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CHAPITRE II.

De la Preuve du Mariage.

Pour déterminer comment le mariage peut être prouvé, il faut distinguer les personnes auxquelles cette preuve est demandée.

Si c'est aux époux, ou à l'un d'eux, il n'y a que le cas de non-existence des registres, prévu par l'article 46, qui puisse les dispenser de représenter l'acte de célébration de leur mariage. La seule possession d'état n'est jamais une 194. preuve suffisante, même à l'égard des époux entr'eux.

[Ainsi ils ne pourraient être admis à la preuve testimoniale, quand même ils prétendraient avoir un commencement de preuve par écrit, et sauf le cas dont il va être question, où la preuve du mariage résulterait d'une procédure criminelle.

[(Voyez, à la fin du présent chapitre, ce qu'on doit entendre par possession d'état).

[Nous avons dit à l'égard des époux entr'eux : cela signifie que, si l'un des époux prétendus contestait le mariage, l'autre ne pourrait lui opposer une fin de non-recevoir, tirée de ce qu'il l'a laissé jouir du titre et des droits d'époux légitime. A plus forte raison, ne pourrait-elle pas être opposée à des tiers; autrement, comme il dépend des époux seuls de se procurer cette possession, il dépendrait également d'eux de se procurer une preuve de leur mariage. Cependant il a été jugé avec raison, à Metz, le 2 janvier 1814, que s'il s'agit d'un mariage prétendu contracté dans un pays où il n'est pas d'usage de tenir des registres de l'état civil, la possession d'état peut être admise comme preuve de mariage. (SIREY, 1819; 2° partie, p. 314.)]

Mais aussi, cette même possession, jointe à la représentation de l'acte de célébration devant l'officier de l'état civil, forme une fin de non-recevoir insurmontable contre celui des deux époux qui voudrait demander la nullité dudit acte.

[Ainsi, l'un des époux ne pourrait argumenter de ce que

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l'acte de mariage est sur une feuille volante, de ce que les témoins n'ont pas les qualités requises, etc. Mais remarquez que c'est seulement l'acte de mariage dont les époux ne peuvent demander la nullité. Quant au mariage en luimême, ils peuvent l'attaquer dans tous les cas de nullité absolue; putà, pour inceste, bigamie, défaut de publicité, incompétence de l'officier public, etc.; en un mot, pour toutes les causes rapportées dans les articles 184 et 191..] Il peut arriver cependant que des malveillans aient cherché à supprimer la preuve du mariage, en supprimant l'acte de célébration, par exemple, en le falsifiant, en déchirant la feuille du registre, etc. Cette suppression est un crime qui peut être poursuivi par la voie criminelle; et si, par le résultat de la procédure, la preuve de la célébration se trouve acquise, l'inscription du jugement sur les registres de l'état civil assure au mariage, à compter du jour où, d'après la preuve faite, ladite célébration a eu lieu, tous les effets civils, tant à l'égard des époux, qu'à l'égard des 198. enfans issus de ce mariage.

[C'est une exception au principe contenu dans les articles 326 et 32 7, portant que les tribunaux civils sont seuls compétens pour statuer sur les réclamations d'état, et que l'action criminelle contre un délit de suppression d'état, ne peut commencer qu'après le jugement définitif des tribunaux civils sur la question d'état qui en résulte. Il est évident, en effet, que la célébration d'un mariage est bien plus susceptible d'être prouvée par témoins, que l'état d'un enfant. L'on peut dire en outre que les articles 326 et 327 étant placés sous la rubrique des preuves de la filiation des enfans légitimes, ne peuvent être appliqués qu'aux questions relatives à la filiation; au contraire l'art. 199, placé sous le titre du mariage, n'est relatif qu'à la preuve du mariage. ]

L'action criminelle ne peut être intentée, dans ce cas, que par les époux seuls, tant qu'ils sont vivans tous deux. Mais après leur décès, ou même celui de l'un d'eux, elle appartient à tous ceux qui ont intérêt de prouver le mariage, 199. ainsi qu'au ministère public.

[L'article 199 ajoute : Sans avoir découvert la fraude. Mais je pense que ces derniers mots ne sont dits que enuntiative, et non dans l'intention d'exclure les tiers, dans le cas où les époux ayant découvert la fraude auraient cependant négligé de la poursuivre. On sait jusqu'à quel point certaines personnes poussent l'insouciance. Tranquilles pendant leur vie, s'inquiétant peu de ce qui arrivera après leur mort, elles n'ont pas voulu se donner les soins, les embarras d'un procès criminel. Ira-t-on, pour cela, priver leurs enfans du moyen que la loi a entendu leur donner, de prouver leur état? Je ne puis le penser, et c'est pour cela que j'ai rédigé le texte d'une manière tout-à-fait générale.

Si le délit n'est découvert qu'après la mort du coupable, il ne peut plus y avoir lieu aux poursuites criminelles; mais comme il ne serait pas juste que cet événement privât les parties intéressées du droit de faire réparer le préjudice qui leur a été causé, elles ont la faculté de dénoncer le fait au Procureur du Roi, qui est tenu de poursuivre, en leur présence, mais par la voie civile seulement, les héritiers du coupable.

[L'article 200 ne parle que de la mort de l'officier public, parce qu'il suppose que c'est lui qui a commis le crime, ce qui est effectivement le cas le plus ordinaire. Mais l'article 51 suppose aussi qu'il peut être commis par tout autre que par le dépositaire du registre, parce qu'effecti→ vement une feuille, par exemple, peut être arrachée par un tiers, sans la participation du dépositaire; et il n'est pas douteux que, dans ce cas, ce sera la mort du coupable, et non celle du dépositaire, qui devra déterminer l'application de l'article 200.

[Pourquoi les parties intéressées ne peuvent-elles pas poursuivre elles-mêmes, puisqu'il ne s'agit plus que d'une action civile? C'est pour éviter la connivence. On ne veut pas qu'elles puissent s'entendre avec les héritiers du coupable, à l'effet d'obtenir un jugement duquel résulterait la preuve du mariage.

[Le jugement du tribunal civil aura, dans ce cas, le

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même effet relativement à la preuve du mariage, que l'aurait eu le jugement criminel.

Lorsque les époux sont décédés tous deux, l'obligation de représenter l'acte de célébration n'a pas dû être aussi rigoureusement imposée aux enfans, qui peuvent ignorer ce qui s'est passé avant leur naissance.

[Il suffisait anciennement qu'il y eût un seul époux décédé, pour que les enfans fussent dispensés de rapporter l'acte de célébration du mariage de leurs père et mère. On pensait qu'il ne fallait pas laisser à l'un des époux la faculté de priver l'enfant de son état par une réticence coupable. L'on exige aujourd'hui que les deux époux soient décédés (et il en serait probablement de même, s'ils étaient dans l'impossibilité de manifester leur volonté, putà, en état de démence, fureur, imbécillité, etc.); et je pense qu'on a bien fait. Il est difficile de supposer qu'un père ou une mère haïsse ses enfans, au point de vouloir les priver de leur état, au risque de passer eux-mêmes pour concubins: et, si cela arrivait, ce serait un de ces malheurs résultant de l'imperfection qui caractérise en général les ouvrages des hommes. Mais cela n'est pas à comparer au danger qu'il y aurait, de procurer à des enfans, issus d'un commerce criminel, la facilité d'acquérir l'état d'enfans légitimes, par une possession d'état toujours si aisée à acquérir, lorsque le père et la mère sont d'accord pour la favoriser.

Mais, dira-t-on, ce dernier inconvénient aura également lieu après la mort des deux époux. Je réponds que c'est ordinairement après la mort de l'époux premier décédé, que s'élève la question d'état, relativement à la succession de cet époux. Et par conséquent, si cette question est jugée une fois contre l'enfant, elle ne peut plus être renouvelée après la mort de l'époux survivant. Je sais bien que cela peut arriver autrement, si, par exemple, la succession de l'époux premier décédé, est plus onéreuse que profitable, ét que, par conséquent, personne n'ait intérêt de contester l'état de l'enfant. Mais c'est encore un cas particulier que la loi n'a pas dû considérer; et il n'était pas possible, d'un

autre côté, de priver les enfans d'un état qu'ils sont censés posséder, et cela pour défaut de représentation d'un acte qui a été passé avant leur naissance.

Quid, si l'un des époux existe, mais que ce soit lui qui conteste la légitimité pour raison de défaut de représentation de l'acte de célébration? Il me semble que, dans ce cas, l'époux devrait être déclaré non-recevable. En effet, nous avons vu que la disposition qui oblige l'enfant qui a encore père ou mère, de représenter l'acte de célébration du mariage, est fondé sur ce qu'on ne peut supposer que l'époux vivant veuille, au prix de son propre déshonneur, faire déclarer ses enfans illégitimes. Or, ici cette présomption se détruit par le fait. D'ailleurs, en se décidant par la fin de non-recevoir, le jugement n'aura d'effet qu'à l'égard de l'époux, et n'empêchera pas que la question d'état ne soit débattue ultérieurement par d'autres intéressés.

[L'enfant peut dire qu'il ne sait pas où ses père et mère se sont mariés. L'époux ne peut pas dire qu'il ignore où son mariage a été célébré. ]

Si donc les père et mère ont vécu publiquement comme mari et femme, et si les enfans ont en leur faveur une possession d'état, qui ne soit pas contredite par leur acte de naissance, ils n'ont pas besoin, pour prouver leur légitimité, de représenter l'acte de célébration du mariage de leurs père et mère.

[Il ne suffit pas que l'enfant ait la possession d'état d'enfant légitime; il faut encore que les père et mère soient morts en possession de l'état d'époux légitimes. Sic jugé, et avec raison, à Paris, le 11 mai 1816. (SIREY, 1817; 2o partie, page 44.)

[Ce que nous venons d'énoncer relativement à la possession d'état, ne veut pas dire que les enfans sont obligés de représenter leur acte de naissance; car la possession d'état y supplée. (Art. 320. ) D'ailleurs, l'article ne dit pas qu'il faut què la possession soit conforme à l'acte, mais qu'il faut qu'elle ne soit pas contredite par cet acte. Or, si l'acte n'est pas représenté, l'on ne peut dire qu'il y a contradiction. Mais, s'il s'est représenté, et que l'enfant, par exem

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