, la loi qui défend au mari et à la femme, mariés sous le régime dotal, d'aliéner l'immeuble dotal, est une loi réelle. Au contraire, l'incapacité du mort civilement est l'effet d'une loi personnelle, puisque celui même qui n'aurait aucuns parens, ne pourrait disposer en sa faveur. Cette distinction paraît consacrée par un arrêt de la Cour de Cassation du 3 mai 1815 (SIREY, 1815, première partie, page 352), qui a jugé que la défense de donner les biens présens et à venir, autrement que par contrat de mariage, était un statut réel.

Il y a quelques dispositions qui me paraissent tenir tout

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