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LIVRE PREMIER.

Des Personnes.

TITRE PREMIER.

De la Jouissance des Droits Civils [ On peut consulter sur cette matière le Traité du droit d'aubaine, par Bacquet.]

Il résulte de la définition que nous avons donnée des Lois civiles [ou du Droit civil, ] qu'elles sont propres et particulières à chaque nation. Les devoirs qu'elles imposent, et par suite les droits qui en résultent, et que l'on nomme, a cause de cela, Droits Civils, appartiennent donc éminemment aux membres de la nation pour qui ces lois sont faites. Il faut donc connaître ces membres; de là une division des personnes en Français et étrangers.

[Je dis éminemment: nous allons voir tout à l'heure qu'ils peuvent en effet appartenir à d'autres, mais partiellement ou d'une manière en quelque sorte précaire, et subordonnée à telle ou telle circonstance (1).]

On est Français par droit de naissance, ou par le bienfait de la loi. [On peut aussi devenir Français par la réunion à la France, du pays que l'on habite. Dans ce cas, la condition des habitans est ordinairement réglée par l'acte de réunion (2).]

Sont Français par droit de naissance, ceux qui sont nés en France, ou dans l'étranger, d'un Français qui n'a pas perdu cette qualité.

On perd la qualité de Français de cinq manières :

10.

1o Par la naturalisation acquise en pays étranger (3); 17. [Sauf la distinction que nous verrons plus loin entre la naturalisation autorisée et la naturalisation non autorisée. ]

2° Par l'acceptation, sans autorisation du Roi, de fonctions publiques ou de service militaire chez l'étranger; 17 et 21. 3° Par l'affiliation, également non autorisée, à une corporation militaire étrangère;

21

19.

4o A l'égard des femmes, par leur mariage avec un étranger. [Quid à l'égard de la femme française qui a épousé un Français, mais dont le mari devient étranger, par exemple, par l'effet de la naturalisation en pays étranger?

Il résulte de la discussion qui a eu lieu sur l'article 214, que l'obligation imposée à la femme par cet article, d'habiter avec son mari, et de le suivre partout où il juge à propos de résider, s'étend même au cas où le mari quitte le territoire français. Si donc la loi française fait un devoir à la femme de suivre son mari partout, elle ne peut la punir d'avoir satisfait à cette obligation. Or, ce serait la punir que de la priver de la qualité de Française. Je pense donc qu'elle la conserve. Il ne peut y avoir, d'ailleurs, de comparaison entre ce cas et celui d'une Française qui épouse un étranger. Celle-ci doit connaître la condition de celui qu'elle épouse. Omnis gnarus esse debet conditionis ejus cum quo contrahit. Elle sait qu'en l'épousant elle va suivre cette condition; c'est une chance qu'elle court en pleine connaissance de cause. L'autre, au contraire, a épousé un Français. Elle n'est pas présumée savoir ni deviner qu'il deviendrait étranger. Elle est obligée de le suivre. Encore une fois on ne peut la punir d'avoir rempli fidèlement ses devoirs.

Telle était mon opinion d'après le Code seul. J'y ai été confirmé singulièrement par le décret du 26 août 1811 (Bulletin n° 7186), dont l'article 3 décide formellement, que le Français naturalisé en pays étranger, avec l'autorisation du Roi, conserve tous ses droits civils en France. Or, nul acte plus volontaire de la part du Français, que la naturalisation; et si néanmoins une simple autorisation du Roi suffit, pour que le Français, devenu volontairement étranger par la naturalisation, conserve les droits civils en France, à combien plus forte raison la femme, qui n'est censée quitter la France que malgré elle, et en vertu de l'obligation que lui impose la loi française elle-même, doit-elle les conserver? Nec obstat un arrêt rendu à Paris le 15 juillet 1816 (SIREY, 18173 2o partie, page 151), lequel a décidé seulement une question de compétence.]

5 Enfin, par tout établissement fait en pays étranger, sans

esprit de retour. L'établissement de commerce n'est jamais censé exclure l'esprit de retour (4).

On est Français par le bienfait de la Loi, quand on a rempli les formalités prescrites pour acquérir ou recouvrer celle qualité.

Les formalités pour l'acquérir sont déterminées ainsi qu'il suit :

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Il faut, 1o avoir déclaré l'intention de se fixer en France. Cette déclaration ne peut se faire qu'à l'âge de vingt-un ans' accomplis;

2o Avoir obtenu l'autorisation de résider en France, et y avoir résidé pendant dix années consécutives, à compter de la précédente déclaration (Acte du 21 nivóse an 8, art. 3);

3o La demande en naturalisation, et les pièces à l'appui, sont transmises par le Maire du domicile du pétitionnaire au Préfet qui les adresse, avec son avis, au Ministre de la Justice, sur le rapport duque lle Roi statue. (Décret du 17 mars 1809, Bulletin, no 4195.) (5).

17..

Quand on a rempli ces formalités, on est non-seulement Français, mais encore citoyen Français. La première qualité est indépendante de la seconde ; c'est-à-dire qu'on ne peut être citoyen Français, sans être Français, mais qu'on peut 7. être Français sans être citoyen: par exemple, les femmes, les mineurs, les domestiques, les interdits, les faillis, etc. (Voyez les art. 4 et 5 de l'Acte du 21 nivóse an 8)(6).

Telles sont les règles générales : on y a fait plusieurs exceptions.

Une première a été introduite par les Sénatus-Consultes des 26 vendémiaire an 11 (Bulletin, no 2044), et 19 février 1808 (Bulletin, no 3064), qui autorisent le Gouvernement à conférer la qualité et les droits de citoyen français aux étrangers qui auront rendu des services importans à l'État, qui auront apporté dans son sein des talens, des inventions, ou une industrie utile, ou qui y auront formé de grands établissemens. Ces individus sont seulement assujettis à un an de domicile.

Le Code établit trois autres manières d'acquérir la qualité

de Français. [Il y en a encore une quatrième. (Voyez ci-dessus page 73.)]

1° L'enfant né en France d'un étranger [qui n'a pas les droits civils] suit, à la vérité, la condition de son père; mais il peut réclamer la qualité de Français en remplissant les formalités suivantes :

Il faut qu'il réclame dans l'année de sa majorité;

[De quelle majorité l'article entend-il parler? est-ce de celle qui est fixée par les lois du pays de l'étranger, ou de celle de vingt-un ans, déterminée par les lois françaises? Dans la rigueur du droit, cet individu, étant étranger, est sujet aux lois de son pays, tant qu'il n'est pas devenu Français. Or, nous avons vu que la loi sur la majorité est une loi personnelle qui suit l'individu partout. Si donc il n'existait aucun motif particulier de décision contraire, je n'hésiterais pas à prononcer qu'il s'agit ici de la majorité, telle qu'elle est déterminée par les lois du pays du réclamant. Mais d'un autre côté, quand je remarque que l'acte de l'an 8 n'exigeait que l'âge de vingt-un ans, de l'étranger qui voulait devenir Français, et que le Législateur a eu certainement l'intention de traiter plus favorablement le fils de l'étranger, qui est né en France, je ne puis m'imaginer qu'il ait eu en vue une autre majorité que celle qui est fixée par la loi française, c'est-à-dire celle de vingt-un ans.

Observez que le fils de l'étranger, né en France, qui n'a pas réclamé la qualité de Français dans l'année de sa majorité, est, s'il veut devenir Français par la suite, astreint à toutes les obligations imposées à l'étranger qui veut devenir citoyen Français.]

S'il réside en France, qu'il déclare que son intention est d'y fixer son domicile;

[Où doit être faite cette déclaration? Je pense qu'elle doit être faite à la municipalité du lieu où il veut établir son domicile. (Argument tiré de l'art. 104.)]

S'il n'y réside pas, qu'il se soumette à y fixer son domicile, et qu'il l'y établisse en effet dans l'année à compter du jour 9. de sa soumission. [Bien entendu après avoir obtenu l'autorisation du Gouvernement, laquelle doit précéder toute espèce de déclaration (7).

77

2o L'enfant né[ c'est-à-dire conçu, ], même dans l'étranger d'un Français qui a perdu cette qualité, peut également la réclamer en tout temps, en remplissant les mêmes formalités. [Si l'époque de la conception peut se reporter à un temps an- 10. térieur à celui où le père a perdu la qualité de Français, le fils est français de plein droit, d'après la maxime que, infans conceptus pro nato habetur, quoties de ejus commodis agitur. Mais comment déterminer l'époque de la conception, époque toujours couverte d'un voile impénétrable? La loi nous donne sur ce point une règle sûre. L'article 315 dit que la légitimité de tout enfant, né trois cents jours après la dissolution du mariage, peut être contestée. La loi regarde donc cet espace comme le terme le plus long de la gestation. Si donc l'enfant est né trois cents jours ou davantage après que son père a perdu la qualité de Français, il est étranger, sauf la faculté de devenir Français en remplissant les formalités prescrites par l'article 9. Mais si, au moment de sa naissance, il s'est écoulé moins de deux cent quatre-vingt-dix-neuf jours, depuis que le père a perdu cette qualité, il est Français en naissant, et sans avoir besoin de remplir aucune formalité. (Voyez ci-après la section relative aux enfans issus du mariage.)

Quid, si l'enfant est né d'une Française et d'un père inconnu? Il est Français. L'enfant illégitime suit la condition de sa mère. (Inst., de Ingenuis.) Quid, si le père est étranger, et qu'il le reconnaisse? La reconnaissance ayant un effet rétroactif au moment de la naissance, l'on doit tenir que l'enfant n'a jamais été Français, et n'a jamais joui des droits attachés à cette qualité. Si néanmoins l'enfant prétend que cette reconnaissance est frauduleuse, que l'individu qui l'a reconnu n'est pas son père, et que la reconnaissance a eu pour motif, par exemple, de le priver des droits attachés à la qualité de Français, il pourra la contester. (Art. 339.) Quid, si l'enfant est né d'une mère étrangère, et d'un père Français, non mariés?

Par la même raison, il faut tenir que, si l'enfant est reconnu, il est Français; sinon, il suivra la condition de sa mère, et sera étranger comme elle.

Si les lois du pays où se trouve le père Français, permet–

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