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CHAPITRE IV.

Des Effets du Mariage.

Les effets du mariage sont relatifs, 1o aux droits et devoirs respectifs des époux;

2o. A l'état des enfans;

3o. Aux droits et obligations respectifs des parens et des enfans.

SECTION PREMIÈRE.

Des effets du mariage relatifs aux droits et devoirs respectifs des époux.

Ces effets pouvant éprouver des modifications assez importantes dans le cas de séparation de corps, nous diviserons cette section en deux paragraphes, dont le premier fera connaître les droits et les devoirs respectifs des époux, dans l'état ordinaire des choses; et le deuxième traitera de la séparation de corps et de ses effets.

§ Ier.

Des droits et Devoirs des époux.

Premièrement, les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance.

[Fidélité : ce qui exclut tout commerce adultérin. [Secours. On entend par-là l'obligation de contribuer aux charges du mariage, et même, en cas de nécessité, sur les biens dont la jouissance, d'après les conventions matrimoniales, ne serait pas mise en commun. (Art. 1448, 1537 et 1375.)

[Assistance. Ainsi, les infirmités, les malheurs et les accidens qui surviennent à l'un des époux, une maladie contagieuse, ne peuvent autoriser une demande en séparation d'habitation. Quid enim, dit Ulpien, tàm humanum ́est, quàm ut fortuitis casibus mulierem maritum, vel uxorem viri participem esse! (L. 22, § 7, ff. Solut. Matrim.) Il n'y a que le crime et les mauvais traitemens qui puissent fonder une demande en séparation. ]

Secondement, le mari doit protection à sa femme, et la femme obéissance à son mari.

Il résulte de cette dernière disposition, en premier lieu : que la femme est obligée d'habiter avec le mari et de l'accompagner partout où il juge à propos de résider; et que, réciproquement, le mari est obligé de la recevoir, et de lui fournir le nécessaire suivant son état et sa fortune.

[La femme peut-elle être contrainte par corps à l'exécution de cette obligation? On l'a jugé ainsi dans plusieurs tribunaux, et notamment à Paris. Je ne puis néanmoins partager cette opinion. On avoue qu'il s'agit ici de l'exécution d'une obligation,: or, le juge peut-il prononcer la contrainte par corps pour l'exécution d'une obligation quelconque, hors les cas spécialement désignés par la loi? Ce droit lui est expressément interdit par l'article 2063. Or, où est la disposition de la loi qui permet de prononcer la contrainte par corps contre la femme, pour obliger d'habiter avec le mari? Et, d'ailleurs, quel est, dans les cas ordinaires, l'effet de la contrainte par corps? C'est de retenir le débiteur en prison, jusqu'à ce qu'il ait payé la dette, ou exécuté son obligation. Or, cela peut-il avoir lieu dans l'espèce? L'obligation de la femme se prolonge pendant tout le mariage; elle s'exécute à chaque instant. Quand le mari aura contraint sa femme de revenir dans le domicile commun, la retiendra-t-il en charte privée? L'ordre public s'oppose à ce qu'on lui en donne le droit. La femme pourra donc abandonner encore la maison conjugale. Le but de la contrainte par corps serait donc ici totalement manqué..

L'on insiste et l'on dit : Si l'on n'emploie pas la contrainte par corps, il en résulte que l'obligation imposée à la femme est nulle; car comme il n'y a pas d'autre moyen pour la contraindre à l'exécuter, si le mari ne peut l'employer, la femme pourra contrevenir impunément à la loi qui lui ordonne de résider dans le domicile commun.

L'on peut répondre, d'abord, qu'en supposant ce raisonnement exact, il prouverait tout au plus l'insuffisance de la loi, et non pas la nécessité d'étendre, contre les dispositions formelles du Code, une disposition aussi odieuse que la con

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trainte par corps. L'on ajoutera que le mari a un autre moyen pour obliger la femme de venir habiter avec lui : c'est de la priver de tout secours; et si elle se conduit mal, il peut la faire punir conformément au Code Civil, ou aux dispositions des articles 336 et suivans, du Code Pénal. Il est vrai que la femme peut être séparée de biens, et avoir en conséquence le droit de toucher ses revenus. Mais je ne vois rien qui s'oppose à ce que le mari obtienne du juge la permission d'arrêter ses revenus. Cela n'est pas dit formellement dans la loi. Mais l'article 2095 porte, en général, que les biens d'un individu sont affectés à l'exécution de ses obligations; et d'ailleurs, si on a pu aller jusqu'à prétendre que l'on pouvait exercer contre la femme la contrainte par corps, quand cela est prohibé formellement par la loi, on doit être bien moins scrupuleux pour donner au mari le droit d'arrêter ses revenus. Jugé dans ce dernier sens à Riom, le 13 août 1810 (SIREY, 1815; 2° partie, pag. 239), et à Toulouse, le 24 août 1818. (Ibid., 1821, part. 2, pag. 249.)

Nota. On a jugé plusieurs fois, et notamment à Paris, le 19 avril 1817 (Ibid., 1818, 2° part., pag. 63), que le mari ne pouvait exiger l'exécution de cette disposition, ni contraindre sa femme à venir résider avec lui, qu'autant qu'il a lui-même un domicile et un mobilier convenables à son état.

La femme doit accompagner le mari, même hors du territoire français. Cela a été formellement décidé dans la discussion. Le projet contenait une disposition qui dispensait la femme de cette obligation, lorsque le mari avait quitté le sol du Royaume, pour toute autre cause que pour mission du Gouvernement exigeant résidence. Cette addition a été retranchée, par la raison que l'obligation de la femme, de suivre son mari, est générale, et doit s'appliquer à tous les cas.

[Un avis du Conseil-d'Etat, approuvé le 11 janvier 1808 (Bulletin, n° 2937), autorise le Ministre de la guerre à ordonner, s'il y a lieu, la retenue d'un tiers au plus, sur la pension ou solde de retraite de tout militaire qui ne

remplirait pas à l'égard de sa femme et de ses enfans, les obligations qui lui sont imposées par les chap. 5 et 6 du Titre du Mariage, sauf le recours du mari au Conseild'Etat, Commission du Contentieux.

Quid, si le mari refuse de recevoir sa femme? il doit être condamné à lui payer une pension proportionnée à son état et à ses facultés. Ainsi jugé à Lyon, le 30 novembre 1811. (SIREY, 1812; 2o partie, page 63.)]

Il résulte 2o de l'article 213, que la femme doit être autorisée par lui pour les actes qu'elle peut avoir à passer en

tre-vifs.

Nous disons entre-vifs, parce que cette disposition ne s'étend point au droit de tester, que la femme peut exercer sans autorisation, le testament devant être l'expression pure et certaine de la volonté du testateur seul.

Testamentorum jura ipsa per se firma esse oportet, non ex alieno arbitro pendere. (L. 52, ff. de Hered. Insit. ) Et d'ailleurs, le testament ne doit avoir d'effet qu'après la mort de la femme, temps où elle n'est plus soumise à la puissance maritale.]

Mais la femme ne peut, en général, ester en jugement, donner, aliéner, hypothéquer, acquérir à titre gratuit ou onéreux, sans l'autorisation de son mari, laquelle peut résulter, soit de son concours dans l'acte, soit de son con- 215. sentement par écrit.

[Ester en jugement, stare in judicio, c'est paraître dans un procès, y être partie, soit en demandant, soit en défendant. Mais remarquez que la femme n'est privée que du droit d'ester en jugement, c'est-à-dire de faire des actes qui doivent mener à un jugement. Je pense donc qu'elle peut faire, seule et sans autorisation, tous les actes, même du ministère des huissiers, qui ne sont pas, à proprement parler, actes judiciaires, tels que les protêts, les oppositions. (Argument, de l'art. 940.) Mais quant à ces derniers actes tirés; comme aux termes de l'article 563 du Code de procédure, l'opposition est nulle, quand elle n'a pas été dénoncée dans la huitaine au débiteur saisi, avec assignation en validité, il est évident que cette assignation étant un acte judiciaire,

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qui doit mener à un jugement, ne pourra être donnée que la femme valablement autorisée.

par

Observez que, lorsqu'une femme mariée est assignée, le mari doit être mis en cause en même temps, à peine de nullité de l'assignation donnée à la femme. Ainsi jugé en Cassation, le 7 octobre 1811 (Jurisp. du Cod. Civil, tom. 18, p. 88), et le 25 mars 1812 (SIREY, 1812, 1re partie, pag. 317.)

Un jugement obtenu contre une femme mariée non autorisée, peut-il passer en force de chose jugée? Non, sans doute. Mais quel moyen a-t-elle de se pourvoir? Il faut distinguer: dès lors qu'il n'y a pas eu d'autorisation, toute la procédure est nulle, et la signification du jugement l'est également. Si donc il s'agit d'un jugement de première instance, le délai de l'appel n'a pas couru; et il peut en être appelé par la femme dûment autorisée. S'il s'agit d'un jugement en dernier ressort, la femme peut, par la même raison, se pourvoir par requête civile, pour violation d'une forme exigée, à peine de nullité. (Code de Procédure, art. 480, no 2.) Quant au mari ou à ses héritiers, ils pourront toujours former tierce opposition au jugement.

(Nota.) Par son arrêt du 7 août 1815, la Cour de Cassation a jugé que c'était par la voie de la cassation, que la femme non autorisée pouvait attaquer le jugement rendu contre elle en dernier ressort. (SIREY, 1815; 1re partie, pag. 346.) Voir aussi le Bulletin de 1817, n° 13. Je pense à cet égard qu'il faut distinguer: si la nullité, résultant du défaut d'autorisation, avait été invoquée ou opposée, et que le tribunal ait passé outre; alors il y aurait bien certainement contravention à la loi, et par conséquent ouverture à cassation. Mais si la nullité n'avait été ni invoquée, ni opposée, alors il y aurait seulement violation de forme, et par conséquent ouverture de requête civile.

La question serait plus difficile si, le mari n'ayant pas figuré dans l'instance, le jugement lui avait cependant été signifié. Je pense néanmoins que les mêmes décisions de vaient avoir lieu. La signification d'un jugement, faite à celui qui n'y a pas été partie, est un acte nul, qui ne peut

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