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Général des Etats-Unis agirait sûrement avec vous; mais si, entre vous, il y avait divergence de vues à ce sujet, il conviendrait, avant de prendre aucune mesure, de soumettre la question au Gouverneur de la Jamaïque et à l'Ambassadeur et Ministre Plénipotentiaire de Sa Majesté en Amérique; et vous vous laisserez guider par leurs instructions. Je ne saurais trop vous recommander la plus grande modération dans votre conduite; il faudra beaucoup de patience et des ménagements de toutes sortes pour remplir les obligations de votre poste par suite des nombreuses difficultés que vous rencontrerez et qui proviennent de l'état de confusion et de corruption (vice) où se trouve actuellement l'administration de l'île.

Dans les circonstances les plus favorables et avec la meilleure forme de gouvernement, des relations commerciales du caractère de celles projetées sont susceptibles de causer des embarras, et beaucoup d'incidents imprévus peuvent surgir pour rendre leur continuation excessivement précaire; mais dans la situation où se trouve l'île, à un moment où l'on peut à peine dire qu'il y a un gouvernement existant et où, en mettant les choses au mieux pour nous, la volonté d'un homme fait la loi et où, en général, le caprice de chaque administrateur devient loi, il ne peut y avoir aucune certitude de durée pour la présente convention sans la plus grande sagesse, la plus grande patience et la plus grande prudence de la part de notre agent.

Je me plais à espérer que vous vous conformerez à ces vues de la manière la plus sérieuse; car, bien que dans la pratique il puisse être impossible, pour les raisons que j'ai indiquées, d'avoir avec l'île un grand trafic commercial, ce ne serait pas, selon moi, une cause suffisante de rompre toutes relations politiques avec Toussaint dans le cas où il triompherait.

Il ne me reste plus qu'à récapituler les quatre points généraux dont vous avez principalement à vous occuper à votre arrivée ici:

1o. Autant que cela vous sera possible, vous devez empêcher toutes relations avec la Jamaïque, excepté celles d'un caractère purement commercial.

2o. Vous devez vous efforcer par tous les moyens en votre pouvoir, de consolider, par votre parfaite entente avec le

Consul Général des Etats-Unis, les bons rapports qui existent si heureusement entre la Grande Bretagne et l'Amérique.

3°. Par tous les moyens en votre pouvoir vous devez vous efforcer de maintenir Toussaint à la tête du gouvernement de l'île; et vous encouragerez ceux de ses plans de nature à assurer ce résultat.

4. En montrant beaucoup de patience, en agissant de concert avec le Consul Général des Etats-Unis et en observant la plus grande prudence dans votre conduite au sujet des difficultés qui peuvent surgir, vous, devez prévenir toute violation de la convention qui pourrait avoir lieu au point de vue commercial. J'ai l'honneur d'être, Monsieur,

Votre très obéissant serviteur,

T. Maitland.

ANNEXE NUMÉRO II.

Correspondance de Toussaint-Louverture avec le
Président des Etats-Unis et le Consul américain à
Saint-Domingue.

(Documents trouvés au Département d'Etat à
Washington.)

Liberté.

Egalité.

Au Cap-Francais, le 9 Floréal l'an septième de la République Française une et indivisible (28 Avril 1799).

TOUSSAINT-LOUVERTURE,

Général en chef de l'armée de Saint-Domingue.

A

Monsieur le Président du Congrès des Etats-Unis
d'Amérique.1

Monsieur le Président :

J'ai reçu par le retour du citoyen Bunel, mon envoyé auprès de vous, la lettre que vous avez chargé le Secrétaire d'Etat des Etats-Unis de m'écrire explicative de vos instructions à l'égard des propositions que je vous fis faire par mon dit envoyé. Je commence par vous remercier de la manière avec laquelle vous l'avez reçu, et par vous assurer que cette marque d'intérêt que vous m'avez donnée dans cette circonstance m'est trop flatteuse pour ne pas saisir toutes les occasions de vous offrir le tribut d'une juste réciprocité.

1

C'est par erreur sans doute que la lettre a été adressée au Président du Congrès des Etats-Unis; elle fut remise au Président des EtatsUnis, Mr. John Adams, à qui elle était destinée.

La manière franche et loyale avec laquelle vous avez fait répondre à mes propositions m'a été infiniment agréable; n'ayant été mû dans cette démarche que j'ai faite auprès de vous que du seul bien de mon pays, j'ai dû voir avec plaisir que vous ayez été mû du même intérêt en y répondant, et ce doit être pour les deux pays que nous allons lier d'intérêt et d'amitié le pronostic assuré d'une prochaine prospérité.

Depuis longtemps je gémissais des vexations exercées contre les Américains par des corsaires français, et ce n'est pas d'aujourd'hui que j'ai cherché à éloigner les maux qui devaient nécessairement en résulter. Aussi saisissant avec empressement le moment où il m'a été permis de mettre un terme à ces violences et à ces exactions, je députai près de vous le citoyen Bunel après le départ de l'agent Hédouville pour parvenir à renouer les liaisons commerciales qui unissaient les Etats-Unis avec Saint-Domingue et qui n'auraient jamais dû être interrompues pour la prospérité des deux pays, le bonheur des hommes qui les habitent et la gloire des deux Républiques.

Sitôt la réception de votre lettre je me suis empressé de la communiquer au citoyen agent Roume, et l'engageai à prendre un Arrêté qui ne laisse rien à désirer aux deux pays qu'il devait attacher par les liens d'un commerce fondé sur la Justice et la Liberté. Il a été rendu le 6 de ce mois. Le Docteur Edward Stevens est chargé de vous le faire passer; ce citoyen des Etats-Unis que vous avez envoyé à Saint-Domingue en qualité de Consul Général, a éte reçu avec plaisir. Son caractère respectable, le zèle qu'il a mis à discuter les intérêts des deux pays, son désir de voir prospérer leur mutuel commerce, toutes ses actions enfin lui ont mérité l'estime générale des habitants de la ville du Cap, et l'ont rendu respectable à tous les yeux. Il a discuté avec beaucoup de chaleur sur un des articles de cet Arrêté. Mais étant conforme aux lois de la République Française, l'Agent n'a pu prendre sur lui de le supprimer.

Mais à son égard comme à l'égard de toute autre chose qui

pourrait ne pas vous faire plaisir dans cet Arrêté, vous pouvez vous reposer sur moi et compter que, ne travaillant que pour le bonheur de mon pays, je protégerai les bâtiments américains, en laisserai vendre les cargaisons de gré à gré, et surveillerai enfin les intérêts des Américains comme ceux de la République Française. Votre désir d'y concourir, prouvé par la manière honorable avec laquelle vous avez reçu mon Envoyé, me portera à faire tout ce qui sera convenable pour y parvenir. D'ailleurs je sens trop bien toute la justesse de vos réflexions sur le commerce des deux nations pour ne pas saisir l'Etat de la question qu'elles présentent. Aussi, je vous le répète, vous pouvez vous reposer sur moi. Je me flatte qu'aussitôt que vous aurez reçu ces bonnes nouvelles, vous vous empresserez de favoriser les armements en marchandises pour Saint-Domingue. J'ai l'espérance, d'après ce traité, de voir avant peu affluer les bâtiments américains dans nos ports. Le Consul Général Stevens vous communiquera tout ce que je lui ai dit à ce sujet, comme sur les intérêts respectifs des deux nations. Je l'ai chargé de vous dire des choses très-conséquentes à cet égard. Je vous prie de l'écouter avec attention. Je me contente de vous répéter ici qu'après avoir traité avec vous je ferai tout ce qui dépendra de moi pour maintenir la stricte exécution des conventions qui viennent d'être arrêtées. Je ne puis remédier au passé, mais je puis vous répondre du présent et de l'avenir. C'est dans ces sentiments que je vous prie de me croire avec considération et respect, Monsieur le Président,

Votre très humble et très

obéissant serviteur,

Toussaint Louverture.

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