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"solides et durables les rapports d'amitié qui doivent "exister entre la France et Haïti, ont résolu de les "régler par un traité, et ont choisi à cet effet pour "plénipotentiaires, savoir:

"Sa Majesté le Roi des Français: les sieurs Emma"nuel Pons-Dieudonné baron des Las Cases, officier de "l'ordre royal de la Légion d'honneur, et Charles "Baudin, officier dudit ordre royal de la Légion d'hon"neur, capitaine de vaisseau de la marine royale;

"Le Président de la République d'Haïti: le Général "de brigade Joseph Balthazar Inginac, Secrétaire"Général, le Sénateur Marie Elizabeth Eustache "Frémont, colonel, son aide-de-camp, les Sénateurs "Dominique-François Labbé et Alexis Beaubrun Ar"douin, et le citoyen Louis Mesmin Séguy Villevaleix, "chef de bureau de la Secrétairerie générale;

"Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs "respectifs, et les avoir trouvés en bonne et due forme, "sont convenus des articles suivants:

"Art. 1er. Sa Majesté le Roi des Français reconnaît "pour lui, ses héritiers et successeurs, la République "d'Haïti comme Etat libre, souverain et indépendant.

"Art. 2. Il y aura paix constante et amitié perpétu"elle entre la France et la République d'Haïti, ainsi "qu'entre les citoyens des deux Etats, sans exception "'de personnes ni de lieux.

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"Art. 3. Sa Majesté le Roi des Français et le Prési"dent de la République d'Haïti se réservent de con"clure le plus tôt possible, s'il y a lieu, un traité "spécialement destiné à régler les rapports de com"merce et de navigation entre la France et Haïti. En "attendant, il est convenu que les consuls, les citoyens, "les navires et les marchandises ou produits de chacun "des deux pays jouiront à tous égards dans l'autre du "traitement accordé ou qui pourra être accordé à la "nation la plus favorisée; et ce, gratuitement si la con"cession est gratuite, ou avec la même compensation, "si la concession est conditionnelle.

"Art. 4. Le présent traité sera ratifié, et les ratifica"tions en seront échangées à Paris dans un délai de "trois mois, ou plus tôt, si faire se peut.

"En foi de quoi, nous plénipotentiaires, avons signé "le présent traité et y avons apposé notre sceau.

"Fait au Port-au-Prince le 12e jour du mois de "Février de l'an de grâce 1838.

Signé: Emmanuel baron de Las Cases, Charles Baudin, B. Inginac, Frémont, Labbé, B. Ardouin, Seguy Villevaleix.

Par une autre Convention de la même date l'indemnité à payer par la République d'Haïti fut fixée à soixante-millions de francs.

Ayant le premier aboli l'esclavage, le nouvel Etat ne pouvait rester indifférent aux mesures tendant à faire cesser l'affreux trafic des négriers. En 1840 il signa avec la France un traité d'adhésion aux Conventions destinées à assurer l'abolition de la traite des noirs. Et, pour compléter sa mission libératrice, Haïti avait auparavant accepté de payer aux équipages des navires de guerre anglais une rémunération pour les esclaves qui, arrachés aux marchands de chair humaine, seraient débarqués sur son territoire.

Cependant Haïti avait passé les trente-quatre premières années de son indépendance dans l'anxieuse attente d'une agression de la part de la France. Il lui fallut trente-quatre ans de sacrifices et de persévérance pour s'affranchir de cette préoccupation. Dans l'intervalle la plus grande partie de ses revenus avait été absorbée par les armements, les constructions de forteresses, les créations de dépots d'armes et de munitions dans les endroits inaccessibles de l'île. La lourde indemnité réclamée par la France avait ajouté aux embarras causés par ces dépenses relativement élevées. L'aggravation du malaise économique ne fut pas la seule conséquence de l'Ordonnance de 1825. Le mécon

Recueil des Traités et Conventions d'Haiti, page 26.

tentement que cet acte avait soulevé fut exploité par les adversaires du Président Boyer. L'opposition que son gouvernement rencontrait dans la Chambre des Députés devint de plus en plus vive. La Constitution avait réservé au Chef de l'Etat seul l'initiative des lois. Et l'on trouvait que le Président de la République abusait de ce privilège pour ne point soumettre au Corps Législatif les mesures appropriées aux circonstances. L'opposition dont le Député des Cayes, Hérard Dumesle, était le chef cherchait par tous les moyens à provoquer une révision de la Constitution afin d'obtenir pour la Chambre le droit de proposer aussi des lois et afin d'écourter les attibutions du Pouvoir Exécutif qui paraissaient excessives. D'autre part une nouvelle génération avait surgi. Des écoles établies depuis l'indépendance était sortie une jeunesse ardente, éprise des idées de liberté et de progrès, et désireuse de participer aux affaires publiques afin de faire profiter le pays des lumières acquises. Trouvant les places occupées par les vieux collaborateurs qui depuis près de vingt-cinq ans travaillaient avec Boyer, elle cria à l'exclusivisme. La forme sociale désormais trop étroite menaçait d'éclater. Pour éviter l'explosion Boyer, après les traités de 1838 qui garantissaient l'avenir, pouvait prendre l'initiative des réformes que nécessitait une situation nouvelle. Il négligea d'agir. Comme pour compliquer une situation déjà tendue, un tremblement de terre détruisit, le 7 Mai 1842, les villes du CapHaïtien, de Port-de-Paix, du Môle, de Fort-Liberté, etc. Ce désastre n'était pas fait pour calmer la sourde irritation des esprits. Il fournit de nouveaux griefs contre le Président qui, d'après ses adversaires, ne se serait pas empressé de porter secours aux victimes. L'opposition finit par faire passer Boyer pour un rétrograde, pour l'ennemi de tout progrès et comme empêchant systématiquement les améliorations que la République réclamait. Il en résulta d'aigres discussions. Les esprits s'enflammèrent. Une catastrophe paraissait

inévitable. Le 27 Janvier 1843, sur l'habitation Praslin, dans les environs des Cayes, le chef de bataillon Charles Hérard ainé, surnommé Rivière, prit les armes. Tout le Sud fut bientôt en état d'insurrection. Se sentant impuissant à réprimer la révolte, Boyer envoya le 13 Mars 1843 sa démission au Sénat; et dans l'après-midi du même jour il s'embarqua sur la corvette anglaise "Scylla" que le Consul, Mr. Thomas Usher, avait gracieusement mise à sa disposition."

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CHAPITRE XIII.

Les révolutionnaires de 1843-Leurs réformes: la Constitution de 1843-Charles Hérard ainé, dit Rivière (30 Décembre 1843-3 Mai 1844)-Perte de la partie espagnole-Revendications des paysans du Sud-Jean-Jacques Acaau-Période de transition-Guerrier (3 Mai 1844-15 Avril 1845)—Pierrot (16 Avril 1845-ler Mars 1846)Riché (ler Mars 1846-27 Février 1847).

Le départ de Boyer allait lancer le pays dans des convulsions d'autant plus violentes que les éléments divers qui avaient contribué au succès de la révolution de 1843 n'avaient ni les mêmes tendances ni le même but. La jeunesse ardente s'était levée au nom de la liberté; elle désirait, par conséquent, la fin du régime militaire et l'établissement du système civil. L'homme que les circonstances avaient mis en évidence, Charles Hérard ainé, n'avait malheureusement aucune des qualités pouvant en faire le chef d'un grand mouvement libéral; il n'était qu'un soldat et, comme tel, il ne pouvait être sincèrement partisan du régime civil. D'autre part, l'on avait mis l'espérance au cœur des paysans. Pour les entraîner on leur avait promis d'améliorer leur sort, de mettre fin aux entraves qui gênaient leur liberté et empêchaient leur développement. Toutes les couches sociales attendaient un changement; les idées nouvelles qui les agitaient ne pouvaient manquer de s'entrechoquer.

En attendant, un gouvernement provisoire s'installa à Port-au-Prince (4 Avril 1843); il était composé de Guerrier, Voltaire, Segrettier, Imbert et Charles Hérard ainé, dit Rivière; un conseil consultatif lui fut adjoint; ses membres étaient Gélin, David Saint-Preux, Féry, Lhérisson, Hérard Dumesle, Franklin, E. Boom et J. Paul.

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